397e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat
Un grand chemin prit un petit sentier par la main
et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon. Le sentier…
Inventez la suite
Un € dans notre escarcelle nous donne encore plus de zèle
Soutenez Entre2lettres
Un grand chemin prit un petit sentier par la main
et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller,
et tâche d’en tirer la leçon. Le sentier apeuré regarde toutes ces routes qui se coupent et s’entrecoupent sans fin. Mais ou est le début ou s’arrêtent-elles ? Elles courent le long des champs en fleurs et habitations sans prendre le temps de les regarder. Toujours plus vite elles essaient de rattraper leur voisine sans autre but que de parcourir du chemin. Elles avancent toujours plus loin montent les unes par-dessus les autres comme pour montrer leur supériorité. Elles s’élargissent, grappillent quelques lopins de terre en remplaçant ces petits bouts de nature par des rubans de goudrons. Là ou avant il y avait de la vie il n’y a plus que la fumée du goudron qui calme et imposant se réchauffe au soleil. A la vue de ce vide remplit par la frénésie des nouveaux habitants de la route, le sentier suffoque et recule, lui qui voulait grandir et voir le monde il ne sait plus quoi faire. Il repense aux arbres majestueux qui le rafraichissent en été et le protègent de la pluie. Les colibris, mésange et autres volatiles qui viennent se réfugier chez lui en échange de leur mélodie. Mais où sont-ils, les lapins qui le chatouillent à chaque traversée. Et les Hommes, parlons-en, il ne les reconnait plus. Eux, si paisible lorsqu’ils viennent lui rendre visite ils les retrouvent maintenant cloisonnés dans leur voiture, regardant droit devant eux. Ils ont l’air pris au piège dans leur boite métallique, le sourire qu’il leur voyait auparavant s’est transformé. Leur visage est devenu sombre et amer quand il n’est pas déformé par la colère et l’impatience. Alors, le sentier recule, encore et encore, de tristesse sa terre s’assèche. C’est alors qu’un petit lapin surgit et traverse le sentier en courant, surpris le sentier se met à rire, il regarde autour de lui et voit la nature qui l’entoure comme si c’était la première fois. Emu des larmes coulent le long de ses bordures en même temps qu’une pluie fine humidifie la terre craquelée.
Un grand chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon. Le sentier…
… dubitatif se mit a regarder cet espace surprenant, ce demandant bien quelle utilité réelle cela pouvait avoir, et surtout si on ne pouvait vivre que de cela
Son univers quotidien était bien différent. Entouré, accompagné des grands chemins il avait pour habitude de serpenter entre les bosquets, les futées.
Souvent les herbes, plus ou moins folles, l’accompagnait dans ses pérégrinations.
Ensemble il rencontraient moultes fleurs partageant leur progression. Il y avait même, souvent, tout ce petit peuple de la forêt ou des champs qui se retrouvait ĺà en compagnie du petit chemin, et tous devisaient agréablement. Les uns et les autres empiétaient sur l’espace de l’autre tout en se respectant mutuellement, s’acceptant, et pourquoi pas en s’associant.
Sortant progressivement de son étonnement il tenta de relativiser la situation.
Certes entre chemin et routes la fonction n’était pas la même, quoi que à une autre époque ?!
Ce qui le frappait c’est cette façon égocentrique de considérer l’espace et l’aboutissement du parcours.
Les grand chemins lui avaient appris que le cheminement et la patience étaient plus importants que le but, le bonheur est dans le voyage disaient ils. Il ne retrouvait rien de tout cela. Ces routes n’étaient souvent que l’expression d’un mouvement qui n’avait pas de reelle utilité, pas de sens.
Quand ces traînées de bitume se croisaient il était question de territoire, de priorité. Elles étaient le lieu d’agressions, de carambolages, entraînant souvent de tristes conclusions.
Que d’étranges choses et comportements !
Alors, ne sachant pas bien quoi faire il reparti au fond de sa forêt avec celle et ceux qu’il croyait habituellement.
Fallait il diligenter un escadron d’herbes folles pour reprendre le territoire ? Elles en seraient capables mais les pertes seraient lourdes.
Fallait-il mandater un groupe de grand et petits chemins pour faire du loobing aupres de ces pourfendeurs d’espace ?
Il lui plu a penser qu’en restant un petit chemin agréable et bucolique, qu’avec ses congénères, ils finiraient par convaincre un certain nombre des ces avaleurs de bitume et de les ramener a plus de tempérance.
Pourquoi pas, eux aussi au début ils étaient il étaient de petits chemins de la foret
Un grand chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point.
– Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon. Le sentier…
Dès qu’elle prit conscience de sa minuscule existence, une pensée s’imposa à elle: « Le grand chemin prit le petit sentier par la main et… »
Elle se plaisait à répéter cette phrase avec d’infinies variations.
Avec les couleurs pastels du printemps, les dégradés flamboyants de l’été, les tons mordorés de l’automne et les lueurs froides de l’hiver.
Avec les symphonies d’un soleil levant , les capriccio italiens éblouissant à mi-journée , les sonates au clair de lune…
Avec les lumières crues, les lueurs tamisées, la clarté ou l’obscurité.
« Le grand chemin prit le petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à … » se répétait-elle inlassablement. Mais tout à coup, elle eut l’impression que quelque chose clochait.
– Pourquoi, diable, « le » conduisit ? N’aurait-il pas fallu écrire « la » conduisit ?
Cela méritait réflexion. Mais son expérience était encore assez limitée. Dès lors, elle se dit que le mieux était d’attendre. Attendre. Pas loin d’une année !
Et puis vint le jour. Ou plutôt, le soir.
A l’instant même où elle ouvrit ses grands yeux bleus sur le monde, ce ne fut plus une impression mais une certitude. Quelque chose clochait.
Le silence. La consternation. Presque l’inacceptable.
Elle pensa immédiatement: « Le grand chemin ne prit pas le petit sentier par la main… »
D’ailleurs, elle n’était pas un petit chemin, elle était juste une petite allée. Une petite allée de rien du tout.
