413e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante, était très « collector », comme elle adorait. Vendu ! Souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
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La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire.
L’homme, pur produit des années quarante était très « collecter’.
L’ensemble compléterait idéalement sa galerie d’art déjà riche de deux poilus: un français bleu horizon et un allemand avec son casque à pointe placés dans deux tranchées de boue en face à face; un résistant fusillé au Mont Valérie; un dignitaire nazi volé à Nuremberg; un prisonnier de retour d’un camp de travail; un existentialiste sortant d’une cave de St Germain-des-Prés; un étudiant de 1968; un hippie américain; un trader…
Cet antiquaire lui plaisait énormément; Elle l’acheta et lui tout content de la somme promise proposa de livrer le Voltaire à domicile.
Le jour convenu, Marcel, un taxidermiste de ses amis, d’un talent fou et d’une discrétion bien rémunérée était présent lors de la livraison.
L’antiquaire promptement endormi, Marcel se mit au travail.
Le résultat était époustouflant, la pose dans le fauteuil Voltaire d’un naturel confondant, des yeux d’agate d’un brun mordoré ouverts sur un livre » L’herbe du diable et la petite fumée « emblématique des hippies et new age des années 70, à son cou un pendentif en forme de peyotl, tel un talisman éveilleu
r d’esprit.
La chineuse était comblée, cette nouveauté lui ferait bien trois mois.
Le moment venu elle se mettrait en quête de nouveauté… Pourquoi pas un gilet jaune ?
Nicole L.
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante, était très « collector », comme elle adorait. Vendu ! Souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
Le vieux, surpris et apeuré sortit de sa torpeur en maugréant un chapelet de mots inaudibles. Il se leva aussi prestement que possible et scruta à travers ses binocles qui lui glissaient dangereusement du nez celle qui avait osé l’extirper de ses rêveries.
-Comment ça « vendu » ?
-La semaine prochaine, j’organise un rassemblement de brocanteurs dans ma ville ! A chaque exposant son époque ! Et pardon de vous le dire, mais quand je vous ai vu assoupi là, dans votre fauteuil, j’ai immédiatement été transporté dans les années où il faisait fureur. Seuls vos habits ne s’harmonisent pas totalement bien au style « Louis-Philippe » si je puis me permettre. On aurait pu croire Voltaire endormi ici après avoir écrit quelques vers, regardez ! Sur votre petit secrétaire devant vous, l’encre semble encore fraîche ! Ah quel talent pour la mise en scène ! C’est extraordinaire !
-Mais qu’est-ce que vous me chantez là ? Pourquoi voudriez-vous m’acheter ? Qu’est-ce que c’est que ces manières !
Le femme interloquée, marqua un temps d’arrêt ne sachant pas vraiment si elle devait éclater de rire ou s’inquiéter pour la santé mentale de ce vieux monsieur. Ou peut-être encore se moquait-il d’elle ?
-Pardon, je ne voulais point vous offenser. Cette boutique est à vous ? Osa -t-elle d’une voix fluette et méfiante. Je pensais que…
-Et bien vous pensiez mal ! D’abord, qu’est-ce que je fais ici moi ? Où est passée ma casquette ? Ah elle est ici ! dit-il soulagé en la décollant de l’endroit d’où elle n’avait pas bougé c’est à dire sa tête qu’il ne semblait plus avoir en entier….
-Georgette, où est Georgette ? Vous n’avez pas vu Georgette ? Elle a encore dû rejoindre ses copines au lavoir. Ah ça pour cancaner ! Et avec tout sa, je n’ai pas eu ma soupe ! Georgette ! Cria-il en se dirigeant vers une pile d’assiettes placées non loin d’ici sur un petit guéridon devant l’armoire de draps de grosses toiles de coton tant recherchées à nouveau dans quelques maisons. La pile d’assiettes vacilla mais il put s’en même s’en apercevoir en extirpé une qu’il plaça sur le petit bureau devant lui.
-C’est ti pas malheureux quand même ! Obligé de faire ma soupe ! A mon âge !
La femme comprenant la méprise ne savait plus comment se dépêtrer de cette situation et cherchait désespérément du regard quelqu’un qui aurait pu lui venir en aide.
-Comment vous appelez-vous demanda -t-elle pour gagner du temps ?
Le vieux allait répondre quand il resta bouche bée interrompu par le carillon de la boutique qui tinta avec force sur le passage d’une belle jeune femme essouflée.
-Oh pépé ! Tu es là ! On te cherche partout depuis des heures.
-Moi aussi Georgette, je te cherchais ! Où t’étais passé ? Et ma soupe ? Et puis il y a celle-là qui m’embête, qu’a l’air perdu, dit il aussi discrètement que possible en montrant du menton celle qui avait osé lui soufflé « vendu » dans l’oreille…
-Pépé, tu t’es encore trompé ! En sortant de ta résidence, c’est la première à droite pour la salle à manger ! Pas la première à gauche !
Veuillez l’excuser Madame, dit alors la petite fille du vieux monsieur, cette boutique n’a pas toujours été une brocante. Mes grands-parents ont vécu ici dans les années quarante. Depuis le décès de ma grand-mère, mon grand-père qui vit en maison de retraite maintenant revient toujours ici confondant les époques…Elle s’excusa une dernière fois avant de rejoindre Maurice qui l’avait devancé, motivé par la faim qui le tenaillait.
-Le carillon retentit à nouveau sous la voix guillerette de la propriétaire qui salua chaleureusement Maurice qu’elle savait être coutumier du fait et se retourna vers celle qui ne savait plus quoi faire perdu au milieu de cette boutique.
-Bonjour ! Excusez moi , je me suis absentée deux minutes pour faire de la monnaie. Je n’ai pas cru bon de le signaler par mon petit panneau habituel. C’est Maurice qui vous a accueilli du coup ! Que puis-je faire pour vous ?
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme pur produit des années 40 était très « collector », comme elle adorait. Vendu ! souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi en salopette bleu-défraîchi, chemise à carreaux, manches retroussées.
Il reposait son coude sur le bras du fauteuil. On aurait dit un penseur fléchissant sur un problème particulier, une idée insoluble. Celle-ci faisant son chemin, il imaginait qu’à son réveil, elle aurait disparu parce qu’inutile ou bien elle serait devenue lumière pour de bon. Enfin, elle devait trottiner encore derrière ses yeux mi-clos.
