444e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat

Exercice d'écriture très créative

Révélez-nous qui est ce personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi.

Là est née cette idée

34 réponses

  1. françoise dit :

    L’homme au crayon derrière l’oreille avait le sourire rusé. Ces deux-là, à coup sûr, étaient de connivence. J’avais d’ailleurs surpris le crayon lui chuchotant, non pas des mots doux bien sûr mais des mots salaces.Il en devenait parfois rouge de confusion. J’avais été voir il y a quelques années le film « l’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux » plein de poésie ; les leurs sembaient en être dénués.
    Voulant en savoir plus, je m’emparai de son crayon et le mis derrière mon oreille. Sous le choc émotionnel, celui-ci devint muet et tous deux durent être transportés aux urgences de l’hôpital.
    J’allai les y voir et quelle ne fut pas ma surprise de voir le médecin de service le crayon derrière l’oreille alors qu’il visitait les malades, se servant de ce dernier pour rédiger ses ordonnances. J’en restai bouche bée.
    Qu’était devenu l’homme ? Je le retrouvai aux « soins palliatifs ». On me dit qu’il était en phase terminale. Sans réfléchir, j’allai chercher le crayon derrière l’oreille du médecin et le remis derrière l’oreile droite du malade.
    Quelques jours plus tard, celui-ci sortait sur ses deux jambes, le crayon derrière l’oreille, tous deux en grande conversation.Mentalement, je leur souhaitai longue et belle vie…..

  2. Fleuriet Mireille dit :

    Révélez nous qui est ce personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi. Non ! Ce n’est pas la statue colossale de Ramsès II dominant de sa grandeur les bras croisés, l’entrée du Musée du Caire.
    C’est un homme solitaire qui, depuis le début le mois de Juin, vient à l’heure du coucher du soleil et reste là, le regard dans le lointain. Je l’aperçois de ma fenêtre qui donne sur la falaise (nous sommes à Cancale). Et, j’ai voulu savoir. Un soir, en catimini, je suis venue à côté de lui, sans vouloir le déranger. Il a tourné la tête, m’a dit : Bonsoir ! Je lui ai répondu Bonsoir ! Regardez me dit-il, ce magnifique coucher de soleil.
    Et là, devant mes yeux, j’avais le plus merveilleux des tableaux vivants.
    A l’horizon, la silhouette du Mont Saint Michel se détachait avec l’Archange Saint Michel se dressant à son sommet. La mer était calme, de-ci, de là quelques bateaux amarrés dansaient au gré des vagues.
    A ce moment la magie a opérée, le ciel peu à peu, change de couleur, il se dégrade, du bleu à l’orange en passant par le violet et le jaune.
    Les nuages blancs sont devenus roses. La plage est recouverte d’une douce lumière, il ne fait plus jour, il ne fait pas nuit.
    Nous restons silencieux, appréciant le calme du soir. Cet homme, au trait buriné par les embruns et le vent, habitué à venir régulièrement, m’explique, qu’il vient pendant l’été, assister au coucher du soleil. Quelle merveille ! Seul, du haut de la falaise, je viens me ressourcer, que dire de tant de beauté ?
    Il est tard, je rentre chez moi, mais, avant de quitter « l’Homme à la falaise » comme je l’appelle, je lui demande, si demain et les jours à venir, je peux revenir sans le déranger, revoir, cette magnifique toile vivante qu’est un coucher de soleil sur la Mer.

  3. Avoires dit :

    Révélez-nous qui est ce personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi.
    Il est sur toutes les plages de Méditerranée. Il scrute l’horizon des rivages grecs, maltais, italiens et tant d’autres.
    C’est le veilleur des accueillants et des accueillis, c’est la conscience des hommes qui reçoivent leurs semblables et de ceux qui sont jetés sur les plages.
    Il regarde cette humanité éplorée qui se jette dans les bras l’une de l’autre. Personne ne le voit, seuls quelques uns savent qu’il est là, parmi eux.

  4. Michele B.Beguin dit :

    Une ombre sur le sable dessine en raccourcit la stature de l’homme debout, jambes écartées, bras croisés, regardant au loin, au large, je ne sais quoi, d’un regard flou.
    Je le déshabille du regard, le scrute durant les 15 mn quotidiennes intrigantes où je constate sa présence par n’importe quel temps, et toujours à la même heure. Au bout de ce temps il se retourne, repart d’un pas léger, le sourire aux lèvres et le regard évanescent. Il est grand, bien bâti, ses yeux sont clairs.
    C’est l’heure où je cours sur la plage avec mon chien qui est aussi intrigué que moi et parfois va renifler ses pieds nus.
    Au bout de plusieurs semaines je n’y tiens plus, je suis trop curieuse je m’approche de lui, me mets dans la même position sur son côté droit, mon chien assis à mes pieds. Je cherche à ressentir ce qui l’attire chaque jour. J’écoute sa respiration, Je regarde la mer, le ciel. J’écoute le bruit des vagues. C’est beau, mais je ne comprends pas.
    À la fin des 15 minutes l’homme se tourne vers moi étonné.
    «  Je ne vous avais pas vue, ni même senti votre présence » me dit il dans un sourire éblouissant »
    « Excusez-moi mais je suis intriguée de vous voir immobile, au même endroit, chaque jour, à la même heure »
    « vous avez 5 mn? J’habite juste à côté. Je vais vous montrer quelque chose »
    «  D’accord je vous suis »
    Juste après la dune, nous entrons dans une jolie maison basse envahie de tableau appuyés sur les murs les uns sur les autres.
    «  Voici la réponse à votre questionnement » dit il en retournant les toiles, toutes représentant la mer en différents tons, les vagues plus ou moins mouvementées, avec un ciel changeant.
    « J’ai une belle anomalie de naissance. Mes yeux sont munis d’une rétine filmante qui me permet de reproduire ensuite, instantanément, tout ce que j’ai vu. Je préfère peindre à l’intérieur tout en ayant le film de l’extérieur, et toute l’émotion. N’est ce pas merveilleux? »
    Interdite, subjuguée je ne réponds rien.
    « Asseyez-vous, Je vais vous montrer comment ça fonctionne…. Vous souhaitez un café ou un thé ? Cela me fait plaisir de rencontrer une jolie dame. »

  5. FRED dit :

    Révélez-nous qui est ce personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi.

    Il était debout. Face à la mer. Les bras croisés sur la poitrine. Et il repensait aux paroles qui l’avaient conduit ici, sur cette plage….

    C’était un jour de juin. A l’usine, ce matin-là, le contre-maître lui avait dit de passer dans son bureau. Le ton était grave mais rassurant.

    Ses huit heures de travail bouclées et la relève assurée, lui, l’ouvrier, avait lavé ses mains et son visage pour enlever la suie et la sueur. Bourrer de pelletées de charbon la gueule d’un four durant huit heures, ça laisse de traces …

    Il se revit frapper à la porte vitrée du bureau.
    – Entrez !
    Il avait salué son contre-maître d’un inclinaison de la tête.
    – Assied-toi, Marcel, ce que j’ai à te dire est important. Voilà…euh…
    Et le contre-maître tripota dans ses papiers. Il toussota et reprit :
    – Ah ! Voilà…tu as droit à des congés payés. Et j’ai pensé que ce serait bien pour toi que tu quittes un peu le village, que tu découvres le pays. Tu es courageux, jamais tu n’as failli à tes obligations. Pour te remercier de ta loyauté, je me suis arrangé avec la Société des chemins de Fer et je t’ai obtenu un billet pour aller-retour pour voir la mer.

    Marcel n’avait su que dire, et encore moins que penser ! Jamais on n’avait été aussi bienveillant avec lui. Devait-il soupçonner des idées moins honorables derrière ce geste ?
    Il avait regardé le contre-maître qui était ému par ses yeux bleus délavés.
    – Va, lui dit-il, c’est un cadeau. Tu es brave ! Profite un peu….

    Et voilà comment Marcel statufié, les bras croisés, face au large, attendait on ne sait quoi et regardait on ne sait quoi.

    Il faut dire que sur cette longue plage dorée, la plus belle du pays, Marcel faisait un peu tache, avec son costume trois pièces, au pantalon à pinces et revers et sa casquette sagement posée sur la tête.

