389e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat
Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine. La pelote jurait qu’elle était vierge, mais l’aiguille avait des raisons de douter.
L’affaire méritait d’être éclaircie.
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Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine.
La pelote jurait qu’elle était vierge mais l’aiguille avait des raisons de douter.
L’affaire méritait d’être éclaircie.
L’affaire débute au coin du feu, un soir de frimas.
Tante Amélie avait décidé de se tricoter un châle pour couvrir ses épaules les soirs de l’hiver à venir et pouvoir lire tranquillement ses auteurs préférés ou de nouvelles publications.
Pendant que les flammes du feu ondoyaient dans le poêle elle avait identifié un joli modèle associant des torsades et des points plus simples. Elle s’y voyait déjà.
Prestement elle gravi les marches pour plonger dans son armoire à ouvrages, celle qui fait face à l’étagère où sont rangés ses livres de référence. Farfouillant dans ce meuble ancestral elle mis la main sur des pelotes qui, de suite, lui parlèrent. Elles étaient souples, d’une finesse et d’une blancheur propre à mettre en valeur son teint légèrement halé et réchauffer ses épaules. De la laine vierge de mérinos issus de la bergerie royale de Rambouillet.
Tout aussi prestement elle se saisit d’une paire d’aiguilles numéro 5 en bois et se mis à l’ouvrage.
C’est là que le drame commence.
Les aiguilles, provenant du panier de Tante Amélie avaient tricotées plus de pulls qu’on ne peut en user dans une vie. Elles en avait vu de toutes les couleurs et avaient de l’expérience.
Les pelotes de laines, de leur côté étaient fier de leur origine, de la laine de mérinos, l’une des plus appréciée au monde. Elles avaient des références,
Sans que rien ne puisse le prédire les aiguilles lancèrent une pique à la pelote. Celles ci prétendaient que la blancheur des pelotes, leur virginité, ne pouvait qu’être artificielle. D’une part elle ne venaient pas de la région et surtout elle n’étaient que le fruit de multiple croisements entre moutons. Cela en disait long sur leurs mœurs,
Les démêlés continuèrent longtemps. Tantôt les aiguilles s’arrangeaient pour faire faire un nœud aux pelotes, entraînant l’agacement d’Amélie. Tantôt les pelotes faisaient en sorte que les aiguilles échappent une maille, provoquant des réprobations d’Amélie à leur encontre.
La pauvre Amélie eu bien de la peine à parvenir au terme de son ouvrage. Habillement elle ne tenta pas de résoudre la polémique. Présente, mais distanciée, elle fit remarquer aux protagonistes que la poursuite de leurs invectives ne pouvait que conduire à leur rejet unilatéral et réciproque de sa part. En un mot, la coopération ou l’exclusion, formulation qu’il est possible de traduire par » le châle ou la poubelle » !
Seule leurs particularités réciproques, leurs différences pouvait donner du sens au projet d’Amélie, c’est pour cette raison qu’elle les avait choisi, les unes et les autres. Elle réussi à leur faire accepter, à défaut de comprendre, l’importance d’un parcours par rapport à une origine et réciproquement, Parfaite dans son rôle de chef de projet, c’est à dire une main de fer dans un gant de velours, elle mena à bien l’affaire,
Aujourd’hui, relisant tranquillement « la vengeance du pardon » au coin du poêle, les épaules douillettement enveloppées Amélie savoure l’instant et la quiétude de cet aboutissement.
Les aiguilles sont réparties dans leur boite, enfermées sur elles même, réduite à leur seule fonctionnalité, presque oubliées,
Les pelotes se sont remises, petit à petit, de leurs démêlés. Elles profitent des conversations quand Amélie reçoit du monde. Leur quotidien a retrouvé naturellement du sens et de l’utilité. Elle vivent.
L. Baudinot
Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine.
La pelote jurait qu’elle était vierge mais l’aiguille avait des raisons de douter. L’affaire méritait d’être éclaircie pensait-elle
Qu’entends-tu par « vierge »
eh bien c’est mon signe astral !
Madame est férue d’astrologie tu m’en diras tant ; dis-moi donc le mien !
C’est facile vous êtes gémeaux puisque vous êtes deux et comme dit la chanson, non le proverbe « les deux font la paire ». Vos prévisions astrales sont les suivantes : entre le 7 et le 21 mai, tout deviendra plus émoustillant, original et excitant. Mercure puis Vénus stimuleront alors le surprenant Uranus et dès que vous innoverez, ce sera sans doute parfait..
Nous sommes le 7 nous n’avons pas de temps à perdre.
