674e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat

Exercice d'écriture très créative
© S.Mouton-Perrat

Testament d’une feuille morte

Testament végétal à rédiger en se fiant à la sève d’automne de son imagination.


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34 réponses

  1. Alain Granger dit :

    Avant que ce vent d’automne ne me décroche et me fasse chuter au pied de l’arbre qui m’a vu naitre, j’adresse à ma descendance ce message testament. Je suis né au printemps d’un arbre qui aimait le travail. On l’appelait boulot. C’était tout un travail que de bien s’aligner dans cette allée de bois blanc. J’ai vu le jour au milieu des limbes, au bout d’un pétiole et d’une solide tige. Au début j’étais toute rougeâtre. Je me croyais timide mais j’appris à l’école que c’était normale, une simple protection contre la phito-oxydation. Puis je devint verte comme les autres. J’étais de bonne constitution. On disait que j’avais de la veine d’être autant nervurée. Mais ça m’énervait un peu. Toutefois, j’avais mes fanes dans la canopée. J’étais la plus sportive. Je protégeais les autres en offrant ma lignite et ma cellulose aux forces du vent. J’étais une athlète de haut niveau. Je respirais à plein poumon le jour pour transpirer la nuit, plus fort que mes camarades feuillues. Je fus un jour primée et même palmée, à l’instar de mes cousines cannoises. J’avais aussi une tête bien pleine. J’étais loin d’être un gland. Je savais écouter les mots lierres de mes racines. Elles me racontaient les temps d’avant et l’étang de Villepey qui occupait autrefois les lieux. Elles m’enseignaient le vent, ses forces et ses faiblesses. Ses bises délicates, ses brises mouillées et ses blizzards neigeux. Et puis il y eut les voyages vers d’autres pays, d’autres feuilles apportées par ce vent. Il y avait celles, vernissées, venues des tropiques avec leurs cuticules épaisses pour faire glisser les gouttes d’eau. Celles qui se mettaient en groupe pour devenir carnivore. Celles qui venaient du désert. Elles se faisaient succulentes avec leur réserve d’eau. Et puis il y avait celles dont on nous parlait mais que l’on ne voyait pas. C’est une feuille de saule qui me l’a raconté. Elle pleurait, priant le dieu nénuphar qui marchait sur l’eau. Moi, j’étais pennée pour elle. J’admirais plutôt les feuilles d’arbres persistants comme celles de l’arbousier ou du buis. Car je n’avais pas la chance d’en être. Hêtre ou ne pas hêtre, tel est la question. Non, moi je n’étais que caduc et c’était là, hélas, mon seul titre de noblesse. Je devais mourir jeune, à moins d’un an. Née en avril je devais mourir en novembre, voir en décembre avec beaucoup de soleil et peu de vent. Aujourd’hui, je suis déjà passé du jaune à l’ocre pour me teinter de vieux rose et de jeune carmin. Je ne vais pas tarder à mourir, à nourrir le sol, là où j’ai puisé mes racines. Adieu rossignol musicien et mésange bleue qui veniez vous abriter sous mon pétiole. Je ne verrai plus vos couleurs chatoyantes et n’écouterai plus vos chants mélodieux. J’embrasse les jeunes pousses qui prendront ma place sur la même tige qui m’a vu naître et me verra bientôt mourir. La sève qui coule en moi se raréfie. Je m’assèche et me fragilise. Adieu. Je sens venir le vent.

  2. Geneviève T. dit :

    Le testament d’une feuille morte.

    Ma peau a jauni, elle s’est fripée. Des taches brunes sont apparues, mes veines sont davantage apparentes !
    Le moment d’écrire mon testament serait donc arrivé.
    Mes chères filles,
    Je n’aurai pas la chance de vous connaître car vous ne verrez le jour que dans 6 mois.
    Ne vous précipitez pas pour grandir, et surtout prenez le temps d’observer le monde qui vous entoure. Prenez votre temps. Nourrissez-vous bien de la sève printanière que l’arbre qui vous héberge vous offre avec générosité.
    Prenez des forces, vous en aurez besoin, les premiers coups de vent ne doivent pas vous détacher.
    Votre robe doit être solide, de bonne facture je dirais. Le premier insecte qui s’aventurerait près de vous ne doit pas pouvoir la trouer encore moins la dévorer.
    Faites du sport !… tous les matins tournez-vous, retournez-vous, renforcez bien le lien qui vous rattache à votre arbre nourricier. Les oiseaux qui se poseront sur une branche proche de vous ne devront pas pouvoir vous picorer et le vent ne devra pas pouvoir vous détacher à la moindre de ses incartades !
    Vous voilà bien accrochées, alors vous allez pouvoir profiter du monde qui vous entoure.
    • Regardez le soleil se lever et se coucher dans un chatoiement de couleurs.
    • Observez insectes, papillons, abeilles, oiseaux qui viendront virevolter autour de vous.
    Ah j’avais oublié, attention aux griffes des écureuils, pensez à vous recroqueviller à leur passage.
    L’air va se réchauffer, vous allez vous sentir belles, épanouies…
    • laissez-vous porter par la brise, sentez la douce chaleur des rayons du soleil sur votre peau et régalez-vous des gouttes de pluie tièdes qui rouleront sur vos élégants atours!
    • Soyez insouciantes, sentez-vous libres, profitez de ces moments bénis !
    Et quand l’air se rafraichira, que la pluie et le vent seront plus violents et plus agressifs alors sera venu pour vous le temps d’écrire votre propre testament !