Le grand chemin ne prit pas le petit sentier par la main, la petite allée encore moins.
Il s’en écarta. Chaque jour davantage.
Et pourtant, la petite allée l’aimait bien, son grand chemin !
Elle l’appelait. Elle courait vers lui. Elle lui demandait de ne pas faire de si grands pas, de ne pas courir aussi vite, de ne pas aller aussi loin.
Elle avait encore de toutes petites jambes.
Alors qu’elle n’espérait plus rien du grand chemin, il la prit par la main et il la conduisit jusqu’à un rond-point.
– Regarde bien ces routes qui ne savent pas où aller… Ce sera comme ça pour toi !
La petite allée soupira, ferma les yeux et se répéta la leçon, bien qu’elle ne connût pas les raisons de tourner en rond sans savoir où aller. Alors, pour trouver du sens, elle se fabriqua un jeu. Tout simple. Un ballon sur lequel elle posait une petite planche de bois. Et, des heures durant, elle jouait à l’équilibriste.
Au fil des années, elle gagnait en assurance mais au prix de plaies et de bosses.
La première l’atteignit en plein cœur lorsqu’elle comprit qu’on attendait pas cette petite allée.
La deuxième l’atteignit en pleine poitrine lorsqu’elle comprit que ni le petit sentier et encore moins la petite allée étaient désirés.
Elle ne laissa pas arriver la troisième rafale.
Elle se dit que cela ne servirait à rien de respecter les sens giratoires et qu’il valait mieux prendre les chemins de traverses.
Ce qu’elle fit avec bonheur et avec quelques larmes….
© Clémence.
Le sentier sembla aussitôt fasciné par l’étoile que dessinaient ces routes réparties autour du rond-point. Une envie irrésistible le prit de traverser, d’avancer vers l’ailleurs. Abandonnant là le chemin dubitatif, il s’aventura sur la route partant à l’opposé. Levant les yeux vers les réverbères qui s’alignaient comme des étoiles éteintes, il fut rappelé à l’ordre par un sévère coup de klaxon : aïe ! il fallait se garer. L’asphalte lui semblait rude au toucher jusqu’à l’écorcher, mais pas question de faire demi-tour, malgré l’air empuanti qui lui était tellement désagréable.
Il regrettait déjà son coup de tête intempestif lorsqu’il aperçut l’un de ses semblables qui s’échappait du ruban droit de la route, et semblait paresser entre deux rangs de feuillus. Soulagé, notre sentier se coula dans ce havre de douceur. Il retrouvait là tout ce qu’il avait quitté : les senteurs, les couleurs, les herbes caressées par le vent, les rayons du soleil qui filtraient à travers les branches et le réchauffaient, pansant ainsi ses blessures.
Le tintamarre des moteurs rugissants, des klaxons, s’estompait derrière lui. Il comprit peu à peu pourquoi le chemin l’avait mené jusqu’à ces routes qui l’avaient d’abord fasciné, jusqu’à l’enfer qu’il avait ressenti. A présent, il n’avait plus honte de sa condition de petit sentier assoupi, et reprenait déjà le chemin de sa vie d’avant. Il retrouvait l’insouciance…
Un grand chemin prit un petit sentier par la main
et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller,
et tâche d’en tirer la leçon.
Le sentier était caché, presque invisible sous sa végétation. Depuis bien longtemps, le grand chemin l’avait découvert car il le jouxtait mais, il ne s’était pas fait connaître. Il n’en n’avait pas envie. Que lui importait de savoir qu’existait ce petit bout de presque rien. Lui « le grand » était célèbre et très imbu de sa notoriété. On y marchait en famille, en groupe ou en amoureux. Tout le monde passait par le grand chemin. Du coup, un jour les élus et la radio locale se déplacèrent pour l’inauguration de son identité et puisque tout le monde l’avait surnommé « Le grand chemin », son nom fut vite trouvé et une plaque fut créée pour « le grand chemin ».
Depuis, il n’en pouvait plus de se savoir reconnu, utile et apprécié. Pas de détritus chez lui, la mairie du village y veillait, alors, quel intérêt aurait-il eu à discuter avec un petit sentier sans histoire, sans nom et inconnu, pourquoi s’y serait-il intéressé ? Son importance ne lui permettait pas d’oisives conversations à tout venant et avec n’importe qui.
Cependant, la gloire qui est souvent éphémère, peut aussi se changer en douleur. C’est ce qui arriva à notre grand chemin. Victime de son succès, trop de monde le foulait, le dimanche n’y suffisait plus, la semaine il devenait pratique, rapide et sa réputation pour l’emprunter se décupla tant qu’il se transforma en un passage obligé. De ce fait il en devint presque anonyme. On ne le découvrait plus, on l’utilisait et même des petits camions l’empruntaient et sa souffrance commença alors. La flore de ses bords se mourait car les fumées des véhicules l’asphyxiaient. Son herbe si vivifiante auparavant était écrasée et ses nombreux cailloux dont les couleurs et les formes faisaient son charme étaient ratissés pour une uniformité obligatoire. On parlait de l’élargir l’année prochaine et il attendait ce prochain supplice avec une tristesse non dissimulée. Sa terre devint humide comme si les larmes qu’il contenait débordaient malgré lui.
Ce mardi, il était fermé toute la journée pour cause de travaux et, comme il avait le temps, il vit une fleur sur le petit sentier qu’il avait tant ignoré et dont il ne se rappelait même plus, si belle et si majestueuse qu’il se dit qu’ici tout devait être beau et agréable même si les ronces et d’autres herbes folles se dressaient. Sur ce petit sentier anonyme parmi les anonymes tout sentait bon la tranquillité, le bonheur et un parfum d’humilité et de quiétude arrivait jusqu’à lui. Il eut honte de son orgueil qui avait tout tué. Il se dit qu’il aimerait bien parler à ce gamin de sentier pour lui c’était bien un gamin, jeune, à peine foulé et sans doute pétri d’un avenir prometteur, caché et ignoré mais dont une énergie vivifiante émanait de son endroit.