    Plongé dans ses pensées, Marcel ne sentit pas le coup de vent qui s’empara de la casquette et la déposa malicieusement à ses pieds.

    Quelques minutes plus tard, un léger tintement rappela Marcel à la réalité. Il se tâta le crâne, chercha sa casquette et la trouva à ses pieds, remplie d’une poignée de belles pièces.
    – Ah, quelle belle surprise, pensa Marcel, en comptant ses pièces. Mon billet étant valable pour trois jours, je peux pendre une chambre pour cette nuit…

    Le lendemain matin, il reprit la pose sur la plage et le soir, il récupéra une belle moisson de pièces.
    – Une nuit de plus…se dit-il avec bonheur. Décidément, mon pays me réserve d’agréables surprises !

    Le lendemain, la journée se déroula de la même façon. Mais il fallait bien qu’il rentre chez lui.
    Durant son voyage de retour, il n’avait de cesse de repenser à son séjour quelque peu étrange. Qu’avait-il fait, pour que l’on s’intéresse à lui, au point de lui donner quelque obole ?

    Sous ses yeux émerveillés, le pat pays ondulait en larges vallées vertes qui accueillirent bientôt les forêts de feuillus. Il serait bientôt chez lui.

    Le soir, Marcel s’adossa au mur de sa maison, croisa les bras et observa la fumée crachée par la plus haute cheminée de son usine. Les hirondelles tridulaient, haut dans le ciel. Il fera beau demain…
    C’est alors qu’il fut frappé de pein fouet par une idée qui lui sembla géniale. A mettre en application dès son prochain jour de congé. Et tant pis pour ses économies.

    Le jour venu, il revêtit son beau costume, enfonça sa casquette sur la tête et s’en alla, par le train, jusqu’à la capitale. Il descendit à la Gare Centrale et rejoignit la Grand Place.
    Il prit la pose, devant la Maison du Roi. Debout, les bras croisés son regard accroché aux dentelles de pierres de l’Hôtel de Ville. La foule tournait en manège joyeux, jacassant et commentant les belles demeures aux façades en escaliers.

    Vers midi, comme sur la plage, un coup de vent polisson emporta la casquette et la déposa aux pieds de Marcel. Il ne bougea pas. Un peu plus tard, comme sur la plage, il entendit le tintement des pièces auquel s’ajouta le froissement de quelques billets.

    Le soir venu, il fit preuve d’une grande sagesse. Il changea les pièces en billets et glissa le tout dans la poche intérieure de son veston.
    – C’est tout de même un beau pays, mon petit pays !
    Et Marcel rentra chez lui, par le train.

    Au congé suivant, il se rendit dans une autre ville de son pays. Et à sa grande surprise, la journée se déroula à l’identique.
    Dans le train du retour, une idée géniale lui vint. Il cogita toute la nuit et son activité cérébrale continua même sur son lieu de travail. Auprès de la chaudière qui bouffait les pelletées de charbon qu’il lui balançait dans la gueule.

    En fin de ses huit heures, il alla trouver le contre-maître et lui exposa le plus succinctement possible sa décision. Celui-ci lui répondit avec un petit sourire :
    – Pourquoi pas ? Mais sache que je garde ta place au chaud… sans jeu de mots !

    Et depuis ce jour, Marcel se rend sur tous les lieux de passage.
    En costume trois pièces, pantalon à pinces et à revers, casquette sur la tête, il se transforme en statue, les bras croisés, son beau regard bleu acier perdu dans l’utopie d’un monde parfait.

    Il s’est dit, dernièrement, qu’il avait amélioré sa technique en se transformant en automate qui salue et offre un bonbon…
    A moi, qui passais par hasard, il m’a donné un petit papier plié en quatre. Le cœur battant, je l’ai ouvert et j’ai lu :  «  Remerciez Pascal pour cette idée géniale. »

    FRED.

  6. Peggy Malleret dit :

    Révélez-nous qui est ce personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi.

    Il y avait longtemps qu’il s’était installé sur la plage en face de mon appartement. J’avais envie d’aller le voir, de comprendre, mais je n’osais pas. Je ne voulais pas être intrusive bien que je trouve tellement bizarre et triste cette façon de ne pas bouger. Peut-être avait-il besoin d’aide ? Que quelqu’un lui tende la main ? En tout cas, il ne me paraissait pas suicidaire. On ne le voyait jamais quitter le sable pour s’avancer vers la mer.

    Je ne passe pas ma vie à épier, mais ici les balcons sont très larges, avec un temps idéal pour en profiter. Et lui, avait choisi de s’asseoir, sans s’en rendre compte, pile au milieu de mon champ de vision.

    Au début, pour aller me baigner, je changeais de direction afin de ne pas l’approcher. Puis finalement, je finis par reprendre mon chemin habituel : la ligne droite de ma porte à la mer.

    Jamais il ne me regarda.

    Un jour, je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’œil. Il ne devait pas avoir cinquante ans, son visage, entrevu, était calme et détendu. À ce moment-là, je décidai que je réussirais à le faire sourire, ne serait-ce qu’une fois !

    Coquine, en sortant de l’eau, je passai un peu trop près de lui en secouant mes cheveux trempés. Il tourna la tête, agacé. Il me sembla que ce fut moins par mon audace que d’avoir été dérangé dans sa méditation. J’utilisai mon plus beau sourire, et mes excuses les plus charmantes pour essayer de voir apparaître, ne serait-ce que du bout des lèvres, un mouvement sur son séduisant visage.
    Il esquissa un léger sourire. Ravie, je passai mon chemin sans m’attarder.

    Les jours suivants, j’empruntai le même chemin en évitant de le déranger, mais ma curiosité l’emporta et je m’assis près de lui.
    – Bonjour, je suis sans doute indiscrète. Comme depuis plusieurs jours je vous vois assis ici je me demandais si vous n’aviez pas besoin d’aide.
    Les yeux toujours fixés vers l’horizon :
    – Oh, pas du tout. Merci.
    – Alors puis-je vous demander ce que vous attendez ? J’ai su qu’il y avait d’autres personnes installées comme vous sur des plages. S’est-il passé un drame en mer ?
    Sans quitter sa position, il éclata de rire :
    – Je vous ai inquiétée ! Surtout pas ! Nous avons parié que l’un de nous réussirait à être dans le Livre Guiness des records !

  7. Christine Gontier dit :

    Il y a des paysages qui n’arrêtent en rien la pensée humaine.
    Le bord de plage est l’un d’eux.
    Aucun obstacle, aucun mur. Les objets s’y trouvant, dessus ou dedans, bougent sans cesse. Ils ne sont jamais figés dans l’immobilité. Ainsi, l’océan, les mers du monde entier pourraient bien être une horloge universelle.

    L’Homme, de tous temps, bras croisé et solidement ancré dans le présent, est venu à son bord pour l’observer. Miroir de la vie, l’océan dans lequel s’engouffre toutes les pensées pour s’y noyer, puis l’Homme reprend sa vie en cours. Son cœur battant au grès des vagues fracassantes. Leur mouvement, tout comme le cœur humain, pourrait bien être le mouvement perpétuel jamais trouvé par l’Homme.

    L’Homme, n’attend rien ici. Il s’arrête. Seul animal capable de contemplation et de sublimation, sans attente. La plage, bordure de son monde, limite insaisissable entre la vie présente et une mort certaine.

    Face au large, un grain de sable. Le sablier, coulant inexorablement tel le nœud autour de la gorge du condamné.

    Ici, l’Homme devant toutes ses limites oublie, respire, pense, contemple. Matière immatérielle qu’est la pensée humaine.

    Un instant gagné, un espace temps en dehors de tous.
    Un homme les bras croisé, statufié, regarde le large, n’attendant rien d’autre que de savourer le plaisir d’être au monde.

    Autour, la vie qui s’agite, les gens qui le regardent et se demandent ce qu’il fait et ce qu’il peut bien attendre comme ça mais il ne les perçoit pas. Il s’est enfuit du pragmatisme de la vie. Il a réussit malgré toutes les injonctions au bonheur à s’échapper et à redevenir humain dans la passivité.