Quelle ambiguïté dans ce mot qui apparaissait soudain comme un intrus dans son rêve. Vendu toi-même ! répondit-il dans son rêve à ce parfum exaltant qui estompait l’idée. Elle lui échappait. Mais c’était peut-être ça, justement l’idée, ce parfum capiteux sur lequel il s’était endormi.
Il se frotta les yeux comme pour s’informer de la gare d’arrivée. La gare des parfums qui voyageaient dans son écrin d’objets rares. Sa promenade investigatrice des arômes s’éparpilla.
Une cliente, se dit-il, qui plus est, parfumée à souhait. Je m’en occupe. Que voulait-elle acheter ? Il entendit la porte s’ouvrir puis claquer bruyamment. Elle ne doit pas s’éloigner. Que tenait-elle à la main ?
Soudain il s’éveilla. C’était sans doute une riche américaine qui voulait acheter son fonds de commerce. Vite, il ajusta sa casquette, courut vers l’entrée et, abandonnant sa boutique, il s’aventura sur une centaine de mètres. Trop tard ! Il ne la voyait déjà plus. Elle s’était envolée comme les effluves au vent. Aucune silhouette féminine à l’horizon. Un dernier regard en direction du centre-ville. Quelques badauds mais pas de jeune femme. Déçu, il revint à son magasin. Pourvu qu’elle ne m’ait rien subtilisé, se dit-il. Il fit l’inventaire d’un rapide coup d’oeil sur les théières exposées en vitrine et d’autres sur des meubles. Et ce parfum qui venait d’égayer son réveil, toujours présent. Tant pis si l’affaire ne s’est pas faite, c’est qu’elle ne le devait pas.
Il frotta son visage et ses yeux, rectifia ses lunettes et rejoignit son périmètre derrière le buffet de ferme du Maine. Cette odeur de cire et ce parfum entêtant.
– Vous laissez tous ces objets de valeur sans surveillance, dit la demoiselle confortablement installée dans le fauteuil fétiche.
Le vieil homme ne laissa rien paraître. Au fond, il était saisi comme par le coup d’un magicien.
– Comment avez-vous fait ? dit-il, le plus naturellement du monde.
– Je suis entrée par la porte, je me suis approchée, vous dormiez, je vous ai regardé un instant. On aurait dit « Le philosophe endormi ». Vous savez, celui qui fait semblant de ne pas être là mais qui surveille tout, dit-elle avec son accent de l’Italie du Nord. Combien ?
De plus en plus surpris, l’homme réfléchissait, ne trouvant pas ses mots.
– Mais… Ah! J’y suis, vous vous êtes cachée derrière l’armoire de l’entrée, dit-il enfin.
– Alors, combien ? répéta-t-elle, en tapotant les bras du fauteuil.
– 350, dit-il, mais pour vous, je ferais une faveur, je ne vous le laisserai pas à moins de 400.
– Seulement ! dit-elle avec son air amusé. Top là
Elle leva la main droite. L’antiquaire flageola sur sur ses rotules usées par les transports. Il vaut mieux s’y reprendre à deux fois avant de toper. Il me semble qu’elle est trop sûre d’elle, pensa-t-il.
– Mais de quoi parlez-vous, dit-il intrigué.
– De votre boutique. J’ai vu l’annonce en vitrine. Je vous la rachète. Alors, combien ? dit-elle avec un simulacre d’agacement.
– Je pensais à l’objet sur lequel vous êtes assise, répondit l’homme.
Elle se mit à rire d’un rire franc qui surprit encore le négociateur chevronné. Il fit mine d’être un peu gêné, sembla cogiter puis sérieux, il ajouta :
– Ecoutez, si vous le voulez bien, nous en discuterons au restaurant. Je vous invite, dit-il, avec une joie. dissimulée. Seulement, il y aura une petite condition.
– Laquelle ? demanda la dame exquise.
– Je garde le Voltaire. Vous comprenez, c’est un souvenir de mon père.
– C’est tout ! dit-elle simplement.
On aurait dit un penseur fléchissant…
Vous vous êtes cachée…
(Je n’étais pas réveillé)
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante, était très « collector », comme elle adorait.
– Vendu ! Souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
Un pâle rayon de soleil automnal se faufila entre les tentures et lui caressa le visage. Elle étira ses longues jambes et fit glisser ses doigts dans ses cheveux.
Elle se leva avec grâce et se dirigea vers son cabinet de toilette. Son regard glissa sur la longue rangée de têtes et elle sourit.
Non ! Elle n’était pas une meurtrière. Elle était une personne normale. Une personne qui prenait du plaisir à se déguiser. La perruque étant le point d’orgue.
En cette veille d’Halloween, elle avait décider de casser les codes et de se déguiser en chineuse chinoise.
Elle opta pour un teint légèrement ocré, elle souligna ses yeux en amandes, déposa des lentilles noires sur ses yeux bleus et un blush doré sur ses pommettes. Un rouge à lèvre carmin en touche finale.
Elle s’empara d’une perruque à longue tresse noire et l’enfonça sur son crâne.
– Qui diable pourrait bien me reconnaître ? murmura-t-elle, en se glissant dans une longue robe fleurie.
Elle enfila une paire de gants et quitta sa demeure.
Dans sa rue, elle croisa ses voisins qui ne la saluèrent pas.
– Parfait ! Ils ne me reconnaissent pas !
Et c’est avec une confiance renforcée qu’elle se dirigea vers le quartier des antiquaires. Elle s’engagea dans l’impasse, s’y promena le nez en l’air, mais l’œil attentif. Au second passage, elle reconnut la boutique. Y entra et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire.
L’homme, la soixantaine épanouie, était très « collector ». Comme elle. Et elle adorait ça !
– Vendu ! souffla-t-elle tout bas.
Elle attendit quelques secondes,mais il ne se passa rien. Pas le moindre frémissement, pas le moindre sursaut. Juste un craquement à peine perceptible.
– Vendu ! répéta-t-elle, en se plaçant derrière le fauteuil.
Elle scruta l’obscurité de la salle. Elle était seule. Elle se déplaça vers la porte d’entrée qu’elle ferma à double tour puis reprit sa place derrière le dossier.
– Vendu, soupira-t-elle pour la troisième fois. Le fauteuil craqua encore une fois. Et dans l’atmosphère confinée, commença un long monologue.