Comme les erreurs de ce grand-chemin lui pesaient ! Celles qu’il n’aurait pas dû faire, celles qui l’avaient mené à tant de désillusions. Il était devenu une sorte d’autoroute, anonyme et toujours pareille, de celle que l’on n’a plus envie de connaître, juste d’utiliser sans plaisir, sans attente de découvertes, une praticité de la vie.
L’orgueil qui l’avait étouffé lui avait laissé malgré tout une chance. Une chance qu’il devait saisir parce qu’il savait qu’elle était de dernier recours. Il se devait de se racheter. Une idée lui vint. Il était honteux, presque indécent d’oser mais, il se devait d’informer ce petit sentier. Lui faire savoir que s’il devait grandir qu’il sache rester humble jusqu’à l’éternité. Voilà ce qu’il pourrait dire au petit sentier, pour débuter…….Par le rond-point là-bas, plus loin, il le prendrait par la main s’il voulait bien l’écouter et le suivre et là commencerait leur première leçon. Il lui le devait.
Un grand chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point. Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon. Le sentier lui lâcha la main sans hésitation tout en se disant quel vieux schnock et prit la première direction qui se présentait sur sa droite. A quelques kms de là il se retrouva subitement nez à nez avec une départementale qui avait sur son bas-côté un panneau « stop » . iI ne s’en laissa pas compter car il avait comme projet depuis fort longtemps d’aller jusqu’à Rome : le dicton ne dit-il pas « tous les chemins mènent à Rome » pour que le Pape puisse un jour le fouler, lui modeste sentier. Un de ses nonces apostoliques racontait d’ailleurs que le Pape demandait cette grâce aux cieux depuis fort longtemps ,sans que jusqu’alors sa prière soit exaucée : pouvoir baiser un sentier et dire « croissez et multipliez-vous ». C’était, disait-on, toujours pour lui une grande joie que de descendre de sa papamobile et de marcher tranquillement sur un sentier pour bénir les veaux, vaches, cochons et même les abeilles bien que l’une d’elles un après-midi eut l’impertinence de se reposer quelques instants sur la croix qu’il tenait dans sa main droite. Ses gardes du corps craignant un acte terroriste s’étaient précipités mais l’abeille était allée tranquillement rejoindre sa reine .
Le sentier en était là de ses pensées bucoliques quand soudain, à proximité, il entendit un bruit de tôles froissées. Il en avait l’habitude et ne s’en émut pas outre mesure. Une barrière fut installée avec une pancarte « sentier interdit ».
Bah se dit-il j’irai à Rome plus tard, j’ai tout mon temps. Sur le bas-côté il vit une tortue sur le dos de laquelle voyageait à peu de frais une « petite bête du bon Dieu «
avec sept points ! Pas mal se dit-il et s’en désintéressa vite.
Sentier il était, sentier il resterait. De temps à autre, il lui arrivait de rêver ,par nuit claire ,qu’il devenait une nationale et pourquoi pas une autoroute…
Un grand chemin prit un sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point. Regarde petit, ces routes ne savent pas où aller et tâche d’en tirer une leçon. Le sentier se sentit morose. Si elles ne savent pas où aller, elles n’ont qu’à rester là. Si elles n’ont pas d’idées suivies, qu’elles s’opposent. Il en sortira peut-être quelque chose. La pensée du petit chemina. Si les routes sont construites, c’est pour que les hommes communiquent entre eux, n’est-ce-pas ! Et tout naturellement, une question vint :
– Est-ce que tu vas à Rome ?
– Non, pourquoi ?
– Alors pourquoi dit-on que tous les chemins mènent à Rome ?
– Ah ! Voilà une bonne question ! Regarde les jolis coquelicots, eux, ils ne bougent pas, ils restent là parce qu’ils n’ont pas envie de voyager.
– Mais tu ne réponds pas à ma question.
– Laisse-moi réfléchir, c’est une question difficile. Ca doit vouloir dire que comme Rome était la capitale de l’Europe, autrefois, eh bien ! tous les chemins devaient aller vers le centre qui était Rome, je suppose.
– Tu supposes ! Ca veut dire que tu n’en es pas sûr. Est-ce que tu as rencontré des bandits ?
– Quelle question ! Non pourquoi ?
– A cause des bandits de grand chemin, pardi.
– Tu sais, les bandits de grands chemins se font rares de nos jours.
– Alors, tu peux aller à Rome.
– Mais je n’ai pas envie d’aller à Rome.
– Tu as peur des bandits, c’est ça !
– Mais non, il n’y en a plus des bandits.
– Tu rigoles, il y en a plein la télé. Dis moi grand chemin qui fait le malin, si les Romains ont construit des voies, c’est qu’ils n’avaient pas de smartphones pour communiquer entre eux.
– Si tu veux. Mais s’ils avaient existé, ils auraient quand même fait des voies.
– C’est bizarre que la voix et la voie sont faites toutes les deux pour communiquer. Et si on allait se promener sur les routes. On pourrait papoter sans doute.
– Tu seras sûrement poète, si tu fais des vers
– Tu crois qu’il suffit de faire des vers pour être poète. La poésie peut se trouver dans la jonction de deux mots ou des deux idées.
– Ah ! Et tu les trouves comment tes idées ?
– Bonnes !
– Non, tu les trouves où ?
– Par exemple, tu suis un chemin, tu marches parce que tu as épuisé toute ton inspiration. Tu es tellement fatigué que plus rien ne vient.
– Et ?
– Dans l’obscurité, tu vois de la lumière au loin et tu distingues un carrefour. Tu avances doucement et tu t’aperçois que les contours deviennent de plus en plus précis. A partir de là, tu peux commencer une histoire.
Un grand Chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon.
Le sentier le suivait sagement, impressionné par la haute stature du Chemin, un peu inquiet de ces paysages si différents de son milieu habituel, et ouvrait de grands yeux curieux.
Leur rencontre dans la forêt n’avait rien d’étonnant, ils se croisaient souvent et savaient respecter l’espace de l’autre, même s’ils ne concernaient pas toujours les mêmes promeneurs : ils n’avaient pas les mêmes ambitions.