  3. Karyne Tremblay dit :

    Je marchais en plein coeur de ma forêt, celle où se trouvait ma sucrerie. Cette érablière, c’est la mienne et je l’aime énormément. Au coeur de celle-ci se passent des choses extraordinaires, qui sortent un peu de l’ordinaire. Mais, si vous ne me croyez pas, ce n’est pas grave. L’important, ce sont toutes les expériences féériques que je vis chaque journée de pleine lune dans mon érablière à moi. Je vous le dis, ce n’est pas pour rien que mon sirop d’érable est le meilleur en ville.

    Aujourd’hui, c’est la pleine lune de novembre, l’automne est déjà bien avancé, mais il reste encore quelques feuilles dans les arbres, parsemées ici et là. C’est en prenant ma marche matinale qu’il se produisit quelque chose d’inusité. J’entendis le glas sonné, alors que l’église la plus proche se trouve à plus de vingt kilomètres de mon érablière.

    Je m’arrêtai au pied de mon érable centenaire et je pris le temps de me recueillir. Par réflexe, je mis ma main sur son tronc majestueux. C’est à ce moment que la transmission se produisit.

    « Humain, ma dernière feuille vient de mourir, je vais me mettre en dormance jusqu’au printemps prochain, mais avant cela, je vais te livrer ses dernières volontés ainsi que son legs pour toutes les générations d’humains à venir. »

    « Voici ses dernières volontés : je souhaite être ramassée précautionneusement, être prise en photo pour préserver l’image de mes magnifiques couleurs allant du jaune au orangé, puis être remise sur le sol au pied de mon arbre. Je souhaite me décomposer au coeur même de cette forêt magique et servir de nourriture à la terre qui nourrit les arbres de cette érablière. Je sais que l’humain se promenant chaque matin dans cette forêt peut exécuter mes dernières volontés, car je l’ai vu prendre en image les animaux peuplant l’érablière. Finalement, je souhaite que ma photo se propage dans le monde entier, expliquant la nécessité de préserver et de respecter la nature. »

    « Voici maintenant son legs pour toutes les générations d’humains à venir : d’un commun accord avec toutes mes consoeurs des arbres alentour, nous offrirons un spectacle de couleurs tous les automnes à tous ceux et celles qui oseront lever les yeux pour admirer notre beauté, puis nous retournerons nourrir la terre avant de reprendre vie quelques mois plus tard dans un magnifique petit bourgeon. »

    « Va, maintenant, humain. Propage cette bonne nouvelle. »

    Je retirai ma main de l’érable centenaire et je sortis de ma transe. Quelques instants plus tard, une magnifique feuille jaune et orangé se déposa à mes pieds…

  4. Françoise - Gare du Nord dit :

    « Je lègue ma couleur brun-roux à Isabelle Huppert pour couvrir ses cheveux blancs » dit la feuille d’automne

    « Je lègue toute ma fortune aux Restaurants du cœur » dit la feuille d’imposition d’un redevable de l’I.S.F

    « Je lègue mon corps pour couvrir la nudité du Manneken-pis » dit la feuille de vigne

    « je lègue le cachet et la signature du médecin au flemmard habituel du lundi matin » dit la feuille de maladie

    « Je lègue mon cœur à un cardiopathe congénital et mes poils à celui qui souffre d’alopécie » dit la feuille d’artichaut

    « Je lègue ma millième feuille à un arbre d’automne totalement dégarni » dit le mille-feuille

    « Je lègue mes vertus sédatives à celui qui souffre d’insomnie » dit la feuille du tilleul

    « Je lègue m veine légendaire au malchanceux chronique » dit la 4e feuille du trèfle

    « Je lègue mon bon goût à un plat de tagliatelles au pesto»  dit la feuille de basilic

    « Je lègue ma liste d’événements périodiques à un journaliste en mal d’inspiration » dit la feuille de marronnier

    « Je lègue ma chlorophylle à celui qui a un teint livide et ma verdeur à celui qui n’a plus les moyens de… » dit la feuille du chêne

    «Je lègue mon feuillage persistant à celle qui n’a plus rien à se mettre » dit la feuille du cyprès

    « Je lègue mon passeport libanais à un apatride » dit la feuille du cèdre

    « Je lègue ma rime en feuille à la chèvre afin qu’elle passe du stade animal au règne végétal » dit la feuille toute simple

    « Je lègue mes racines à l’enfant né sous X » dit la feuille de fougère

    « Je lègue mon itinéraire à celui qui a perdu son chemin » dit la feuille de route
    « Je lègue mon duvet à l’adolescent imberbe et boutonneux dit la feuille du peuplier blanc
    « Je lègue mon style à l’écrivaillon » dit la bonne feuille

    « Les Feuilles mortes »

  5. fouret dit :

    J’aurai eu une belle vie auprès de cet arbre que j’ai nourri mais aujourd’hui, je sens que la sève s’étiole en moi et il ne me reste que peu de temps. Je me raidis, je me dessèche.
    Je ne veux pas être abandonné au sol pour protéger la terre de la battance de la pluie et d’empêcher les mauvaises herbes de se développer… J’aimerai au contraire être broyé et que l’on extraie mes fibres avant de me transformer en papier pour qu’un poète y dépose son âme.

