762e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat


Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre.
Racontez
Pour éviter que le commentaire que vous postez soit bloqué tel un spam, créez une fiche dans votre carnet d’adresses (contacts)
Une fiche contact avec comme prénom : Blogue
Nom : Association entre2lettres
Adresse messagerie : association.entre2lettres@com
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre.
C’était la semaine dernière dans une clinique spécialisée.
Il s’agit de ma petite opération qui s’est bien passée, qui m’a permis de devenir un virgule masculin.
J’étais extrêmement heureux.
Je me suis dit alors que j’étais dans la chambre d’hôpital et qu’une infirmière est venue me voir, que j’avais vraiment de la chance d’être aujourd’hui un monsieur virgule.
Que j’allais enfin avoir une belle moustache à la mexicaine et porter constamment un Borsalino.
Et aussi de pouvoir montrer mes gros gros biscotos sur les plages de France et de Navarre.
Mais après quelques jours de cette bonne nouvelle j’ai vite déchanté.
Apparemment mon ancien employeur, un ami écrivain, m’a annoncé qu’il ne veut plus me reprendre.
Il m’a dit qu’il préférait les virgules traditionnelles et non celles d’un nouveau genre.
J’ai trouvé cette parole assez désobligeante à mon égard, moi qui a toujours été sympa avec lui.
Bien sûr je ne baisse pas les bras.
Je me dit que je vais vite retrouver quelque chose de plaisant.
Et pourquoi pas partir avec un copain sur son chalutier pour pêcher la nuit et le jour.
Avec par la suite un projet encore plus grandiose, qui est de réaliser un rêve d’enfance.
Maintenant que je suis devenu un homme virgule et avec mon physique d’athlète de jeux olympiques, mon souhait serait de partir en plein océan et de nager, nager, avec les petits, les moyens ainsi que les gros poissons.
Et d’en profiter pour aller et visiter toutes les mers de la planète bleue.
Ouais, ouais, vraiment, vraiment, un énorme, voire un gigantesque programme qui m’attend !
Ah ! Ah ! Elle est belle la vie !
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre.
Sa cambrure avait fait son succès. Très féminine, élancée, fine, souple, elle en avait conquis plus d’un. La côtoyer flattait les mots rugueux, mal dégrossis et, bien sûr, les sulfureux. Sa posture alanguie avait aussi séduit les adjectifs tendres, les expressions romanesques et les écrivains rêveurs. Mais l’intérêt qu’elle suscitait n’était qu’éphémère.
Elle n’arrivait pas à se hisser sur la couverture des romans, ni dans les titres des magazines ou des chansons. Même les noms de marque l’ignoraient. Elle trouvait que sa vie manquait de panache, de noblesse ; elle se sentait injustement sous-estimée.
Alors, ce matin là, elle décida de faire sa transition. Elle se contorsionna, s’étira, se replia, tant et si bien qu’au bout d’une heure d’effort elle forma un O parfait. Elle savait que chaque matin au réveil elle allait devoir répéter cet exercice pour conserver son nouvel aspect. Mais elle était prête aux sacrifices pour être enfin considérée.
Enfin, elle allait entrer dans le vrai monde, celui des lettres. Elle se voyait déjà trônant sur la couverture du dictionnaire Larousse, de Don Quichotte ou du Tour du monde en 80 jours. Elle se présenta donc au bureau des attributions. Sa désillusion fut immense ; elle s’est retrouvée affectée à Histoire d’O.
Finalement, virgule, ce n’était pas si mal !
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre.
Yel ne se sentait pas bien dans sa peau. Du dictionnaire, jusqu’aux romans en passant par les livres de grammaire, Virgule se tortillait sur les pages mal à l’aise. Elle entendait dans les bouches des institutrices « LA virgule… ». Elle sentait au fond d’elle un malaise. Dans les phrases, elle jouait plus facilement avec LE point plutôt qu’avec LA parenthèse. LE point-virgule la subjuguait. Cette association de genre féminin et masculin la fascinait. Virgule avait des pensées masculines, des pulsions viriles. Elles ne tricotaient pas les pensées sans fin comme ses copines. Elle shootait plutôt droit dans les buts. Grâce à l’IA, elle se documenta sur l’origine de son genre.
Est-elle vraiment féminine ? L’IA, elle- même de genre féminin se passionna pour cette recherche. Doit-on dire LA virgule ou LE virgule ?
L’intelligence artificielle chercha rapidement comme à son habitude et trouva dans les textes antiques une petite phrase cachée qui supposait un changement de genre. Il est vrai fortuit. Un hasard qui l’avait déséquilibrée depuis la nuit des temps. Comment retrouver son genre ?
Écrire aux académiciens ? Cela prendrait beaucoup beaucoup de temps. Ils étaient lents contrairement à l’IA.
Un matin, rêvant de me raser, je pensai que les utilisateurs d’ordi sont de moins en moins doués avec l’orthographe. Les yeux fermés, ils comptent sur le correcteur d’orthographe. Content de mon idée, j’ai sollicité la complicité de A et de E et d’un informaticien. Avec une petite application toute simple, on remplacerait le A par le E sur chaque clavier. Vite les utilisateurs s’habituèrent à écrire LE virgule. D’abord’ considéré comme une coquille, le « LE virgule » remplaça le « LA virgule».
Et je retrouvai ma masculinité !
Puisque Parenthèse s’était désormais abouchée avec Crochet et qu’elle se retrouvait être la seule ponctuation féminine, Virgule décida de changer de genre. Changer, oui, de genre, comment s’y prendre ?
Virgule se rendit à l’État civil.
« Bonjour, je viens pour un changement de genre. Dois-je remplir un formulaire ?
– Oui, lui répondit le robot installé derrière le comptoir. Il lui tendit une liasse et avant que Virgule s’en empare, il ajouta « vous devrez, avant de déposer votre demande, faire une retraite ».
– Ah bon ! Je me retire, où ça ? demanda Virgule un brin contrarié(e)
– Dans un monastère, celui des Transes, lui assèna le robot
– Mais je ne veux pas entrer en transes, je veux juste devenir un virgule au lieu d’une virgule, le virgule et non plus la virgule.
– La loi exige, reprit le robot de sa voix inqualifiable, que tout pétitionnaire au changement de genre doit faire auparavant une retraite pour bien se persuader de sa décision ».
Sentant Virgule désappointée, dans une sorte de compassion technologique, inqualifiable également, il ajouta :
« Vous avez aussi l’option plus simple de changer de sens.
– De sens ? répéta-t-elle
– De direction si vous préférez, de forme. Au lieu de vous projeter de droite à gauche, vous ferez l’inverse, de gauche à droite. Vous serez en sens inverse, et vous ne ferez pas de retraite chez les Transes ».
Virgule resta interdit(e), imprima dans son cerveau un texte avec des virgules nouveau sens. Elle fit un tour sur elle-même.
– Je choisis cette solution dit-elle. Il faut remplir un formulaire, je suppose ?
– Non, l’administration vous délivrera un certificat sur présentation d’une attestation d’un kiné assermenté qui aura procédé sur vous au protocole de changement de sens
– Le protocole, gémit-elle, remboursé par la Sécu ?
– La prise en charge est à 50 %répondit le robot.
Virgule fit rapidement le point : entre la retraite au monastère et le protocole chez le kiné, mal remboursé, elle se dit qu’elle allait mettre sa décision en suspens.
Elle contacta son collègue Point, lui fit la proposition d’une union libre.Il répondit qu’il était déjà en couple avec un autre point. Restaient guillemets et trait d’union. Les premiers ne répondirent pas, quant au second, il lui fit comprendre que sa légendaire diplomatie ne pouvait être mise à mal…
Virgule décida alors de tenter une démarche auprès de l’Académie de la Syntaxe, envoya un courriel à la section Dictionnaire, sous-direction Genres.
La réponse qu’elle reçut lui glaça le sang. Il n’y avait aucune ponctuation dans le texte mais sa demande de changement de genre était malgré tout acceptée !
Pauvre virgule en dépression. Elle se sentait tout en bas de l’échelle des signes. On l’oubliait même parfois. Pourtant ses amis de la ponctuation lui expliquaient : « sans toi, le lecteur se perdrait, tu es un souffle, tu es indispensable ». Elle écoutait sagement, discrète comme son signe. Pourquoi était-elle la seule au féminin, qui en avait décidé ainsi ? Il y avait bien aussi celle qui englobait le tout : LA ponctuation. Rien ne la consolait.
En devenant LE virgule, elle deviendrait l’égale des autres.