  8. Nouchka dit :

    En effet, il est souvent sur les plages des personnages statiques dont l’utilité n’apparait pas au premier coup d’œil.
    Par exemple, nous voyons les surveillants de baignade, debout, bras croisés, immobiles, regardant la mer et prêts à donner un coup de sifflet strident à ceux qui oublient les consignes de sécurité.
    Nous trouvons également de véritables statues d’écrivain, de navigateur ou de pirate qui scrutent ad vitam aeternam l’horizon marin.
    Je connais, par ailleurs, un de ces hommes présents à chaque fois que je me promène sur le chemin des douaniers.
    Celui que j’évoque, se tient debout, légèrement appuyé contre un muret d’où il scrute la plage et le large qu’il s’est choisi comme terrain d’observation. Je le vois alors qu’il est, bras croisés sur la poitrine, le visage fermé sous une casquette à longue visière susceptible de le protéger aussi bien du soleil que de la pluie. A plusieurs reprises, je l’ai vu maintenant d’une main des jumelles et de l’autre pressant un outil de comptage des oiseaux marins. Il y a de quoi passer du temps à observer les bernaches, foulques, courlis, bécasseaux, spatules, aigrettes et autres mouettes. Notre homme prend sa mission très au sérieux. Néanmoins, il arrive que les oiseaux ne soient pas là où il les attend. Comme sa zone de repérage est précisément définie, il reste là, en attente et tourne alors la tête vers les randonneurs qui empruntent le sentier ou baisse les yeux vers les corps allongés sur la plage.
    Vous l’avez compris, notre homme est un collectionneur dans l’âme. Aussi, faute d’oiseaux, collectionne-t-il avec son petit appareil photos, les clichés des particularités vestimentaires ou des accessoires divers qui passent près de lui. Il répertorie ainsi ce qu’il y a de plus cocasse chez ceux qui fréquentent le coin. Il recherche la discrétion que tout voyeur considère comme indispensable à son observation. En dépit de la mine peu amène qu’il offre et qui ne sert qu’à éviter les questions et les échanges avec les quidams en vadrouille, il aime la fantaisie, le baroque, l’incongru de ses contemporains.
    Mais pourquoi notre solitaire fait-il ce genre de repérage des extravagances de ses semblables ? Et bien, je vous le donne en mille !
    Une fois rentré chez lui, il fonce charger les clichés du jour sur son ordinateur. Après les avoir recadrés, éclaircis et mis en valeur, il les classe dans des dossiers numériques qui ont pour nom : chaussures, sacs, maillots de bain, couvre chefs, etc.
    Et quand arrive les jours où le climat ne lui permet pas de se rendre à son poste d’observation, il ouvre les dossiers numériques pour retrouver les illustrations qu’il décrit et intègre avec finesse dans les romans policiers qu’il écrit et situe toujours dans son rayon de prédilection à quelques encablures de son port d’attache.

  9. Anne dit :

    Je suis un amas de granit. Avec le temps, les vagues, je me suis modelé. Mon granit s’érode et se laisse modeler. Je suis abrasif pour qui glisse sur moi.
    Je suis là, sur la plage, tel un être solitaire. Je semble regarder le large. Cette mer est profonde et source de richesses. J’ai vu les embarcations se transformer. Au début de frêles bateaux en bois avec des rames. Puis l’Homme a su tirer parti du vent en mettant les voiles. Il a bien essayer d’y insérer des roues, mais la mer était trop capricieuse. Les voiles se sont diversifiées, agrandies….Ils y ont adjoint des moteurs. J’ignore pourquoi, je les attends. Ce n’est pas que je veuille qu’ils s’échouent, mais je les regarde avec tendresse.
    Je préfère peut être les photographes immortalisant mes formes sur la pellicule. Je me retrouve alors présent dans des galeries avec des titres pompeux. Ces derniers me donnent un visage humain face à la mer. Je rejoints alors des foyers enthousiastes à ma vue. Certains sont même allés sur le lieu de la prise de vue pour davantage me donner corps dans leur esprit. C’est alors que je reprends ma place.Etre solitaire, statufié face au large. J’attendais et ils sont venus.

  10. Denise dit :

    Il regarde. Je vois qu’il regarde. Je me demande ce qu’il peut voir. Au-delà des vagues. Je me suis mise à côté de lui. Il n’a pas tourné la tête. Et nous avons regardé ensemble cette immensité devant nous. Le bruit des enfants qui jouent dans le sable. Le son des vagues et les cris des gens dans l’eau. Les mouettes et un avion tirant une banderole publicitaire. L’eau sur les pieds qui monte de plus en plus haut, les chevilles qui se mouillent. Les vagues, jamais les mêmes. Le bruit du vent. Il regarde au loin. Je suis son regard. Voyons-nous les mêmes choses ? Il me regarde puis il dit : vous êtes comme moi mais nous ne nous connaîtrons jamais vraiment.

  11. sylvianne perrat dit :

    Tous les ans, j’observais cet homme qui au bord de l’eau scrutait l’horizon. Les bras croisés. Immobile. Sans émotions visibles. Il était là en soirée à guetter je ne sais quoi. Insensible aux bruits de la plage, au vent ou au soleil. Un jour, je m’étais approchée pour tenter de le distraire. Impossible, il ne bougeait pas. Son regard portait loin, au delà de l’horizon. Chaque soir, il venait.
    Je restais perplexe. Que fait-il ? que veut-il ? Qu’attend-il ? A t-il perdu quelqu’un en mer ? Attend-il le retour d’un proche ? A-t-il envie de partir, de voguer loin au delà des mers ?
    Je l’oubliais.
    Puis, un soir rentrant de week end, je vis cet homme, le même. Grand au nez busqué, à la chevelure abondante.
    Il était sur un pont chevauchant l’autoroute. Il était là immobile à regarder au loin. Pas d’océan, pas de ciel bleu. Que des voitures et leurs bruits abrutissants. Et pourtant, l’homme ne bougeait pas. Il scrutait. Mais je ne sentais aucun danger
    J’étais très intriguée. Je fis demi tour à la sortie suivante pour vérifier. OUI ! C’était lui !
    Un an plus tard, jour pour jour, je le retrouvai sur le pont Mirabeau ! Le même ! Stoïque. Digne. Il regardait passer les bateaux sans émotion apparentes. Ni joie, ni peine. Il n’allait pas sauter. Non ! Il était juste là.
    Cette fois-ci, je décidai sans hésiter à l’aborder. Ces coïncidences me donnaient de l’audace.
    « Comme c’est beau ! Aussi beau que la plage, aussi captivant que l’autoroute, n’est-ce-pas ? » lui dis-je doucement en m’accoudant à la balustrade.
    Il se retourna lentement, me sourit et me contempla longuement. Sans émotions particulière. Immobile. Digne.

  12. Lauriane dit :

    Il est 19h, mélanie sors de la maison, silencieuse comme à son habitude elle prend d’une main légère le petit sac à dos en tissus bleu marine avant de le déposer sur ces épaules. Sa mère n’en tient plus cela fait des semaines que ce rituel se répète et tous les soirs Mélanie s’absente sans un mot pendant une heure. Elle revient aussi silencieuse qu’elle est partie, le regard triste et fuyant. Alors ce soir, elle attend quelques minutes et emprunte le même chemin que sa fille. Elle l’a suit dans le dédale des rues du centre ville, les commerces sont fermés, à cette période de l’année les murs en pierre et les vitrines reflètent la tristesse du temps et la mélancolie s’est emparée de cette petite station balnéaire. Mélanie a recouvert sa tête d’une capuche vert kaki pour se protéger de la bruine. Sa mère quelques mètres derrière elle voit tout de même quelques mèches blondes qui s’échappent et viennent se coller le long du plastique de la capuche. Elle continue son chemin pour arriver sur le bord de plage, son pas est plus lent, plus lourd lorsqu’elle s’engage sur le sable humide, elle avance encore jusqu’au ponton et termine sa marche à son extrémité. Elle croise ses bras et reste immobile. Sa mère s’est arrêté avant le sable et l’observe en silence, dans la pénombre elle ne devine que son coupe vent kaki et le sac à dos bleu marine. Mélanie semble figée sur place, sa mère ne voit pas son visage mais elle sait que son regard est déterminé alors qu’elle scrute l’horizon. Elle a compris. Dès que sa fille a déposé le pied sur le ponton, le souvenir douloureux de leur dernier échange lui est revenu.Il y a un mois, Mélanie a reçu une lettre, un petit bout de papier qui allait faire voler en éclat leur petite vie tranquille. Depuis toujours elle ne sont que toutes les 2, le père de Mélanie les a quitté alors qu’elle était enceinte et pour ne pas la faire souffrir elle lui a dit qu’il était mort avant sa naissance. Les années ont passées et elles ont construit leurs vies toutes les deux, inséparables et fusionnelles. Il y a un mois, le père de Mélanie a pris contact avec elle, il voulait la rencontrer. Insensé, impensable pour sa mère, sauf que son mensonge avait été mis en lumière. Mélanie était entré dans une colère froide et silencieuse et ne lui adressait plus la parole, son regard évitant toujours le sien. Les seules mots qu’elle avait prononcé était je vais y aller. Là-bas, c’était en Angletterre, de l’autre coté de cette foutue mer. Voilà ce qu’elle regardait, la destination qui l’emmennerait loin d’elle.