Nous n’avons donc que 14 jours. En passant je vous donne la signification de ce chiffre :Ce nombre évoque la nécessité d’adaptation aux changements, à l’équilibre qu’il faut arriver à trouver, et aux excès de toute sorte qu’il faut éviter (pulsions, abus, refus de toute contrainte, passions destructrices, etc..). Ce nombre indique généralement une facilité dans la communication et les relations, une bonne intuition et de l’inspiration. Le 14 symbolise l’harmonie et l’équilibre, alors gare à tout excès qui pourrait donner lieu à des instabilités, épreuves difficiles, pertes, dispersion, ou déceptions importantes.
L’aiguille à tricoter et sa semblable, toutes deux pleines d’admiration pour l’érudition de la pelote de laine se mirent à l’ouvrage et c’est ainsi que le 21 mai l’ouvrage fut fini. Il n’y avait plus de pelotes dans la corbeille et elles donnèrent toutes l’impression d’être ravies du résultat.
Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine. La pelote jurait qu’elle était vierge, mais l’aiguille avait des raisons de douter.
L’affaire méritait d’être éclaircie.
La pelote était sûre d’elle. Sa ligne de défense serait de tenir tête à l’aiguille sans jamais se défiler. Cette dernière pourtant voulait aller au bout du rang :
« Comment oses-tu affirmer ne jamais t’être déroulée sans moi? Ton mensonge pique au yeux, il ne faut pas être très expérimenté pour comprendre que notre histoire ensemble est plutôt réduite à des allers-retours. Notre confiance avance puis recule, elle augmente parfois quelques minutes mais elle réduit toujours trop rapidement…. Tout part de travers je te l’assure. Une maille saute et tout est à refaire dans notre ouvrage commun. Je te connais et je sais que tu as fricoté de biais. La lisière n’est pas loin. Notre projet se termine. Les dernières difficultés seront vite rabattues et nous n’en parlerons plus.
La pelote savait que son fil était tiré… Un trou de mémoire l’empêchait de savoir comment elle s’était retrouvée sur l’envers de l’ouvrage. Peut-être qu’un jeté de trop lors d’un montage était la source du malentendu…
L’histoire serait restée sans explication si le matou, amateur de pelote vierge n’était pas passé devant nos compères en plein démontage. En réalité pas de fausse maille mais un félin bien trop excité pour s’empêcher de dérouler cette nouvelle pelote de laine immaculée, arrivée comme par enchantement, dans son repère favori😸
Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine. La pelote jurait qu’elle était vierge, mais l’aiguille avait des raisons de douter.
L’affaire méritait d’être éclaircie.
La pelote était sûre d’elle. Sa ligne de défense serait de tenir tête à l’aiguille sans jamais se défiler. Cette dernière pourtant voulait aller au bout du rang :
« Comment oses-tu affirmer ne jamais t’être déroulée sans moi? Ton mensonge pique au yeux, il ne faut pas être très expérimentée pour comprendre que notre histoire ensemble est plutôt réduite à des allers-retours. Notre confiance avance puis recule, elle augmente parfois quelques minutes mais elle réduit toujours trop rapidement…. Tout part de travers je te l’assure. Une maille saute et tout est à refaire dans notre ouvrage commun. Je te connais et je sais que tu as fricoté de biais. La lisière n’est pas loin. Notre projet se termine. Les dernières difficultés seront vite rabattues et nous n’en parlerons plus.
La pelote savait que son fil était tirée… Un trou de mémoire l’empêchait de savoir comment elle s’etait retrouvée sur l’envers de l’ouvrage. Peut-être qu’un jeté de trop lors d’un montage était la source du malentendu…
L’histoire serait restée sans explication si le matou, amateur de pelote vierge n’était pas passé devant nos compères en plein démontage. En réalité pas de fausse maille mais un félin bien trop excité pour s’empêcher de dérouler cette nouvelle pelote de laine immaculée, arrivée comme par enchantement, dans son repère favori😸
Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine.
La pelote jurait qu’elle était vierge mais l’aiguille avait des raisons de douter.
L’affaire méritait d’être éclaircie.
La mère tricotait, des mitaines, des bonnets sans intérêts, des pulls démodés, une manière comme une autre pour évitait de penser !
D’ailleurs dans la famille on aimait ça, l’art du tricot relevait de la tradition familiale. Dès le plus jeune âge, toute jeune fille se voyait offrir un trousseau de couturière.
