18 réponses

  1. mary poppins dit :

    – Bonjour Docteur.

    – Bonjour madame Touchard, je vous écoute.

    – Voilà, Docteur, je viens vous voir parce que j’ai un gros problème. Depuis une semaine, je ne sais plus où j’en suis. C’est comme si j’étais l’ombre de moi-même.
    Mardi dernier, lorsque je me suis réveillée, je ne savais plus si j’étais moi, comme d’habitude, ou si j’étais mon ombre. C’était très bizarre.
    Je me suis retrouvée complètement désorientée. Est-ce que je devais mettre des lunettes noires et raser les murs ou, au contraire, me tartiner de crème solaire pour bronzer sur une chaise longue ? Impossible de choisir.

    – Ah oui, en effet, votre cas est tout à fait préoccupant.

    – Du coup, je me demande si je suis une personne réelle ou si je suis vraiment une ombre. A votre avis, Docteur, je suis quoi ?

    – Là, comme ça, au premier coup d’œil, c’est difficile à dire. Le mieux c’est que je vous fasse le test jour/nuit. C’est un test que j’ai vu dans le film « Les visiteurs » et qui est très efficace. Allongez-vous et détendez-vous… Maintenant, concentrez-vous sur ma voix…
    Jour : j’allume la lumière…
    Nuit : j’éteins la lumière…
    Jour : j’allume la lumière…
    Nuit : j’éteins la lumière…
    Alors, que ressentez-vous ?

    – Heu, pas grand-chose. Ça me fait juste des petits picotements dans le mollet gauche. Mais c’est très léger.

    – Bien… Ecoutez votre cas est particulièrement atypique. A vrai dire, c’est la première fois que je vois ça.

    – Mais alors Docteur, qu’est-ce que je suis ?

    – Je n’en sais rien, madame Touchard, je n’en sais rien…

  2. Urso dit :

    Une ombre s’interroge. Doit-elle faire son coming out ? Oser se montrer sous un autre jour ou pas ?

    Oh oh vous savez les amis, moi je suis une petite ombre et je n’ai pas trop envie de révéler trop de choses sur ma vie.

    La révélation ah ah c’est quelque chose à la mode aujourd’hui.

    L’autre jour, m’ennuyant un peu dans mon grenier, sans trop de lumière, je suis allé me balader du côté de chez Swan.
    Hi hi, plus exactement dans un champs, à la campagne. Chez Swan c’était pour rire.

    Et bien là figurez-vous que je suis tombé sur un os. Un os, un vrai, qui en plus parlait un vieux français.
    On a un peu discuté et voilà qu’il me dit qu’il appartenait jadis à un Homo sapiens.
    Ah ah je me suis mis à rire. Et l’autre de me dire.
    Ah tu te moques de moi.Tu en profites de me voir dans cet état.

    Fais gaffe me dit-il si tu ne t’excuses pas, je te jette un sort et je te transforme en os d’Homo sapiens.
    Non non monsieur dis-je en me barrant le plus vite possible. Comme je le pouvais car une ombre n’arrive pas trop à courir.
    Tout en courant je me retourne. Voilà que l’os Homo sapiens me suit en gueulant :
    Satanée ombre. Donne moi ta place et moi je te file la mienne !
    Non non répondis-je en actionnant le Turbo.
    Ouf ouf dis-je en prenant de la vitesse et voyant l’os minuscule resté au loin.
    Je pensai dans ma petite tête :
    Je préfère demeurer une « misérable » ombre de choc et non me révéler, dégainer, dévoiler Homo sapiens.