  13. oholibama dit :

    Révélez-nous qui est le personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi…
    Mille huit cent quatre-vingt sept, l’année de tous mes maux.Je connaissais un vieux sculpteur, Jacques qu’il aimait que je l’appel.

    âgé de quatre-vingt deux ans, toute sa tête, des mains en or…je lui avais comté mon histoire, ma haine, mon déboire, ma chute vers le désespoir, la dérive illusoire, puis…le réveil sombre, emplit d’une certaine violence.

    Il m’avait écouté, ses yeux de porcelaine laiteux me fixant avec me semblait-il, de la bienveillance, avec une petite nuance de tendresse. Mes errances m’emmenèrent vers mon point de chute que plus jamais, je ne quittais.

    La sous le regard immense de l’océan, j’appris tout d’elle, j’écoutais les longs discours de ces marins ivres de l’envies de repartir. Ils ne savaient pas nagés et pour cause ( en cas de naufrage, la mort, venait plus vite disaient-ils. Quel courage.)

    Le matin de très bonne heure, ils sortaient la pêche n’attendait pas. Les longues barges, lourdes, peinaient pour sortir du port. Celui-ci venait à peine de sortir de terre et de granit brute…Brest n’a jamais était facile. Mon coeur les accompagnait. La journée état soit longue, soit courte,mais toujours pleine de tracas.

    Je n’en pouvais plus alors le soir lorsque les barges rentraient au port, les femmes, les enfants heureux (ses) lançaient des cris de joies. La prise enlevé, les marins après le nettoyage, pouvaient quitté la barge fiers d’être rentrés vivants.

    Moi! Moi j’attendais debout sur mon rocher, perdu dans mes tristes pensées,priant pour que la dernière barge revienne . La joie quant au loin, je voyais cette vieille barge, qui tanguait tant et tant que cela, me donnait presque le mal de mer.

    Mon envie de prendre la mer était si grand, la puissance de ce désir lancinant m’empêchait de dormir. Mon besoin de découvrir des contrées forts éloignées faisait de mes nuits le cauchemar de ma vie.
    J’ai grâce à des prêts parcouru les océans,pourtant, mon coeur toujours me ramène à Brest.

    Et là, je regarde maintenant les pêcheurs …revenants à bout de forces, forçant comme ceux de naguère sur les rames amenant la lourde barge à quai.
    Les marins , étaient fébriles, fatigués, énervés, ils lançaient les filins…mais personne n’était là pour les aider. Moi! Mais Moi, je ne pouvais plus les aider…Jacques a fait de moi un souvenir, un être à part, un être qui veille jour et nuit…attendant avec patience, crainte, joie le retour de ces enfants de pays.

    Pourquoi fit-il cela? Sa réponse me surprit et en même temps, elle me ravit?
    _Parce que tu es le seul à être revenu, le seul maintenant à les attendre matin et soir…Ils le savent et sont confiant quant au loin , ils voient ta haute silhouette, leur coeur bat plus fort, leurs membres engourdis par le froid, par la douleur des rames lourdes qu’il faut pourtant plongés dans l’eau sombre d’une mer agitée, rejetant l’homme et sa violation de son ventre.

    Ces hommes qui prennent ses enfants, la rende triste, coléreuse et souvent , elle hurle, frappe, retient, relâche ses forces afin qu’ils viennent en elle puis, elle se calme ayant eu son content de vie. La mer n’est pas tendre, elle est même l’esprit de l’eau le plus fort qu’il soit. Misérable sois-tu, toi qui te crois plus fort qu’elle, elle te le fera payer.

    Je le sais pour l’avoir vécu, la mer ne se laisse pas dépouillée sans se battre furieusement. Depuis que Jacques a fait de moi ce que je suis, je connais ses rages et sa force. Souvent elle me fouette de ses lames glacées me passant largement par-dessus la tête. Il a fallut me déplacé afin qu’elle ne batte plus contre moi, trop forte.

    Oui, je vous regarde perché sur mon socle de granit mais surtout, je regarde la mer droit devant et je pleure quand les hommes sont dit » perdus en mer » que de femmes, que d’enfants ce sont tenus tout contre moi répétant sans cesse les mêmes paroles… » dieu puissant, vierge Marie ramènes-moi mon époux, mon frère, mon enfant ».

    Si j’étais encore vivant, je hurlerais de peine tant je le vis avec tous ceux qui courageux brave l’océan. Je reste tel un vigile, j’attends le retour de mes enfants.
    y-l.

    Sur une idée de Pascal Perrat.

  14. Catherine M.S dit :

    444

    On ne voyait que lui
    L’homme au coquillage vissé sur l’oreille
    Qui dévorait le ciel, la mer, le soleil
    Comme un improbable dessert
    Tôt le matin il prenait place
    Tout au bord de l’océan
    Élégamment
    Comme s’il était dans un palace
    Avec une économie de mouvement
    Seule sa tête bougeait
    Comme pour faire des ronds dans l’air
    Et accentuer le mystère
    Qui l’entourait …

    Je l’avais toujours observé de loin
    Mais ce matin
    J’ai décidé de m’approcher
    Et, pourquoi pas, lui parler
    C’est d’abord son dos qui a attiré mon attention
    Et plus précisément l’inscription
    Qui figurait sur son blouson
    444 cousu sous des lignes verticales
    Original
    Mais quelle signification ?
    – Excusez-moi de vous déranger dans votre méditation
    Mais sur votre blouson…
    Il m’a longuement regardée
    Comme s’il venait de se réveiller
    – 444 jours de prison j’ai effectués
    Avant que l’Autre ne passe aux aveux
    Me répondit-il, des larmes au bord des yeux
    Alors maintenant j’écoute le murmure du monde
    En fixant l’horizon.

    Je me suis vite éclipsée
    Pour le laisser à sa contemplation.

  15. Webfourmi dit :

    Révélez-nous qui est ce personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi.

    De sable, de galets et parfois de coquillages, nous tournons toujours le regard vers l ‘horizon. Sans nous voir nous gardons contact avec nos frères, lien tenu mais inaltérable qui nous unit , indispensable à notre survie.
    De la plage de Bornéo au Cap vert, nous veillons sur les plages.
    Le moindre crissement de grain de sable nous tient éveillé. Nous rions de voir les enfants batir sans relache leurs châteaux. Les forteresses prises d assaut par les doigts avides des vagues sont reconstruites inlassablement jour aprés jour, mois après mois.
    Nous vibrons de la passion des amants de la lune, qui s’ ébattent sans pudeur les longues nuits d d’éte.
    Nous pleurons avec les veuves aux longs cheveux defaits qui errent le long de l abysse sans fin qui a engloutit leurs hommes.
    Mais avant tout, nous sommes a l écoute du frémissement d’ impatience des griffes marines , celle qui cherchent sans répit à arracher l l’âme de ces hommes. Combien de fois avons nous lutté pour empecher les vagues de s unir ?
    Nous controns le courant de toute nos forces, reconstruisons nos défenses contre les inlassables attaques de l eau.
    Parfois nous sommes vaincus mais nous n abandonneront jamais. Nous sommes les sentinelles depuis toujours et nous vous protégons en silence.