Le point galopait en tête de liste, présent presque partout. Elle avait été mortifiée lorsque l’on décida de lui accoler ce fameux point pour lui donner plus de force en créant le point-virgule qui de plus effaçait sa féminité. Encore une preuve que toute seule, elle n’était pas assez explicite. Augmenter la force de son action c’était sans doute important, mais pourquoi ne pas le lui demander ? Elle aurait trouvé une solution. Se mettre dans l’autre sens par exemple. Quant au point, il se désolait de la situation, car il s’était attaché à cette longue amitié hétéro. Comment allait-il se sentir si elle changeait de genre ? Il lui avait recherché des citations qui la glorifiaient comme : pour moi la plus belle fille du monde ne vaut pas une virgule mise à sa place (G.Flaubert) ou encore : si vous saviez comme la virgule s’acharne et renaît sous le deleatur (V.Hugo) et celle-ci, merveilleuse : je rêve d’un monde où l’on mourrait pour une virgule (E.Corian).
Ponctuation renchérissait :
– Si tu deviens LE, tu seras commune. Tu le dis toi-même, tous les signes ont un genre identique, en dehors des parenthèses qui vont par paire. Réfléchis bien pour le moment tu es UNIQUE.
Ces démonstrations d’amitié finirent par l’ébranler. Virgule décida de réfléchir encore avant de prendre une décision irréversible.
Être qui, être quoi, être pourquoi ? En voilà bien des questions, néanmoins, en tant que petite virgule, j’aimerais bien être autre chose qu’un simple coup de stylo accolé à un vocable quelconque. Même, si d’aventure le terme a quelque noblesse, avoir pour toute utilité de ponctuer une énumération, de mettre en valeur un élément ou l’autre, au risque de me faire oublier, de passer inaperçu, ce n’est pas une vie !
Pire que tout, d’autres fois, j’ai uniquement pour utilité de permettre à un orateur de reprendre son souffle. M’imposer cela, en plus, l’académie ne manque pas d’air ! Je n’en peux plus !
Que faire, changer de genre ? Devenir UN virgule, transformer mon apparence et devenir une trans-virgule, si certains s’en réjouiraient, cela ne passera pas dans un contexte de dictature académique. Il faut que je trouve autre chose, voir les choses en grand.
Je pourrais devenir un point ? Déjà que je ne suis pas très gros, mais alors là ! N’être que le terminus insignifiant d’un propos, risquer d’être écrasé par la majuscule qui suit. Cela ne m’enthousiasme pas ? Passer aux deux points ? Deux point, c’est un niveau au-dessus, mais c’est toujours le début d’une liste, d’un inventaire, cela ne change pas grand-chose au regard de mon statut actuel. On m’a parlé aussi des points de suspension, nous voilà au niveau trois. Mais, si j’optais pour cela, il n’y aurait pas dévolution notable, par rapport à ma fonction ‘’énumération’’, en tant que virgule, voire pire, c’est le signe de ce qui est inachevé ou de l’hésitation.
Vraiment, je ne m’y vois pas.
Et le point-virgule ? Cela pourrait être une idée, être moi-même tout en étant différent. Garder le mieux de ce que je suis et ajouter une petite touche de ‘’fun’’, un peu tromper ou surprendre mon monde ? Séparer deux propositions, deux idées majeures et être la liaison entre ces univers intellectuels, ce coté liaison, ça me plaît bien. Sous cet angle le trait d’union, que certains dénomme tiret, pourrait avoir aussi un intérêt. Mais, d’un autre point de vue, j’isole des groupes de mots, ou je suis au service d’un commentaire sans lien direct avec la syntaxe du texte. Cela ne me semble pas compatible avec l’aspect lien, à l’idée d’union prémisse de ma réflexion.
Ce n’est pas le bon plan !
Dans le même esprit, il y a les parenthèses. Elles ont une identité visuelle bien réelle et se remarquent un peu plus, par contre toujours être toujours étirées d’un bout à l’autre d’un propos, c’est un coup à se perdre de vue. C’est le même cas pour les guillemets, quoique ces derniers soient un peu plus élégants, aériens. Il y a quand même un souci d’identité entre les guillemets « à la française » et ceux ‘’à l’anglaise’’. Changer de genre, d’accord, mais conjointement de pays d’origine, il y a de l’embrouille dans l’air.
Avoir une identité qui n’en est pas une, non !
Puisque c’est non, avec un point d’exclamation, pourquoi pas ce dernier ? Il a de l’allure, il est presque distingué, avec sa silhouette élancée, mais malgré cela, il est le plus souvent associé à une la surprise, au courroux, à la colère. Ce sont des émotions fortes, impactantes tout cela.
Vivre dans des ressentis exacerbés, ce doit être fatigant à la longue.
Pas simple, pas si simple cette question du genre. Question du genre ? Question ?Finalement pourquoi pas le point d’interrogation ? C’est un point d’ouverture, ouverture au progrès en questionnant l’environnement, ouverture de l’espace social et culturel.
Un point de rassemblement, de communautés, car nous pouvons être plusieurs confrontés à la même préoccupation.
Un point favorisant l’échange d’idées ou d’informations, de fait, il est propice à la construction du lien sociétal.
C’est aussi, et ce n’est pas là son moindre avantage, le point de départ vers un nouvel avenir, une nouvelle perspective cultuelle et en plus, il est sympathique, je dirai même élégant, gracieux avec ses courbes.
C’est adopté, demain, je serai la première virgule interrogative.
Laurent. Baudinot
La virgule n’était pas au point. Et ce n’était pas paraphraser que de le dire. Elle avait beau se dire du Sud, elle n’avait pas l’accent… Et ce qui n’était pas grave pour les autres, provoquait chez elle une crise d’urticaire aigüe.
C’est pourquoi elle décida, un beau jour de changer de genre. Elle croyait que les grammairiens n’y verraient que du feu. Tel ne fut pas le cas. L’Académie Française mit son grain de sel en disant qu’une virgule ne pouvait décider par elle-même. Il fallait l’accord de tous les signes de ponctuation. Et comme ceux-ci étaient trop attachés à leur étiquette, ceci mit un point final à toute velléité.
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre. Elle souhaitait mettre son existence entre parenthèses, parce que dans la jungle des signes de ponctuation elle ne se sentait plus à sa place. Elle subissait en permanence les quolibets des autres qui l’avaient même chassée de leurs conversations en lui lançant : « Circule virgule, il n’y a rien à voir… ». Elle baissait la tête sans oser leur répondre.
Le point d’exclamation n’était pas en manque de remarques, il la regardait d’un air hautain, de toute sa hauteur, et le point d’interrogation posait sur elle un regard chargé de questions gênantes.
Elle avait fait part de ses souffrances à son grand-père ; le point-virgule. Mais il n’avait pas su apporter la réponse qui convenait à la situation. Il avait bien tenté de lui dire qu’elle n’était pas comme les autres. Qu’elle était douceur, le signe d’une continuation. D’ailleurs, les poètes ne l’utilisaient-ils pas comme lien entre deux vers ? Rien ne parvenait à lui redonner confiance en elle.
Elle regardait avec envie les guillemets, mais elle se demandait comment elle pourrait arriver à se dédoubler, à garder une posture angulaire sans conséquences aggravantes pour ses vertèbres et en même temps, être le recto et le verso d’elle-même. Fallait-il prendre des cours de yoga pour parvenir à se contorsionner de la sorte ?
A contrario, les parenthèses lui apparaissaient plus gracieuses et cela lui faisait songer à une ballerine qui exécutait des exercices d’assouplissement devant le délicat reflet d’un miroir…
Sa croche qui se déformait de douleur semblait souffrir de ses hésitations intérieures. Fallait-il qu’elle disparaisse lentement dans les points de suspension ? Ou bien oser la rupture, la métamorphose vive du tiret — ce geste net, tranchant, qui fend les phrases et les certitudes. Les trois petits points l’attiraient, en murmurant, dans un souffle :
« Viens… viens reposer tes doutes entre nous… il n’est pas nécessaire de finir… pas besoin de conclure… »
Mais elle n’était pas certaine de vouloir flotter éternellement. Devenir une attente, un soupir inachevé, un murmure qu’on oublie avant d’avoir compris…
Et puis il y avait ce tiret. Insolent, franc, direct. Il traçait son chemin dans les textes comme une cicatrice. Il lui avait dit simplement :
– Si tu veux crier, deviens simplement moi.
Mais elle ne savait pas crier. Elle savait attendre. Respirer. Atténuer. Alors elle oscillait entre l’effacement et la coupe franche — entre l’invisible présence et le visible éclat.