  6. Urso dit :

    Testament d’une feuille morte

    Ce matin j’étais en train de papoter avec une branche amie et voilà qu’un monsieur se pointe sous mon arbre.
    Il n’arrêtait pas de tourner sur lui-même. On aurait dit qu’il cherchait quelque chose.
    Tout à coup il lève sa tête et me regarde. Oui c’était à moi qu’il a ensuite parlé.

    Il m’a dit qu’il était notaire de son état, se dénommait Fred Astaire et il voulait que je lui transmette le plus vite possible mon testament.
    Accoutré avec des vêtements de différentes couleurs je me suis dit que ce gars devait être un joyeux luron.

    Mon testament monsieur, oui je l’ai déjà envoyé, transmis à un de vos confrères. Un notaire habitant le Pérou.
    Ce testament indiquant que je lègue plusieurs dizaines de kilogrammes d’or, se trouvant actuellement dans la forêt où j’habite, à une copine truite rose qui vient souvent me voir.

    Le notaire la tête vers le ciel me regardait rouge de colère. Ton testament tu l’as envoyé à ce notaire du Pérou. Nom de Dieu. Je suis foutu. Il m’a devancé le bougre.
    Attends ! Tu vas avoir de mes nouvelles et là il est reparti en courant.
    Le lendemain je me suis réveillée avec un gros tintamarre sous ma fenêtre. Des machines, plein de machines creusant le sol et le notaire toujours là hurlant hurlant. À droite ! à gauche ! à droite !
    Hi hi je me suis dit il cherche mon or.
    Ah ah mes balivernes elles ont marché.

    Pour moi il est l’or il est l’or que je m’en aille d’ici.
    Je suis un peu triste de quitter ma voisine amie branche.
    Je suis partie en me faufilant entre les machines, en volant, en ne me faisant pas voir de ce notaire qui voulait voler mon testament. Des kilos et des kilos d’or.
    Il est vraiment l’or que je m’en aille de cette Terre moi.
    Début novembre pour nous les feuilles ça commence à sentir le roussi.
    Il est l’or de s’en aller, d’aller rejoindre nos vieux amis.
    Il est l’or il est l’or de s’en aller.

  7. Françoise Maddens dit :

    Fiction

    674/Testament d’une feuille morte
    « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle» dit la chanson mais attendez je n’ai pas fait mon testament. Je sais j’ai tardé et pourtant je vais aller rejoindre les autres de la ramette de papier A4 qui pour la plupart ont été noircies avec la plume d’un stylo Montblanc, tenu par la main de Charles Baudelaire (je rêve ) qui a écrit, entre autres, comme nous le savons tous ce vers «  L’amour est une rose, chaque pétale une illusion, chaque épine une réalité. »
    Je ne sais ce que je vais devenir c’est pourquoi je fais mon testament :
    – mes regrets : pourquoi ne m’a-t-on pas utilisé plus : le premier texte aurait été imprimé puis effacé, de même pour le 2°, le 3° etc, une histoire sans fin en somme.

    Je phantasme :
    je m’envole cachée sous des mirages
    je m »envole au milieu des anges
    je touche la lumière des étoiles
    et je laisse des voeux
    je me baigne dans la rivière de joie
    et grave les images dans mes yeux
    j’ arrose le jardin de mon histoire
    et récolte les bons souvenirs
    je goûte la saveur du bonheur
    et garde les mots pour les revivre
    je me promène dans la douceur des saisons

    Mes dernières volontés à respecter à la lettre :
    par jour de beau temps laissez-moi m’envoler vers les cieux et qui sait
    verlaine, Maupassant ou la Fontaine etc… m’attraperont-ild et pourront-ils écrire sur ma feuille morte un nouveau chef-d’oeuvre.

  8. Peggy Malleret dit :

    674 Rédiger le testament d’une feuille morte

    Je, soussignée Feuille de marronnier née ce dernier printemps dans le Jardin du Roy à Versailles déclare que ceci est mon testament rédigé en toute liberté.

    Après m’avoir photographiée en couleurs, je souhaite ardemment que mon corps soit soigneusement découpé avec un emporte-pièces en forme de feuille de marronnier telle que je suis et en offrir un exemplaire aux nombreux peintres qui pendant toutes les saisons de ma vie m’ont honorée, admirée, aimée et m’ont rendue immortelle. La liste est jointe.
    Quant à la photo, je souhaite qu’elle soit reproduite en plusieurs exemplaires afin que chacune d’elle soit distribuée (liste jointe aussi) aux peintres cubistes, contemporains et autres qui m’ont fait perdre mon identité.

    Mon âme part sereine.

  9. Laurence Noyer dit :

    Privées de soleil
    Les familles d’arbres pleurent
    De toutes leurs feuilles
    Mains ouvertes
    Suppliantes
    Elles s’effondrent au sol
    Dans leurs paumes fanées
    Novembre a gravé
    Son testament
    Dans chaque ligne de vie
    Sa chiromancie
    Révèle ses dernières volontés
    Que ces feuilles
    Deviennent dentelle
    Bijoux incarnats et vermeils
    Qu’elles ceinturent le monde
    D’une camisole pourpre
    Avant de succomber

  10. Kyoto dit :

    Les feuilles en ce début d’automne chuchotaient. Chacune voulait savoir si sa voisine avait fait son testament. Certaines étaient déjà parties. Envolées. Piétinées. Dévorées. Broyées. Celles qui s’accrochaient encore à leur branche avaient donc imprimé entre leurs nervures leurs volontés post- chute. Toutes avaient succombé à cette nouvelle mode. Toutes, sauf une !