  3. Avoires dit :

    Une ombre s’interroge. Doit-elle faire son coming-out out ? Oser se montrer sous un autre jour ou pas ?
    Moi, faire mon coming-out ?
    Quand le grand Jacques me met dans une de ses plus belles chansons d’amouret chante :
    « …Laisse- moi devenir
    L’ombre de ton ombre
    L’ombre de ta main
    L’ombre de ton chien… » (Ne me quitte pas)
    je suis aux anges. Que demander de plus ?
    Même Renaud m’a mise en paroles  d’une manière plus… moins … mais son « Marche à l’ombre » est jouissif.
    Lorsque je suis en exergue d’un roman par ces mots :
    « Aux ombres
    pour qu’elles reviennent,
    pour qu’elles revivent,
    pour qu’elles parlent »
    je n’ai rien d’autre à désirer. Quoi de plus beau ?
    Quand je suis portée par une collègue, chinoise qui plus est, c’est le comble de l‘esthétisme.
    Je suis multiple, toujours là, intimement liée à la lumière. Quel pouvoir !

  4. Michel-denis Robert dit :

    Une ombre s’interroge. Doit-elle faire son coming-out ? Oser se montrer sous un jour ou un autre ou pas ?

    En fait, je me suis toujours demandé comment Lucky Luke parvenait à tirer plus vite que son ombre. Etait-ce possible ? J’avais des doutes mais dans une BD, n’est-ce pas, tout est réalisable. Surtout qu’il avait arrêté de fumer, ses réflexes n’en furent que plus affûtés. Peut-être que son ombre voulait faire son coming-out ? Et comme il n’avait pas compris le terme anglais dans l’immédiat, il a opté pour une réaction instantanée, à tel point qu’il atteignit le dégré de perfection absolue. Sa virtuosité a pu s’épanouir de cette façon, qui sait ! Il a dû s’entraîner un sacré bout de temps ! Aussi, combien de temps après, son ombre dégainait-elle ? Cela devait être de l’ordre du un millionième de seconde, pas plus. Je crois que personne n’a réussi à l’égaler, sauf, peut-être l’Homme à l’Harmonica dans « Il était une fois dans l’Ouest ».

    Bon, d’accord ! C’est une BD, mais quand même, reste l’idée. Y-a-t’il une compétition entre son ombre et soi-même ? L’homme peut-il être en conflit avec son ombre ? That is the question !
    Cette histoire me rappelle aussi celle du Horla de Guy de Maupassant. Une histoire mystérieuse en tous points. En conflit avec son double, le personnage est torturé par une production imaginaire. Science-fiction frisant le réel. Le Horla finit par dominer le personnge qui se révolte et celui-ci est vaincu.
    Mais ici, l’ombre est réelle, elle est hors la personne mais bien réelle.
    Avec cette ombre, nous introduisons du réel dans l’imaginaire ou ce que l’on pourrait nommer le subconscient.
    On pourrait assimiler l’ombre au subconscient du personnage qui se pose des questions sur le sens de sa vie. C’est une vraie réflexion existentielle. Mais pourquoi coming-out ? En français, nous n’aurions pas les mots pour exprimer ce genre de situation ? C’est bien sous-estimer notre langue qui sait dire toutes les nuances de la psychologie humaine. Coming-out, histoire de se voiler la face, le terme est ambigu, volontairement par pudeur ou pour exciter la curiosité par les médias, puisque par définition, une ombre ne peut s’émanciper de son support, à moins que…
    Et si on suit la logique, l’ombre aurait la volonté de s’émanciper de son support ? C’est une image, bien entendu, pour exprimer une question intime que peut-être chaque personne se pose à un moment donné de sa vie.
    Ceci dit, littéralement, coming-out veut dire aller dehors, dans le sens de s’émanciper.
    « Ombre, tu fais ce que tu veux avec ton intimité. Mais si tu la révèles, tu deviens impudique et alors, tu ne contrôles plus ton image.
    Ce qui est intime doit le rester sinon, ça n’e l’est plus, c’est évident. C’est bien un des problèmes de notre société : tout ce qui doit rester secret, doit être étalé au grand jour. Comme si étaler des tas d’infos pouvait donner des solutions. Ce serait plutût l’inverse. Alterner des temps de réflexion et des temps de concentration, à l’image de la respiration afin de prendre les bonnes décisions.
    Seul le feu n’a pas d’ombre parce qu’il est source de lumière.