Rien à dire, au commencement de toute chose, on s’amuse d’un rien, il suffit de deux petites aiguilles qui s’entrecroisent indéfiniment, paisiblement pour atteindre le nirvana de l’enfance. La vie se déroule comme une pelote de laine ! Vous êtes un petit chat qui s’amuse à dévider sa bobine, joyeux, innocent. Encore quelques coups de crochets et vous confectionnez un joli bonnet. Les regards vous sourient, vous êtes sur la bonne voie. « Elle est bien mignonne cette petite » pense t’on ! Et puis, indéniablement, vous grandissez, les aiguilles sont de plus en plus fines, la technique s’affine, et vous voilà déjà maitre dans l’art du point de croix ! On applaudit la prouesse. Premier degré d’intégration dans la confrérie des tricoteuses. S’enchaine des ouvrages plus techniques, les premiers bas de laine où l’on pourra entreposer les sous, l’un après l’autre, année après année, des sous encore des sous jusqu’à ce que le bas de laine explose pour couvrir les frais d’obsèques.
Mais l’histoire ne se déroule pas comme une pelote de laine, pas pour cette jeune fille là ! Lili est une effrontée, une sauvageonne, toute petite déjà, elle eut déclenché une allergie au poil de mouton au grand dam de la grand-mère. Un mauvais présage. Enfin, à force de cure d’anti histaminique et de boisson peu ragoutante, la jeune fille fut immunisée, elle pouvait intégrer la grande communauté des tricoteuses. Toutefois par précaution, les bons conseils du comité scientifique de la laine lui préconisèrent l’usage de laine Angora. Son premier ouvrage fut talentueux, un léger pull-over fort troublant, des mailles très grandes, laissant entrevoir la douceur de ses formes. Forcément, Les autres furent quelque peu dérangées…
Le second ouvrage fut encore plus provocateur, un bikini en laine d’angora. Un modèle hors du commun, fin comme de la dentelle. Silencieusement, la communauté observait la jeune fille avec un œil torve presque réprobateur. Il y eut bien quelques sourires en coin de tantes compatissantes mais pour la famille cela relevait de l’outrage, du blasphème. La mère ne sut que dire, elle le savait bien que celle-ci n’était pas comme les autres. Un pressentiment, un sang plus sauvage, une catin en devenir. Les autres tricotaient dans la mesure, de jolis châles, des robes de chambre, des nuisettes bien molletonnées, garantit 100 pour-cent répulsif aux males trop fougueux.
Mais celle-ci la petite dernière, elle avait le diable au corps ! Certainement une contamination due à une laine un peu trop exotique ? Pour souvenir, son audition auprès de la célèbre émission « The Voice «. Imaginez ma brave dame : « Toute la famille qui tricote en cœur bien attablait derrière le poste de télévision, on attendait la petite, une fille du nord en haut de l’affiche, du jamais vue et v’là t’y pas qu’elle se met à chanter comme une furie des choses, des choses inracontables, et le clou du spectacle ma mie, elle jette son bikini en poil d’angora à la tête du jury ¨ !
Mon dieu ! Ma Pau ‘Ve dame tout le village en fut retourné, le club de tricot fut tout tourneboulé car toutes les jeunes filles n’eurent d’autres idées que de tricoter des culottes en poil de bique !
Le nombre d’adhérents du club des tricoteuses du Nord passa bientôt de vingt-trois à mille cinq cent vingt-deux, on avait la côte ! Il y eut même des hommes qui voulaient s’essayer à notre art ! Phildar en personne vint nous rencontrer pour faire breveter le fameux Bikini …
Lili s’esclaffait, elle courait le monde brandissant ses pelotes de laines sur chaque place, sur chaque marché, jurant qu’elles étaient les seules habilitées pour confectionner la fameuse culotte d’angora, celle qui attirait les hommes.
Les jeunes filles accouraient, jurant qu’elles étaient vierges, hormis quelques petits pelotages de circonstance.
Mais les anciennes, savaient bien que la plupart d’entre elles avaient déjà eu à faire de jolis aiguillons.
Enfin, dans le ch’nord on est quand même ben fier d’avoir contribué au renouveau de la filière de la chèvre angora !
Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine. La pelote jurait qu’elle était vierge, mais l’aiguille avait des raisons de douter.
L’affaire demandait à être éclaircie.
En attendant, Mamie râlait… Depuis plus de cinquante ans qu’elle tricotait sans relâche pour enfants et petits-enfants, elle n’avait jamais vu ça : une aiguille qui se piquait de faire la morale à une pelote ! Et, du coup ; elle emmêlait ses fils, les démêlait, sermonnait ses aiguilles, et essayait de reprendre sans manquer une réplique de son feuilleton.