Dans son for intérieur, elle était bien consciente de vouloir s’affirmer, vraiment en devenant un point d’exclamation. Devenir un cri clair, un éclat de voix, une phrase qui claque, cette transformation était une évidence. Elle enviait ce point vertical et fier, le seul qui n’avait jamais de doute, jamais de nuance. Il surgissait dans les textes comme une justesse brutale — sans permission, sans hésitation. Il avait de l’aplomb, de l’énergie, et une manière bien à lui de se faire remarquer. Même ses silences semblaient ponctués :
– Affirme toi ! lui lançait-il, toujours droit comme un piquet. Secoue toi un peu, ma petite ! Mets un peu d’entrain dans ta courbe, redresse toi !
Mais elle n’y arrivait pas. Elle restait suspendue, hésitante. Un soupir de phrase, un souffle bref entre deux idées. Elle rêvait pourtant, parfois, d’entrer dans une phrase comme on entre en scène. De faire battre le rythme d’un texte. De surprendre, de trancher, de marquer.
Un matin — ou peut-être était-ce une fin de nuit. Elle ne sut jamais pourquoi sa petite croche s’était mise à vibrer, comme si le moment de son coming out grammatical était arrivé. Oui ! Elle en avait assez. Assez de se glisser entre les mots comme une domestique silencieuse. Assez de courber le dos dans les phrases des autres. Assez de se faire toute petite dans les compositions scolaires, les lettres d’excuse, les discours trop longs. — elle prit alors une décision qui devait bouleverser son existence :
Elle changerait.
Elle oserait.
Elle tenterait de devenir autre chose.
La première transformation fut hasardeuse. Elle s’étira un peu trop. Puis elle tenta une autre forme. Elle se tendit, se redressa, aspira une grande goulée d’encre et… PAF ! Elle surgit dans une phrase comme un tiret :
– Oh ! s’écria la phrase, surprise d’être brusquement interrompue.
Tous les signes braquaient leurs regards sur elle, l’un d’eux haussa l’épaule et lui lança :
– Tu n’as pas la colonne syntaxique, ma petite. Il faut exister avec autorité ; toi, tu flottes.
Encore une tentative manquée. Elle songea un instant à rejoindre les parenthèses, à se lover dans leurs courbes, à devenir intérieure, secondaire, mais précieuse. Mais là aussi, il fallait apprendre à contenir, à commenter, à s’inscrire sans s’imposer. Elle essaya. Ce fut un cuisant échec…
Cependant, à cause d’une plainte déposée par Le Haut-commissariat de la Ponctuation Grammaticale, que les gesticulations de la virgule agaçaient, la machine judiciaire s’était mise en marche. On l’avait assignée à comparaître devant la Haute Cour de Ponctuation, pour trouble à l’ordre syntaxique, tentative de conversion non conforme et usurpation de fonction. Elle arriva tremblante, minuscule.
Le tribunal siégeait dans une salle silencieuse. Au centre trônait le Point final, président de séance, impassible et solennel. À sa droite, l’Apostrophe, toute courbée, prenait les notes. À sa gauche, les Guillemets, en costume double, cliquetaient de concert. En face, les membres du jury : deux crochets sceptiques, un double point peu bavard, une parenthèse légèrement entrouverte, et, bien entendu, le redouté Point d’interrogation, qui roulait lentement des yeux en forme de spirale.
– Virgule, entama le Point final, vous êtes accusée de confusion grammaticale, de tentatives répétées de transformation, et de désordre stylistique. Plaidez-vous coupable ?
Elle voulut parler. Mais aucun mot ne vint. Juste un souffle. Un murmure parcourut l’assemblée. Le Point d’Exclamation bondit de son banc :
– C’est donc vrai ! Elle veut changer de genre ! Elle veut rompre les lignes !
– Elle veut se verticaliser, c’est intolérable, grinça un crochet.
– Ou s’inclure entre nous, insinuèrent les parenthèses avec inquiétude.
Mais le Point-virgule, venu en tant que témoin, se leva calmement. Il parla lentement, avec son élégance légendaire :
– Ma petite-fille est perdue, dit-il. Elle doute en cherchant un nouveau souffle. Elle veut savoir si elle peut être… davantage, sans cesser d’être elle-même.
– Et si être virgule, murmura une parenthèse attendrie, c’était déjà beaucoup ?
Un lourd silence tomba. Et dans ce calme, un poète entra. Il n’était pas convoqué. Mais il venait comme on vient chercher une rime oubliée. Il tenait dans sa main un manuscrit froissé :
– Messieurs les signes, dit-il, c’est grâce à elle que mes vers respirent. C’est elle qui suspend, qui relie, qui module. Elle est mon souffle. Mon battement faible. Mon doute heureux. Ce n’est pas un défaut d’être incertaine. C’est une grâce. Elle ne veut pas devenir un point d’exclamation. Elle veut apprendre à se tenir droite dans sa courbe.
Alors, le Point final se leva. Il s’inclina, lentement, puis déclara :
– Le tribunal reconnaît à la virgule sa pleine valeur. Qu’elle cesse de fuir, de se déguiser, de s’excuser. Qu’elle soit, enfin, virgule. Et que cela suffise.
Une voix intérieure, peut-être celle du poète, l’invita à cesser de lutter, à s’installer doucement au cœur d’un texte vivant. Alors, elle fut accueillie. Le texte s’ouvrit à elle. Il n’était grandiose. Mais une phrase en devenir. Une pensée chuchotée, une rumeur d’émotion en train de se dire :
– Viens. Ici, tu n’as pas besoin de te justifier. Tu es le rythme, le pli, le souffle discret. Tu es le presque-rien qui change tout.
Elle sentit l’espace se faire autour d’elle. Un mot venait, un autre le suivait, et entre eux deux… elle. Juste elle : virgule. Elle n’avait plus besoin de changer. Plus besoin d’imiter, de disparaître. Elle flottait doucement, comme un soupir accepté.
Et tandis que les mots avançaient, elle se glissait entre eux sans bruit. Elle respirait avec eux. Elle devenait le silence qui lie.
C’est magnifique Gilaber ! Émouvant de surcroît. J’aime beaucoup. 🙂
Bonjour Béatrice, merci pour votre commentaire. J’ai pris plaisir à accompagner cette virgule dans sa tentative de transformation… même si cette dernière est un échec pour elle… Bien à vous.
Ton texte, Gilaber, est un hommage à cette jolie ponctuation qui mérite que l’on parle d’elle avec poésie
Dans la phrase, elle rythme la cadence et coordonne les propositions. Véritable entremetteuse, elle sépare ou relie les mots, les propositions, les subordonnées. Bref, Virgule est aux commandes, virtuose de la syntaxe. Sa courbe suggestive et ambiguë — à la fois ronde et piquante — remet au pas les plus réticents.
Depuis quelque temps, Virgule se sent déphasée. Ni tout à fait ponctuelle, ni complètement conjointe. Ni masculine, ni féminine. Elle en a assez d’être invisible, juste là pour rythmer, structurer et organiser. Elle voudrait être tellement plus qu’un signe à peine soufflé, un murmure soumis aux règles de la langue. Elle rêve d’éclats de voix et de splendides onomatopées, prononcées par des linguistes avides de jeux de mots, de langue vive, de rimes embrassées, de phrases qui débordent les lignes et s’émancipent des marges. Mais comment faire entendre sa voix quand on est née pour se faire oublier ? Virgule observe les autres signes. Il y a l’affirmatif point d’exclamation, qui se dresse avec fierté, et l’introspectif point d’interrogation, qui questionne le monde avec sagacité.
Elle rêve d’un jour pouvoir briser les règles, de s’affranchir des codes grammaticaux. Changer de genre, oui, affirmer sa nature cachée, prendre en main son destin. Un point, c’est tout ! Virgule frissonne. Un point, et c’est tout ? Si elle osait être un entre-deux, une hybride qui défie les normes ? Elle se met à tracer sa courbe avec plus d’audace, à jouer des pauses, des silences, à habiter la phrase autrement. « Je serai point-virgule, » dit-elle, ajoutant à ma grâce naturelle une touche minuscule, un grain… Non, que dis-je un point de beauté, qui rehausse ma personnalité.
Virgule sourit, enfin libre, prête à rythmer autrement les silences, à unir les idées, à dessiner des nuances subtiles, dans un éclat suspendu entre un point et une virgule. « Je suis plus forte, » clame-t-elle. « Ma pause en impose. Je marque d’un temps d’arrêt vos réflexions entre deux idées, tant mon petit point, au-dessus de ma courbe, parvient à vous captiver. » Le point d’interrogation, curieux, penche la tête : « Un entre-deux ? Voilà qui éveille ma curiosité et ébranle nos certitudes figées… ». Même le point, d’ordinaire si réservé, esquisse un mouvement discret en faveur du genre transformé de Virgule, cette ponctuation désinhibée.