Mais lorsqu’ils parvinrent à la Route, le petit se blottit craintivement vers le grand Chemin, il ne comprenait pas ce qu’il avait sous les yeux. A la place de l’herbe ou de la terre pleine de cailloux, il voyait un interminable ruban noir, bien régulier, où circulaient à une allure folle, non des hommes ou des animaux, mais d’effroyables monstres, assourdissants, incompréhensibles.
Et ce n’étaient pas une, mais plusieurs Routes, qui passaient en tous sens, et, lorsqu’elles se rencontraient, se prenaient la main pour une ronde diabolique où l’on pouvait tourner à volonté, sans quitter le cercle magique que le Chemin lui désigna comme Rond-Point (comme son nom l’indique, pour tourner en rond.)
Il lui expliqua les monstres, nomma les Voitures, les Camions, les Cars, et révéla leur finalité : transporter hommes et marchandises toujours plus vite, plus loin.
Et comment, pour freiner leur ivresse de vitesse, l’on avait inventé les ronds-points, qui, en outre, avaient un avantage certain : leur permettre de chercher leur route, tournant aussi longtemps que nécessaire pour éviter un demi-tour dangereux ou une marche arrière lorsqu’ils avaient dépassé leur embranchement.
Depuis longtemps, le petit Sentier n’écoutait plus les explications savantes du grand Chemin : c’était trop compliqué, et lui paraissait tellement inutile ! En outre, comment pouvaient-ils traverser une si belle forêt sans en percevoir les bruits et les odeurs, et quelle tâche pouvait-elle être si urgente qu’elle vous prive d’un tel bonheur ?
Non, décidément, la Route n’appartenait pas au même monde que le petit Sentier, et celui-ci reprit sereinement son lent cheminement entre buissons et ruisseaux, sous les étoiles mystérieuses.
Tours et détours
Un grand chemin prit un petit sentier par la main
Et le conduisit jusqu’à un rond-point
– Regarde-bien gamin
Ces routes ne savent pas où aller
Au point de perdre la raison
Tâche d’en tirer une leçon !
Mais le petit n’en avait cure
Des conseils de cet aîné
Ce qu’il voulait ? De l’aventure !
Surtout pas ressembler à ces chemins balisés
Qui te mènent à destination
Sans avoir connu le moindre frisson
Son objectif ? Atteindre l’horizon
Toujours plus haut, plus loin
Alors ses sermons …
Des sens giratoires obligatoires ?
Très peu pour lui
Il ne voulait que de la fantaisie
Et préférait aller, venir, rentrer, repartir
Se tromper, tourner en rond
Traverser les saisons avec quelques bons compagnons
Rigoler avec des piétons
Croiser des vélos, des motos, des autos, des drones, des avions
Et même avancer à reculons
Pourvu que sa route l’emmène au bout de sa mission :
Sortir des sentiers battus
Et foncer vers l’inconnu …
Un grand chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon. Le sentier… jeta un regard circulaire sur le rond point, des pancartes indiquaient différentes directions, une attira son attention « Abbaye de Quincy ».
Les yeux humides d’émotion, lâcha la main du grand chemin, timidement se dirigea vers cette destination, il était temps pour lui de voir d’autres horizons, et, qui sait peut être devenir un grand chemin et pourquoi pas une route nationale ? Nous n’en sommes pas encore là.
Avant, il faut vous expliquer la différence qu’il y a entre un chemin et un sentier.
Un chemin est prévu pour la circulation de véhicules ou d’engins d’exploitations, il n’est pas forcément carrossable.
Un sentier est une voie de communication étroite inaccessible aux véhicules, que certains animaux utilisent pour parcourir leur territoire et qui fait aussi la joie des promeneurs. Cette mise au point faite, allons de l’avant.
Il longeait tranquillement cette route secondaire lorsque Vroum ! Une voiture faillit l’écraser, des voitures il en avait entendu parler par le grand chemin, c’était la première qu’il voyait en vrai.
Pas sympa la Nana, elle roule vite.
Un bruit assourdissant retenti au loin, il va falloir se glisser dans le fossé, c’était un engin agricole, et il prend toute la chaussé.
Ouf ! Je l’ai échappé belle.
Pas terrible ces routes secondaires, les nationales, je n’ose y penser.
Je remonte du fossé les pieds mouillés, je n’avais pas vu ce petit ru caché parmi les herbes.
Excuse moi l’ami, où vas-tu ainsi ?
A quelques mètres d’ici, je vais me jeter dans une petite rivière alimentée par la source Saint Gauthier.
Et toi ? Tu n’es pas du coin ?
Non, effectivement, je voulais découvrir le monde, alors, je vais à l’aventure.
Bonne balade ! Lui dit le ru.
Soudain devant lui, quel ne fut pas son étonnement, se dresse comme dans un tableau de Maître l’Abbaye de Quincy (abbaye cistercienne) dans toute sa splendeur, entourée d’arbres centenaires, non loin de là, dans la continuité du paysage, s’étend un étang où s’ébattent poules d’eau, canards sauvages et ragondins. Le petit sentier est ébloui, il n’a jamais rien vu d’aussi beau.
Non loin, une forêt verdoyante s’étale, il s’avance craintif, une voix l’interpelle.
Bonjour cousin !
Il se penche, aperçoit à quelques mètres de lui un petit sentier.
Bonjour ! Répondit-il.
Tu n’es pas du coin, je ne t’ai jamais vu.
Non, je me balade pour découvrir des horizons nouveaux, et ce que je vois là est une pure merveille. Du coup, je n’ai plus envie de continuer, c’est si beau ici.
Et bien cousin, là, juste à côté, il y a de quoi t’installer. Chevreuils, biches et cerfs ont déjà posé un balbutiement de sentier, installe-toi, tu ne le regretteras pas. Nous pourrons discuter de concert, tu me parleras de ta vie d’antan et moi, je te raconterai la forêt.
Notre petit sentier ne se fit pas prier, il préférait en définitif rester un sentier.