« Ma tâche fut bien rude, dit la chineuse chinoise. Je te ferai grâce de mon calvaire. Mais, je t’ai retrouvé. Quel sera ton sort ? Je n’en sais fichtrement rien. Ce n’est pas mon problème. A moi, il m’appartient de te faire savoir que j’ai découvert ta lâcheté, ta traîtrise.
Vendu ! C’est le terme qu’ils ont tous utilisé pour te qualifier.
Certes, tu n’as rien perdu avec les ans. Tu es toujours aussi stylé, élégant, accueillant, attentionné et attentif. Mais un jour, tu as failli. Et aujourd’hui encore, je n’en connais pas la véritable raison. La jalousie, peut-être. …, certainement.
Mais peu importe. En ce moment, je me dois de respecter ma promesse. Parler en leur nom.
Tu ne dis rien ?
Ils te faisaient tous confiance. Tous, tu entends !
Ils aimaient s’asseoir confortablement. Laisser leur esprit vagabonder, capter des idées, analyser un événement insolite, décrypter une personnalité ou plusieurs, leur inventer une autre vie, dans un autre monde.
Ils étaient confiants, alors, ils laissaient les images se transformer en mots, s’assembler en phrases, en chapitres…
Tu ne dis rien ?
Mentalement, ils écrivaient leur chef-d’œuvre.
Et toi, qu’as-tu fait ?
Tu les as trahis.
Au premier illustre écrivaillon qui prenait place après eux, tu éventais les idées que tu avais perçues. Et hop, ni vu ni connu !
François-Marie s’enticha de Zadig, Jean-Jacques adopta Émile, Diderot philosophait alors que Pierre marivaudait. Pierre-Augustin en fut tout étourdi lors d’une Folle Journée. Et cela fit grand bruit. Jusqu’au Saint Empire où Joseph fit, dit-on, des misères à Wolfgang.
Tu ne dis rien ?
Mais moi, je vais te dire !
Je te propose un marché.
On pousse l’antiquaire dans les bras d’une ottomane et je t’emporte chez moi.
Tu ne dis toujours rien ?
Dans ce cas, je te fais une confidence.
Étant donné que tu n’as pas encore livré tous tes secrets et que je suis en manque d’inspiration….
Tu piges ?
La chineuse chinoise s’installa devant son ordinateur et, d’une voix suave, souffla à l’oreille du Voltaire:
– Vas-y, je t’écoute !
© Clémence.
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante, était très « collector », comme elle adorait. Vendu ! Souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
Celui-ci ouvrit un œil et le referma aussitôt.
« Vendu ? » murmura-t-il lentement.
« Oui, vendu, in the pocket ! » dit elle tout en se laissant tomber dans l’autre voltaire jumeau juste à côté d’où somnolait le vieux grigou.
« Non de dieu ! »
« Shhhhhut ! » fit la jeune femme eurasienne en jetant un regard rapide vers la porte d’entrée de la boutique.
« combien ? » le vieil homme était plutôt du genre à aller vers l’essentiel et ses phrases toujours aussi courtes qu’une ligne de cocaïne.
Elle attrapa le stylo feutre émergeant à peine de la poche de la veste en cuir usé de l’antiquaire pris sa main parcheminée de celui-ci et griffonna à l’intérieur de sa paume quelques chiffres aux multiples zéros.
« Non de di…. »
« Ha non ! sssssuht ! »
Le vieux grigou se leva, fit quelques pas de danse en chantant « c’est si bon » d’Yves Montant tout en tirant la jeune femme hors du fauteuil il la fit valser dans ce décors hors temps.
Derrière la vitrine du magasin quelques badauds regardaient la scène en souriant de plaisir.
« je vous l’avais dis que j’arriverai à le vendre, ce fichu tableau ! » dit elle en riant tout en se laissant entrainer par son cavalier à l’allure d’un vieil Johnny Halliday.
L’antiquaire serra la jolie femme contre lui et murmura à son oreille « tu me passe le blé et je prends ma retraite illico, mais bien sur tu te sers au passage comme convenu » le vieil homme poussa doucement la chineuse chinoise vers la sortie.
« Ce soir, rendez vous au bistrot du Marlon Brando à vingt heures, sois à l’heure ma douce ! » fit il avec un clin d’œil complice en ferment à clé la porte et en affichant contre la vitre la pancarte « FERME».
Depuis maintenant six ans qu’il essayait d’écouler ce tableau de maitre sans succès.
Ce fameux tableau avait été volé par son frère il y avait plus de dix ans.
Après une brève cavale, ce frère le lui confia mais il mourut peu après lors d’un braquage et depuis six ans le vieux grigou avait tenté de vendre l’œuvre sans succès jusqu’au jour ou sa jeune voisine qui tenait une boutique d’art dans la même rue que la sienne et avec qui il s’était lié d’amitié lui fit le pari de vendre cette toile.
La jeune commerçante chineuse ayant elle-même de gros soucis financier mais connaissant du « joli monde » comme elle disait était très persuasive et sure d’elle.
Ils se mirent d’accord sur un montant bien juteux concernant la vente du tableau, la part de chacun et ensuite ne plus jamais se revoir, l’affaire une fois conclue.
La jolie intrigante réussit son coup en moins de deux mois !
Debout au milieu de tous ces bibelots et meubles d’un autre temps l’homme, pur produit des années quarante leva une main et d’un doigt montra chaque objet de sa boutique « vendu le lustre ! vendu la table ! vendu le vase ! vendu, vendu, vendu, vendu, vendu, …. !
Deux mois plus tard un panneau affiché sur le magasin annonçait « VENDU »
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante, était très « collector », comme elle adorait. Vendu ! Souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
Il dodelina de la tête secouant sa perruque poudrée à catogan. Il gratta son cou décorée d’une fraise et replaça d’un geste las les pans de sa redingote. Clignant des yeux, il réussit à placer sur l’œil droite un utile lorgnon.
Marie Antoinette tu m’avais promis de ne plus jamais m‘éveiller en … il avait conservé des îles un accent chantant qu’on attribuait aux incroyables. Son habillement mêlait les modes antérieures à la révolution dans un mixage aussi créatif que poussiéreux. Mais quand il ouvrait son coffre fort la jeun fille admirait de Mickey à Tintin et Spirou outes les premières éditions des figurines célèbres.