Mais non, rien à faire, la dispute continuait entre ses doigts habiles, et elle fut obligée de se pencher sur ce problème : comment trancher en décidant si cette pelote était vraiment aussi vierge qu’elle le prétendait ?
Apparemment, les mentions « pure laine vierge » portées sur l’emballage ne suffisaient pas ? Elle chercha plus avant, d’où venait la laine ? Des montagnes Pyrénées, ou de plus loin ? Elle aurait bien fait une confiance aveugle aux produits locaux, à la rigueur à un produit venant d’un mouton européen, mais l’absence de mention d’origine la fit hésiter.
Elle interrogea donc son aiguille rebelle
– Qu’est-ce qui te fait douter de la virginité de cette pelote ? Moi, je ne sens rien…
– Mais voyons, c’est évident ! Mets tes lunettes et regarde : tous ces brins de fil étrangers qui se glissent entre les fibres ! Sans compter cette mauvaise mine de laine usagée, vieille, fatiguée…
– Impertinente ! Moi aussi, je suis vieille et fatiguée, et si je renonçais à tricoter, tu serais depuis longtemps mise à la poubelle, vieille et inutile. Tant de tes collègues t’envient d’avoir encore ta place dans la société active.
– Maintenant, toi la pelote, explique nous pourquoi nous devons te croire vierge, n’as-tu pas un peu trop bourlingué avant d’arriver dans mon panier ?
– Moi pas savoir, Madame, moi venir d’un pays très chaud, très long voyage, et ici, moi avoir froid, moi m’ennuyer loin de ma famille, et moi en avoir assez de subir les injures de cette aiguille, elle qui n’est qu’un vulgaire morceau de plastique.
Mamie, authentique native de la Vierge, elle, en eut vite assez de ces disputes, et décida de faire preuve d’autorité, comme lorsqu’elle séparait ses petits-enfants : elle jeta l’aiguille contestataire, et continua son ouvrage au crochet.
Maille à l’endroit et à l’envers
Une aiguille à tricoter avait un démêle
Avec une pelotes de laine
Pas de veine !
La pelote jurait qu’elle était vierge
Mais l’aiguille avait des raisons de douter
L’affaire méritait d’être éclaircie
Saperlipopette cette laine avait déjà servi
Une odeur particulière s’en dégageait
Comme une odeur de lait
Comme une chaleur, une douceur
Un parfum de bonheur
À moins que ce ne soit les émanations
D’un ancien malheur…
Toujours est-il que l’aiguille avait quelques scrupules
A envisager de tricoter un pull
Avec cette pelote qui ne sentait pas le neuf
– Dis-moi, le fil, que t’est-il arrivé par le passé ?
As-tu conçu des mailles dans une autre vie ?
Et pour qui ?
La pelote s’est aussitôt renfrognée
Tous ses fils se sont rembobi nés
Pas question de livrer son secret
Elle voulait garder au chaud
Le souvenir du bébé.
Une pelote de laine
Joli ; -)
Trop drôle!!!🐀
🐀 11′ P’LOTES’… ON S’P’LOTE EN FAISANT LA BOBINE
Les dames ont l’habitude de se réunir le mardi et le vendredi après-midi pour tricoter, broder ou coudre dans la salle de la mairie. Cet atelier est une école de silence où tout le rituel se passe sans bruit, juste rythmé par le cliquetis rapide et incessant des aiguilles. La cloche de l’école sonne et l’heure de la sortie des enfants et celle du rangement. Tout est méticuleusement remis à sa place pour ce prochain moment de sérénité.
Mais dans le tiroir de la boîte à ouvrage ça enrage sec…
Les aiguilles, à se frotter les pointes en croisant le fer, une maille à l’endroit une à l’envers perdent la tête dans ce jeu pervers… et ce sont les jeunes et douces laines vierges, les blanches surtout, destinées à la layette, bien pelotonnées les unes contre les autres tels des poussins dans un nid qui fulminent et font la bobine dans leur couffin d’osier d’être aussi mal traitées par les aiguilles à tricoter. En fait, elles craignent pour leur virginité. Elles passent en effet sans ménagement ni préavis du point mousse au point de riz et, assurément, personne n’en sourit ici.
«Qu’elles fricotent entre elles si elles veulent, mais sans nous ! Gémissent-elles. Ces galvaudeuses qui courent la maille et travaillent à la chaîne. A force de s’échiner et nous tirer dessus, elles nous rasent, nous et nos barbillons tout neufs, ceux qui nous rendent si moelleuses et tant appréciées pour les fesses des bébés. Plus vite… Toujours plus vite !!!… Elles en ont de bonnes ces grandes tringles! C’est que nous, on est fragiles, juste filées et encore pubères, il faut nous ménager!!!… ronchonnaient-elles.