Ce qui fut dit, fut fait, Il s’installa. Depuis ce petit sentier est devenu le sentier préféré des promeneurs et chut ! Je ne le vous dit qu’à vous, car, c’est un secret, au moment des champignons moult girolles se dressent et s’épanouissent. Depuis, on l’appelle le sentier enchanté.
Immobilis in mobili
Bandit, bandit de grand chemin !
Hardi et sans pitié,
Pourquoi as-tu pris par la main
Un tout petit sentier ?
Ce candide, innocent gamin,
Confiant tout entier,
Tu l’as conduit face au rond-point
Afin de l’initier
A quelque mystère lointain.
« Ces routes n’iront pas très loin !
Savent-elles où aller ?
Regarde, regarde, gamin,
Leur lancinant ballet
Te paraît-il vraiment au point ?
Toi, tu veux cavaler
Par monts, par vaux, tout le tintouin !
Laisse-toi emballer
Et file tagada tsoin tsoin ! »
Bandit, bandit de grand chemin !
Tes mots le font rêver !
Tourner en rond n’emballe point
Les tout petits sentiers.
A eux le fabuleux destin
S’ils osent s’envoler
Et… si on leur lâche la main.
Ils vont caracoler,
Le tour du monde est pour demain !
Mais un sentier sans pieds n’est rien !
Eux seuls vont avancer !
Regarde, regarde, gamin,
Tu ne vas pas bouger !
C’est le sort de tous les terrains,
Leur immobilité !
Autant vivre dans un rond point
Toute l’éternité !
Au moins, tu auras des copains !
Le petit Bébert connaît bien le grand Jeff. Un type un peu bizarre, il n’a pas mauvaise réputation, jamais un geste de travers, rien à lui reprocher, un peu marginal et c’est tout. Il amuse, on le surveille du coin de l’oeil.
Pas souvent rasé, vêtu de bric et de broc, il habite une caravane à l’orée des bois où il s’aventure souvent, il court, il saute, il chante, cueille des baies et parle aux oiseaux.
Il dit qu’il a parfois besoin de se mettre au vert, de sillonner les chemins de traverse pour sortir des sentiers battus. C’est sa philosophie à lui, il l’a nourrie de celle qu’il a lue dans le livre de cet homme, un parigot pourtant, qui ‘Sur les chemins noirs’ a trouvé sa lumière de vie.
Grand Jeff dit à petit Bébert, viens avec moi, je t’emmène, je vais te montrer quelque chose qui te fait envie depuis longtemps.
Il lui prend la main :
– C’est par là, on va suivre ce petit sentier puis on rejoindra le grand chemin, et alors …
Bébert se méfie, hésite, sa maman lui a répété si souvent de ne jamais parler à un étranger, de ne pas accepter de bonbon, de ne pas monter dans la voiture de quelqu’un qu’il ne connaît pas ….
Il a tellement envie de voir la surprise promise par le grand Jeff. La menotte du petit dans la paluche du grand, et les voilà partis.
Le petit sentier n’est pas bien long, Jeff à réglé son pas sur celui du petit bonhomme, ne pas l’essouffler, ne pas le fatiguer, le distraire en lui expliquant les fleurs, le vent, les abeilles, la feuille qui court sur l’eau du ruisseau, le pourquoi de l’ombre et du soleil.
Déjà les voilà à l’embranchement du grand chemin. On y marche mieux et plus vite.
– On y est presque Bébert, tu vas voir ce que tu vas voir.
Bébert commence à fatiguer. Allez, encore un peu, et on y est.
le grand chemin débouche sur une route asphaltée. Elle en rejoint trois autres imbriquées dans un rond-point encerclé de voitures qui tournent, prennent à droite, prennent à gauche, s’éparpillent, d’autres les remplacent aussitôt. Une vraie piste de cirque.
Cirque ? Cirque ? Bébert ouvre un sourire jusqu’aux oreilles, il est là, sa tente rouge au beau milieu du rond-point.
Depuis le temps qu’il rêve d’en voir un en vrai, il colle un bisou humide sur la barbe qui pique : « extra, Jeff, extra …. »
A devoir s’éloigner du Grand chemin, le sentier se sentait un peu perdu, comme un orphelin. Il avait beau ringer tous les tiroirs de ses pensées, il ne fleurissait que des anémones amères. Où aller ? Vers quel voyage ? Ce rond-point marquait par sa ponctuation la fin de son enfance. Allait-il se diriger vers une autoroute à péage, coûteuse mais plus sécurisante, lui offrant un parcours tout tracé mais au décor monotone. Allait-il emprunter un chemin de traverse, écouter les travers qui parlaient à sont instinct, un chemin plus dangereux mais aussi beaucoup plus excitant ? Allait-il se mettre à découvert pour mieux jouir de son ombre ? Allait-il faire comme tout le monde ou bien créer le sien, quitte à ce qu’il soit immonde. Allait-il en découdre dans les rues du sentier ou bien emprunter un boulevard de ceinture, y exploser son costume bleu pétrole pour venger les larmes d’Allah ?
Ah ! Ah ! Ah ! Le destin riait de son hésitation. Il aurait pu lui répondre car il savait tout. Il se moquait bien du hasard et du sort. Il laissait croire au sentier qu’il avait le choix mais en réalité tout était écrit. Tout était un jeu dans le loisir des Dieux, un grand match de football qui laissait croire au libre arbitre. Mais l’arbitre était un comparse, un manipulateur, un destin de cartons, un carton à dessein, qui n’accordait aucune surface de réparation. Quels que soient leurs choix et leurs décisions, parmi tous ces jeunes sentiers, les uns allaient connaitre un chemin couvert de fleurs et de saveurs tandis que d’autres allaient se retrouver dans l’impasse, dans l’impaire, dans la perte, puis dans la honte. La honte de n’avoir pas fait les bons choix dans ce grand Casino.
Ah ! Ah ! Ah ! Illusion, tout n’est qu’illusion. Vas petit sentier, n’ai pas peur, ton chemin de vie n’est pas entre tes mains. Alors accepte cette vie quel qu’en soit la route. Tu auras une nouvelle donne lors d’un prochain jeu. Meilleur… ou pire Ah ! Ah ! Ah !