– Vendue je l’ai vendue !
– J’avais comp…is . Combien ?
– 400 000€
– Pas mal … c’était laquelle ? La v…aie ou la copie ?
– Vous … vous elle bafouillait maintenant … vous ne m’aviez pas ….
Il se leva, ajusta sous lui sa jambe de bois de flibustier et partit d’un grand rire …
-Vous êtes v…aiment naïve… la ca..te de l’île au t..esor, celle où la Buse …. évidemment que j’en ai fait des doubles … je sais même plus quelle est …
Adieu ma petite … on a fini … adieu…
Elle sortit bouleversée par la révélation.
Elle revint la semaine suivante. La boutique était close … à louer figurait sur la vitrine et la pancarte était couverte de poussière. Elle s‘informa chez les voisins. Le vieux fou ? Décédé depuis 50 ans. N’était jamais revenu de la guerre, déporté… il avait arnaqué un officier allemand avec un faux … la gestapo l’avait emmené… jamais revu… un drôle de bonhomme, un collector de toutes les modes de l’ancien régime … on ignorait d’où lui venaient ses vieilles fringues !
La chineuse entra dans la boutique et de dirigea droit vers l’antiquaire, somnolant dans un fauteuil voltaire.L’homme, pur produit des années 40, était très collector comme elle adorait.
Vendu, souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
L’ossature était bonne, l’assise confortable, les pieds ne semblaient pas trop abîmés, les bras assez robustes.Il suffisait simplement de changer le revêtement.
Ce jean et le pull en cachemire faisaient trop 18ème. Elle voyait bien plutôt pour lui un velours côtelé brun et un pull à col roulé en polyester vert mousse.
Elle échangerait les mocassins contre des boots à semelle compensée. Peut-être qu’un gilet en peau de mouton ferait bien dans la panoplie.
Pipe ou pas pipe? Elle verrait à l’usage car il y avait des inconvénients à ce choix. Ah! oui, les lunettes, ça n’allait pas du tout, il lui faudrait chercher une monture vintage genre Ray Ban pour l’authenticité.
Il serait bon qu’il se rasât mais, en revanche, les cheveux un peu plus longs façon bohème faussement négligée, ça pourrait faire chic.
Elle voyait également un vieux chien bourru au pied de son maître, une tasse de café à portée de main.
Son imagination s’échauffait, le vieil innocent dormait toujours.
Elle fouinât dans la boutique en quête de trouvailles et tomba sur un lot de têtières au crochet du plus bel effet sur le voltaire.Quelques livres bien choisis, ce serait quasiment parfait.
Elle soupira, satisfaite de sa matinée.Elle entendit alors:
» Madame bonjour, que puis-je faire pour vous être agréable? »
Gamine
La gamine entra dans la boutique
Très chic
Et se dirigea vers l’antiquaire
Somnolant dans un fauteuil Voltaire
– Eh, M’sieur, t’aurais pas vu mon grand-père ?
– Ton grand-père, mais de quoi a-t-il l’air ?
– Un monsieur tout petit, tout gris, très gentil
– Et que ferait-il ici ma jolie ?
– Il irait bien dans ton décor
Au milieu de tous ces vieux trésors !
Et la gamine s’est baladée dans toutes les allées
– Papy, mon Papy, où t’es caché ?
Mais elle n’a croisé que de vieilles pendules
Et tout un tas de drôles de bidules
Objets anciens, cadres, tableaux
Bougeoirs, lampes, porte-manteaux
– Papy, Papy chéri, es-tu ici ?
T’as disparu depuis jeudi
Et moi, sans toi, je m’ennuie.
A la maison on ne sait plus quoi faire
Papa et Maman ont parlé de maladie
Qui serait rentrée en catimini
Et qui aurait un nom bizarre qui finit en R
– Alzheimer ? a demandé l’antiquaire
– Oui c’est ça, et j’croyais le trouver dans ton univers
– Viens, ne pleure pas gamine,
On va mettre tous nos espoirs aux enchères
Et on va le retrouver ton grand-père.
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante, était très « collector », comme elle adorait. Vendu ! Souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
L’homme sursauta et lui dit qu’un de ces fidèles acheteurs avait pris une option pour l’achat de ce fauteuil Voltaire.
Mais Monsieur c’est vous que je veux acheter ; j’ai déjà chez moi, entre autres, le même fauteuil Voltaire. Avec votre type « collector » vous valoriseriez tous les autres meubles de mon salon et par votre présence le rendrait plus vivant, et en plus lui donnerait un petit coup de jeune à la pièce.
En fait je serai votre marionnette ?
Si vous y tenez mais vous pourriez être autre chose, ce que vous voudriez en quelque sorte, ma seule exigence serait que vous soyez vêtu toujours d’un costume identique à celui-ci et présent dès que j’aurai des visiteurs.
Et j’aurai des horaires.
Là-dessus je serai très exigeante. Vous devrez être à votre poste de 10H jusqu’au départ de mes derniers invités, c’est à dire au plus tard à deux heures du matin. Qu’en pensez-vous ?
Et mon salaire ?
3.000 E vous conviendraient-ils ? Plus primes éventuelles !
Top-là dit-il un peu familièrement. La chineuse lui remit 3.000 E pour avance sur salaires en main propre et lui dit que son chauffeur viendrait le chercher avec le fauteuil en Mercedes à la fermeture du magasin.
Et c’est ainsi qu’à 19H un homme vêtu d’un costume strict gris et coiffé d’une casquette se présenta devant le magasin ! Une pancarte était pendue à la porte d’entrée « changement de propriétaire – réouverture après travaux vers le 15 du mois prochain ».
Un mois plus tard la chineuse ,l’air furax, se présenta au directeur à l’air « très collector » aussi et exigea des explications.
Oh pour moi Madame tout çà est de l’histoire ancienne.
Dépitée elle repartit dans sa Mercedes avec chauffeur.
Il y a des années de cela. La chineuse a vieilli comme tout le monde. Elle est maintenant dans une maison de retraite. Elle dispose d’une chambre à un lit et d’une chaise en fer blanc. Parfois la nuit elle fait des cauchemars . Voltaire , Louis XIII, XIV, XV et d’autres hurlent qu’on n’avait pas le droit de donner leurs noms à des meubles. Celui qui lui fait le plus peur c’est Louis XIII qui se met dans des colères folles si quelqu’un s’asseoit sur un de ses fauteuils, surtout si c’est une femme car c’est bien connu que de son vivant il était misogyne.