– C’est pas fini vos jérémiades les ados radoteuses ? Si jeunes et déjà en boules ! Filées, enfilées, défilées.. Si vous continuez comme ça, vous finirez recyclées!
Les aiguilles, toujours à la pointe de l’ironie, jouent les affranchies. Le grain de café de couleur placé à l’autre extrémité confère leur pouvoir et confirme par la grosseur de leur taille leur savoir y faire !!!
Mais les duveteuses larmoient : nous, c’est du crochet dont est amoureuses! Lui nous rassurerait sur notre avenir en bottons et barboteuses de mousseline. Il saurait nous attraper avec douceur et il n’y aurait pas, comme avec vous, maille à partir.
Bien bien bien!!!… Fanfaronne le dé qui, de l’autre côté du tiroir guigne sans vergogne les aiguilles à broder. Laquelle va-t-il bien taquiner et pousser dans ses derniers retranchements de points de tige ou surjet?… Lui fait son choix ! Ni points de Jésus ni points de croix… Non ! C’est bien trop compliqué et trop risqué. Allez-voir qu’on se croise au mauvais endroit ! et toc! C’est au coup de ciseaux qu’on aurait droit… Alors, eux ! Il ne les aime pas ces jaloux mordeurs… Même il les évite soigneusement tant il en a peur.. Mais un bon petit point de devant plat et droit lui irait bien… Il lorgne aussi du côté des aiguilles à raccommoder: des grosses mémères bien lisses avec un gros chas, tiens ! Le coquin y mettrait bien le doigt ! Pensez, à ravauder tous ces vêtements usagés, elles ont sûrement de l’expérience!
Encore que, la dernière qui s’était laissée faire avait eu des déboires ! Enfin ! Si j’ose dire ! Car malgré ses efforts, les fils à repriser étaient si épais qu’ils ne passaient pas par le chas et qu’il fallut tremper le tout dans l’eau chaude… Et vous savez ce qu’on dit : chas et chaud dé craint …
Trêve de balivernes, eh oui! je crains car, à cause de la machine à coudre l’usage du dé se perd et, si je fais le faraud je ne suis pas idiot, je sais qu’après tant de bons et loyaux services je serai bientôt mis au rencart oublié dans le fond d’un tiroir… Alors que le mètre, les ciseaux, le fil et les aiguilles occuperont toujours une place de choix. J’enrage ! Cette injustice me rend malade… Malade de jalousie oui !…
Comme dans la Bible je me dis que, décidément, il n’est pas facile de faire passer un chameau par le chas d’une aiguille
Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine. La pelote jurait qu’elle était vierge, mais l’aiguille avait des raisons de douter.
L’affaire méritait d’être éclaircie.
Timidement, la silhouette, pelotonnée sous une cape rose poudré, s’avança à la barre.
Une espèce d’aiguille à tricoter, enrobée d’une toge noire à jabot blanc, lui fit face, tête penchée et effet de manche. D’une voix rocailleuse, elle demanda :
– Nom, prénoms.
La silhouette répondit, sotto voce, et laissa son auditoire pantois.
– Scala.
L’espèce d’aiguille à tricoter la réprimanda immédiatement.
– Je ne vous demande pas où vous vous produisez, je vous demande votre identité !
La silhouette se pelotonna une fraction de seconde puis se redressa. Mon nom est Scala. S comme soie, C comme cachemire, A comme angora, L comme laine et A comme Alpaga.
Des rires légers parcoururent la salle et la Présidente lança un rappel à l’ordre.
– Admettons. Nom : SCALA. Prénoms ?
– Marie – Ivoire – Limpide – Alba – Nivea.
L’espèce d’aiguille suffoqua, en raison de la présence intempestive d’un chat dans la gorge. Elle se reprit et miaula :
– Date de naissance ?
– 5 novembre.
– J’en étais sûre, hurla la robe noire à jabot blanc. Vous ne pouvez pas être vierge !
– Mais, si, je suis vierge, s’indigna la silhouette de moins en moins pelotonnée ! D’ailleurs, c’est écrit sur mon certificat. Vierge.
– C’est impossible ! Votre date de naissance nous révèle que vous êtes SCORPION.
– Non, je suis vierge !
– Non ! Scorpion. Scorpion, un point c’est tout. Mesdames et messieurs, en votre âme et conscience, estimez-vous qu’un scorpion puisse avoir la prétention de se lover sensuellement contre les peaux délicates aux odeurs poudrées vanille-coco ? Non, n’est-ce pas, c’est impossible, martelait l’aiguille en tapant d’un doigt rageur au milieu de sa paume.