  16. Sylvie Wojcik dit :

    Sentinelle

    A l’aube ou bien au crépuscule, Alban se tenait toujours là, sur cette plage ou bien une autre dans la grande baie, debout, les bras croisés, scrutant le large, attendant on ne savait quoi. Il n’apparaissait jamais au grand jour ni en pleine nuit. Personne ne le voyait jamais arriver ou repartir. On le trouvait là, tout simplement, et personne n’y prêtait attention. Seuls les promeneurs de chiens, les joggeurs matinaux et les rares personnes qui s’aventuraient sur ces plages à ces heures le voyaient, mais sans le voir vraiment. C’était un peu comme un rocher ou un pic enfoncé dans le sable, il s’inscrivait dans le paysage. Il n’était pas toujours à la même place mais toujours on faisait spontanément un écart pour ne pas trop s’en approcher, comme s’il y avait un périmètre à ne pas franchir.

    Alban se nourrissait de ce moment où le jour naissait ou disparaissait. Selon son humeur, il venait à l’aube ou au crépuscule. Il captait les premières ou les dernières lueurs du jour à l’horizon et il partait. Quand il regagnait la mansarde qu’il occupait au-dessus du café-loterie du village, toujours il s’allongeait et il rêvait. Alban avait toujours fait ça, depuis son enfance, du plus loin qu’il se souvienne.

    Alban était un enfant trouvé, échoué sur une plage après une marée d’équinoxe il y a maintenant presque 60 ans. On n’avait jamais su d’où il venait, ce qui lui était arrivé. Aucun naufrage n’avait été signalé des dizaines de kilomètres à la ronde. Au village, personne n’avait voulu de cet enfant qui devait avoir quatre ans tout au plus. C’est le vieux Gaétan, pêcheur et un peu magicien, qui l’avait recueilli, nourri, élevé et éduqué, à sa manière. Adulte, Alban était devenu gardien de phare. Il disait à qui voulait bien l’écouter que pour guider les navires, il parlait aux vagues et avait conclu un pacte avec la lune.

    Un jour, la compagnie de sécurité maritime décida d’installer un phare automatique. Alban fut remercié, tout le village lui rit au nez. Quelques jours plus tard, le nouveau phare à peine inauguré, Alban se posta, au crépuscule, comme à son habitude, bras croisés, face au large, mais cette fois-ci il ne resta pas immobile. On dit qu’il avançait à pas lents sous le clair de lune, dans l’écume qui roulait à ses pieds, à ses genoux, à sa taille et bientôt à son cou. Puis il disparut totalement et les vagues se turent.

    Le lendemain, les promeneurs de l’aube virent une nouvelle silhouette sur la plage, les bras croisés, face au large. Une nouvelle sentinelle était là et la lune brillait.

    ©Sylvie Wojcik

  17. Grumpy dit :

    Savoir qui je suis, pas compliqué, je suis une star connue dans le monde entier.

    Je me tiens là, blafard et raide comme un piquet, depuis 1931. Qui dit mieux ?

    Vrai, facile, je ne suis pas humain, j’ai été statufié pour les humains justement.

    Mon endurance n’a pas de limite, enfin, c’est ce qu’en orgueilleux je pensais. Jusqu’au jour où j’ai reçu un coup de foudre. Un vrai, tonnerre, éclairs et tout et tout.

    Je m’en suis bien tiré, ça m’a tout juste pété un doigt. Vite, vite, on a envoyé un gars de la Grimp qui est venu me le recoller. Trop célèbre pour que l’on me montre esquinté. J’étais bien soulagé d’avoir été si vite restauré, parce que c’est le doigt que je me mets dans le nez lorsque la ville à mes pieds est trop polluée.

    Je passe la vie que l’on m’accordera à contempler la mer mais de haut, pas question de piétiner dans le sable, j’ai horreur de ça, il m’abrase. Je le laisse aux belles et aux bellâtres qui s’y dorent et y jouent tous les jours que Dieu fait (évidemment.) Ils montrent tous un peu trop leurs attributs de séduction, ça me gêne, mais je leur pardonne car un jour ou l’autre, chacun d’eux me jette un regard.

    Alors je leur tends mes bras grands ouverts, je suis l’accueil, le refuge, le rédempteur.

    J’ai bien essayé un jour de croiser les bras de crainte de m’ankyloser, ça ne m’a pas réussi, ça a déplu, ça a déçu, plus personne ne me regardait, incapable que j’étais de remplir ma mission.

    J’ai repris la pose éternelle (j’espère) que m’impose mon corps de béton. J’attends paisiblement la fin du monde. Et quand il m’arrive de temps en temps de trouver le temps long, j’envoie un petit signal à Maman, je sais qu’elle s’ennuie elle aussi parfois, perchée à regarder la mer, elle veille sur les pêcheurs de Marseille, moi sur les pécheurs de Rio.

  18. Laurence Smits dit :

    Il attendait toujours. Jour après jour. Dès la première lueur du jour. A la tombée du jour. Son amour…
    Elle était partie joyeusement voguer dans les vagues ce matin-là, dansant dans l’eau rouleau après rouleau. Comme toujours. Comme tous les jours. Jour après jour.
    Elle adorait l’eau, la mer, plutôt l’océan. Celui du Pays Basque, fougueux comme il sait l’être, même en plein été.
    Elle nageait bien, trop bien, loin, trop loin.
    Elle nageait à toutes les saisons, hiver comme été. C’était son sport. Elle revenait toujours rassérénée après tous ces efforts contre les courants. Lui, il la récupérait heureuse en pleine forme. Il ne le suivait jamais. Si, des yeux, sur le sable ou sur un banc. Face au large, face à l’océan, comme pour mieux se rassurer, comme pour mieux dialoguer avec lui. Il en avait peur. Il le craignait. Il s’en méfiait. Il ne lui faisait pas confiance. Mais alors, pas du tout.
    Il la regardait virevolter entre les surfeurs, nager avec aisance, braver l’écume, contourner les rochers, dépasser ses propres limites. Pour lui, les limites étaient vite atteintes : il ne savait pas nager. Il n’avait jamais appris. Il avait peur de l’eau.
    Comme il l’attendait, il ne pouvait rien faire d’autre que de la regarder, en attendant. De temps à autre, elle lui envoyait un petit coucou de la main. Il lui répondait, pas vraiment à l’aise. Il suffoquait. Même en plein vent, face au large.
    Les années n’avaient pas atténué sa passion. C’était sans raison, sans limite. Une passion dévorante. Il ne comprenait pas, mais il acceptait. Pas le choix. Il l’aimait. Sans raison, sans limite. Unis pour la vie par les liens du mariage. Seule la mort pouvait les séparer.
    Il partageait tout avec elle. Sauf l’océan. Il ne pouvait pas le braver. Il ne pouvait pas la braver dans cette passion, dans cette obsession. Ce monde lui paraissait l’engloutir à chaque fois. Elle disparaissait au large pour ne devenir qu’un petit point sur la ligne d’horizon. Il aurait voulu la harponner et la ramener prise à l’hameçon. Mais comment ramener une âme aussi libre ?
    Elle était libre dans l’océan. Elle faisait corps avec lui. Maternellement. Lui ne se sentait libre qu’à ses côtés. Pas devant l’immensité des flots. Et si quelque créature allait l’engloutir ? La prendre dans ses bras pour l’emporter au fond d’un gouffre ?
    Alors, il l’appelait de toute son âme. De toutes ses forces. Il s’époumonait. En vain. Comme toujours. Jour après jour. Saison après saison.

    Ce matin-là, elle ne sortit pas des flots. Il attendit sagement. En vain. Son corps ne revint jamais. L’océan était devenu sa tombe. Comme pour tant d’autres. Sa vie à lui était devenue muette comme une tombe. Il ne parlait plus. Il devint comme un automate, guidé par le bruit des vagues qu’il entendait de son appartement.
    Alors, tous les matins, il prenait la direction de l’océan, assis sur son banc, face aux flots. Comme toujours. Jour après jour. Il attendait. Son retour. Il espérait. Qu’elle vienne lui faire un petit coucou, un signe de la main. Il se tenait les bras croisés de colère face à ce monstre. Il l’invectivait avec ses poings. Il s’invectivait en silence. La tempête grognait dans son cœur. Il était à l’unisson avec l’océan. Souvent. Il dialoguait avec lui. Il le suppliait de lui rendre son amour. Comme toujours. Jour après jour.