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante, était très « collector », comme elle adorait. Vendu ! Souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
Il ne bougea pas. Elle enfonça son index dans son épaule en répétant « Vendu »
Sans réponse de la part de l’antiquaire elle embrasse la boutique d’une vue circulaire. Une jardinière napoléon III, un secrétaire de style Louis XVI, 2 commodes louis XV, une superbe console du XVIIIe, et des bergères diverses. Sans oublier les lampes art-nouveau qui ressemblent à des champignons et deux oeufs Fabergé splendides.
La chineuse ne sait plus où poser son regard tant la boutique est remplie de choses merveilleuses… Et tous ces livres anciens !
Mais ce qui l’a attirée c’est ce salon de jardin art-deco.Elle se sent si bien dans cette boutique. Chineuse depuis si longtemps elle connait l’art antiquaire. Elle pense proposer à ce vieux monsieur, une aide le w-e pour son lieu de trésor.
Elle soupire de bien être. C’est évident qu’elle serait à sa place ici !
« Monsieur Paul réveillez-vous ! » En le contemplant très chic dans sa chemise blanche sur lesquelles deux bretelles soutiennent un pantalon noir. Et ce noeud papillon qui lui donne l’allure d’un jeune marié. Elle a toujours aimé le regarder en passant chaque midi à l’heure du déjeuner. Ses cheveux blancs frisottent sur ses oreilles s’enroulant sur des branches de lunettes rondes.
Elle ose le secouer avec délicatesse. Il glisse de son fauteuil.
L’effroi s’empare de la jeune femmes. Sa joue est froide, elle ne sent pas son pouls.
« Allo les pompiers, venez vite à la boutique, Paul’Antiquaire, je crois que le propriétaire ne va pas très bien » N’osant prononcer le mot « mort »
En les attendant elle remarque une feuille presqu’en déséquilibre sur le bord du bureau, la saisit et lit « Je sens que ma dernière heure est arrivée, je n’ai pas de famille, Je ne veux pas donner ma boutique à l’état. Je la lègue à celui ou celle qui me découvrira dans mon vieux fauteuil. Les papiers sont prêts chez mon notaire »
15 minutes plus tard, les pompiers trouvent un monsieur décédé au pied de son voltaire et une jeune femme allongée, en crise d’apnée tenant très serré une feuille manuscrite.
Elle entra dans la boutique d’un pas décidé et leva un regard surpris sur le carillon qui tintinnabulait à son passage.
Elle, une femme entre deux ages, habillée de couleurs criardes, avec une jupe trop courte. Un tour d’horizon connaisseur sur le désordre agencé d’objets disparates, et elle fonça avec un sourire sur un fauteuil voltaire au centre de la pièce. Un vieil homme y sommeillait, d’un œil seulement, et se redressa courtoisement à son approche, prêt à lui donner le renseignement qu’elle attendait sans doute. Il fut donc surpris lorsqu’elle lui souffla à l’oreille : « Vendu ! » d’un ton sans réplique.
Encore ensommeillé, il répondit avec un sourire qu’ici tout était à vendre, sauf lui-même. Et que si le fauteuil l’intéressait, il se chargeait de le lui livrer dans les meilleurs délais.
Mais la cliente n’en démordait pas. Elle n’achèterait que le lot : fauteuil ET occupant. Elle expliqua tant bien que mal que le tout constituait à son sens un ensemble sculptural d’un réalisme frappant et qu’on ne pouvait mutiler une telle œuvre d’art en séparant les deux éléments.
La discussion s’ anima, vira à la dispute, et l’antiquaire excédé pensa lui clouer le bec en rétorquant qu’ici on était en France, où on n’achetait pas les gens, et qu’elle allait le payer cher.
« Aucune importance !! » assura la quémandeuse, qui ne comprenait que très mal la langue,« je paierai le prix qu’il faut ! »
Elle refusait de quitter la boutique et avait sorti son portefeuille. Elle feuilletait déjà son chéquier, le stylo à la main, et les enchères allaient bon train.
L’horloge égrenait les heures et la fermeture approchait.
Au bout du compte, la somme proposée devint si astronomique que l’antiquaire, de guerre lasse, la pria de repasser le lendemain. Il réfléchirait cette nuit, et lui donnerait sa réponse.
L’obstinée accepta enfin de sortir.
Le jour suivant , elle attendait à la porte l’heure d’ouverture du magasin.
Le vieil homme leva pesamment le rideau de fer et la pria d’entrer.
La nuit semblait l’avoir vieilli. En tout cas, il avait perdu son entrain et sa voix était monocorde. Ses traits sans expression trahissaient une nuit blanche.
Elle n’y prêta aucune attention et lui demanda sans détour ce qu’il avait résolu.
Il soupira profondément, haussa les épaules d’un air las, et convint qu’après mûre réflexion il reconnaissait la nécessité pour lui de prendre dorénavant un repos mérité et que ce nouvel emploi de dormeur sur fauteuil lui conviendrait. Il fit répéter à la femme la somme proposée en échange de ses services et les conditions. Par coquetterie, il se fit un peu prier puis, vaincu, accepta de la suivre. Il semblait avoir perdu toute combativité.
Rendez-vous fut pris pour le lendemain. Ils convinrent qu’elle viendrait chercher son lot d’articles à 10h précises, le temps qu’il se prépare. Elle lui remettrait alors la somme promise et il la suivrait docilement.
Le lendemain, l’antiquaire, fin prêt, attendait dans son fauteuil la venue de sa cliente, à la place même où elle l’avait découvert la première fois. Quand elle entra, il lui demanda si le lot lui convenait toujours et si elle confirmait son désir d’acquisition. Elle redit son enthousiasme dans un baragouin pseudo-artistique auquel l’homme ne comprit rien. Le chèque était prêt et elle le lui tendit
après une franche poignée de main. Il vérifia la somme et sollicita quelques minutes pour rassembler ses affaires.
Il revint au bout d’une demi-heure, monta sans un mot à l’arrière du fourgon en compagnie du fauteuil. Le moteur démarra et le véhicule tourna le coin de la rue.