Elle continua sa diatribe, une véritable déferlante ! Une pelote de haine se déversait dans le prétoire.
Les jurés se levèrent les uns après les autres et quittèrent la salle sous les yeux écarquillés du public qui, à son tour, se leva et s’en alla.
L’espèce d’aiguille à tricoter et la pelote de laine restèrent seules. Face à face.
Seules ? Pas vraiment.
Sur le dernier banc, une petite vieille, le sourire aux lèvres, perdue dans son monde, tricotait à quatre aiguilles. C’était devenu son rituel, sa drogue, son Gardénal.
Elle assistait à chaque procès, se saisissait d’un détail puis se racontait son histoire.
Cette fois, c’était les démêlés entre une pelote de laine vierge et une vieille aiguille tordue….
L’espèce d’aiguille à la robe noire et jabot blanc déambula dans les couloirs sans fin et se réfugia dans son vestiaire. Elle retira sa tenue et s’apprêtait à enfiler son blouson de cuir noir. Subitement, elle fut prise de démangeaisons atroces.
Elle jeta un coup d’œil sur l’étiquette de son nouveau pull.
Pure Laine vierge.
Elle poussa un juron à rallonges et quitta précipitamment le Palais de Justice.
Au bas des marches, la petite vieille l’attendait.
Elle lui tendit un paquet emballé de papier de soie rose poudré.
– Voilà, vous avez été parfaite ! Le procès a duré juste le temps dont j’avais besoin. Tenez, c’est pour vous ! Une paire de chaussettes en laine vierge… cela fait un bien fou, des chaussettes en laine vierge, à enfiler les soirs où vous travaillez tard….
La vengeance est un plat qui se mange froid !
© Clémence.
La pelote trouvait les preuves de l’aiguille, creuses. Ces soi-disantes preuves, elle les tenait d’Arsène, son frère. Ce batifolage, cette plote de l’aine et d’ailleurs, Arsène l’eut peint dans un champ d’ail au mois de mai.
La pelote reconnaissait toutefois y avoir eut maille à partir avec un tricot. Ce tricot stérile, qui n’était d’ailleurs qu’un pull sans ovaires, était plus que collant et pensait être un puissant. Il avait l’haleine alcoolisée et voulait la tricoter à sa guise. Il dépensait sans compter. La « maille » allant droit au but, la saouler, mettre la douce pelote à l’envers pour vaincre ses réticences. Il poursuivit sa trame avec obstination. De fils en aiguilles, elle se retrouva couchée dans un champ d’ail sous la lune voilée de Jersey. Elle se débâtait. Ses boucles s’agitaient, ses côtes s’effaçaient. Il la forçait, ses doigts impérieux cherchant l’entrée du col en V. Elle luttait, elle s’efforçait de ne pas céder. Elle ne voulait pas entrer dans le rang. Il lui mit un crochet pour vaincre sa résistance. Elle allait succomber lorsque son ami Maurice, dit « Le blanc », intervint pour mettre un terme à ses maux. Il vola dans les plumes importunes. Il mit au menton du tricot un bouchon de cristal, élégant mais solide, qui l’étendit pour le compte. Bien que froissé dans son orgueil, le tricot s’éclipsa en chancelant. Malgré son point de côté il avait tenté de colmater cet accroc par une histoire cousue de fils blancs qu’il avait conté à son ami Arsène.
Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine. La pelote jurait qu’elle était vierge, mais l’aiguille avait des raisons de douter.
L’affaire méritait d’être éclaircie.
Vierge disait l‘aiguille question matière je n‘ai aucun doute. D‘ailleurs c’est indiqué sur l‘étiquette. Plus d‘étiquette dis tu mais qu‘en as tu donc fait ? Perdue ? Arrachée? Mais dans quel monde tricote t‘on ici ? Sans étiquette tu n‘as plus ni valeur ni vertu, tu n’es plus ni revendable, ni échangeable ! Chacun aurait en te prenant un doute sur une éventuel fricotage. Avec toi plus personne ne voudra avoir maille à partir. Tu irais éventuellement pour effectuer du reprisage même si de nos jours l’usage en est passé. Une main baladeuse aurait, dis tu, baladeuse, maraudeuse mais quel langage ! Y aurait il quelle infraction ? Une effraction peut être ? Un moment d’inattention et de frivolité ? Un trou de mémoire dans ton emploi du temps ? Tu ne sais plus ! La seule manière de savoir est de te peser. Quoi tu trembles ? Tu t‘embrouilles, tu fais des noeuds.