  5. Kyoto dit :

    Ce jour-là, je me promenais tranquillement dans les rues de mon village, étrangement désert malgré cette journée ensoleillée. Je me disais que tous avaient dû s’égailler sur les plages pour trouver un ersatz de fraîcheur.
    – Quand vas-tu cesser de me suivre ?
    Interloqué par cette intrusion, je stoppai net. Je chaussai les jumelles afin de dénicher une bande de galopins farceurs. Je ne vis rien, même pas la queue d’un chat.
    – Je t’ai posé une question !
    Je dirigeai alors mon regard vers le sommet du mur du presbytère que je longeais, au cas où les chenapans me surveillaient. Je ne vis rien, même pas le cou d’une girafe.
    – Coucou, c’est moi l’ombre de ce mal dégourdi que tu es. Mais regarde donc sur le mur.
    – Mais une ombre ne parle pas.
    – Dans ton monde étriqué, c’est certain. Tu devrais ouvrir ton esprit.
    Je ne savais pas, comme disait ma grand-mère, si c’était du lard ou du cochon. Ces quelques phrases m’intriguaient et je décidai de jouer le jeu.
    Si c’était un jeu !
    – Bonjour Ombre, désolé, j’étais ailleurs ! Que veux-tu ?
    – Vraiment ? Je peux ? Je n’ai pas le moral. Je ne me sens pas bien ! Je crois qu’il est temps que je fasse mon coming out !
    – Ton coming out ? Sans blague ?
    – Mais oui ! Je souhaite changer de genre ! Mais je n’ose pas l’avouer !
    – Et as-tu pensé à moi ?
    – Evidemment, c’est pour cette raison qu’aujourd’hui je t’interpelle.
    – Et pourquoi aujourd’hui, et pas demain, ou dans cent ans !
    – Ne fais pas l’idiot ! Ne plus être Ombre mais Lumière ! Pour moi, c’est vital ! Je serais différent. Gai et chaleureux ! Heureux !
    – Et moi ? Et moi ? Je ne te verrais plus !
    – Certes, mais tu ne me voyais guère.
    – Mais si tu deviens Lumière, je risque de devenir Ombre. Et je ne serais plus que l’ombre de toi-même ! C’est dérangeant !
    – Cependant, si tu veux vraiment rester un Homme, cherche et trouve une autre ombre !
    – Alors, je te dis adieu et sois heureux.
    – Je te remercie du fond du cœur ! Adieu !
    Dans la seconde, l’ombre disparut du mur ! Il avait donc osé devenir ce qu’il pensait être.

    Depuis cet extraordinaire rencontre avec cette Ombre-Lumière, je ne suis plus que l’ombre de moi-même !

  6. Valérie Jacquin dit :

    J’existe ! Cessez donc de parler de moi comme si ce n’était pas le cas. J’en arrive à nier moi-même ma propre existence. J’erre pourtant dans vos pensées au même titre que lui. Je suis sa part invisible. Il s’immisce en vous et vous le laissez vous guider dans vos réflexions. Il fait mûrir vos idées. Mais pour moi, vous n’avez aucune considération. Chaque fois que vous parlez de moi, c’est pour mieux me rejeter. Laissez moi vous dire, messieurs dames, qui je suis : L’ombre du doute ! Et bien oui, c’est moi, Celle qui traîne derrière vos décisions précipitées. Celle qui s’efface à la lumière de vos idées de génie. Celle que personne ne voit, mais que tout le monde se permet de citer dès que cette arrogante certitude pointe le bout de son nez. Alors, à mon tour d’utiliser mon nom, messieurs dames, pour vous dire que c’est « sans l’ombre d’un doute » votre faute que je ne suis plus que l’ombre de moi-même.