Au moment où la voiture s’éloignait, un rideau s’écarta légèrement à la lucarne de l’arrière boutique. Une ombre, dissimulée par l’obscurité de la pièce, suivit l’auto du regard jusqu’à ce qu’elle soit hors de vue puis se faufila vers la table, empoigna le chèque, y déposa un baiser sonore et avec un grand rire, bénit une fois de plus ces touristes stupides, avides d’originalité, prêts à acheter tout et n’importe quoi pour ramener un « souvenir de Paris ». Elle comme les autres se lasserait vite de sa « trouvaille » dont la seule mission était d’épater ses amis. Lui avait respecté son contrat, et demandé jusqu’au bout à l’intéressée si elle confirmait sa décision. Il n’avait donc rien à se reprocher.
En attendant, son commerce d’antiquaire qui, il y peu de temps encore, menaçait de péricliter, avait repris, et même au centuple par rapport aux chiffres des années précédentes.
Alors que les ventes de vieux meubles baissaient régulièrement, qu’il attendait le client parfois des journées entières, il s’était, dans un moment de découragement, assoupi et endormi dans un fauteuil. Le grelot du carillon l’avait réveillé, et un ami, qui l’avait surpris ensommeillé, lui avait affirmé qu’ainsi il ressemblait à une figure de cire, tout à fait impressionnante.
Il avait essayé avec des clients. L’un d’eux s’était approché très près et avait touché sa joue pour voir si…
Il avait alors eu une idée.
L’époque était aux robots. On ne se contentait plus de leur donner figure humaine. Désormais l’illusion était totale et ils agissaient et parlaient.
Il s’était fait cloner.
Il prenait place lui-même dans son fauteuil. Mais l’acheteur repartait avec son sosie électronique.
Et ça marchait. Les clients insistaient pour embarquer le lot, prêts à payer n’importe quel prix.
Lui qui avait remisé ses vieux sièges voltaire dans l’arrière boutique, où leur tissu moisissait et se déchirait d’indigence, il les ressortit bien vite et les mit en évidence, l’un après l’autre, au centre de la boutique, où il s’assoupissait dans leurs bras.
Car il n’en était pas à son coup d’essai.
Chaque fois, le même scénario. Son indignation à l’idée d’être acheté rajoutait du piment à la transaction et faisait surtout monter les prix. Lors de la discussion, lui-même intervenait, en personne. Pour l’acceptation finale, le robot prenait la relève. Puis venait le jour du « départ », où il encaissait le chèque en personne, avant de laisser le robot partir avec le fauteuil.
Une affaire rondement menée chaque fois, et sans risque, puisque le client, un touriste étranger, ne revenait ni à la boutique, ni même à Paris.
Dès le lendemain il porterait le chèque à la banque.
Et il se prit à sourire en pensant que lui, l’antiquaire, receleur d’objets anciens, faisait désormais fortune avec la technique contemporaine de pointe.
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante, était l’homme parfait pour son projet.
– Chéri ! souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
Constatant son apathie, elle tapota son épaule. Le bonhomme qui se réveilla en sursaut eut du mal à accommoder et à reprendre ses esprits. L’intruse le sortait d’un rêve où il batifolait avec Jeanne son premier amour de jeunesse.
– En quoi puis-je vous être utile ? demanda-t-il à cette briseuse de rêves. Que cherchez-vous ?
– Rien, c’est vous que je cherche. Je veux votre boutique.
– Ma quoi ? s’exclama-t-il.
– Vous êtes sourd ou quoi ! s’agaça-t-elle.
– J’ai bien un sonotone quelque part par-là, mais je n’ai pas le courage de le chercher dans tout ce bazar, dit-il en balayant la pièce de la main.
Il se leva en s’appuyant de tout son poids sur les accoudoirs de son inconfortable Voltaire, se massa les reins et entama son sempiternel boniment.
– Comme vous pouvez le constater ici j’ai de tout, de la fourchette Médicis, des Lalique, des meubles côtés très anciens et sans me vanter, dit-il en bombant le torse et en rectifiant son nœud papillon, je suis un grand collectionneur. Je détiens des collectors inestimables.
-Oui ! s’exclama-t-elle enjouée et c’est bien pour cette raison qu’il me faut votre magasin.
– Il n’est pas à vendre, s’offusqua-t-il. Foutez-moi le camp. Vous n’êtes pas la première à le vouloir. Cela fait cinquante ans que j’y passe ma vie et j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux.
– Tout doux, mon brave. N’allez pas me faire un infarctus ce n’est vraiment pas le moment. J’ai eu un mal fou à vous dénicher sur Internet.
– Moi sur Internet ! s’étonna-t-il. Ah oui, je me souviens que c’est mon fils qui m’a inscrit là-dessus le mois dernier. Pour me faire de la pub qu’il a dit. Tu parles !
– Faut vivre avec son temps, mon brave et vous voyez bien que ça marche. Il a fait un très beau site votre fiston. Je veux seulement louer votre boutique pour quelques jours. Je suis cinéaste et il me faut absolument un décor naturel dans un magasin d’antiquités. J’ai réalisé « Au clair de la lune », un immense succès soit dit en passant.
– Ah ! s’émerveilla-t-il. Il y a belle lurette que je n’ai pas mis les pieds dans une salle obscure. Ça va en faire des jaloux dans les environs.
– Et pensez un peu à la publicité que ça va vous faire de mettre en valeur vos curiosités. Vous allez voir débarquer des clients du monde entier, croyez-moi. On mettra par exemple cette ancienne édition des œuvres de Shakespeare là, bien en évidence, sur cette ottomane. Et ce fauteuil en osier, qui me rappelle un film culte, là devant ce paravent chinois sera du plus bel effet.
Quelques semaines plus tard le brocanteur, assis dans son antique fauteuil, assista effaré à l’invasion de son antre par une horde d’individus qui installèrent leur matériel en brisant de-ci de-là quelques inestimables antiquités. Il perdit totalement sa respiration quand passèrent devant lui trois bimbos dans le plus simple appareil.
Revenu de ces émotions, après trois mois de convalescence dans un établissement spécialisé, il se jura qu’on ne l’y reprendrait plus.
🐹 TOUT ÇA POUR UN VIEUX TRUMEAU.
La chineuse était déjà dans la boutique : JADIS ET NAGUÈRE sans que le timbre de la porte n’ait réveillé l’antiquaire. Le vieillard faisait-il mine de dormir lové dans son fauteuil Voltaire ?