  19. Nadine de Bernardy dit :

    La vieille femme est,comme tous les après midi,debout sur la petite dune de sable formée par les dernières grandes marées.
    Les bras croisés,immobile,elle scrute l’horizon,insensible aux éléments qui la décoiffent,la transpercent ou l’accablent de chaleur quand le ciel est sans nuages.
    D’Etel à Erdeven,on connait sa silhouette, mais seuls les plus anciens savent ce qu’elle fait là.
    Maryvonne a 70 ans.
    En octobre 1958,son père s’est noyé avec huit autres personnes,dans la catastrophe de l’Hérétique,le canot de sauvetage de ce docteur venu de la ville pour le tester,ici, dans le Morbihan.
    Guerwan,le père,était sauveteur en mer.Un métier à risque qu’il aimait par dessus tout.Ce vendredi,on lui avait demandé s’il voulait participer aux essais du canot gonflable.Il avait dit oui,bien sûr,malgré la mer mauvaise,le vent qui mugissait et le ciel d’automne plombé et bas.
    A la Barre,les vagues étaient énormes,les nuages roulaient à toute vitesse au dessus des têtes.
    Erwan était trop fier de monter sur le frêle bateau pour écouter la voix de la raison,et il y croyait, comme les autres,à sa réputation d’insubmersibilité.
    A la nuit tombée,quand les pêcheurs,les curieux,les gardes côtes sont revenus sous la pluie,tête basse,que les corps retrouvés ont vite été emportés à l’abri des regards indiscrets,que le docteur,seul survivant,a été emmené par les gendarmes,Maryvonne n’a pas tout compris.
    Aux questions,sa mère répétait,les yeux dans le vide:
    « Il s’est perdu en mer »
    Niant l’évidence,la petite fille s’est raccrochée à ces mots,s’il est perdu,il va retrouver son chemin son papa si courageux,il va revenir à la maison.C’est à partir de là,qu’obstinément,jour après jour,gardant cet espoir qui devenait de plus en plus incertain au fil des ans,elle est allée se poster face à l’océan.
    Ce rêve, après l’avoir aidé à supporter l’absence de Gurwan,l’a rendu folle petit à petit.
    Sa mère n’essayait plus de lui interdire d’aller à la plage après l’école.
    La pauvre femme mourut ,Maryvonne restât dans la maison de son enfance.Seule,perdue dans ses souvenirs,ne parlant quasiment à personne.
    Qui aurait pu la comprendre?
    Certains se moquaient d’elle:
     » Et alors ton père, toujours pas rentré?
    – Non il s’est perdu en mer, répondait-elle sans se fâcher.
    Aujourd’hui,sa frêle silhouette est aussi connue que les bras du sémaphore à l’entrée de la Barre.
    Et Maryvonne guette,guette,et guette encore.

  20. Ophélie E. dit :

    On pourrait le croire mort tant il est statufié comme le penseur de Rodin. Tous les matins, les passants et les vacanciers l’aperçoivent, là-bas, tout au bout de la jetée.

    Il se souvient du jour où des pécheurs à la ligne sont venus le faire suer à s’inquiéter de lui. Le sait-il, seulement, qu’il est devenu asocial dans ce monde qui le dépasse et qui ne veut plus de lui. Il préfère rester avec lui perdu dans ses pensées. Pourtant, avant, il était bien mordu pour taquiner le poisson dès l’aurore. Mais tout ce tralala à monter ses lignes, à chercher des appâts dans les rochers le fatigue rien que d’y songer. Sa douce ne comprenait pas toujours son besoin de s’éclipser les samedis, dès potron-minet. Comprenait-elle seulement, qu’à cette époque, il avait besoin de décompresser des soucis de son entreprise et de ses difficultés à la maintenir à flot. Il tourne le dos à la plage ; ses yeux, perdus loin au large, ne voient pas les voiliers naviguant au gré du vent. Il ne veut pas voir les amoureux déambulant main dans la main en se bécotant, ni ses familles rassemblées sous les parasols. Il ne veut pas entendre la joie des enfants, qui se chamaillant à faire des châteaux de sable, qui s’amusant comme des fous à jouer au volley, qui poussant des cris perçants à s’ébattre dans la mer.

    Ce dos qui lui fait un mal de chien, ses jambes qui ne le soutiennent plus guère le laissent à penser que le grand barbu, là-haut, n’est pas très miséricordieux. Comme d’habitude, machinalement, lorsque l’astre du ciel devient trop ardent, en se massant les reins, il déploie sa vieille carcasse et s’en va à pas comptés rejoindre son antre. Il poursuit ses fantômes sans songer ni à la barquette qu’il devra faire réchauffer ni à la fin de sa journée passée à somnoler devant les ineptes programmes de la télé.

    Il lui tarde tant de la rejoindre, Elle, son adorée !

  21. Clémence dit :

    Révélez-nous qui est ce personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi.

    Moi, c’était ailleurs que je l’avais vu. Statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi. Si mes souvenirs sont exacts, c’était à l’occasion d’un voyage en Allemagne.

    Je suis certain de ne pas être le seul à l’avoir vu. Sa silhouette, qui semblait d’un autre temps m’avait d’abord émerveillé, puis intrigué, puis obsédé. Tant et si bien que je commençai à le voir partout.

    Sa silhouette se révélait à toute heure du jour et de la nuit, mais aussi en tous lieux, en toutes saisons. Il était toujours là où j’étais.

    Mon obsession se mua en hallucinations puis en psychose. Mon entourage s’inquiéta. Certains me proposaient de m’isoler comme un ermite, loin de ce fantôme, d’autres me suggéraient de passer quelques temps chez eux, en galante compagnie.
    Je répondis favorablement, mais mon spectre ne me quitta pas pour autant.

    Un soir d’été, alors que je flânais le long d’un canal dans une charmante ville fleurie, mon regard fut attiré par une plaque de cuivre.
    « Frédérique David. Psychiatre ». Je notai rapidement son numéro de téléphone sur mon petit carnet et songeai que j’avais peut-être trouvé la solution qui me délivrerait de cet assujettissement.

    Les deux premières séances furent ardues car je ne parvenais pas à trouver l’élément qui me permettrait de défaire ce nœud d’angoisse. La troisième séance fut salutaire car, la veille, j’avais fais un rêve et le tableau s’était clairement révélé : un homme, peint de dos et contemplant une mer de nuages .

    Je parvins dès lors à trouver un déroulement heureux en utilisant une double technique imparable.
    Je parvins à convaincre mon employeur de m’offrir une année sabbatique. Aussitôt, je fourrai dans un sac à dos le strict nécessaire et glissai la lanière d’un appareil photographique autour de mon cou.

    Je bourlinguai dans le monde entier et fis des milliers de clichés. Mais jamais je ne retrouvai l’homme du tableau.

    De retour de mon périple, je montrai à un ami un jeu de photos. Subjugué, il me glissa le nom d’une connaissance, qui avait une connaissance, qui, en son nom, serait probablement intéressé pour une exposition dont le sujet était original. Je n’y croyais pas trop. Mais un jour, je dus me rendre à l’évidence. Le bouche à oreille avait parfaitement fonctionné ; la confirmation venant par un mail d’Allemagne.

    Fébrilement, je tapai sur les touches du clavier et pris connaissance de l’invitation pour une première rencontre et l’élaboration du projet.

    Quelques mois plus tard, j’exposais mes photos dans une galerie de la « Kunsthalle » à Hambourg. Galerie qui s’ouvrait sur la droite du célèbre tableau : « Le Voyageur contemplant une mer de nuages » de Caspar David Friedrich.

    Le succès fut immédiat, et je devins une célébrité . Mais je tenais à garder une forme d’anonymat.
    A chaque tentative d’interview, je posai, silencieux, comme un être statufié, les bras croisés, face au large, attendant je ne sais quoi.

    © Clémence.

