Censure et liberté d’écrire
Souvenez-vous, c’était il y a quatre ans. J’avais déjà réagi quand les censeurs, obéissant aveuglement, avaient :
– remplacé la pipe de Mon oncle par un moulin
– privé l’inspecteur Maigret de sa pipe légendaire,
– banni le mégot de Malraux sur le timbre à son effigie
et appliqué la même sanction pour Lucky Luke dans ses BD.
Et bien, figurez-vous que la crétinisme ne régresse pas, au contraire.
Aujourd’hui, en Angleterre, des parents outragés s’indignent parce que l’un des trois épouvantails fume le cigare, dans ThenScarecrows’ Wedding, un livre pour les enfants.
L’auteure, Julia Donaldsons, soutenue par son éditeur, tente bien de calmer le jeu en démontrant que Rake Regnald, l’épouvantail incriminé est méchant, sent mauvais, tousse et provoque un incendie.
Rien n’y fait. Les ayatollahs de l’herbe à Nicot veulent avoir sa peau.
Imaginons le pire, que la loi leur donne raison, que cette contagion gagne bientôt l’Europe. Ce serait une porte ouverte à tous les interdits.
Une sorte de fatwa contre la création littéraire. Une censure contre la liberté d’écrire ce qu’il nous plaît.
Dans les romans, par exemple, les personnages ne devraient boire que de l’eau de source, conduire à petite vitesse des voitures non polluantes, se battre avec des polochons certifiés sans danger pour les enfants, ne pas porter de signes religieux ostentatoires, être d’un genre indéfini…
Qu’en pensez-vous ?
« La censure est mon ennemie littéraire, la censure est mon ennemie politique. La censure est de droit improbe, malhonnête et déloyale. J’accuse la censure.
Victor Hugo, Correspondance
Ils pensent parvenir à tout censurer, mais rien ne nous empêchera de penser librement.
Les censeurs qu’ils aillent se … faire voir ailleurs !
C’est navrant, en effet. Il se trouve que l’écrivain est là pour faire rêver, du bout de sa plume, comme le peintre du bout de son pinceau, le dessinateur du bout de son crayon … Mais certains n’y voient pas plus loin que le bout de leur nez … Pauvre Victor Hugo ! Il ne doit pas apprécier … Ce sont bien les naseaux de ces bien-pensants qui fument …
Ah qu’il est bon d’être censuré, sucé du sang littéraire, blâmé par la défoule du
correct, désavoué par les sans aveux, les veaux de la flatterie, condamné par
les dictateurs du lisible.
Ah qu’il est bon d’être pour soi un majeur à l’index, un proscrécrit, un prohibiteur
du texte!
Messieurs les cent, cinq cent ou cinq milleseurs, je vous en…
L’écrivain du mot dit.
PS: Tiens je viens de découvrir Frigyes Karinthy,écrivain hongrois dans « Je
dénonce l’humanité » édité chez Viviane Hamy. Encore un que les armateurs de
l’édition avaient oublié.