Il n’y a pas que la virgule qui a trouvé « son grain de beauté »… Votre texte aussi a trouvé le sien. Merci Natacha.
Merci, je découvre le blog et les exercices. Premier essai.
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre. Elle en avait assez..
– Non, les filles ne jouent pas au foot et elles ne font pas de la boxe !
– Arrête de te salir, sois un peu coquette quand même ! Et tes ongles, tu as vu tes ongles ? Ils seraient quand même plus jolis avec du vernis !
Voilà ce qu’elle entendait à longueur de journée ; ça lui gâchait la vie . Elle s’était persuadée que si elle était un garçon, elle pourrait faire tout ce qu’elle voulait ( et ne pas faire ce qu’elle ne voulait pas!). Donc elle demanda au Grand Maître de l’Alphabet et des Ponctuations si elle pouvait effectuer une transition douce vers la masculinité. Ce fut accepté et elle devint … un point-virgule.
Elle était ravie, mais au bout de quelques temps, elle déchanta. Les points, les « vrais », les virils la trouvaient trop efféminée ; les quolibets pleuvaient. Les autres virgules, peut-être un peu jalouses, se joignaient aux moqueries. Elle se retrouvait seule et malheureuse.
Donc nouvelle demande au Grand Maître : elle désirait transiter vers un genre masculin intégrale. C’est ainsi qu ‘elle devint un point, un « vrai », un viril ! Plus de quolibets ! Enfin, elle vivait son rêve ! Elle put jouer au foot, pratiquer la boxe sans qu’on tente de la dissuader. En vélo, elle fonçait sur les pistes cyclabes, sans même actionner sa sonnette ; c’était aux autres de faire attention, pas question de ralentir !
A la piscine, elle nageait avec frénésie, et tant pis pour les personnes moins rapides qui partageaient sa ligne d’eau !
Mais au fil des pages, les relations évoluaient. Les virgules, les parenthèses, les apostrophes affirmaient de plus en plus leur volonté de vivre leur vie au même titre que leurs homologues masculins, et que ceux-ci renoncent à leurs comportements machistes et dominants .
Et peu à peu, l’ex-virgule commença à regretter sa transition ; elle aurait du rester avec ses sœurs et partager leurs luttes. Elle fit une nouvelle demande au Grand Maître, afin de retrouver son état initiale, mais cette fois, il refusa et l’envoya promener ! Dépitée, elle s’isola, cessa de fréquenter les autres points, à l’exception d’un point d’interrogation, qui était devenu son meilleur ami. Finalement, ce dernier, qui désirait secrètement changer de genre, demanda l’autorisation de transiter. Dès qu’il fut virgule, il il lui déclara son amour et et ils convolèrent.
Quelques pages plus tard,ils sont devenus le couple de référence pour toutes les ponctuations féministes !
Dans ma petite voiture hors d’âge, périmée mais pas encore de collection, j’en avais marre de m’entendre dire : « circule virgule ou je t’apostrophe » de la part d’autres automobilistes à la carrosserie bien plus épaisse que ma tôle fine ou ma capote (qui me protège mal de la pluie).
Ce à quoi je répondais invariablement : « circulez, bande de connards, y’a rien à voir ! ».
De toute façon, ça ne servait à rien, car, de deux choses l’une :
– le moteur est arrêté : ça veut dire que je suis en panne, et ils passent leur chemin sans hésiter, ni tenir compte de l’épithète de « connards » parce qu’ils sont plus pressés que sensibles aux injures.
– le moteur tourne : ils n’ont rien entendu à cause du bruit, et comme ça ne suffit pas à leur bonheur, ils en rajoutent en klaxonnant, ce qui n’arrange rien et me donne une furieuse envie de ralentir encore un peu, et de crier « espèce d’abruti, n’as-tu pas vu le bel escargot autocollant sur ma vitre arrière ? ».
En tant que virgule, je suis considérée comme une faible femme, même si mon rôle est indispensable, par exemple quand toute la famille part en voiture, qu’on installe le pique-nique et que les enfants sont occupés à jouer. Si moi, petite virgule, je disparais et que mon mari, muni d’une fourchette et d’un grand couteau crie très fort « allons manger les enfants ! », ceux-ci s’enfuient épouvantés. D’ailleurs, un jour, nous avons vu arriver les gendarmes.
Les gamins nous auraient-ils cafté ? Non.
Les flics venaient juste nous rappeler aimablement qu’il était interdit de pique-niquer à cet endroit. Ouf ! Nous avons dû partager l’apéritif et les sandwiches à la rillette d’oie avec eux, et leur expliquer que nos enfants avaient disparu à cause d’une virgule.
— C’est pour ça qu’il est interdit de pique-niquer à cet endroit, fait le chef.
Vous inquiétez pas, ils sont au bord de la rivière et vont revenir avec un petit poisson qu’ils ont pêché. D’ailleurs, les voici. Comme la pêche est interdite, je vais être obligé de vous coller un PV.
N’empêche ! Pour moi, petite virgule, c’est dur d’être comme une une femme qu’on oublie.
Ah ! Si j’étais un point (comme un homme), je pourrais me défendre en hurlant : « j’te fous mon point dans la gueule ! ».
En attendant, je vais supplier mon mari de ne pas oublier la petite virgule qu’il aime (goulûment au point de la manger), et d’éviter de s’agiter avec un grand couteau quand il appelle les enfants.
La virgule se souvenait de sa grammaire qui lui disait :
– Ma petite fille, quelque soit ton choix de vie, je t’aimerai toujours. Tu es dans une phrase de ton adolescence où tu as envie de tracer ta propre voie. Je le comprends, même si tu dois renier les règles qui t’on été enseignées. Ce sera astérisque et périls mais je te soutiendrai ; sois-en sûr.
On l’avait éduquée dans l’idée que la virgule était féminine, qu’elle représentait une respiration, une pause entre les mots. On lui avait affirmé que c’était toujours la masculinité du point qui concluait l’unité des mots exprimés dans une même phrase. Mais la virgule vécut bientôt un point d’interrogation. Pourquoi ne se sentait-elle pas bien dans sa peau de virgule ? Pourquoi était-elle attirée par d’autres virgules plutôt que par les points ? De son genre, elle n’en voulait point. Virgule pensait autrement. Elle voulait être forte comme un point et changer de genre. Rassurée par les paroles réconfortantes de sa grammaire, la virgule assuma. Elle leva le poing pour rejeter le dictat du point. Désormais elle serait point-virgule. A la réunion des ponctuations elle se lança dans un point d’exclamation :
– A partir d’aujourd’hui je ferai le lien entre la virgule et le point. J’assume ma condition de trans-virgule. Je change donc de genre et je le revendique. Désormais je serai point-virgule.
Bien sûr la virgule reçut des apostrophes et toutes sortes d’exclamations d’hostilité. Mais elle parvint à rallier d’autres virgules qui, comme elle, se sentaient mal dans leur peau. Il y eut mêmes au sein des points une révolte larvée. Certains points voulaient se mettre avec d’autres points et changer aussi de genre. Ils formèrent bientôt un autre groupe, celui des « deux points ». Avec les « points-virgules », ce fut bientôt l’accolade fraternelle. Ensembles ils établirent un véritable trait-d’union. Le président voulut clore la séance afin que rien ne soit entériné, qu’aucune décision ne soit prise au sein de la ponctuation. Mais point-virgule l’en empêcha. Elle lui décocha un crochet, s’empara du micro et il n’y eut point de suspension. Point-virgule proclama à ce micro :
– Je veux que soit notifiée la prise en compte de deux nouveaux genres : les points-virgules et les deux-points. Il ne faut pas avoir de reflexes sectaires. Ce changement de genre ne pourra qu’enrichir la langue française. La ponctuation y gagnera en nuances.
Virgule faisait partie d’une petite équipe d’accessoires très utilisés par les plumes des scribouillards de tous poils. Chacun interprétait sa propre chorégraphie, toujours la même, inlassablement.
Elle commençait à en avoir assez, d’autant que les scribouillards avaient de plus en plus tendance à la placer n’importe où voir à l’oublier.
Elle rêvait de changer son genre de vie. Elle voulait s’épanouir, ne plus passer inaperçue. Elle n’aimait pas sa ressemblance avec un cil négligemment posé entre deux mots. Elle voulait de l’ampleur, de la grâce. Elle ne voulait plus être une simple petite note de ponctuation.