  22. Grumpy dit :

    Très belle idée, Jacques comme tu nous manques … si tu voyais ce qu’est devenue la chanson française !

  23. Souris verte dit :

    🐀 LE CRÉATEUR
    Il est là, face à la mer, cette étendue dont il est le maître et le dieu.
    Il est Poséidon.
    Surveille chaque marée chaque roulis des vagues qui lui lèchent amoureusement les pieds. il connaît tout, des sirènes et leurs chants qui invitent au plongeon jusqu’au plus petit poisson.
    Mais est sur ses gardes car, de l’autre côté de cette ligne d’horizon, les soirs de pleine lune surtout, Neptune le querelleur s’accroche et gronde en tremblements de mer.

    Statufié mais patient, Poséidon attend son Amphitrite.🐀

  24. iris79 dit :

    Révélez-nous qui est ce personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi.

    Il avait fini par faire parti du paysage. Longtemps il avait intrigué les habitués qui le regardaient circonspects, puis il n’avait plus susciter l’étonnement que chez les vacanciers nouvellement arrivés qui finissaient également par ne plus s’intéresser à cette personne regardant l’océan.
    Après tout, nombre de gens venaient chercher la quiétude des grands espaces, la force des éléments, la sensation des embruns, le bruit ronronnant des vagues. Peut-être s’adonnait-il lui en plus, à une méditation spéciale bien que la position ne soit pas des plus conventionnelles.
    Parfois des esprits plus curieux et téméraires s’approchaient de plus près, vérifier qu’il était bien vivant, qu’il respirait qu’ils n’avaient pas à faire à une œuvre d’art quelconque d’un artiste contemporain un brin farfelu. Mais non, on pouvait même y voir pour les plus aguerris qu’il avait les yeux grands ouverts derrière ses verres fumés qui le protégeaient d’une grande clarté.
    Son esprit à lui semblait plutôt sombre et c’est ce qui inquiétait le plus les badauds empathiques.

    Un jour, une dame d’un âge avancé qui avait ses habitudes ici osa une attitude d’une simplicité extrême ; lui parler.

    S’approchant de son pas pesant et hésitant, dessinant sur le sable humide des petits trous avec sa canne qui semblait tracer une chaine à laquelle aurait été attaché une embarcation parti au loin, elle vint se poster près de l’homme et lentement leva son regard vers le sien.

    « -Bonjour…Quelle belle journée vous ne trouvez pas ? »

    L’homme restait imperturbable le regard vissé sur l’horizon.
    Elle risqua une autre question.

    « -On ne s’en lasse pas, n’est-ce pas ? Vous aimez contempler l’océan ?

    -J’attends. »

    Etonnée elle-même d’avoir réussi à établir le contact, elle se sentit tout à coup prise au dépourvu, craintive de rompre ce lien à peine tissé et ne sut que dire pour maintenir la conversation. Elle s’y risqua malgré tout.

    « -Vous attendez ! C’est donc ça !…Vous attendez…Vous attendez…Quelqu’un ? »

    Alors l’homme se mit à raconter.
    A raconter cette fameuse nuit où sur cette même plage par une pluie diluvienne il aida celle qu’il eut à peine le temps d’aimer, à fuir, à grimper dans une embarcation de fortune afin qu’elle rejoigne l’autre bout de l’horizon. La nuit était sans lune, il ne voyait que le halo de sa petite torche disparaître très vite. Ils s’étaient promis de se retrouver dans un avenir qu’il savait tellement fragile, incertain, cruel. Il avait essayé de la retenir même s’il savait que cela l’eût condamné, en se noyant dans son regard qui le happait et dans lequel il avait tant aimé se laisser glisser.
    Ils s’aimaient, terriblement, douloureusement, dans la clandestinité.
    Trop peu de temps, trop peu d’étreintes. Ils devaient renoncer à ce qu’ils n’avaient pas encore oser construire. Pour ne pas qu’on l’oublie, pour s’accrocher à un espoir, pour que ce ne soit qu’un au revoir, elle le lui avait demandé avec cet accent qui faisait si bien chanter les mots, des mots aujourd’hui qu’elle n’aurait jamais dû avoir à prononcer, qu’il aurait fallu taire.

    « -attends moi. »

    « -Alors depuis, je l’attends, c’est le moins que je puisse faire… »

  25. Pissenlit dit :

    Révélez-nous qui est ce personnage solitaire qu’on trouve habituellement sur les plages. Cet être statufié, les bras croisés, face au large, attendant on ne sait quoi.

    C’est un homme, il a plus de 65 ans, un maillot de bain qui date un peu aussi.
    Ses fesses, moins musclées qu’avant, ne parviennent plus à le remplir à moins qu’il ne se soit distendu au cours des longues heures où notre homme est resté assis sur son pliant de plage. Quand il quitte son siège, pour se poster, les pieds dans l’eau, face à la ligne d’horizon, le maillot poche aux fesses et c’est ce que nous remarquons en premier.
    Ensuite nous détaillons le personnage de la tête au pied. Il est plutôt blanc malgré le soleil et les longues heures passées sur le plage, ses jambes sont fines, légèrement écartées pour s’assurer une posture stable, ses bras costauds sont croisés sous sa poitrine. On remarque sa bedaine, son bob.
    On ne distingue pas son visage, on le voit tantôt de profil tantôt de dos.
    Parfois, il change de position et place ses mains sur ses hanches s’assurant ainsi une bonne aération des aisselles.
    Difficile de dire ce qui l’amène à méditer des demi-heures durant dans cette position. Mélange de stoïcisme et de placidité.
    S’il rêvait de voyage, il choisirait plutôt de déambuler le long du port.
    S’il rêvait d’en finir, las d’écouter sa rombière, il se posterait ici le soir.
    S’il avait des regrets, il les noierait au bistrot du camping.
    S’il avait un message à transmettre, il téléphonerait.
    S’il avait envie de pisser, il réfléchirait avant d’aller dans cette eau à 15°C !

  26. durand JEAN MARC dit :

    Il est arrivé, comme çà, à l’heure discrète où la marée s’étale. Les derniers touristes avaient secoué leurs serviettes et cela faisait une légère brume de sable autour du soleil couchant, jusqu’à la frontière.

    Moi, j’étais là, à ranger les transats. De temps en temps, je m’octroyais la mutipause de mon propre syndicat, j’allumais une cigarette et encrassais mes poumons avec une douce application.

    Il était resté là 2 heures, les bras croisés, à fixer un point invisible de tous. Ca changeait des comportements habituels du piéton de plage. Pas de lunettes de soleil, pas de maillot de bain, pas de photos de coucher de soleil, aucun ramassage de coquillage. Un homme, juste banal, les pieds dans ses baskets, un jean même pas délavé, un tee-shirt beige, une petite rougeur, peut-être sur un crâne à moitié dégarni.

    Et puis je suis rentré.

    Le lendemain, il était toujours là. Avait-il dormi sur place, avait-il fait sa pause, dormi dans un hôtel, dans un mobil-home ?? C’était difficile à déterminer. Avec la marée haute, il avait dû bouger, quand même ? Allez savoir! Sur des kilomètres de plage rien ne ressemble plus à un m2 de sable qu’un autre m2 de sable, surtout le matin, après le passage des machines.

    L’homme demeurait là, les bras croisés, comme buté, peut-être un refus de retourner au foyer après une chamaillerie de couple, ou une proximité ingérable avec une belle-mère intrusive ?? C’était possible!

    Mais il pouvait aussi bien ressembler à un anonyme migrant, attendant le juste moment pour traverser la frontière.

    A moins que ce ne soit juste un retraité, courageux, rechargeant ses batteries avant de passer son certificat de 50 mètres brasse en piscine couverte et chauffée. Ce qui rassurerait sa fille quand elle lui confiait le petit fils.

    Ce jour-là, j’avais du boulot à installer toutes les cabines de bain et j’oubliais un moment mon bonhomme.

    Le soir, il était toujours là, planté, son crâne virait au pourpre.

    Toute la semaine, j’ai ainsi pu l’observer, de loin. Je n’en ai parlé à personne, personne ne m’en a parlé. Tout ce qui ne s’agite pas n’intéresse pas. Allez t’on finir par lui marcher dessus ?