» Vendu » ! s’écria-t-elle.
Il sursauta, ses doigts décharnés s’enfoncèrent dans le crin de l’accoudoir, de pâle il devint gris.
‘comment pouvait-elle savoir ? Il était démasqué. Non, non et non, il y a trop longtemps, et puis, c’était l’occupation. Non, c’est juste une cliente. C’est une de ces originales fureteuses, une décoratrice. Ou bien une ensemblière pour un film à la recherche de la cape de Dracula, de la citrouille de Cindarella. ‘
Renversant les rôles, il se dressa.
‘ J’achète !’ lança-t-il à la cantonade.
Elle lui tomba dans les bras.
‘Quel embarras, que vais-je faire de ce mannequin d’osier ?’
Hagard, ‘ j’ai déjà sept femmes pendues dans le placard, une huitième serait superfétatoire. Elle s’ajoute inutilement, ajouta-t-il, péremptoire.
Que cherchait elle aussi ? Elle gardera ma boutique, je dois m’absenter’. Il lui confie les clés, ‘ pas touche à l’armoire elle est… À glaces, des années 40 ‘
La chineuse interdite restait plantée là, au beau milieu de ce fatras hétéroclite. Le chat roupillait sur le Voltaire.
Elle s’y accoutuma.
LURON’OURS 🐹
🐀CHINEUSE DE LA NOUVELLE ANNÉE.
La chineuse fouinait, furetait pour s’acheter sans se ruiner, un fauteuil à oreilles avec un haut dossier et des accoudoirs. Ce serait son cadeau de nouvelle année.
Quand elle le vit de dos, bleu canard et à roulettes, tout de suite elle sur que c’était celui-là.
En s’approchant tout doucement, comme pour l’apprivoiser, elle sentit s’en échappant, une bonne odeur d’eau de Cologne, l’ancienne, la vraie, celle un peu surannée qu’elle affectionnait particulièrement. Un parfum délicat qui classe un homme, pas pour les puceaux adolescents boutonneux, non, celui qui vous envahit et vous pénètre sûr de son pouvoir charmeur. Celui qui vous saisit et vous fait tourner la tête en vous entraînant dans le tourbillon de sa volute sensuelle.
Hypnotisée, elle ralentit le pas pour mieux s’en imprégner. Quand enfin elle put le toucher, elle caressa le doux arrondi du dossier en même temps qu’une mèche, puis descendit frôlant à peine le bras et la main qu’elle rencontra sur l’accoudoir. Elle sentit comme un frémissement, un souffle léger, mais toute à ses émois, elle ne savait plus très bien si c’était le fauteuil ou le sien. Un éternuement soudain lui remit les idées en place… Allons donc, un fauteuil qui éternue… même un Voltaire !
Elle en fit le tour pour découvrir un homme qui se réveillait.
Mais un homme !… Un chevelu, vêtu d’un pull serré rayé, pantalon à pattes d’eph sur des santiags cloutées à talons : un homme ‘ vintage ‘ ! Tout à coup, elle avait quinze ans !
Il lui sourit de ses dents blanches et neuves, celui engageant du marchand.
– Ce fauteuil ? Dit elle troublée… Ce fauteuil ? Combien ?
-il n’est pas à vendre, c’est le mien, ensemble nous continuons de traverser les années.
– Oh! Fit elle déçue… les années… Oui… Et subitement, elle s’affaissa… dans les bras du fauteuil et de son occupant.
Depuis, l’antiquaire et son Voltaire à oreilles la prêtent à une bergère causeuse mollement alanguie sur son Récamier.
Un doux début d’année dans ce parfum d’eau de Cologne un peu suranné.
Souris-Verte 🐀
« Hein ? Quoi ? Sursauta celui-ci. Je surenchère à vingt mille. »
« Il est à moi ! » Cria-t-il, cherchant devant lui le commissaire-priseur.
« Réveille-toi, vieux bandit ! » lui dit la jeune femme, à la trentaine passée.
« Qui êtes-vous ? Où est la commode Louis XVI ? J’avais dit vingt-mille… Je… »
Il s’arrêta net constatant qu’il était dans sa boutique et non à Drouot comme il le rêvait.
« Oh! Excusez-moi, dit-il se levant en rentrant sa chemise débraillée, heu… Et en quoi puis-je vous aider au milieu de ce tas de poussière ? »
« C’est toi que je suis venu dépoussiérer, espèce de traître, vendu ! »
« Hein ? De quoi s’agit-il ? Je ne vous connais pas, vous devez faire erreur ! »
« C’est toi l’erreur de ma vie, pilleur de patrimoine, tu nous as tout pris à ma mère et moi ! »
« Votre mère ? Mais à qui ai-je affaire ? »
« Tu parles d’une affaire. J’appelle ça de l’escroquerie sentimentale. »
« Son nom ? Quelle époque ? … Je veux dire, la date de l’acquisition, enfin de… Comment vous dites ? Du mariage ! »
« Et il ne s’en rappelle même pas, le salaud. Combien de fois il s’est marié, le fourbe ? »
« Hof ! … Quelques fois… »
« Combien exactement ? »
« Je ne saurais vous dire, il faudrait que je consulte… hum, le registre ! »
« Ne te donne pas cette peine, vieux fossoyeur de cœurs, brocanteur du dimanche… Marie Du Plessis, 16 impasse de la liberté à Bourg-La-Reine, ça te cause ? »
« Vous ne voulez pas que je regarde le registre, vraiment ? Bourg-La-Reine, j’y ai commercé dix ans dans les années quatre-vingt… »
« 1986 exactement, c’est l’année de ma naissance et celle où t’as foutu le camp avec tout le mobilier, sauf la chaise du bébé et ce qu’il y avait dedans… PAPA ! »
« Oui, je vois… Mais hum… chère enfant, nous l’avions convenu ainsi avec ta maman, selon le contrat d’acqui… De mariage qui stipulait que tout ce qui ne datait pas de la Belle époque ne me revenait pas de droit. Tout cela contre une belle somme, ma foi… »
« Deux mille francs ? »
« C’était le prix du marché, en tout cas de celui conclu avec… hum ta maman, avec qui nous avons vécu, je tiens à te le dire, des jours très heureux… »
« Des jours, tu peux le dire… Quatorze jours avant un mariage express et cette paperasse que tu lui as fait signer, les yeux aveuglés d’amour. Puis tu l’as trompée aussitôt alors qu’elle était enceinte, la poussant à demander le divorce pour faire appliquer ton contrat. T’es juste une enflure ! »
« C’est elle qui a demandé le divorce. Et conformément à nos accords… »
« Vos accords ? Espèce de charlatan, je vais te faire avaler la poussière de toutes tes acquisitions frauduleuses, dit-elle, sortant un vieux pistolet de son sac.