Un grand chemin prit un petit sentier par la main
et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller,
et tâche d’en tirer la leçon. Le sentier… Le regarda interloqué !
« -Quelle leçon ?
Qu’en sais-tu vraiment toi, grand chemin ?Après tout, tu ne les a pas suivies ces routes qui te déroutes ?
-Ah mais sais tu que si je pouvais les emprunter il me faudrait renoncer à mon identité,
je changerais de catégorie, et je m ‘éloignerais de mon destin, celui de grand chemin.
Nous ne menons pas aux mêmes desseins.
Les gens ne vont pas y chercher les mêmes destins.
-Et crois tu que cela soit mal ? De vouloir voir du pays, de partir à l’aventure, de se perdre un peu, de revenir, pour peut-être mieux repartir ?
-Je ne sais pas petit Sentier, tu me fais tout à coup un peu douté.
C’est vrai, tout le monde à le droit de se tromper, de rebrousser chemin ou d’en changer
Oui je crois que l’important c’est de savoir que près de ces routes, il y a des chemins, il y a des sentiers
pour mieux se reposer, réfléchir, se poser puis continuer
C’est que j’ai tellement peur des chemins sans issue.
-Ne t’inquiète pas, même ceux-là ont leur attraits,
leur dose de mystère, leurs bordures et leurs secrets
-C’est vrai petit sentier, mais le vieux chemin que je suis n’est pas fâché de border la forêt et de fouler le pied des grand arbres…
-Tu sais moi aussi j’aime bien mes quartiers mais s’il n’y avait pas ces grandes routes, je ne pourrais écouter tous les secrets que sont venus me confier ceux qui aiment venir se perdre en marchant sur mes cailloux. J’aime être leur guide, leur refuge, leur faire du bien. J’aime ceux qui viennent se ressourcer en me suivant.
-Décidément petit sentier, tu m’étonneras toujours…S’il te plaît, ne devient pas grand. »
Grand chemin prit petit Sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point.
– Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon.
Sentier perplexe cessa de marcher, leva les yeux sur Chemin et lui demanda :
– Quelle leçon ? On n’est pas à l’école ici. J’en ai ras-le-bol d’apprendre sans cesse. Tu m’avais dit qu’on allait à la chasse aux escargots.
– Mais, mon petit, on peut s’instruire en s’amusant et mon rôle de père et de te guider.
– Ah ! Je croyais que tu allais encore me faire réciter la table de neuf, soupira Sentier. J’arrive pas à me la mettre dans la tête celle-là. Au fait, tu sais pas ! J’ai eu un A pour la récitation « Le chat, la belette et le petit lapin »
– C’est super, s’exclama Chemin en ébouriffant les cheveux de son fils. Je suis très fier de toi. Tu vois, cette route à droite mène à des études scientifiques et manifestement tu n’es pas très doué pour ça, dit-il en souriant. Celle sur notre gauche te fera découvrir la littérature qui te plaît.
– Oh, oui ! J’adore lire s’écria Sentier. Hier soir j’ai terminé « Les misérables » et j’ai adoré.
– Eh bien, je pense qu’il te faudra t’accrocher et poursuivre dans cette voie, affirma Chemin. Vois-tu, fils, ce que je tente de te faire comprendre c’est qu’il ne faudra pas te perdre parmi la multitude de directions qui s’ouvriront devant toi.
– Et si on prend la route là en face de nous ? demanda Sentier intéressé.
– Qui sait ! répondit Chemin. Elle est peut-être sans issue. Elle peut te mener loin ou, au contraire, t’obliger à faire demi-tour.
– Ça y est, j’ai compris ! s’exclama Sentier. Je dois prendre la route du bonheur.
– Tiens regarde, voilà un escargot, murmura Chemin ébranlé.
– Et si on le laissait tracer sa route lui aussi, supplia Sentier.
Un grand chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon.
Le sentier était jeune, effrayé par tout ce méli-mélo de routes bitumées, de grands axes qui se perdaient sur l’horizon. Lui, il préférait les petits faisceaux de rayons secondaires, les impasses, la poussière qui vous mordait la gueule et puis parfois il osait un détour parfumé dans les méandres de ses pensées. Mais il devait rester prudent, son avenir en dépendait, devait-il rejoindre la foule, se soumettre à la vitesse ?
Ce siècle s’était épris de vitesse, plus vite, plus loin, plus grand… Le grand chemin s’était lui-même laissé prendre à cette frénésie, il fallait avaler les kilomètres, avancer, croitre ! Et pourtant il était revenu, triste et fatigué.
Les promesses de la vitesse l’avaient laissé sur le côté. Sur les grands axes il n’était point question de s’arrêter, la conduite à tenir était l’accélération. Compteur bloqué, crissement de pneus, décibels débridés … oui, il avait connu cet état de transe, ce moment où seul compte la vitesse !
Et puis voilà, une crevaison, rien de grave, juste un peu de vétusté. Il s’était approché de l’asphalte, avait tendu la main, mais rien, personne, juste quelques ordures jetées en pleine gueule. Une nuit à méditer et puis il avait ouvert le coffre de son cabriolet, un modèle rouge sang. Après maints exercices de contorsion, il avait réussi à récupérer l’outil salvateur, une demi-heure pour l’extraire de son logement. Alors, qu’il commençait à peine à soulever l’auto, une gerbe d’eau l’éclaboussa ! Des litres d’eau aux relents de mélasse. Ce fut la goutte d’eau putride qui fit tout claquer.
Il s’empara du cric, et frappa comme une bête sur le morceau de métal, ce n’était plus des gerbes d’eau qu’il se prenait sur la gueule mais des gerbes d’étincelle. Il hurlait, exultait :
– Plein le cul de la vitesse ! Merde aux stress, merde à la croissance !
La voiture baignait dans son sang, une épave, un linceul de métal.