    Les suppositions me montant à la tête devenaient de plus en plus loufoques. Non, ce ne pouvait être un marin pêcheur attendant le retour de sa femme. Le siècle n’était pas suffisamment libéré pour déjà laisser la femme massacrer la morue. Pourtant les bains de sang, qu’ils disaient, ça les connait!

    Non ce n’était pas Ulysse attendant Pénélope!

    Non ce n’était pas un voyageur dépressif qui ayant sillonné la Terre, ses beautés et ses horreurs, désespéré de la bêtise humaine, attendait, fermement suicidaire, les bras en fin de croisade….le prochain tsunami…

    La saison se terminait, j’allais m’éloigner de la plage, retrouver la ville, ses plages de bêton, les enrobés du sable et mes études en logistique commercialement équitable.

    Un soir que je grimpais station Père Lachaise dans un wagon curieusement presque vide, je crus reconnaître mon bonhomme, les bras croisés, fixant à travers la vitre le passage du temps. Même taille, même posture, même stature…un peu plus décontracté, peut-être. Par contre celui là portait sur le crâne, une épaisse chevelure bouclée.

    Ce ne pouvait donc pas être le même homme.

    A moins, que, après deux semaines de méditation intensive, face à l’eau qui bouge, il s’était libéré des moutons de la mer, il s’était autorisé, contre le trépasseur du temps, à s’offrir une moumoute ?

  27. Odile Zeller dit :

    Regarde Maman, il fait quoi, le monsieur, debout là-bas ?
    Je ne sais pas, Victoire, il regarde la mer.
    Il la regarde longtemps alors. Elle change pas la mer, elle monte, elle descend, elle se met en colère mais elle ne part pas. Alors le monsieur, il a pas besoin d’avoir peur, on la démontera pas, la mer.
    Mais oui ma chérie. Tu veux pas te baigner ? Papa t’appelle.
    Non j’ai pas envie. Le bonhomme, il fait quoi? Il respire l’air de la mer, c’est ça maman ? C’est bon pour la santé, c’est Mamie qui le dit.
    Laisse le monsieur tranquille, Victoire.
    Oui Maman. Mais il est tout habillé. Ça va abimer ses chaussures. Il a pas de maillot de bain. Il est trop pauvre ?
    Je ne sais pas. Parle moins fort, s’il te plaît.
    Il est loin, il entend pas. Bizarre venir comme ça avec un chapeau noir. J’ai chaud, moi.
    Il avait pas prévu, pas le temps. Je sais pas, c’est pas nos affaires …on
    La curiosité est un vilain défaut, Maman. Je suis pas curieuse, je pose des questions. Il est sauveteur, le monsieur ?
    Non il a pas de maillot ni de sifflet.
    Mais il fait quoi là ?
    Il pense, il médite …
    Ah non, toi, tu médites, les yeux fermés. Il a les yeux ouverts et fixes. Il surveille la mer. Y aura pas un tsarimi hein, Maman ? Ce bonhomme en costume, il est peut être pesialiste en tsarimi.
    Je ne sais pas … ici, y a pas de tsunami. Regarde, Papa t’appelle. Mets ton maillot… l’autre jambe …
    Papa saura sûrement ce qu’il fait le monsieur.
    Oui vas y. n’oublie pas ta bouée !

  28. Odile Zeller dit :

    Questions bêtes
    Regarde Maman, il fait quoi, le monsieur, debout là-bas ?
    Je ne sais pas, Victoire, il regarde la mer.
    Il la regarde longtemps alors. Elle change pas la mer, elle monte, elle descend, elle se met en colère mais elle ne part pas. Alors le monsieur, il a pas besoin d’avoir peur, on la démontera pas, la mer.
    Mais oui ma chérie. Tu veux pas te baigner ? Papa t’appelle.
    Non j’ai pas envie. Le bonhomme, il fait quoi? Il respire l’air de la mer, c’est ça maman ? C’est bon pour la santé, c’est Mamie qui le dit.
    Laisse le monsieur tranquille, Victoire.
    Oui Maman. Mais il est tout habillé. Ça va abimer ses chaussures. Il a pas de maillot de bain. Il est trop pauvre ?
    Je ne sais pas. Parle moins fort, s’il te plaît.
    Il est loin, il entend pas. Bizarre venir comme ça avec un chapeau noir. J’ai chaud, moi.
    Il avait pas prévu, pas le temps. Je sais pas, c’est pas nos affaires …on
    La curiosité est un vilain défaut, Maman. Je suis pas curieuse, je pose des questions. Il est sauveteur, le monsieur ?
    Non il a pas de maillot ni de sifflet.
    Mais il fait quoi là ?
    Il pense, il médite …
    Ah non, toi, tu médites, les yeux fermés. Il a les yeux ouverts et fixes. Il surveille la mer. Y aura pas un tsarimi hein, Maman ? Ce bonhomme en costume, il est peut être pesialiste en tsarimi.
    Je ne sais pas … ici, y a pas de tsunami. Regarde, Papa t’appelle. Mets ton maillot… l’autre jambe …
    Papa saura sûrement ce qu’il fait le monsieur.
    Oui vas y. n’oublie pas ta bouée !

  29. Laurence Noyer dit :

    Face à face

    Sentinelle face au large, guetteur d’espace
    Tu veux connaitre le sens de la vie par le sens de la vue
    Ouvre grand les yeux et laisse entrer le monde
    Absorbe son essentiel, son unité, son incohérence
    Moissonne ses détails, sa substance, son âme
    Sa colossale diversité, son imposante harmonie
    Tu as l’ADN des cigales, du grain de sable
    Tu fais partie de ce monde.
    REGARDE ET DEVIENS LE MONDE.

    Le monde te regarde, t’observe
    Toi l’embryon, le colosse, l’ami, l’ennemi
    Il surveille ta démarche, tes plans
    Mesure tes manières, ton regard
    Il t’éprouve par ses bourrasques
    Te remercie par ses aurores
    Il est ce personnage solitaire, cet être statufié, face au large,
    Attendant on ne sait quoi…
    T’ATTENDANT, TOI

  30. Camomille dit :

    19 H,
    Je vais faire mon footing comme tous les soirs sur la plage,
    Je suis depuis peu dans cette région que je découvre et que je commence à aimer.
    Et je m’étonne…..
    Quel est ce personnage solitaire que je vois tous les soirs, statufié, les bras croisés, face au large, attendant… attendant ?
    Je cours, je le dépasse, et il reste là, toujours là : imperturbable
    Et je m’étonne….
    Alors, je questionne le patron du bistrot de la plage.
    Son visage se referme et il lève la main comme pour balayer ma question.
    – Oh peuchère… c’est une bien triste histoire !
    Je n’en saurai pas plus ce soir.
    Le lendemain, je reviens à la charge en questionnant quatre piliers de bar que j’ai su me mettre dans la poche.
    L’un d’eux me répond :
    Ah ! Le pauvre…Tout ça c’est à cause de la Fanette !
    ?
    Tu parles trop Fernand, tu bois trop, tais-toi ! (lui dit un de ses potes)
    ?
    Tu sais bien que c’est la vérité (s’énerve Fernand), et puis, le nouveau pourquoi qu’il ne saurait pas Hein ? Pourquoi ?
    ?
    Et Fernand de poursuivre : moi je vais te raconter l’histoire :
    Ils étaient deux amis… et Fanette l’aimait,
    Faut dire, faut dire qu’elle était belle
    comme une perle d’eau
    faut dire qu’elle était belle
    et qu’il n’est pas très beau …
    et puis… et puis…
    faut dire, faut dire qu’il était fou
    de croire à tout cela
    faut dire qu’il les a vus
    comme amant et amante
    faut dire que ce jour là
    ils ont nagé si loin
    ils ont nagé si bien
    qu’on ne les revit pas
    faut dire…..
    Tè, ça me fait trop de la peine, mais il dit que le soir quand les vagues s’arrêtent, il entend comme une voix… Il entend LA FANETTE !
    Je remerciais mes potes d’un soir et depuis, lorsque je fais mon footing, je contourne le personnage afin de ne pas le déranger dans son attente, dans son écoute, mais un soir moi aussi, quand les vagues s’arrêteront, je viendrai écouter. On ne sait jamais !

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