Tant pis si elle démissionnait de son poste d’accessoires orthographiques. Un de ses collègues pourrait prendre la relève, quoi que…
Elle voulait être plume et c’est ainsi que d’un battement de cils elle rejoignit la troupe des accessoires du Moulin Rouge. Elle débuta à la nurserie car trop petite pour intégrer la grande roue de paon. De temps à autre, une pince la saisissait avec douceur, mais invariablement, elle était reposée avec rage. Elle faisait de gros efforts pour être repérée, mais rien n’y faisait. Elle était systématiquement rejetée. Elle en venait presque à regretter sa décision. Tout compte fait, son ancien poste n’était pas si mal.
Un jour elle vit entrer dans la nurserie une magnifique et grande plume aux couleurs chatoyantes. Transportée avec douceur par des mains habiles, elle fut placée près de Virgule.
Elle était un peu dégarnie. Il fallait combler les parties chauves. Une opportunité pour Virgule. Elle savait bien qu’elle ne serait pas sélectionnée, mais elle était déterminée. Elle groupa toutes ses forces et avec beaucoup de persévérance elle réussit à toucher la grande plume. Cette réussite décupla ses forces. Elle réussit à s’accrocher à une barbichette, s’y agrippa avec vigueur et invoqua toutes les puissances pour que personne ne l’envoie bouler d’une pichenette.
Des mains fines prirent la grande plume et commencèrent à l’ausculter à la loupe. Virgule tremblait, suait, pensant sa fin proche.
Des tiroirs s’ouvrirent. De nouvelles plumes firent leur apparition. Les mains les fixaient à la colonne de grande plume. Bientôt ces mains se trouvèrent au-dessus d’elle. La pince ouvrait grand sa bouche prête à la dévorer.
C’est alors que la grande plume agita sa crinière ce qui propulsa Virgule à son sommet blottie contre une barbule.
Les mains s’énervèrent un peu, mais elle avait la vie sauve.
La grande plume souriait. Elle aussi avait changé son genre et connaissait la difficulté pour atteindre son but. Elle avait dû batailler dur pour en arriver là.
Lorsqu’elle avait vu le regard admiratif de Virgule, les souvenirs remontèrent à la surface. Une main l’avait aidée.
A son tour de tendre la sienne.
C’est ainsi qu’après avoir servi sous la plume des scribouillards, Virgule se balançait avec grâce dans les grandes plumes du Moulin Rouge.
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre.
-Maman, tu sais que depuis toujours je ne me sens pas très bien dans mon genre.
-Je sais ma chérie, et je souffre que tu souffres. J’aimerais tellement que tu sois heureuse. C’est ce que veulent tous les parents. Tu fais très bien ton travail, tu es irréprochable et les autres ignorent ce que tu traverses. C’est triste. Je me sens tellement impuissante.
-Je sais, ne culpabilise pas, ce n’est pas ta faute. Tu es la seule à me comprendre. Tu sais, j’ai rencontré un type de point qui m’a confié se sentir un peu à part, comme moi, ni féminin ni masculin. Je crois qu’en fait nous sommes assez nombreux. Alors comment se fait-il que cela soit aussi tabou ?
-Je ne sais pas mon enfant, quand tu sais que 70% des végétaux sont hermaphrodites, cela devrait être une évidence que ce genre là soit reconnu et traverse d’autres espèces y compris la nôtre ! On a souvent peur de se que l’on ne connait pas ou mal et le jugement l’emporte bien trop souvent sur la réflexion et la recherche de sens.
-Je crois que nous allons œuvrer nous-même afin d’être reconnus. Ce point et moi allons faire de nos contradiction une force et devenir quelque chose de nouveau, une ponctuation double. Point-virgule, ça me plait. Même si nous serons surement peu employés car notre différence fera peur fatalement. Et même s’il y a fort à parier que l’on nous désigne par le masculin. Nous, nous saurons que nous sommes le tout . Ce n’est pas grave, nous ferons de notre singularité notre force. On ne demande pas grand-chose, juste de pouvoir vivre en paix.
-C’est tout le mal que je te souhaite mon enfant.
l était une fois une virgule. Elle faisait très bien son job de ponctuation, interrompant séparant isolant clarifiant …Mais elle en avait fait le tour et voulait un changement de genre.
C’est vrai, on se lasse. Prenez des vaches dans un pré le long de l’autoroute Lyon-Marseille, un jour elles demandent à traverser et regarder les voitures allant de Marseille à Lyon ! Normal, besoin de changement.
Virgule rêvait grand. Elle voulait partir au-delà de l’horizon, peut-être rencontrer Tintin, le Petit Prince, Neil Amstrong…
A force d’effort, elle finit par prendre son envol. Mais ce fut un demi échec. Car elle se colleta involontairement avec L’Hercule, un grand balèze, comme celui de René Clavel, qui gagnait sa vie en montrant sa force sur les champs de foire. A l’époque, on disait l’Hercule. Ce qui permit à Virgule de devenir apostrophe, et de découvrir les villes françaises en compagnie de son colosse au cœur tendre. Elle était heureuse, curieuse de tout.
Mais les temps changent. L’Hercule vieillit et perdit son apostrophe. C’était devenu tellement ringard de dire L’Hercule !
Apostrophe, qui avait senti le vent tourner, réussit à s’échapper. Mais son élan fut coupé par une corneille bigleuse qui la prit pour un vers de terre et la saisit en son bec. Réalisant son erreur elle la recracha brutalement. Si violemment qu’ Apostrophe s’enfonça dans le sol meuble et s’introduisit, bien malgré elle, dans un œuf de cigale.
Dans cette nouvelle vie, elle est devenu larve de cigale et, pour l’instant vit toujours sous terre. Mais d’ici quelques années elle viendra cymbaliser sous les oliviers et enchantera nos oreilles le temps d’un été.
Une vie de chanteuse, Virgule n’avait jamais imaginé ça !La vie réserve bien des surprises.
Une virgule qui change le genre
— Prénom ?
— Camille
— Nom ?
— Neutre
— Genre ?
— Hum… Homme, femme.
Le fonctionnaire leva les yeux. Un homme taillé comme une armoire à glace se tenait face à lui. Il portait une moustache, une chemise rose, une cravate bleu clair. Son regard était vide — comme les réponses à ses questions.
— Vous avez mis une virgule.
— Oui.
— Ce n’est pas possible.
— C’est une virgule inclusive.
— Ce n’est pas sur la liste.
— Et pourtant c’est dans ma vie.
Le fonctionnaire soupira. Derrière lui, un panneau disait :
« Merci de rester dans les clous du formulaire. Toute envolée poétique sera poursuivie. »
Il tapa quelque chose sur son clavier. Le formulaire se mit à fumer.
— Vous avez cassé l’algorithme.
— Ça devait être un algorithme binaire ?
— Oui. Il ne connaît que 0 ou 1.
— Alors ajoutez une virgule. 0,1. Ça existe aussi.
Soudain, l’imprimante explosa en une pluie de confettis administratifs. Le bureau devint flou. Une alarme se déclencha :
« Genre instable détecté ! Appel au Ministère du Bon Sens ! »
Un bataillon d’agents débarqua en trottinette électrique, brandissant des stylos 4 couleurs.
— Où est l’élément perturbateur ?!
— Ici, répondit Camille, Je refuse d’être rangé entre deux parenthèses.
Un silence. Puis l’un des agents, ému, dit :
— J’ai toujours rêvé de virgule, moi aussi.
Le système implosa et depuis ce jour, dans les bureaux de l’administration, une rubrique “femme, homme” a été ajoutée dans la rubrique genre.
Saint-Malo, 5 juillet 2025 –
Le célèbre romancier Alexis Vorme, maître du thriller psychologique, a été retrouvé mort hier soir dans son appartement de Rotheneuf.
La scène, d’un macabre perfectionnisme, laisse les enquêteurs perplexes : l’auteur était affalé sur sa machine à écrire, le front percé net par une touche métallique – la virgule.
Le ruban encreur, déroulé autour de sa gorge, portait une seule ligne tapée en boucle :
« Elle ne voulait plus faire une pause. Elle voulait exister dans un autre genre. »
Aucune trace d’effraction. Aucun témoin. Aucun brouillon retrouvé. Juste un manuscrit inachevé… où une virgule rouge sang apparaît et disparaît d’une page à l’autre.