    – Et pourquoi ? murmuraient celles qui tremblotaient en ce matin frisquet.
    – Je suis née la première, je tomberais la dernière.
    – Evidemment, tu as toujours été la préférée de ce chêne centenaire un peu sénile. Et la plus protégée ! Mais, réponds ! Pourquoi ne fais-tu pas ce testament ?
    – Et vous toutes pourquoi l’avez-vous fait ? Et quelles sont vos souhaits ?
    – Moi, je ne veux pas qu’on me crame. Moi, je ne veux pas qu’on m’enterre. Moi, je ne veux pas être bouffée par les insectes ; et moi, par les cochons à la recherche de glands. Moi, je ne veux pas m’envoler sur la lune ; elle est trop blafarde, elle me fait peur. Moi, je ne veux pas finir dans les ténèbres de la galaxie…
    – Avez-vous remarqué que vous n’avez que des non-souhaits. Je ne veux pas…je ne veux pas ! Voilà ce que vous dites !
    – Et toi, alors ?
    – Moi, je veux vivre un dernier petit bonheur !
    – Comme se jeter dans le vide sans parachute ?
    – Non ! Je vais vous montrer mes derniers instants. J’ai donc décidé de ne pas m’envoler la dernière. J’attends le moment propice et alors, observez bien la scène !
    – Ce sera long ? Car moi, je commence à décrocher !
    – Justement, non ! Regardez, là, sur le sentier, les deux silhouettes qui cheminent. J’y vais ! Adieu mes sœurs !

    Je descendis doucement, feuille légère portée par une bise complice. Je m’approche silencieusement des deux personnes. J’arrive devant une femme, au regard si triste. Je lui caresse le front. Elle me regarde, surprise. Une lueur se rallume dans ses yeux.
    – Regarde, mon cœur, la belle feuille d’automne !
    – Oh, Maman, comme elle est jolie.
    Alors, le petit garçon, tend vers moi ses mains, en forme de coupe, pour que je m’y dépose !
    – Maman, Maman, voilà un beau cadeau. Rentrons vite à la maison.

    Quelques minutes plus tard, le petit garçon demanda timidement :
    – Dis, Maman tu crois que la feuille a fait comme Papa ?
    – Si elle a fait quoi, mon cœur ?
    – Son testament ?

  11. Avoires dit :

    Testament d’une feuille morte

    Blanche je suis, morte je suis donc…

    Ces quelques lignes sont destinées aux pascalperratiens, aux dingues de blogue, aux barjots des mots, aux fondus de vocabulaire, aux aficionados du samedi matin.
    Je vous lègue l’adage suivant :
    avant de faire le fameux et décisif copier/coller, jetez vos idées sur moi, la feuille blanche. Je ne vous parle ni d’automne, compost, ramassage à la pelle et tout le tintouin, mais de feuille de papier (recyclé bien entendu),
    Je lègue ma blancheur à vos rêveries, vos fantaisies d’écrivains, vos drôleries. Laissez-vous aller, imprégnez-moi de vos mots, hachurez-moi, raturez, biffez, froissez-moi aussi si vous voulez, je suis là pour ça.
    C’est tout, vous voyez, c’est bref.

    J’ajoute un codicille :
    Vos écritures m’embellissent et donnent du fard à ma blancheur.

  12. HOUSSAY dit :

    Toute ma vie, on m’a répété que j’avais de la branche et j’ai essayé de m’accrocher à cette illusion. Mais les saisons passent et je ne l’entends plus de cette oreille…Pire, je suis devenu dur de la feuille !
    Pour éviter que d’autres subissent le même sort, j’ai rédigé ce testament. Je lègue mes racines à tous ceux qui me succéderont, afin que nous puissions conserver un tronc commun. Et je dis à chacun : « Ne croyez pas que le printemps est éternel, il ne dure que quatre mois. Après vient très vite la brûlure de l’été avant que l’automne, de ses derniers feux réduise en cendres le peu qu’il vous restait. »
    Je désire donc être enterrée à même le sol car nous sommes poussière et nous retournerons en poussière.
    Nayez pas peur d’être ce que vous devez être car la feuille blanche n’existe pas, il y aura toujours matière à s’épanouir tant que vous vous laissez mener au gré du vent et avec la fibre, il est toujours plus facile de communiquer entre vous.
    Mais la sève finit toujours par tarir, car ainsi va dame nature… Alors acceptez de rester à votre place et non comme la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf.

  13. Antonio dit :

    Texte retrouvé sur la peau d’une feuille morte.