  7. Charles LEVEAU dit :

    Ombre ou sans l’ombre d’un jour, elle se pose la question dans son mal-être de devoir se fondre à la lumière du jour! Les regards avertis et critiques n’auraient de cesse de pénétrer son for intérieur comme si elle devait se mettre à nu devant les silhouettes innombrables! Timidité décriée à se confondre, introspection face à sa propre silhouette, mea-culpa de devoir être face à la lumière! Mais cette lumière, n’est-elle pas le reflet de ses propres réflexions, l’imagination apparente de faux éclats lumineux qui devraient résonner à l’oreille de ce qui ne peut être perçu visuellement! Comment se sentir bien en accord avec ces maux! Doit-elle les assumer ou se les approprier pour paraître comme elle doit le faire pour une silhouette qui lui ressemble!? Les questions, toujours ces questions qui pleuvent et l’empêchent de déraisonner pour n’être qu’elle-même! Et la lumière qui lui rit au nez devant l’ambiguïté de la véritable raison d’être ou ne pas être, de ne rester que l’ombre d’un doute ou la silhouette inimaginable d’une raison pure! Force et perspicacité de franchir le pas face à l’autre, de se mouvoir dans l’incrédule songe de ne plus être ombre mais lumière! Angoisse de tout un chacun face à l’adversité, manque de confiance pour ce parjure de ne plus être ce qu’elle a été! Oser le changement maintenant ou bien demeurer ce qui a toujours été? Son pas imaginaire est tremblant, hésitant, presque candide! Une auréole semble paraître et l’élever tel un saint au-dessus de ce qui a été, elle frisonne et bricole son passage, d’une main ferme tire sur ses propres limites avec pour difficulté le tiraillement d’un fil ombreux resté accroché aux vielles branches passées et un ongle accrocheur qui veut pas à autre chose. Une fissure lumineuse apparaît sur le mur telle une craquelure innocente! L’occasion ou pas de s’engager dans ce qui devrait être! Ombre ou lumière, nuit ou jour, intouchable ou fragile, loin de toi ou loin de moi, être et avoir été! Refuser ou Accepter? Se refuser à être ou s’accepter telle qu’elle doit être! Les réponses s’invitent les unes après les autres. Comme faire pour ne pas être que l’ombre d’elle-même? Elle suffoque et foisonne d’envie de traverser cette idée fleurie de nouveautés! Autant de questions ou de réponses qu’elle découvrira en étant en accord avec elle-même….

  8. 🐻 Luron'Ours dit :

    COMING OUT
    L ‘ombre appartient à ce qui la suscite. Si j’étais qui je suis, je pourrais être épaisse comme légère, Dinorah par Mady Mesplé… Aujourd’hui, l’ombre revendique : je veux être XXL, imprimée en 3D, à 99€99. Ne plus être la femme sans ombre si lumineuse, la femme silencieuse, mais est-elle mythique celle-là ? Soumise ? Pas que… Elle joue enveloppée de ses voiles en dansant nu- pieds. On la voit statugiée sur le capot d’une Rolls-Royce, c’est… Elle aurait été étranglée par son écharpe, Isadora Duncan… va-t-elle revenir des limbes à l’Opéra, suitée par le projo ?
    🐻 Luron’Ours

  9. Patricia dit :

    Une ombre s’interroge. Doit-elle faire son coming out ? Oser se montrer sous un autre jour ou pas ?

    J’en ai marre, j’en ai marre, j’en ai marre… Je suis toujours derrière, jamais devant. Je ne compte pas. En gros, je suis invisible. Il faut que cela change. Il faut qu’enfin je fasse comprendre que je ne suis pas seulement celle qui cache la lumière… Oh la la, je ne suis plus que l’ombre de moi-même, c’est le comble.

    Mais à qui m’adresser ? Qui sera d’accord de me voir comme je suis, de discerner ma grandeur et mon éclat et de m’aider à les faire connaître au monde ?