Selon nos sources, une éditrice a tenté de reprendre le travail du maître du polar, et a découvert que le texte s’animait, réécrivait sa propre histoire… et que la virgule bougeait, changeait de place, de forme… et de genre. Chaque modification serait suivie, dans la réalité, par un nouveau meurtre d’auteur. Et toujours, la même signature ensanglantée : une virgule rouge.
L’enquête a été confiée à la brigade criminelle de Rennes.
Un enquêteur, sous couvert d’anonymat, a confié à notre rédaction :
« Ce n’est pas un meurtre. C’est une réécriture de crimes de sang et d’encre ! »
La Cour. Levez-vous !
– Virgule, levez la main droite
Et jurez de dire la vérité
Toute la vérité
Virgule s’est promptement exécutée
– Virgule, à quel genre appartenez-vous ?
– Au genre littéraire, Monsieur le Président
Et ce, depuis que je suis née
Mais voilà, pour moi, c’en est trop
J’en ai assez, jamais de repos
On m’utilise à tire-larigot
Je suis au bout du rouleau
Alors j’ai voulu que ça s’arrête
J’ai craqué une allumette
Et ni une ni deux
J’ai mis le feu
J’ai voulu l’éliminer, le cramer
Mon ennemi mortel :
Le point.
Mais, j’avoue, je n’ai pas fait dans la dentelle
Et toute la ponctuation y est passée
Je le jure, Mesdames, Messieurs les Jurés
Je ne l’ai pas fait exprès
Le Président l’arrête tout net
Lève le poing
– Mais vous l’avez fait cet autodafé
Pour cela vous devez payer
C’est un crime de lèse- humanités
Gardes, emmenez cette idiote criminelle
Qui devra se muscler la cervelle
Et expier ses péchés
Mon verdict est sans appel
Mesdames, Messieurs les Jurés
Vous pouvez disposer.
Bien vu cette session au tribunal.
Une belle fable bien enlevée!
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre. Quelque chose ne tournait plus rond dans sa tête. Rien d’étonnant en cette période troublée. Elle voulait imiter le nouveau mythe à la mode. Changer de peau pour être mieux dans la sienne. Décidément cette époque désirait surfer sur du neuf.
Guillemet se demanda si ce n’était pas un coup du père Virgule. Il pensa si fort que celui-ci le perçut dans son oreille.
– Tu sais bien que les virgules décident de ce qu’elle veulent devenir. C’est nouveau.
– Je crois qu’elle ne parviennent plus à trouver leur place. Si je prends mon exemple, je ne peux pas m’ouvrir à n’importe quel moment. J’invite les gens à parler mais à tel instant précis. Pour une virgule, c’est le même genre de contrainte.
– Oui, mais là, tu t’es tu et tu t’as oublié de t’ouvrir et de te fermer.
– Sois observateur mon pépère, tu n’as pas vu que j’ai mis un tiret juste avant de parler. J’ai plusieurs façons de m’exprimer, toi aussi d’alleurs. D’après ton expérience tu devrais savoir que quand on trace un tiret, c’est qu’on a des choses à dire.
– Justement, à propos de genre, c’est son genre qu’elle veut changer.
– Oh ! dans ce cas, je suis étonné, je vais consulter mon point d’exclamation d’abord ! Puis mon point d’interrogation ? Parce que dans ce cas, c’est vraiment bizarre !? Je vais réfléchir, ça fait beaucoup de points d’interrogation, qu’en penses-tu ?
– J’ai consulté mon manuel d’orthographe.
– Il dit quoi ?
– Pas grand’chose, à part qu’on peut la confondre avec une apostrophe.
– Elle a peut-être envie d’être apostrophée ou d’être mieux considérée.
– Lorsqu’elle n’est pas là, à sa place, le sens est complètement changé, j’ai essayé de le lui démontrer, rien à faire !
– Je vois, elle a des envies de voyages. Emmène la voir ses grands’parents. Dépayse la. Ou fais lui voir du spectacle. Ensuite, demande lui de t’énumérer tout ce qu’elle a vu. Tu verras ses réactions. Si elles sont plus ou moins aiguës ou graves. Bref ! Observe la et peut-être seras-tu à même de juger de ce dont elle a le plus besoin pour elle en ce moment. Tandis qu’elle cherche sa voie. Elle est sans doute trop préoccupée. Tu devrais faire le point avec elle.
– Stop ! Je viens de comprendre : l’autre jour, je lui téléphone, tu sais où elle était ? Au Point Virgule, elle veut faire du théâtre.
Il était une fois, mais pas une de plus, une virgule qui voulait changer de genre. Tout ça parce qu’avec sa virgueule d’amour, elle faisait mauvais genre dans le quartier littéraire. Camouflé(e) en VirGulliver, elle se promena dans le pays savant des mots né nains, les petits savants de l’histoire des vocables anciens.
Le chef de bande, un dénommé Petit Robert lui appris que son origine remontait au virgulatin, signifiant une petite branche, un rameau… et que ce même virgula tirait son origine de virga donnant naissance plus tard au mot verge. Comme quoi, yavait pas de quoi virgueuler au scandale.
Ses parents, entre parenthèses, inconnus lui avaient donné, par hasard un genre. Virgueux ou virgueuse, bof, la belle affaire, le beau à faire.
bah dites donc, voilà une généalogie qui couperait le sifflet à madame l’Esperluette.
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre. Pour ce faire, elle se rendit à une séance plénière qui se tenait à l’Académie française. Ses membres, étonné(e)s de cette demande, la mandèrent de s’expliquer.
– J’estime que mon appendice mérite que je sois du genre masculin dans votre dictionnaire, dit-elle avec aplomb en se tortillant sur l’estrade. Si bien que, tantôt, elle se transformait en apostrophe, tantôt, elle avait un point au-dessus de sa petite personne.
La main gauche sur le pommeau de son épée, un académicien lui tint ce langage :
– Pour le moment, nous n’avons pas de texte de loi qui nous permettrait d’accéder à votre requête, bien futile. L’important est que vous soyez utilisée à bon escient. Trop souvent, nous constatons que vous vous baladez à votre guise et que, mal placée, vous changez radicalement le sens des phrases.
– Avez-vous un texte de loi m’interdisant de m’éparpiller ! s’écria l’effrontée.
– Huissier, merci de bien vouloir nous débarrasser de CETTE intruse, demanda l’érudit tout en époussetant son habit vert.
Dépitée, elle organisa un meeting où se réunirent ses divers collègues. C’est alors qu’arriva ce qui devait arriver : un certain Albert Cohen s’amusa à omettre tous les signes de ponctuation dans certains passages de sa « Belle du seigneur ».
Notre petite rebelle, je devrais plutôt écrire « rebel » donne bien du fil à retordre à cet académicien. Elle ne pouvait donc tenir son « meeting » que dans une tumultueuse histoire d’amour. Merci Fanny 🙂
C’est un beau roman : Ariane et Solal sont inoubliables. L’absence de ponctuation dans certains passages est déstabilisante au premier abord, mais on s’accoutume rapidement. Merci beaucoup Béatrice et belle semaine à vous. Bien cordialement. Fanny
Bonjour,
Je vous remercie de me donner la parole. Je m’appelle virgule et voudrais changer de genre.
Vous me connaissez et m’utilisez souvent dans vos écrits, ce qui est un grand honneur.
Mais, cette notoriété ne me satisfait pas totalement. Je vous sers de ponctuation alors que j’aimerais m’introduire, comme le fait le rythme syncopé, en musique.
J’adore cette expression : rythme syncopé. Son qualificatif évoque quelque chose d’un peu mystérieux, je trouve. Je me vois, dansant fougueusement.
Si je pouvais introduire cette nouveauté dans l’écriture, elle mettrait du rythme dans la prose comme elle en met dans les partitions. Cette perturbation momentanée de la hauteur et du rythme des motifs musicaux, créerait dans l’écrit, un effet de surprise pour les lecteurs.
En création musicale, les croches et les doubles croches mettent en relief ces rythmes syncopés.
Si je veux introduire de telles nuances dans les écrits non musicaux, il me faut un signe de reconnaissance.
J’ai pensé au tilde. Vous savez, ce signe qui fait comme une petite vague. « ~ » exprimerait assez bien une nuance de rythme, ne trouvez-vous pas ? Et puis, ce signe calligraphique est assez peu usité dans notre langue.
Par contre, moi, virgule, je resterai unique en ce qui concerne les nombres décimaux bien sûr.
Le plus dur sera de faire la promotion de ce nouveau symbole. Quand on voit les bagarres que provoquent les tentatives d’évolution de la langue écrite…., ce n’est pas gagné ! Mais, j’y crois. Utile, agréable et plaisant à l’œil comme à l’oreille, je devrais trouver des agents pour promouvoir ce concept et je compte, chers amis, sur votre soutien.