Si tu pèses tes 100 grammes, aucun problème tu restes vierge au bénéfice du doute. Si tu as perdu du poids ? Tu finiras aux soldes comme tes compagnes de petite vertu, les laines mélangées. Si tu as pris du poids ? Alors là ma chérie c‘est la quarantaine. Au fil des mois tes romdeurs deviendront de plus en plus visibles. Il faudra attendre la naissance … tu pleures ? Il aurait fallu y réfléchir avant, ma chérie. Et puis le petit aura peut être le moelleux du mohair ou la douceur du cachemire. Dans ce cas ton bonheur est garanti surtout si le père est déclaré et étiqueté!
Depuis deux heures une paire d’aiguilles à tricoter n’en pouvait plus de cette soi-disant laine qui leur passait sur le corps. Après être restées des années dans une boîte, ne voilà-t-il pas que Sabine les avait examinées sur toutes les coutures et les avait choisies pour créer un magnifique pull pour son fils Jérémy.
Après des années de retraite bien méritée, reprendre du service leur était pénible et, il faut bien l’avouer, elles n’avaient plus le même allant. Elles s’en étaient coltiné du boulot quand Marie, la mère de Sabine, passait ses longues soirées d’hiver à confectionner maints et maints ouvrages pour toute sa tribu. Aussi, s’en prirent-elles à Pelote.
– Que comptes-tu faire, toi qui n’es même pas vierge ? s’écrièrent-elles.
– Ça veut-dire quoi ? s’offusqua Pelote. Il faut être vierge maintenant pour travailler ! Je ne savais pas qu’il fallait noter mon signe astrologique sur mon CV. Je suis née en été et suis du signe du cancer.
– Quelle cruche celle-là ! s’esclaffèrent les aiguilles. On s’en fiche de ta date de naissance. Regarde un peu ton étiquette, tu n’es composée que d’acrylique. Donc, ce que l’on essaye de te faire comprendre, c’est que tu n’es pas de la laine vierge.
– Ah ! s’étonna Pelote qui en resta comme deux ronds de flan. Qu’est-ce que j’y peux, moi, si mon créateur m’a conçue comme ça ! Je me souviens juste que je suis passée dans tout un tas de machines et que j’en ai encore le tournis. Et qu’est-ce que ça peut bien vous faire à vous deux de savoir de quoi je suis faite ? Vous êtes là pour faire votre job, tout comme moi d’ailleurs.
– Ouais, mais nous ce qu’on aime c’est faire de la belle ouvrage. Sabine s’escrime pour rien, Jérémy n’aura même pas chaud avec toi.
– Ah, s’étonna à nouveau Pelote. Il n’a pas besoin d’avoir chaud, c’est juste pour aller à l’école où sa classe est surchauffée. Sabine veut juste lui faire un joli cadeau pour son anniversaire.
– Ah ! ne purent que répondre les aiguilles.
– Eh oui, ça vous en bouche un coin n’est-ce pas ? s’enorgueillit Pelote. Et vous savez quoi ? Sabine a tellement de mauvais souvenirs des pulls qui grattent de sa mère qu’elle ne voulait surtout pas imposer ce calvaire à son fils.
En lisant les consignes sur mon écran, je me suis offert un lapsus calami dont j’ai décidé de tirer parti,afin de ne pas blesser mon inconscient qui m’avait fait ce cadeau et ne point imputer aux ans cette erreur d’interprétation.
Une anguille à fricoter avait des démêlés avec une lotte de l’Aine.La lotte jurait qu’elle était vierge.
L’anguille à fricoter avait des raisons de douter.L’affaire méritait d’être éclaircie.
En effet, on avait vue frayer la petite,et ceci pas plus tard qu’hier matin, avec un gros brochet numéro quatre derrière ce grand rocher dans les anfractuosités duquel on pouvait se livrer à maintes turpitudes.
La jeune lotte,qui n’en était pas à sa première incartade, était ressortie de là ,frétillante,lissant ses écailles en sifflotant silencieusement.
L’anguille,que nul goujon ne venait plus taquiner depuis fort longtemps,en concevait une jalousie féroce aggravée par le fait qu’à chaque fois,la jeune écervelée devait passer devant chez elle,accompagnée de ses galants.
Elle prenait des poses,les bécotait,rosissait de plaisir aux milles bulles qu’ils glissaient dans ses ouïes attentives.
On était en mai.Comme chaque année allait avoir lieu l’élection de Miss Poisson Nouveau.On ne manquait pas de candidates.