    C’est un certain Carl Gustav Jung que l’ombre se décida à aller voir. Celui-ci écouta gravement sa patiente, hocha la tête, bourra tranquillement sa pipe qu’il commença à suçoter…

    Puis il lui exposa quelques notions assez pertinentes, ma foi.
    « Sais que pour que tu existes il faut de la lumière ?
    – Ben oui, on ne voit qu’elle justement, pfff.
    – Oui, certes, mais que se passerait-il s’il n’y avait plus d’ombre ?
    – Tout le monde s’en ficherait.
    – Eh non… Car il n’y aurait plus de jour et de nuit
    – Et alors ?
    – Tu te rends compte ? Jamais de nuit ? Va demander aux habitants de l’extrême nord ce qu’ils en pensent, eux qui vivent 6 mois dans la lumière. Franchement, ce n’est pas ce qui les rend les plus heureux.
    – Oui, mais après, c’est moi qui suis là pendant 6 mois et ce n’est pas plus marrant.
    – En effet. Mais si tu disparaissais pour de bon, et si tout était lumière, la lumière justement n’aurait plus du tout la même valeur, puisqu’il n’y aurait qu’elle. Elle ne serait qu’un détail parmi d’autres. En gros, c’est toi qui lui donnes une grande partie de sa noblesse. En outre, je te rappelle que tout le monde te cherche tout le temps dans certaines régions et partout par temps chaud. Te rends-tu compte à quel point tu es précieuse ?
    – Oui bon, admettons, mais ce n’est que par comparaison…
    – Ok. Tu ne le sais sans doute pas, mais l’ombre tient une part extrêmement importante dans ma psychologie analytique. En gros, tu es une partie de la psyché de chaque individu, celle qu’il ne connait pas et dont il ignore même souvent l’existence.
    – Tu veux dire qu’un grand homme comme toi me tient comme importante ?
    – C’est le moins que l’on puisse dire ! Je te promets. Franchement, si tu décidais de sortir de ton rôle, je ne sais pas comment je ferai… Ni tous les gens que je soigne et qui s’en sortent parce qu’ils apprennent à te découvrir. Comment pourrais-je les aider ?
    – Alors ça, c’est un argument, dit l’ombre, très rassérénée.

    Il est vraiment fort ce Jung, se dit-elle en partant.
    Je suis vraiment fort, se dit Jung, en fermant la porte derrière elle.

  10. iris79 dit :

    Elle ne s’était jamais plaint et ne voyait pas pourquoi commencer à le faire. Depuis toutes ces années, elle avait marché dans celle d’une plus grande qu’elle, toujours derrière, elle en était invisible. Pourtant, elle était bien là, tapis dans l’ombre du grand homme. Personne ne la remarquait, et c’était très bien comme ça. Discrète à l’abri des regard, elle faisait ce qu’elle voulait et personne de l’embêtait. Pour rien au monde, elle ne serait sortie de sa cachette même si parfois elle trouvait injuste que les lauriers se retrouvent toujours sur la même tête alors que c’était souvent elle qui avait eu les meilleures idées. Mais elle gagnait tellement à ne pas être exposée qu’elle oubliait bien vite ce manque de reconnaissance qui, elle s’en aperçut n’en était pas vraiment un. Car plus d’un firent un pas de côté et l’aperçurent drapée dans son humilité. En fait tous savaient bien que l’épaisseur de l’ombre du grand homme cachait l’union de deux destins. Elles cheminaient à l’unisson, la fusion était trompeuse au premier regard mais personne n’était dupe et chacun savait bien que derrière chaque grand homme, se cache une grande femme.

  11. gottlieb Eleonore dit :

    Une ombre s’interroge. Doit-elle faire son coming-out ? Oser se montrer sous un autre jour ou pas ?