    « Oui, je m’en vais, pardon, je ne peux faire attendre
    Vous voyez, le rayon de lune vient me prendre

    Ne me soutenez pas ! Personne ! Rien que sa main
    Je me sens déjà couvert d’un voile de purin
    Ganté d’étron
    Oh ! mais puisqu’elle est en chemin
    Je l’attendrai au bout (du rouleau), et les pets à son train

    Je sais bien qu’à la fin ils me mettront à bas
    N’importe, j’essuie là, j’essuie là, j’essuie là

    Oui, vous m’arrachez à tout parfum de rose
    Arrachez ! Il y a malgré tout quelque chose
    Que j’emporte ; et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu
    Mon salut chassera largement des flots bleus
    Quelque chose que sans un pli sans une tache
    J’emporte malgré vous, et c’est…
    Votre merde que je sache. »

  14. Eleonore Gottlieb dit :

    Testament d’une feuille morte

    Elle tremblait au bord de la rupture. Elle se cramponnait à sa branche depuis déjà toute une année, elle avait frémi, elle avait palpité. Elle s’était recroquevillée pour ne pas être arrachée par les tempêtes, elle s’était étirée le plus possible pour résister aux rayons brûlants de l’été, puis voilà, l’automne approchait avec ses brouillards et ses gelées pernicieuses. Des journées encore douces de lumière lui faisaient espérer un avenir heureux. Autour d’elle ses sœurs se pelotonnaient pour se réconforter les unes les autres et se demandaient quand le vent de novembre les ferait se plaquer dans la boue du jardin. S’en serait terminé de leur fugitive existence. Bien sûr elles seraient utiles pour leur jardin. Pendant tout ce temps elles l’avaient embelli, protégeant les géraniums, les bégonias. Elles servaient de parasol lors les diners champêtres, quand la famille se réunissait pour les repas d’été. Elle avait connu la joie, les rires d’enfants chahutant à l’ombre de ses branches.
    Faut-il que tout cela finisse un jour, que dire ? que faire ?
    Elle décida de rédiger un testament
    : « Je voudrais que ma vie puisse aider mes semblables et prendre conscience de la fugacité de notre passage, de l’importance de la solidarité, sans mes sœurs les ombres bienfaitrices de juillet n’auraient pas pu exister, la brise du soir n’aurait pas eu le parfum enivrant qui faisait chavirer les amants au bal du village. Alors dans mon testament je ne veux mettre qu’un seul mot ! le plus beau de tous
    AMOUR.
    Aller danser dans le souffle argenté de la vie. Faîtes des farandoles en tombant de vos branches et enrichissez de votre humus généreux le terreau de nos cœurs. »
    5

  15. Pierre dit :

    Née au printemps d’un minuscule bourgeon, elle grandit peu à peu dans l’insouciance de la petite enfance, alimentée par la sève nourricière. Adulte, devenue plus grande et plus forte, elle comprit d’elle-même quel était son rôle et se déploya toute grande pour capter un maximum de lumière, cette énergie vitale à toute sa communauté. Tout l’été, sans un seul jour de repos, elle continua vigoureusement son travail, tout en étant maintenant consciente de la précarité de la vie, un peu angoissée et avec constamment la peur au ventre à l’idée d’être assassinée, comme d’autres l’ont été près d’elle par une limace. Puis, plus tard, ayant survécu à l’été, vint l’automne. Son corps devint fragile alors que la sève se faisait de plus en plus rare. Sachant instinctivement sa fin proche, elle endossa ses plus belles couleurs, pour un dernier spectacle, fière de sa vie et de la tâche accomplie. Elle s’accrocha tout de même autant qu’elle pu, mais au terme d’un dur combat contre le vent, ses forces l’abandonnèrent et elle lâcha finalement prise, se laissant emporter dans un autre monde, volant et virevoltant un temps pour finalement s’affaler au sol. Peu à peu, ce qu’elle était, du moins ce qu’elle pensait être cessa d’exister sous cette forme et se dispersa libérant chaque petite partie d’elle qui s’enfoncèrent dans le sol pour nourrir un nouveau cycle. Nos dernières volontés, celles qu’on laisse à ceux qui nous survivent assurent une continuité pour ce qui nous tient à cœur. « Méfiez-vous des limaces et apprenez à vous en défendre », voici le message qu’elle laissa aux générations suivantes à travers chaque partie de ce qu’elle était, pour que la communauté suivante s’adapte toujours mieux à son environnement. Ainsi en va-t-il de l’évolution végétale.

  16. Charles LEVEAU dit :

    Testament d’une feuille morte,

    Puissant présage avant-coureur
    Que de naître au soleil,
    Que de vivre au cœur,
    Que de mourir dans son plus simple appareil.

    De ces ombres funestes sur la vie,
    La sève a parcouru plus d’un chemin.
    Les croisées au ton commun, asservies
    Puisent à l’âge mûr celle du destin.

    Les couleurs se mêlant aux senteurs
    Affluent à leur guise par pudeur.
    De la fève imaginaire, sans qui le festin,
    D’une âme pieuse, se nourrit sur son chemin.

    Qu’elle soit verte, jaune, rouge ou marron,
    L’écume du temps a fait son trépas
    Au point de voir couler son jus
    Dans les vapeurs de l’arbre au sein nu.

    Automne malade, automne vivant,
    La feuille assume son mal-être au vent
    De la déraison et à chaque saison
    Attend la fin de ses passions.

    Jus humide encore jusqu’au fibres,
    Elle dépose au sol le substrat, vibre
    Des nectars avalés
    Pour ses sœurs nées.

    Les vapeurs mêlées à la sueur
    D’un être végétal, non sans peur,
    Résonne comme un fibrome dans la douleur
    Pour un meilleur ailleurs.

    Voici le rituel d’un être végétal,
    D’une âme aux couleurs automnales,
    Au seul pêcher que d’avoir vécu si forte
    Et transmis la sève d’une feuille morte.