Sans réfléchir, il se mit en travers de l’autoroute, cheveux au vent, torse nu ! Un toréador improbable qui esquivait et éperonnait les voitures d’un coup de cric…
A cette heure de la nuit cela eut pu être un joli spectacle, un MAD Max version local. Après quelques heures de cette folie, une voiture s’arrêta, une petite 2 cv rose fuchsia toute colorée de fleurs. Il en sortit deux nymphes ! Enfin c’est le rapport de police qui mentionna ses propres mots.
Les belles le firent danser, nue sur le bitume… jusqu’à satiété !
Et puis forcément à la fin de la danse on l’embarqua. Au petit matin il ne sut s’il avait rêvé mais les ampoules dans sa main droite attestèrent de l’emploi d’un outil avec démesure, jusqu’à la brulure.
Depuis ce jour-là, il milita pour la fin de l’asphalte, il prônait les petits sentiers, les chemins de terre, les impasses insolites, peu importe le temps il fallait vivre avec lenteur, se perdre en chemin, et puis être heureux de son infortune.
Alors lorsque son fiston lui demanda quelle route il devait prendre, il répondit : « Toutes sauf les lignes droites ! ».
🐀🍂Le grand chemin qui borde la forêt avance telle une hydre jusqu’à la nationale. De chaque côté ses bras se déploient en sentiers moussus. Un, longe les chênes, et juste à côté celui du muguet, plus loin, celui des amoureux bordé de ces plantes ombellifères aromatiques où les amants viennent se réfugier. Mais Juste en face, un malheureux sentier se désespère et se confie au grand chemin
» je ne mène nulle part… Qu’ au ravin. J’ai l’impression de ne servir à rien ou plutôt d’être à sens unique car ceux qui l’empruntent ne vont que de mon début à leur fin. C’est injuste quand je sais qu’il existe des grandes routes et même des à quatre voies pour partir en vacances…
Le grand chemin s’émeut.
– viens voir gamin, viens voir déjà le bout du mien. Un rond-point qui s’étale et tourne sur lui-même comme un gros chat qui se gratte ou se mord la queue, tu l’envies lui qui n’arrive pas à trouver sa sortie ? Et tu sais où elles mènent ses sorties ? Aux autoroutes! Ces monstres couverts d’asphalte noir et qui s’étendent sans pouvoir se retourner d’un point à un autre écrasées par ces bombes à moteur. Tu les envies elles aussi ?
– peut-être Grand Chemin mais il y en a d’autres… Les sentiers des chèvres bordés d’aubépine qui dévalent la montagne ou bien ceux qui longent un canal. Tiens ! comme dans le temps ! le chemin de halage… Ça, ce serait un beau voyage le long de l’eau.
– tu n’en as pas assez du ravin ?
-Mais si justement, j’en ai assez du ravin…
Lassé, le sentier allait se replier sur lui-même lorsqu’il eut la surprise un beau matin de voir une passerelle enjamber le ravin. Et l’année suivante les hortensias et les agapanthes qui s’épanouissaient au soleil d’été.
Sauvé… Je ne m’appellerai plus jamais le sentier des désespérés.
Non! Je suis, s’il vous plaît ! Un sentier de randonnée
Amaryllis, 07,07,2018
Un grand chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon.
Le petit sentier perplexe se mit à rêver. Irai-je par delà ce rond point angoissant, vers là où l’on entend l’éphémère youp youp youp de la huppe ou le crissement insistant des grillons ? Vers là où on devine encore le bruissement du petit ruisseau bordé de quelques iris des marais et auréolé de libellules malgré le grondement lointain mais menaçant de l’autoroute de l’avenir, dévoreuse des petits plaisirs de la vie ?
Ici, tout près, cela me semble plus facile, juste quelques tapis d’herbe verdâtre, piétinée et jonchée de déchets plastiques, sous quelques arbres rabougris ; c’est sûr, qu’à aller par là je ne risque pas de me perdre, mais que la vie y sera terne !
Dis-moi, grand chemin, demanda le petit sentier : toutes ces routes me donnent le vertige, je n’y vois rien du tout ! J’aimerais cependant mieux aller de l’autre côté, là où subsistent quelques fleurs et oiseaux, mais comment faire pour traverser sans y perdre la vie ?
La vie est un cadeau, répondit le grand chemin. Elle t’a été donnée, tu la perdras un jour, à toi de faire que chaque instant soit celui qui plaît à ton cœur.
Un grand chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond point.
Regarde bien gamin,ces routes qui ne savent pas où aller,et tâche d’en tirer la leçon.
Le sentier resta planté là un bon moment,ne sachant que faire,à observer la pagaille qui régnait dans un grondement incessant.Le chemin était reparti,rectiligne,caillouteux.
Il tenta d’aborder la route la plus proche:
» Madame excusez le dérangement,où allez vous comme ça?
– Pousse toi de là,tu vois bien que tu gênes.Déjà,je ne sais pas d’où je viens,c’est pas pour te dire où je vais.Tu sors d’où candide? »
Le petit sentier battit en retraite derrière un talus après un ou deux autres essais infructueux.Là,il réfléchit, supputa,fit des plans dans sa tête.Il ne pouvait vraiment pas laisser les choses en l’état!
Il en vint à la conclusion qu’il fallait guider ces voies,mettre de l’ordre dans ce n’importe quoi.Il avait bien remarqué qu’elles n’étaient pas semblables.
Certaines étaient étroites,bordées de végétation,d’autres, plus larges avec une bande au milieu,et d’autres encore plus larges avec plusieurs bandes blanches.
Il fallait donc les hiérarchiser,les classer.Leur donner un nom permettrait de s’y retrouver un peu mieux.
Les petites furent baptisée Mignonettes,leurs aînées furent des Partagées et les autres des Géantes, tellement il en fut impressionné.Mais plusieurs répondaient aux mêmes critères,une nouvelle précision s’imposait.
Réflexion,conclusion:un numéro viendrait ajouter de la précision.Ainsi fut fait. Il gérât tout ceci de main de maître et notre petit sentier,gonflé de fierté, put entendre de son QG derrière le talus:
« Bon on est sur le M5,il faut rejoindre la P372 dans 26 kilomètres,et attraper la G42 à la première sortie après avoir évité la P27 et la bretelle de la G7.