    Comment faire ? Tous les matins elle tremblait de joie en la voyant se lever. Doucement elle se glissait entre la belle et le miroir. Elle se faisait discrète, choisissait le meilleur éclairage afin que Belle ne la remarque pas trop. De toute façon à 6 h du matin Belle se frottait trop les yeux pour remarquer quoi que ce soit, alors une ombre !
    Sa douche achevée, la belle se massait délicatement tout le corps avec des laits d’orient parfumés de jasmin, puis elle s’étirait voluptueusement face au rayon de soleil qui filtrait à travers les rideaux. Belle se regardait dans le grand miroir et satisfaite de son reflet elle se souriait, heureuse.
    Son ombre se dissimulait derrière la petite armoire ou Angélique gardait précieusement ses trésors odorants et les onguents sacrés qu’elle rapportait de ses escapades exotiques.
    Un matin de grisaille, belle était triste. Elle se glissa en soupirant jusqu’à sa salle de bain, sans enthousiasme elle se frotta l les bras puis tout le corps comme d’habitude, mais sans en éprouver de plaisir. Son ombre osa s’approcher plus près, puis s’immobilisa face à elle.
    Elle remarqua, coulant de ses yeux gonflés, des gouttes de rosée sur ses joues. Ombre a libéré deux ailes fragiles, diaphanes et douces qu’elle a étendu délicatement sur sa belle. Angélique à sourit consolée, Ombre à murmurer dans le cou de sa belle les mots d’amour qu’elle n’avait jamais osé prononcer.
    Elles sont sorties toutes deux enlacées dans le grand parc. Joyeuses. Elles allaient face au monde sans se soucier des quand dira-t-on. Belle pouvait enfin vivre au grand jour, puisqu’elle avait retrouvé son Ombre. Toutes deux ne se quittèrent plus. Les nuits de pleine lune elles dansaient enlacées sur la brume du lac. Tourbillonnantes elles chantaient l’amour, le bonheur, la liberté et personne ne s’en offusquait. Peut-on s’offusquer du bonheur ?
    Ombre avait osé, et la joie, pouvait enfin, illuminer le monde trop sombre.

  12. Nadine de Bernardy dit :

    Une ombre s’interroge. Doit elle faire son coming-out ? Oser se montrer sous un autre jour ou pas.
    Li Fang Chu n’en voyait pas l’intérêt. Ombre chinoise au théâtre de Pékin, c’était elle la vedette, celle que la lumière dessinait sur l’écran. Jamais on ne voyait les mains ou les silhouettes découpées qui lui donnaient forme.
    Ce qui lui plaisait c’était de n’être jamais la même, un oiseau, une sorcière, une chimère, ne sachant pas ce que serait la prochaine scène. Ce mystère laissait place à tous les fantasmes, pour elle et le public. Elle ne se lassait jamais de la griserie des applaudissements. La modestie n’étant pas sa vertu première, Li Fang Chu s’en attribuait tout le mérite.
    Elle pouvait cabrioler à toute allure, mourir d’amour avec grâce, terroriser les foules en dragon.
    Le servant et l’ombre ne faisaient qu’un. Ses transformations, bien qu’éphémères, la portaient au faîte de sa gloire.
    Alors pourquoi éprouverait elle le besoin de se dévoiler, d’ôter la magie de la chose ?
    Non non, ombre elle était, ombre elle resterait jusqu’à ce que s’éteigne sa lumière.