    • Charles LEVEAU dit :

      Au lieu de lire à la fin « forte morte », lire « feuille morte ». Erreur d’écriture! Mais s’il n’y avait que celle-là, j’en serai heureux.

  17. mijoroy dit :

    Ce n’est pas hasard
    Sous le pont du Gard
    De croiser la feuille d’automne.
    « Aucun chemin de fleurs ne mène à la gloire »,
    Prétend la chlorophylle ayant l’esprit en bouilloire.
    Elle a connu maints malheurs, essuyé bourrasques immondes,
    Comme la faconde impitoyable des vents du monde.
    Elle sait que : « la jeunesse est volage et la vieille dame est pressée ».
    Songe qu’il est temps de rédiger son testament.
    « Les autres je m’en fous sans vergogne
    Abonnés absents de mon vivant, me mettent en rogne.
    Le vent d’octobre m’emportera bientôt,
    Et j’irai croupir sous l’boisseau ou dans le cours des caniveaux.
    J’aimerais pour ce qui me reste de feuillage,
    Que seuls Rossignol et Rouge-Gorge par leur brillant ramage,
    Sur la plus haute branche, me rendent un dernier hommage.
    Qu’ils charment les cieux et chassent vents et nues
    Par leurs trilles aux audaces d’accords inconnus.
    Que tous se taisent dans la canopée et le bocage,
    Plus de fausses mélodies et d’hypocrites bavardages,
    Que les plus loquaces de la frondaison des « limbées »
    Caduques ou persistantes, simple ou composées
    Cessent leur concert de fadaises et balivernes.
    Que ces faussaires qui fraient avec les bruyères,
    Deviennent muets, suis lasse de ces maladroits plagiaires.
    Ma dernière volonté est de montrer que face à la bêtise,
    Celle qui méprise, le silence est une exquise bise.

  18. Patricia dit :

    Ceci est mon testament.
    Ce n’est pas le premier, mais je pense que ce sera le dernier.

    Le premier, je l’ai rédigé dans mon jeune temps. J’avais alors quelques semaines, je m’éveillais à la vie. Comme toutes mes semblables, je ne doutais de rien. La vie était devant nous. Les vieux n’avaient rien à nous apprendre, nous allions leur apprendre. Maintenant je le sais, c’est l’arrogance de la jeunesse qui nous menait. Nous croyions toutes que NOUS, nous saurions survivre à ce monde, que nous saurions tout mieux que les autres, que nous ne commettrions certes par les mêmes erreurs que nos parents, nos professeurs ou nos tuteurs.

    Arrivée au crépuscule de ma vie, déjà bien jaunie par le temps, j’ai déchiré ce premier testament, tout aussi vain que mes pensées d’alors.
    Aujourd’hui, je fais le bilan : je suis née, j’ai grandi, j’ai changé de couleur, et puis comme la plupart de mes sœurs depuis les siècles des siècles, je vais m’éteindre, pour renaître à nouveau dans le cœur d’une autre de mes sœurs.
    Je suis une et multiple, je suis à l’origine de toute vie floristique. Je suis tellement importante…et en même temps tellement insignifiante.

    Maintenant, à l’approche de la fin, voici ce que je vais écrire dans ce testament : rien.
    A quoi bon ?

    Alors ciao !
    Et je n’ai qu’un seul souhait : dans une prochaine vie, faites juste que je ne sois pas caduque, ça changerait.

  19. Nouchka dit :

    Je, soussignée feuille de l’Aronie, de mon nom complet : Aronia arbustifolia,
    Née le 05 avril 2023 d’un arbuste très décoratif, au feuillage vert foncé virant au rouge éclatant en automne et aux gros bouquets de fleurs blanches
    Domiciliée sur une exposition mi ensoleillée, mi ombragée, au sol de terre de Bruyère, argilo-limoneux frais et bien drainé, dans les Alpes Maritimes.
    Je désigne comme héritières et héritiers à parts égales, les jardiniers amateurs qui prennent soin de l’arbuste qui m’a donné vie.

    Mes dernières volontés sont les suivantes

    Même si la Sève d’Automne dénomme parfois un vin à la cuvée complexe et subtile, je ne suis pas de ceux-là.
    Je suis la feuille d’arbousier, exceptionnelle en toute saison mais surtout en automne. Mon feuillage caduc devient rouge orangé à partir du mois de novembre, mes baies sont rouges noirâtres et font de mon géniteur l’un des arbustes les plus flamboyants de l’automne, aux couleurs d’autant plus intenses qu’il est placé au soleil.
    Je demande donc à mes héritiers de me transformer, suivant leurs goûts, en :
    • Un objet artistique, dénommé sulfure de cristal ou de verre, qui servira de presse papier, ou
    • Un décor mural, en suivant la recette suivante : Fondre de la cire au bain-marie. Me tremper dedans afin que je sois parfaitement recouverte des 2 côtés. Laisser le surplus de cire s’égoutter et me mettre à sécher. Vous créerez ainsi une couche protectrice qui permettra de conserver mon humidité, me gardant flexible et colorée.
    Noter que je NE veux PAS terminer entre deux feuilles d’un herbier qui ne sera jamais consulté. Mais, ultime possibilité :
    • Me laisser sur place, près de mes frères et sœurs, amenée à me transformer en humus par la faune et les champignons présents. On nous voit, à l’automne, les feuilles de l’année, subir une décomposition, mais aussi des feuilles de l’année précédente partiellement décomposées, réduites à leur réseau de nervures squelettiques, aux nombreux filaments de champignons, de racines et des crottes des animaux vivant dans la couche d’humus. Notre odeur de champignon est si caractéristique.
    Ce gigantesque réseau de champignons microscopiques permet aux arbres d’échanger leurs informations. C’est le réseau l’internet de la forêt que l’on peut même repérer à l’œil nu, nous sommes autant de petits “câbles” par lesquels les arbres sont reliés les uns aux autres.
    Alors, je compte sur vous, chers héritiers et prenez grand soin de mes générations à venir