« Vous n’allez pas faire ça ? » la somma-t-il de renoncer à un acte irréversible.
« Je n’ai plus rien à perdre ! »
« Mais c’est un Revolver à broche Dumontier ou je ne m’y connais pas… s’écria l’antiquaire, les yeux illuminés.
« Hein ? …
« Mais oui… les traces de piqûres sur le côté, la poignée en noyer verni… et l’anneau de calotte au talon… Mais… il m’appartient. Il est de la Belle Époque.
« Ben voyons !
« Ta mère m’a volé, chère enfant ! … Combien m’en donnes tu aujourd’hui ? Cent euros ? … Deux-cents ? … … Ton prix sera le mien ! »
« Le prix de ta vie, vendu ! » dit-elle en appuyant sur la détente.
PAN !
Et d’ajouter, la crosse fumante devant le visage du vieil homme agonisant.
« Celui-là, tu ne l’emporteras pas au paradis ! »
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante, était très « collector », comme elle adorait.
Vendu ! Souffla-t-elle tout bas à l’oreille du vieil assoupi.
Le vieux sursauta !
– quoi ?
– « VENDU » vous dis-je !
Madame HORTENSE fit alors un signe autoritaire de la tête à deux malabars qui étaient restés à l’extérieur.
L’antiquaire eut juste le temps de s’agripper aux accoudoirs de son Voltaire que le voilà embarqué, lui et son fauteuil, enfin lui dans son fauteuil, le tout dans un fourgon !
Là on l’attache et on le bâillonne en deux temps trois mouvements et le fourgon démarre à fond la caisse.
Madame HORTENSE ne fait pas partie du convoi ; elle ouvre la route dans sa clio rouge.
Les deux malabars par contre encadrent sérieusement notre pauvre antiquaire ahuri.
Il lui fallut un certain temps pour comprendre la situation.
– Ca alors… mais ça a tout l’air d’être un enlèvement ? Se dit-t-il enfin.
Pourvu qu’ils aient pensé à fermer la boutique? On sait jamais de nos jours ? Des gens malhonnêtes pourraient s’introduire ?
Et cette femme qui m’a réveillé ? « Vendu » m’a-t-elle dit…, mais «vendu » quoi ?
Au bout d’une heure, le fourgon ralentit enfin….Puis il avance tout doucement dans une allée ombragée et s’immobilise devant l’entrée de la MAISON DE RETRAITE DES BLEUETS.
Un des deux malabars commence à libérer l’antiquaire et dit :
– c’est bon grand-père… on est arrivés !Tiens, bois un coup !
Innocemment, l’antiquaire boit et sombre dans un profond sommeil.
Madame HORTENSE vient vérifier:
– OK, le compte est bon ! Mettez le dans le grand salon avec les autres récupérés hier et dépêchez vous, car l’équipe de télévision ne va pas tarder à arriver !
Ah ! Mes enfants…. Qu’est ce qu’il ne faut pas faire pour sauver notre prestige !
– Vous êtes géniale Madame HORTENSE ! En 48h nous avons pu «trouver » 15 vieux qui vont parfaitement faire illusion dans le salon.
La télévision pourra filmer une belle inauguration de notre maison de retraite….VIDE!
Oui… vous avez eu une idée de génie !
– je sais Robert… Je sais ! L’émission sera une bonne promotion pour notre ouverture, mais au fait ?… Qu’est-ce qu’on va en faire après de ces vieux kidnappés ?
Inventaire de Boris
Le fauteuil de Voltaire
La langue de Molière
Le perroquet de Flaubert
Le Journal de Renard
La madeleine de Proust
Le syndrome de Stendhal
Le tonneau de Diogène
Les chats de Colette
Les chapeaux de Nothomb
Les crayons de Simenon
Les calligrammes d’Apollinaire
Les éventails de Claudel
Le rhinocéros de Ionesco
La rose de Ronsard
Les collines de Giono
Le lion de Kessel
Le mur de Sartre
Le moulin de Daudet
Les lettres de Sévigné
L’enfant de Vallès
L’espoir de Malraux
La jument d’Aymé
La chineuse entra dans la boutique et se dirigea droit vers l’antiquaire somnolant dans un fauteuil Voltaire. L’homme, pur produit des années quarante était très « collector », comme elle adorait. Vendu! souffla-t-elle à l’oreille du vieil assoupi.
Sa collection s’étoffait sérieusement et ce voyage parisien répondait à toutes ses attentes. Un peu plus tôt, l’acquisition du clochard blotti dans son carton ne lui avait pas coûté bien cher. Au prix de la ride et du pinard, en dollar, c’était cadeau.
Plus tard,elle avait tenté de récupérer, auprès d’un établissement habilité, un vieux, tassé sur son banc, mais la direction ne le cédait qu’à un prix aussi répulsif que l’odeur du résident. Cela devait vraiment leur rapporter beaucoup pour qu’ils s’accrochent autant au parfum du résidu.
A la sortie de l’Académie, elle avait cru dégoter une perle rare, un vieux con emplumé du cul. Mais celui ci était occupé à manifester avec ses compagnons d’Arc contre les E en transhumance, les T transgresseurs de frontières, les I migrants. Accroché à son drapeau, il suivait le cortège boueux.
Le pilote de ligne était beaucoup trop jeune, les hôtesses de l’air, on n’en parle pas. Quant au douanier à la retraite et la dame pipi, elle en disposait déjà de beaux spécimens dans son catalogue.
C’était un voyage express mais son dossier s’était bien étayé. Avec 62 vedettes sélectionnées sur tous les continents, elle allait pouvoir défendre son projet auprès du conseil d’administration.
Et avec le soutien d’un président de cette Trump, la nouvelle économie allait encore faire un bond en avant vers l’avenir du tourisme.
Enfin sur Terre, un parc d’attraction destiné à sauvegarder une nouvelle race en voie de disparition.