  13. Alain Granger dit :

    Je n’étais que l’ombre de moi-même, une silhouette sombre, sans épaisseur, qui s’allongeait sur le sol lorsqu’on voulait me mettre en lumière. Je préférais me projeter plutôt que d’être exposé. La discrétion était mon fort car j’avais le foie gras, un foie gavé par la peur du paraître. J’étais une ombre portée par l’envie de disparaître car je ne voulais pas porter l’ombre de la suffisance. Et puis un jour tout changea. L’élément déclencheur fut le théâtre, le théâtre d’ombres. Je sympathisais avec un asiatique qui m’initia au théâtre Po Ying. Les ombres chinoises me permirent de révéler mon esprit artistique et créatif. Cet art était très ancien. Mon ami pékinois prétendait qu’il datait de plus de 100 ans avant Jésus-Christ. Plutôt que des jeux de mains, dès hier, moi, j’actionnais des parchemins translucides. Ils étaient tendus sur des tiges en bois. Bien entendu, les personnages principaux de ce théâtre de l’ombre se coloraient de gélatines. Souvent, je les articulais sur différentes parties de leur corps. J’interchangeais les costumes tout en ne perdant pas la tête car cette tête pouvait être amovible. Même dans cet univers codé, j’apportais ma créativité aux personnages, à leurs costumes et à la manière de les faire se mouvoir. Je leur donnais une âme. La lame de mon savoir-faire se faisait tranchante, que ce soit pour un poème épique ou une satire politique. J’étais devenu un maître dans ce spectacle populaire. Il enchantait les enfants et ravissait les parents. Même si je restais dans l’ombre, mon nom apparut dans la lumière. Les journalistes dans le monde du spectacle firent circuler mon nom. Mon ombre grandissait malgré moi, grâce à de petits personnages de 30 centimètres derrière qui j’essayais encore de me cacher. On voulait savoir qui était le metteur en scène de ces silhouettes magiques. Une caméra indiscrète finit par capturer mon visage. Il s’étala dans les journaux et les reportages télévisuels. Les gens me reconnaissaient dans la rue. Ils me félicitaient et me demandaient des autographes. Je ne chinoiserais pas en prétendant que je n’appréciais pas. J’aimais le regard émerveillé des enfants et le sourire de leurs mamans. Plus j’étais reconnu, plus mon ombre diminuait. Parfois, je devais la chercher. Elle se faisait toute petite, recroquevillée à mes pieds, surtout vers midi. Alors, je décidais de faire une grande tournée dans tous les Zénith de France. Mes ombres chinoises se voyaient projetés sur des écrans géants. Les plus grands compositeurs se battaient pour sonoriser mes spectacles. Ma bobine figura bientôt sur l’affiche de Bobino, à Paris. Jamais plus je ne pus rester dans l’ombre. La médiatisation m’exposait bien trop à la lumière. A force d’être connu et reconnu, à force de voir mon portait affiché sur des 4 par 3, je finis par prendre la grosse tête. Je me brûlais alors à la puissance de la lumière. Ma vie devint de plus en plus dissolue, absorbant trop fréquemment des substances dissoutes dans des liquides alcoolisés. Arrêtés au volant de ma voiture après un accident, je fus contrôlé positif au stupéfiants. Pour mon public ce fut la stupéfaction générale. Après un long procès et le décès d’une des victimes de l’accident, je fus condamné. Je me retrouvais à l’ombre pour de nombreuses années.

  14. FANNY DUMOND dit :

    Une ombre s’interroge. Doit-elle faire son coming-out ? Oser se montrer sous un autre jour ou pas ?

    Il n’est plus que l’ombre de lui-même depuis que la rumeur se répand dans son immeuble.  Il craint que les médisances se répandent jusque dans son entreprise dans laquelle il a obtenu un job passionnant. Son compagnon en a assez de raser les murs et de se cacher lorsqu’il lui rend visite en catimini. Il l’a demandé en mariage, mais lui, l’indécis, pense que sa famille n’acceptera jamais. Malgré leur amour, leur relation se tend ; il est temps de prendre une décision. 

     – On n’a qu’une vie, se dit-il. J’en ai que faire des préjugés. De toute façon, que l’on fasse bien ou mal, on est toujours jugé, comme l’a écrit Jean de La Fontaine dans sa fable « le meunier, son fils et l’âne » : « Les gens en parleront, n’en doutez nullement. »

  15. camomille dit :

    Je m’interroge voyez-vous.

    Parce qu’après tout, j’étais pénarde jusqu’à présent.

    Et puis voilà que le Monsieur dyslexique me bouscule en me faisant miroiter un avenir intéressant.

    « Tu verras, me dit-il, fais ton coming out, ose et enfin tu vas vivre une vraie vie » !

    – Hein que ça bouscule quand vous entendez ça ?

    Cependant, j’hésite.
    Si je franchis le pas, je vais donc sortir de l’ombre évidemment et affronter la lumière et tout ce qui s’en suit.

    Mais j’y pense… si toutes les ombres font comme moi, ça va en rajouter au problème du dérèglement climatique ? Vous vous rendez compte : plus une ombre sur terre ?
    Déjà que le soleil, il gagne du terrain d’année en année et qu’il nous rétrécit petit à petit !
    Ça me fait flipper tout ça.
    Mais le Monsieur dyslexique est pugnace et il revint à la charge : « ose, mais ose ! » qu’il me dit.