    Fait à Saint-Cézaire-sur-Siagne, ce 28 octobre 2023

  20. Maguelonne dit :

    Après m’avoir extirpée de mon arbre, fait subir des traitements très violents, je suis très inquiète. Que va t-il m’arriver ?
    Je m’en tire bien. J’existe sous la forme d’une feuille blanche. Chic, me dis-je, je vais peut-être tomber sur un poète qui, tel Prévert, m’écrira un texte aussi beau que « Les feuilles mortes », ou alors je recueillerai le scénario d’un film magnifique comme « Les feuilles mortes » de Kaurismäki. Oh ! l’histoire d’Hansa et de Hollapa, un bijou !
    On a bien le droit de rêver. C’est même indispensable pour échapper à la médiocrité quotidienne. Mon propriétaire est mesquin. Sur ma belle page blanche, il a noté des chiffres et encore des chiffres en s’énervant, en grognant tout le temps. J’étais tellement déçue. Puis il a regardé sa montre, juré, puis est parti en courant.
    Il a rendez-vous chez le podologue ! Qu’est ce que c’est que cette race ? Cet énergumène lui a conseillé un exercice débile : poser une feuille au sol, l’attraper avec ses orteils, la soulever puis la lâcher. Et recommencer plusieurs fois !
    Mon proprio n’est pas poète mais un bon petit mouton. Il m’a mis à terre, me serre avec ses orteils, m’agite, me relâche. Et tout ça en quatre séries de dix mouvements, pied droit et pied gauche et matin et soir !
    Comme ça ne suffit pas, ses orteils sont tordus, traumatisés. Ce sont des orteils de vieux. La beauté m’aura fui toute la vie. Je suis dégoûtée, épuisée, froissée, hachée menu-menu.Je suis à moitié morte et n’ai plus beaucoup de temps.
    Alors oui Pascal, je fais mon testament. Je veux que tous les podologues de France et de Navarre soient rattrapés par des mycoses des orteils au sommet du crâne, et de la cave au grenier. HAHAHAHA !

  21. Grumpy dit :

    Bof, déjà la Toussaint ! Comme le temps passe, enfin, pour les autres parce que moi je n’ai pas eu la chance de naître sur le même continent, d’être de la même race.

    Elles, ne durent qu’une saison sur quatre, moi j’attends de mourir depuis au moins 30 ans avant Jésus Christ. Du coup, je suis de plus en plus fatiguée. Je n‘ai jamais demandé l’éternité, deux autres afin de rester célèbres l’ont fait à ma place, sachant que puisque les paroles s’envolaient, avec moi les écrits resteraient.

    Aux ordres, leur scribe a écrit leur testament sur mon dos, sans me demander mon avis et m’a obligée à inscrire tout en bas que je jurais de ne jamais disparaître afin d’assurer leur immortalité, une fois passés de l’autre côté du Styx une monnaie entre les dents.

    J’étais née toute blanche, évidemment depuis le temps j’ai pas mal jauni surtout dans les coins. Eux aussi sont usés et en ont assez, ce n’est plus une vie d’être encore là au moment où l’on n’écrit même plus sur du papier. Non plus qu’après avoir été roulée et déroulée maintes fois, d’être désormais trimbalée de musée en musée, de vitrine en vitrine. C’est crevant, hélas pas mortel.

    J’ai su que mes cousins de la Mer Morte subissaient le même sort et qu’en ce moment, même en l’absence de Râ, ça chauffait pour eux.

    Aussi, quelle idée d’être nés papyrus ….

  22. camomille dit :

    Testament d’une feuille morte

    « Et puis, que l’on me brûle vite fait bien fait ».
    signé : LA FEUILLE MORTE

    – « Ainsi se termine le testament de l’unique feuille de notre platane! » annonce le Maire en essuyant ses larmes.

    – « Oui mes chers administrés, oui mes chers amis, j’ai trop pleuré sur son testament. L’encre a coulé et seule la dernière phrase est restée lisible.

    – oooh ! S’exclament dépités et en chœur les villageois rassemblés sous le platane de la place du marché.

    Et chacun de commenter :
    – On a jamais vu ça !
    – Quant on est Maire, on est fort et on ne pleure pas… même lorsqu’on perd l’unique feuille du platane de la place du marché.
    – Et puis un testament, c’est un testament… on ne pleure pas dessus…
    – C’est triste à dire mais le Maire, il fait plus le poids…
    – Ouais.. c’est vrai.
    etc … etc …

    Là dessus, le Maire frotte l’allumette. Mais il pleure tellement, que la flamme ne prend pas à cause des larmes qui l’éteignent chaque fois.

    Il s’y reprend à trois fois,
    Ce fût long… ce fût long…

    – Et dire qu’elle avait demandé : « vite fait bien fait ! » lance le boulanger.