C’est pas plus compliqué que ça,on sera à Dijon vers 19 heures.
Ah! dis donc ça change,avant on ne savait jamais comment se sortir de ce rond point. »
Ces routes
qui ne savent où aller
ces allées à la voie toute tracée
sont-elles
sans issues ou sens uniques ?
ouvrent-elles
un labyrinthe ou une perspective ?
Ces routes
principales ou secondaires
ne changent pas le dessein
peu importe l’itinéraire
sentier ou grand chemin
le projet c’est d’avancer
sur la charte routière
Je suis cette route
je ne sais où aller
et je suis cette route
j’écris pour trouver
(vagabonde arabesque)
au pays d’à peu presque
Ces routes
qui ne savent où aller
parviendront toutes
quelque soit le tracé
(chemin des douaniers
allée des clandestins)
…
au prochain rond-point !
Un grand chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point. Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent plus où aller, et tâche d’en tirer une leçon.
Le sentier fit un tour du rond-point, puis deux, puis trois…bah c’est rigolo leur manège, moi ça me plait bien! Je ne vois pas pourquoi il me prend le chou, ce grand dindon de chemin, avec ces airs de Compostelle.
C’est la mode, c’est la mode, ça leur est venu un temps, et ça repartira comme ça leur est parvenu, à tous ces parvenus du déplacement.
Mon petit sentier a la vie dure. Parfois il disparait, plus de troupeaux de quadrupèdes. Et il réapparait sous les coussins d’air des godillots phosphorescents des joggers de campagne.
Quelle leçon espère t’il me donner, lui, ce volatile de basse-cour se laissant flécher à la moindre syndicalisation de randonneurs? Ce pigeon de concours se laisse macadamiser le plumage, cyclotourister pour des dimanches enrubannés de plastiques. Il n’a aucune dignité de déambulation, et il voudrait que je révise mes approximations géographiques, mes balbutiements grammaticaux ?
Que nenni, comme disait un archaïque de mes connaissances ne pratiquant que du chemin de traverse. Je resterai petit , égaré du moment, épure du pied d’un marcheur isolé, ébauche d’un pas de deux, amoureux, débauche d’un quadrille d’enfants, puis oublié des grands mammifères, envahi par la folie naturelle des plantes écrasées.
J’irai de trou en bosse, de vallées improbables en sommets fluctuants. Je marcherai sur mon fil en évitant de tomber dans la triste routine, dans l’usage avachi, dans l’ornière des circuits.
Mon petit chemin restera sec ou boueux, tendre ou escarpé, rectiligne ou torsadé mais il vous accompagnera mieux vers l’intérieur de vous-même.
Je ne vous prendrai pas la main.
Il vous faudra jeter les cartes les plus communes et redessiner votre propre paysage, fugitif, admirer le seul caillou qui vous ressemblera, ne pas cueillir la fleur vous chatouillant les yeux, ne pas se rouler dans les senteurs mielleuses… juste piétiner en vous … tranquillement, sans trop de haine ce qui, depuis quelque temps vous empêche de profiter de la bonne mesure d’un tout nouveau petit pas… en avant.
Alors, peut-être, on se croisera….on ne s’en apercevra même pas. On ne saura pas qu’en soulevant son chapeau pour éponger une sueur frontale…on s’était salué!
Un grand chemin prit un petit sentier par la main
et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon. Le sentier lui répondit :
« Mais non, t’es un vrai papy, toi. C’est pas du tout comme ça, t’as rien compris. »
Le chemin, tout malheureux, prit un air consterné.
« Regarde, papy, tu as le choix, chaque direction est une chance, tu peux tout explorer. Nord, sud, est, Ouest et même plus. C’est pas compliqué. Ils sont réunis en un cercle et …. »
Le malheureux grand chemin, pompeusement nommé route nationale, prit un air chagriné.
« Ça n’a pas de sens, pour aller d’un point à un autre le plus court chemin c’est la droite. T’as pas appris ça en mathématiques ? »
« Oh les maths oui mais c’est de la théorie. Dans le vrai, c’est plus compliqué, le tout droit, ça n’existe pas. Maman dit que dans la vie rien n’est simple. Elle dit ça tout le temps maman. »
Le grand chemin ne dit plus rien…
« Et regarde , papy, t’as vu … la voiture la, la drôle de voiture … ? »
« Oui et alors ? »
« Elle travaille pour … je sais plus le nom … mais si tu as l’internet ou le wifi … eh bien tu verras le rond point … la route et plus besoin de panneau, plus de soucis … y a une voix qui te dit ton chemin … c’est pa super ? »
Le grand chemin hocha la tête et demanda
« c’est pour ça qu’ils laissent les panneaux vieillir sans les changer ? »
Un grand chemin prit un petit sentier par la main et le conduisit jusqu’à un rond-point.
Regarde bien, gamin, ces routes qui ne savent pas où aller, et tâche d’en tirer la leçon. Le sentier… hésita. Il avait peur :
« Oh grand chemin, je suis bien trop petit pour partir ailleurs et sur des routes de surcroît! »
« je t’en prie, je veux retourner dans la forêt, bien caché…. là où les humains ont du plaisir à me découvrir et me font plein de compliments. Ils disent que je suis agréable, que je sens bon….. »
Mais le grand chemin reste imperturbable et lâche la main du petit sentier.
Alors, le petit sentier ravale ses larmes.
Il n’avait jamais vu de rond-point jusqu’à ce jour.
Il n’avait jamais eu de choix à faire……
Le grand chemin l’avait emmené jusque là et il fallait se débrouiller tout seul à présent.
Quelle route suivre ?
Qu’y a-t-il au bout ?
Serai-je heureux en allant à droite ?
Serai-je heureux en allant à gauche ?
Et le grand chemin de lui répondre :
« Va petit sentier,
Avance,
Quelle que soit la route que tu prennes, tu vas grandir et apprendre ».