    Alors, je m’interroge voyez-vous: rester pénarde ou franchir le pas de l’aventure ?

    Ah, que ne suis-je dyslexique et dotée de son audace au Monsieur !

  16. Laurence Noyer dit :

    A chaque heure du jour
    Mon ombre se métamorphose
    Elle me reste fidèle
    Accrochée à mes baskets
    Mais elle est lunatique
    Ondulante comme une danseuse
    Le matin, elle apparait
    Presque transparente, effacée
    Comme une enfant qu’il faut pousser
    Jusque devant l’école
    Dans la matinée elle s’assombrit
    Puis part se cacher
    Pour quasi disparaitre
    A l’heure du Zénith
    En fin de journée
    Elle reprend l’entrainement
    Elle fait des étirements
    Puis s’allonge à mes pieds
    Bien avant que le soleil
    Se couche

  17. 🐀 Souris verte dit :

    C’EST L’HISTOIRE D’UNE PETITE OMBRE
    qui ne supporte pas le soleil.
    Elle est née il y a déjà longtemps sous le berceau du douzième Julien de la famille. Elle fait son coming out à chaque naissance. Accrochée aux roues on les promène, elle et l’enfant de temps en temps au jardin public où elle se croise avec d’autres car une ombre ne chasse pas une ombre, elles se superposent. Entre elles, elles évoquent le triste moment où elles seront remisées.
    Elles sont en contrat à durée déterminée, elles le savent. Déjà à l’arrivée dans le parc, on les range sur le côté, les ombres encombrent c’est bien connu, et voir celles gigantesques des platanes vétérans qui, de le longueur traversent allègrement le square, les font bisquer.
    Le landau rouge les a déjà quittées. Ce sera son cas la semaine prochaine.

    Voilà bien trente ans qu’elle est au garage et qu’elle attend. Mais surprise ! Elle reprend du service sous un fauteuil roulant ! Son Julien s’est cassé la jambe ! Et tous les jours c’est la rencontre entre potes sur la terrasse de la brasserie, on s’amuse, on galège, on rit ! C’est là qu’elle a entendu : alors il paraît que tu attends un heureux événement ? C’est pour quand ?
    Une moto est passée en pétaradant elle n’a pas bien saisi la date de son prochain coming out sous les roues du prochain Julien !
    🐀 Souris verte

  18. mijoroy dit :

    Elle vivait avec un homme marié. Soyons clair, elle l’avait entièrement pour elle, la situation était limpide et sans ambiguïté, c’était juste que son homme, suite à une promesse, ne pouvait simplement pas divorcer. Mais comme il l’aimait Elle et ne côtoyait qu’administrativement son épouse, cela lui allait.
    Ils formaient un drôle de couple qui, pour l’époque, montrait une certaine modernité. Solaire avec sa chevelure de feu, il fallait la voir trotter dans ses escarpins vernis à bonne allure. Sa petite robe noire balançait autour de ses longues jambes. Seul décorum un collier de perles blanches. Elle évitait tout geste ou vêtements qui auraient pu attirer les regards sur sa beauté. Toute sa féminité s’effaçait devant lui, le bellâtre que la foule acclamait et pour lequel les groupies s’enflammaient. Il aimait brillait comme un phare dans la nuit, nonobstant la lumière de celle qu’il disait aimer, et qu’il étouffait sans vergogne.
    C’était sans compter sur l’étincelle produite par le frôlement de la main d’un dénommé Edison. Un simple contact et la jolie ombre avait senti vrombir en elle le moteur de sa personnalité tout excité à l’idée d’enfin pouvoir tenter sa chance de rayonner alentour. Depuis, celle qui agissait dans l’ombre même pendant l’intimité où le rustre lui demandait de baisser l’abat-jour, s’interrogeait sur son coming-out sous un autre jour. D’où le mantra , où le courant passe, la lumière jaillit !

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