    A la quatrième fois, le Maire cesse enfin ses pleurs et la flamme prend.

    Bon, on ne connaîtra jamais le contenu du testament de la feuille morte, mais le Maire ne fut pas réélu.

    Cette histoire est triste parce que c’est une histoire d’automne.

  23. iris79 dit :

    Testament d’une feuille morte
    Je vous laisse sans regret mes couleurs et ma lumière. Me voici au bout du chemin sur terre. Il me faut maintenant emprunter celui qui m’enfouira sous vos pas où je continuerai d’œuvrer en silence à l’abri de vos regards. Je nourrirai avec mes sœurs les arbres et la terre pour qu’à nouveau la vie revienne. Je suis heureuse d’apporter mon humble contribution à l’éclosion d’un futur printemps et aux frémissements du réveil de la terre et de ses habitants. Je suis une goutte dans l’océan, un grain de poussière parmi des milliers qui s’unissent pour porter les vivants. Alors marchez ! Marchez sur nos silhouettes, faites-nous craquer sous vos pas pour nous aider à prendre le chemin des ombres qui n’est pas une tombe, seulement l’endroit où se fait le travail enfoui nécessaire à la vie.
    A bientôt dans un autre monde.

  24. Anonyme dit :

    Oui, bon les filles, on ne va pas chialer pour un petit enterrement, une peccadille annuelle signalant le tournant des saisons. Evidemment, toutes ces larmes, ça va aider à la fabrication d’un meilleur terreau. Les feuilles mortes, comme dit l’autre, c’est comme les souvenirs, ça se ramasse à la pelle.

    Alors, prenez la en main, votre pelle. Ne nous balancez pas dans des sacs en plastique pour pourrir au fond des mouroirs municipaux. Faites de beaux tas de mes copines et de moi. Gaffe à ne pas zigouiller les escargots en vadrouille. Balancez nous sur vos tas de branches, vos vieux casiers retournés pour abriter l’hiver des hérissons. Ne vous esquintez pas à croire vaincre la nature. Caressez là dans le bon sens de la nervure. Sève que pourra !

    Et si une grand marée locale ou un vent gentil me jette, moi ou une autre, dans votre cuisine stérilisée, ramassez moi, caressez moi les couleurs et laissez-moi sécher tranquille, à la chaleur de vos cœurs, les bouillottes de nos vieux jours.

  25. Anonyme dit :

    Privées de soleil
    Les familles d’arbres pleurent
    De toutes leurs feuilles

    Mains ouvertes
    Suppliantes
    Elles s’effondrent au sol

    Dans leurs paumes fanées
    Novembre a gravé
    Son testament

    Dans chaque ligne de vie
    Sa chiromancie
    Révèle ses dernières volontés

    Que ces feuilles
    Deviennent dentelle
    Bijoux incarnats et vermeils

    Qu’elles ceinturent le monde
    D’une camisole pourpre
    Avant de succomber

  26. Nadine de Bernardy dit :

    A l’enterrement d’une feuille morte, trois escargots partaient, ainsi qu’elle l’avait stipulé dans son testament :
    – Je souhaite être portée jusqu’à la rivière, recouverte de mousse, sur le dos de trois escargots de Bourgogne, afin d’y être déposée, pour effectuer mon mon dernier voyage, sur le courant d’une onde pure.
    N’ayant pas grand chose à léguer, je ne m’étendrais pas sur d’inutiles considérations matérielles. Chers ami(e)s, je quitte la vie sans regret, ayant effectué mon cycle, me voilà arrivée au stade de la sécheresse, recroquevillée, brunie par le temps.
    Adieu à vous mes soeurs, nos filles reprendront le flambeau au printemps prochain. Adieu à vous tous aussi qui m’avez accompagné avec amitié tout au long de ce parcours végétal.
    PS : si vous pouviez me chanter  » La feuille d’automne emportée par le vent « , je serai comblée. Merci d’avance. »
    Les larmes aux yeux, l’écureuil acheva la lecture du testament de leur prévoyante défunte dans un silence recueilli.

  27. 🐀 Souris verte dit :

    674 COMME LE PHÉNIX

    A tous je vous lègue ce don magnifique de renaître des cendres.
    Nous sommes plusieurs dont mon copain le Black Boy dont la hampe ne lâche ses graines que dans les incendies. Mais nous, mes chéries, comme le phénix, c’est après le feu qu’on s’épanouit. Notre belle tige rouge flamboyant sort des cendres et fleurit. Notre pistil safran nourrit les oiseaux et grâce a nous… Tout recommence.
    Je suis… Le Lys de feu. 🐀

  28. Sylvianne Perrat dit :

    Quand vous me lirez, je ne serai plus. Vous me trouverez recroquevillée au sol. Parmi mes compagnes, rouges, jaunes et marrons ou même dorées. Nous formons un tapis. Comme des étoiles. Vous marcherez et cela craquera sous vos chaussures. Je ne volerai plus au vent. Je retourne à la terre sans remords ni regret. J’ai vécu !
    Je vous laisse la terre. Cette précieuse terre. Je vous abandonne mon arbre chéri. Je vous le confirme.
    Prenez-en soin !
    Regardez les branches si bien placées, les oiseaux et les écureuils.
    Je rejoins la terre et je nourrirai cet arbre pour un cycle sans fin.
    Je suis une feuille morte comme on les aime à la Toussaint. Réjouissez-vous !

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