Éloge de la flânerie
Immobilisez-vous, tel un pêcheur à la ligne, au bord d’une étendue d’eau dont l’écoulement est lent. Ruisseau, mare, étang, lac ou marais. Laissez flâner votre imagination, laissez-la divaguer, perdre son temps, s’attarder à des riens.
Puis, lancez un caillou dans l’eau. Il va produire un rond dans l’eau, une petite onde circulaire qui progressivement s’agrandira. Bientôt, vous ne verrez plus sa circonférence. Procéder de même avec une idée, jetez-vous à l’eau, comme un caillou dans la rivière, lancez une amorce d’idée dans votre cerveau et laissez-la grandir, vous serez étonné par le résultat. Chercher des idées au hasard et sans hâte est toujours très productif. Il suffit d’être patient.
Je suis hors-n’homme. Un neuroatypique à dominance dyslexique atteint d’aphantasie : incapable de fabriquer des images mentales et de se représenter un lieu ou un visage. Mes facétieux neurones font des croche-pieds aux mots dans mon cerveau et mon orthographe trébuche souvent quand j’écris. Si vous remarquez une faute, merci de me la signaler : blog.entre2lettres(at)gmail.com
Une question Pascal
Si on jette un caillou dans l’eau, ,ne court-on pas le risque de faire fuir le poisson, ou plutôt l’idée?
L’eau, une étendue d’eau, plutôt un ruisseau de montagne comme ceux que je fréquente dans les Vosges est le lieu propice à la divagation de l’esprit. Entre ébullition intérieure et interactions extérieures il est nécessaire de rester réceptif à l’envoûtement du lieu. Cette vigilance d’esprit est toute naturelle chez le pêcheur à la mouche. Il est tapi à scruter la surface de l’onde à la recherche de la moindre ride par laquelle la truite fario en chasse d’insectes se trahira. Il suffira alors au pêcheur de lancer discrètement et précisément sa mouche artificielle pour voir le magnifique salmonidé, à la robe ponctuée de rouge vif, jaillir et s’en saisir.
Mais durant ces séances d’observation, immobile faisant partie de la grande scène de la nature les plus beaux et extraordinaires spectacles se dévoilent au pêcheur. En voilà quelques exemples.
La rivière coule, la lumière rasante du soleil plonge la forêt dans une ambiance mystérieuse. Le pêcheur immobile assis sur un tronc, son regard scrute le lent courant aux endroits propices à la truite en attente de bondir. Alors il détecte sur sa droite un mouvement. Sans tourner la tête, immobilité totale oblige, il tire sur son nerf optique pour distinguer ce qui se passe. Un écureuil s’approche et se positionne sur la berge à cinq mètres de lui. Et là, le miracle se produit, le petit animal, tel un Jésus en apesanteur, traverse la rivière qui à cet endroit fait une dizaine de mètres de large.
Des rencontres de ce type, il peut vous parler des sept cerfs qui traversent le petit plat qu’il scrute avant d’y lancer sa mouche. Un léger bruit attire son attention. Il tourne la tête et là derrière lui, sept cerfs le regardent, distants d’une quinzaine de mètres. Quelques secondes les regards se croisent et l’animal reconnait le terrible prédateur, alors la cavalcade se déclenche. Les cerfs se bousculent en traversant la calme surface d’eau. Il n’est plus question d’y lancer sa mouche.
Comme toujours immobile, très attentif il observe le bas de la cascade. Une biche magnifique, gracile et précautionneuse se détache et traverse le ruisseau au sommet de la chute d’eau. Elle s’immobilise sur la berge opposée à quelques mètres. Alors deux faons la rejoignent en quelques bonds. La mère a bien repéré quelque chose qui l’inquiète un peu. Elle jette des regards de temps en temps vers le pêcheur. Alors, ce dernier baisse le regard, car se fixer l’un l’autre pourrait déclencher la fuite. Les faons descendent la berge opposée et viennent au niveau du pêcheur. Ils sont à trois mètres. Spectacle magnifique. L’immobilité de l’homme est totale, la main tendue avec la canne à bout de bras. Heureusement une courte canne à mouche pour pêcher sous les frondaisons est extrêmement légère. Le spectacle dure quelques minutes qui semblent une éternité. Les émotions submergent le cerveau. Seuls les yeux mobiles emmagasinent ce qui constituera des souvenirs pour la vie. Minutes d’irréalité, puis la petite famille s’éloigne en disparaissant dans la forêt d’une démarche tranquille.
Quelle sagesse ! Merci
C’est bien joliment dit Pascal !
Toujours un plaisir de vous lire
Oui ! Exactement cela !