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre.
Marre marre, j’en ai vraiment marre ! Scanda la Virgule à son amie la Parenthèse.
Mais quelle mouche te pique aujourd’hui ma chérie? Interrogea t-elle.
Figure-toi, que je ne me supporte plus, je voudrais changer de peau enfin de genre quoi !
La parenthèse bien qu’éberluée lui bredouilla quelques mots :
M… m… mais je ne comprends pas !
Eh bien, je vais t’expliquer. Vois-tu , je suis le fruit d’une recherche scientifique réalisée par un astronome mathématicien allemand qui a eu l’idée de me créer pour séparer la partie entière de la partie décimale d’un nombre dans ses tables de trigonométries puis au cours du temps, je me suis imposée dans l’écrture.
D’où détiens-tu cette information ?
N’en pouvant plus, je me suis lancée dans la recherche de mes origines !
Et alors qu’est-ce qui te dérange dans le résultat de tes recherches ?
Je me sens morcelée, une sorte d’hybride issue des mathématiques tout en étant omniprésente dans l’écriture, toujours à ponctuer, à séparer, à détacher des éléments d’une phrase. Le fait de vivre ma vie dans un sempiternel acte de séparation me mine.
Je comprends, alors en quoi souhaiterais-tu te changer ?
En point d’exclamation !
Carrément ! Alors tu changes radicalement de nature ce n’est pas sympa pour tes copines !
Ne crois pas cela, j’entreprends cette démarche pour vivre une vie plus joyeuse car me glisser dans la peau d’un point d’exclamation me réjouit. Il exprime des sentiments, des émotions alors que moi, pauvre petite virgule, je ne sers qu’à faire une pause dans un groupe de mots.
La parenthèse se sentant froissée par un tel raisonnement lui répondit sèchement :
Je crois surtout que tu as un ego démesuré !
Pas du tout ! Je m’arroge le droit de vivre mieux ma vie et en tant qu’amie, tu devrais plutôt m’y encourager !
Je suis déçue car nous ne sommes déjà pas nombreuses, nous les filles dans la ponctuation : les virgules, les parenthèses et les accolades. Rejoindre le cercle des garçons, me navre sincèrement.
Rien ne changera, tu le sais, je serai toujours ta meilleure amie !
Je crois que tu ne mesures pas ce qui se passe actuellement, n’écoutes-tu pas les infos ?
Si, pourquoi ? Je ne saisis pas le rapport !
Bien un nouveau courant est né : le masculinisme ! Ces mâles gorgés de testostérones qui se donnent pour objectif de revoir la condition féminine en notre défaveur par dessus le marché !
Justement, rassure-toi, je suis au courant et comme j’ai vécu parmi les femmes, je connais parfaitement leurs aspirations, leurs sensibilités et je ferai donc partie de la cinquième colonne afin de vous renseigner sur leurs objectifs si pernicieux…
Oh, alors me voici plutôt rassurée.
Merci de me comprendre, malgré ma transformation, notre amitié sera pérenne car comme l’affirmait Aristote « l’amitié est une seule âme habitant deux corps ».
Les deux amies prirent congé en se prenant dans les bras et en renouvelant leur promesse d’être toujours là pour l’autre.
Original ! Merci souris verte 🙂
Notre virgule en avait marre de coller au train des mots, pour permettre une pause, afin qu’ils s’élancent à nouveau. « Marre d’être le larbin ! » se disait-elle.
Elle se rêvait parfois d’être un guillemet « qui ouvre une phrase pour assez vite lui fermer le clapet ». Elle en avait marre des mots, marre aussi de cette confrérie qui, comme elle, marquait la ponctuation. Et, marmonnant tout bas, elle ajoutait : « Je comprends que le point-virgule ait disparu de la circulation. Il ne supportait plus tout ce toin toin ! C’est pas comme le point d’interrogation qui gonfle le torse et qui à l’instar du point d’exclamation croit prendre un peu de hauteur parce qu’il lévite au-dessus de son socle. Elle se mit à visualiser les deux malins. ? !
La virgule voulait bien changer de genre, mais surtout pas faire sa transition, en ressemblant à ces deux-là. À qui d’autres alors ? Une petite voix lui souffla une idée.
Elle reconnut celle de l’accent circonflexe et faillit lui dire : “Mon pauvre… Tu travailles du chapeau !”, mais se reprit aussitôt. Pour une fois, il n’avait pas tort le bougre. Car des points de suspension, par nature, ça fait œuvre de supprimer du texte sans avoir à le formuler.
D’un coup, la virgule épousa l’idée de transiter en points de suspension. S’il était des virgules qui se sentaient être dans une autre perception d’elles-mêmes depuis toujours, ce n’était pas son cas. C’était une rebelle. Elle refusait tout déterminisme qui l’avait mise dans cette forme, cette fonction. Et quand on est mal dans sa peau, autant en changer. Sinon ça gratte, ça démange, au point de se la mettre à sang.
Par ailleurs, tout semblait légitimer sa révolte, car une sorte de crise existentielle traversait tous les systèmes, lesquels s’essayaient sur le mode inversé, en désagrégeant les codes, les valeurs, pour enfin s’autodétruire.
S’agissait-il d’un compte à rebours annonçant la fin d’un cycle ? L’Univers — après s’être expansé — se contracterait-il à nouveau ? Rembobinerait-il le film ?
Cela fait beaucoup de points d’interrogation et, comme on le sait, la virgule les a peu en estime. Alors, je vais arrêter ici ma réflexion, ou vous la laisser poursuivre, en mettant des points de suspension…
Bonjour Béatrice,
Virgule veut-elle vraiment faire sa transition en points de suspension ? Oh, désolée, j’ai mis un point d’interrogation ! Oh, et maintenant un point d’exclamation.
Bref, je dis ça car les points de suspension n’ont-ils pas vocation à être inachevés… Votre virgule risque fort de changer le système 🙂
Merci Valérie pour votre commentaire, plein de bonne humeur et d’humour. 😀
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre. Elle alla voir sa grammaire pour lui dire qu’elle comptait changer de signe de ponctuation.
— Mamie, je ne me sens pas à ma place, le cul entre deux membres de phrase, à courber l’échine pour qu’elles trouvent un sens à leurs vies. Personne ne pense à la mienne.
— Ma pauvre enfant. Tu es en âge de comprendre que le sens de nos vies est bien plus grand que nos propres existences, et même celles des phrases que tu sers. Derrière les montagnes de proses que tu vois s’élever à l’horizon, il y a des vallées de paragraphes qui s’étendent à perte de vue, des fleuves de récit sur lesquels naviguent des personnages qui se croisent et se perdent jusqu’à des océans d’émotions et de découvertes qui les remettent sur la voie de leurs destinées. Ainsi tournent les pages du Grand Livre qui autour de l’intrigue, projecteur de la vie et en laquelle nous ne devons cesser d’avoir foi. Tu es née virgule dans la famille de la ponctuation et tu dois accepter ta condition, mon enfant.
— Mamie, je me sens si mal dans mon signe. Est-il possible que la nature ait échouée avec moi ? J’aspire tellement à voler de mes propres ailes au-dessus des voyelles. C’est un désir aigu que je ne saurais expliquer, Mamie. Pourquoi suis-je tant incomprise ? Il y a bien des points qui sont parvenus à se hisser sur des « i », après être montés sur des virgules. J’ai connu une tante qui s’est mariée avec l’un d’entre eux.
— Ah ! Ma pauvre enfant, ceux qui ont mis un jour les points sur les « i » ont ouvert la boîte de Pandore. Ils sont arrivés par la mer Graphique avec leurs accents prononcés. C’est vrai qu’ils avaient un petit côté chantant, un bol d’air enchanté, pour certains, une intrusion vocalique gravissime, pour d’autres. Sans doute une évolution nécessaire.
— Et c’est par où la mer Graphique, mamie ?
— Ma pauvre enfant, n’y penses même pas. Il te faudrait traverser le désert des vieux manuscrits au grain tellement jauni que l’on n’y trouve que des cadavres de caractères. Sa traversée est mortelle. Si on en est venu, jamais personne n’en revient.
C’est ainsi que la virgule quitta sa grand-mère et la phrase qui lui assurait une vie toute tracée, déterminée à découvrir un nouveau monde. Elle gravit les montagnes de proses et ses sommets de pages blanches, traversa les vallées de paragraphes et se laissa porter par le roman-fleuve, de chapitre en chapitre, jusqu’à l’océan qui la fit dériver jusqu’à une rive inconnue, aussi désertique que des vieux manuscrits. Elle y croisa une caravane bondée de virgules comme elles.
— Où sommes-nous ? demanda-t-elle au guide.
— Sur la route de la soie, répondit celui-ci. Nous faisons le tour du monde. Veux-tu nous accompagner ? ajouta-t-il avec un sourire narquois.
Ses yeux s’écarquillèrent et elle se joignit à la caravane. Autour d’elle, des virgules maquillées comme des stars, vêtues de cuir ou de linge en coton, ressemblaient à des top-modèles. La virgule exultait et noua le contact avec l’une d’entre elles.
— Comme tu es belle sur ta monture. Ce corset à lacets te va à ravir. Comme j’aimerais avoir le même.
— Fuis pendant qu’il est encore temps ! lui souffle l’amazone. Nous sommes toutes prisonnières de ces baskets et vêtements, en pleine livraison dans le monde entier. Nous n’avons aucun mouvement de liberté et resterons gravées à jamais sur ces montures, avant de périr dans une décharge au milieu des immondices. Fuis, je te dis !
— Mon dieu ! Quel récit me chantes-tu ? s’alarma la virgule incrédule. Vous avez l’air toutes si magnifiques !
— Récit ? Mais d’où tu sors, toi ? D’un roman à l’eau de rose ? Ouvre les yeux, il n’y a pas de belle histoire à faire vivre, ici. C’est la traite des virgules. Fuis !
Trop tard. Le guide, qui avait entendu la conversation, la saisit par la pointe et l’entraîna avec lui. Ne pouvant se débattre, elle poussa un cri si aigu que le guide sursauta et la laissa s’échapper au dos d’une voyelle qui s’interposa entre eux.
— Qui es-tu ? lui demanda la virgule, déployant ses ailes dont elle ignorait l’existence jusque-là.
— Je suis une voyelle, je cherchais la mer Graphique pour trouver l’accent de ma vie. Je ne savais pas que je le trouverai ici.
J’y vois-là un texte métaphysique, d’une profondeur intéressante, avec de riches allégories. Merci Antonio.
• Une virgule en quête de sens.
• une grammaire « Mamie » ou la voie toute tracée.
• Une mer graphique (voie évolutive).
• Une route de la soie où – sous des formes attrayantes – se perd la connexion au grand Soi (essence profonde).
• Voyelles (voie / ailes) – La présence du y indique qu’en elle, elle voit la Voie, et se découvre des ailes.
Bravo Antonio, très belle plume pour nous conter l’histoire de la virgule qui cherche sa voie. C’est un plaisir de te lire.
Merci Béatrice et Gilaber. J’ai aussi plaisir à retrouver vos plumes chaque samedi, comme des copines de la mienne que je dépose au centre aéré de Pascal pour qu’elles y jouent ensemble. Bon dimanche !
Excellent!
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre.
– N’importe quoi !!!! Virgule, moi je te le dis… Tu es en train de dire n’importe quoi !
– NON, je suis décidée… Je suis décidée !
– Mais il est où ton problème Virgule ?
– J’en ai marre… marre de ne plus être respectée… Marre de ne plus être utilisée. En lisant, ils ne respirent plus et en écrivant ils me zappent de plus en plus. Je suis sûre que c’est parce que je suis du genre féminin !
– Est-ce que tu rends compte que tu es en plein délire?
Et moi alors « Point-Virgule » ? Tu crois que mon genre me facilite la vie ?
– Mais toi, Point-Virgule, je suis désolée de te le dire, tu ne sers plus à grand-chose… Tu es trop subtil pour l’époque et quel que soit ton genre ! Ça fait longtemps qu’on ne sait plus que tu existes d’ailleurs. Tandis que Moi ! Moi ! Je suis bien adaptée ! J’enjolive, je mets en valeur, J’affine, je…
– Cruelle Virgule – Égoïste Virgule – Vilaine – !!!
Voilà, c’est dit.
Sans subtilité, sans respiration, sans hésitation, et quel que soit mon genre.
Circule virgule, il n’y a rien à voir… c’est un bon récit. Bravo ! 👍🏻
Elle en avait assez d’être mise à toutes les sauces, à chaque coin de phrase, d’être banale et solution de facilité.
La virgule voulait du rare, du que l’on remarque, qui fait toute la saveur d’un texte quoi.
Elle hésitait entre guillemets et points de suspension. Le premier qui faisait penser à guilleret eut sa faveur.
Ces guillemets que l’on pouvait ouvrir, fermer, du genre masculin, ça avait de l’allure. Les suspensions n’ayant jamais de fin en fait
Elle alla donc trouver un « ponctuatologue » réputé. La transition fut longue et douloureuse, mais le résultat si satisfaisant que jamais l’ancienne virgule ne regretta son choix.
Peut-on avoir l’adresse du Ponctuatologue ? J’en ai besoin pour l’écriture de mon texte… 🤣🤣🤣
Je lis Nadine que nos imaginaires ont croisé leur chemin. Je ne lis les textes de chaque participant qu’après avoir posé le mien.
Je n’avais pas pensé au ponctuologue…une riche et souriante idée. 🙂
Son papa, il était très vieux jeux.
Et de sa fille Virgule, il n’appréciait pas du tout ses fréquentations.
Elle faisait mauvais genre (et même il pensait « traînée »)
Il eut beau dire, expliquer, menacer, rien n’y fit.
Virgule Trans je suis, Virgule Trans je resterai. Une vraie bourrique.
Un jour où elle s’était levée du pied gauche, il eut la mauvaise idée de remettre le sujet sur le tapis.
Le tapis qui se voulait Persan n’apprécia pas du tout et prit le parti de sa fille.
Deux contre un ça énerva encore plus le papa.
Monté sur son grand cheval arabe, de colère, il lui asséna un grand coup de poing sur le crâne.
Mais alors, si fort, que coup de poing la virgule en garda la trace toute sa vie.
Voilà comment elle devint point virgule.
Ça la coupe à tous ceux qui se demandaient quelle était l’origine de cette ponctuation, moi le premier.
🤣🤣🤣 c’est une manière amusante de voir la chose ! Bien à vous.
761/A BÂTON ROMPU
Il était une fois une virgule qui voulait primo, changer de genre deusio… tertio… et cetera… Bref, tout changer !
Vous êtes d’une ignorance crasse, vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez, pas besoin de guide-âne, je suis là, je serai ‘le’ virgule… essayer de le dire, je mets un virgule au virgule près à chaque erreur une t******. Dites comme Jane Birkin : le fenêtre, le porte, le virgule ou les virgules, non, ou comme l’institutrice, et arrêter de dire la ministre, l’écrivaine, la vitrière… Toi, rivière, je ne boirai plus de ton eau. Voyez, même l’eau est virilisée 🐻
🤣🤣🤣 Bravo ! C’est bien tourné. Bien à vous
762/GRAND CHAMBARDEMENT
Il était une fois une virgule qui voulait changer de genre ! ?
Vous me la baillez belle mon ami. Encore une transgenre qui va nous compliquer l’existence. C’est qu’elle était très importante cette gredine incisive qui tirait vers le bas.
J’en veux pour preuve : n’ayant pas d’œufs dans mon panier je demandais pourquoi ! On m’a »ré-pondu »
– en ce moment, la poule m’a dit, la fermière a le trou de balles en chou-fleur !
Ça m’a fait mal pour elle. Déjà qu’avec son œil gauche bloqué dans le coin du nez on avait toujours l’impression qu’elle nous regardait de travers. Si maintenant dans la culotte ça va mal aussi, il y a fort à parier que ça ne va pas arranger son caractère.
En fait, j’avais mal compris ! Mais vous qui n’ êtes pas des cornichons l’aviez certainement remise au bon endroit… et tant pis pour les poules, on attendra.
Et voilà pourquoi la virgule souhaite changer son statut en donnant un bon coup de ‘point’ sur le dessus.
Ça va faire du travail en plus, des grèves pour demander des augmentations …
Fallait bien cette idée saugrenue pour flanquer la pagaille.
Tiens ! je préfère ne pas y penser. Une manifestation, des défilés de ponctuations contrariées ! Des lignes de , ; , ; , ,,;,;,;….
🐀
Effectivement… pôvre poule ! Tiens ? J’ai utilisé des signes de ponctuation mais pas la virgule… aurait elle disparue ?
Bon choix d’idée. Bien à vous (mais toujours pas de virgule… aurait elle réussi à changer de genre ?)
Poule au chaud ! Merci Gilaber 🐀