La grande perche cendrée,la petite sardine bien roulée,la raie Manta si élégante et notre lotte de l’Aine entre autres.
Les critères étaient draconiens,en plus d’une silhouette parfaite ces demoiselles devaient être vierges,immaculées.
L’anguille,qui faisait partie du jury en compagnie de quelques poissons d’expérience et d’une moralité irréprochable, attendait le moment propice pour soulever le pot aux roses à sa façon.
On examina les dossiers et la bonne mine des postulantes qui avaient défilé avec grâce.
On dû en éliminer plusieurs,huit restaient en lice
Le jury délibéra en secret pour n’en garder que cinq.
Quand vint le tour du dossier de la lotte de l’Aine,l’anguille à fricoter toussota élégamment derrière une nageoire,en levant une autre pour demander la parole:
» Messieurs, je vous enjoint d’étudier de très près le CV qui est maintenant devant vous.
La dite candidate répond elle au critère indispensable à son éventuelle élection? Vous voyez de quoi je veux parler.
Qu’en dites vous monsieur le brochet numéro quatre et vous autres,éminents membres de ce jury?
Sa place est-elle parmi les autres?
– Oui, oui, sa candidature est digne d’être retenue opinèrent ils,en gens impartiaux et honnêtes
– Vous êtes sûrs de vous ,vous ne souhaitez pas aller en référer ensemble dans une des anfractuosités du grand rocher pour plus de sûreté?
-Hum,hum! non merci, enfin! heu! nous nous rangeons à votre sagacité chère madame – bafouillèrent les interpellés- il semblerait qu’en effet une ombre planât sur la réputation de cette lotte.
Tout bien considéré il faudrait l’éliminer. N’est ce pas chers confrères?
– Oui, en effet mes amis,dans le doute….
– Parfait! triompha l’anguille.Nous sommes donc bien d’accord.On la rejette.
– Dossier suivant. »
L’affaire méritait d’être éclaircie.
Et pour éclaircir une affaire le meilleur moyen avait toujours été de recourir à un expert. Sans aucune hésitation c’est Madeleine qui fut désignée (n’oublions pas qu’elle avait gagné deux années de suite le prix de la Woolmark, décerné annuellement à l’artiste, au styliste, à l’artisan ayant été le plus créatif et ayant réalisé la plus belle pièce en pure laine, vierge, bien entendu.)
Mais voilà que depuis quelque temps Madeleine avait du mal à terminer ses ouvrages. Elle ne comprenait pas d’où venaient ses problèmes inédits de tricotage, elle ne pensa pas non plus une seconde qu’il put s’agir de quelques troubles dus à l’âge, lequel avançait lentement mais sûrement. La vue était encore bonne, l’arthrose n’était pas encore parvenue jusqu’à ses doigts (elle avait eu le bon sens de démarrer par ses pieds et pour le moment sa remontada n’allait pas plus haut que ses genoux.)
Alors, ça y allait les travaux d’aiguille, pas une minute à perdre, le jour où elle ne pourrait plus tricoter, elle se l’était promis : elle mourait. Un point à l’endroit, un point à l’envers, un rang après l’autre, point mousse, point de jersey, point de riz, côtes et motifs, ça allait tout seul. Pour un oui, pour un non, allez zou ! Elle sortait ses pelotes et les aiguilles d’un numéro adéquat au modèle qu’elle avait dans la tête, et paf, c’était parti…
Parti pour un pull (irlandais ou jacquard, en V, col roulé, col cheminée) un cache-nez, des gants ou des mitaines si la pelote était trop petite, des chaussettes (à quatre aiguilles c’était le plus difficile) des jambières, des cagoules ou des passe-montagnes (elle les vendait bien quand se profilait une manifestation), des ponchos à franges (les gauchos zadistes en raffolaient), des bonnets péruviens (qui donnaient à leurs porteurs un air d’imbécile heureux surtout lorsqu’ils étaient tricotés dans la laine de l’animal, ce qui stimulait l’envie latente de leur cracher dessus.)
Madeleine ne s’était pas mariée, n’avait pas eu d’enfants, en revanche sa fratrie lui avait donné huit neveux & nièces. Ce qu’elle préférait créer par-dessus tout, c’était la layette : couvertures de berceau, brassières, bonnets, chaussons, douces laines pastel bleues, blanches ou roses qu’elle agrémentait de luisants rubans de satin. Quel plaisir elle avait pris à exercer pour eux son talent.
Mais justement ses frères et sœurs, ses neveux, ils en avaient ras-le-bol d’être inondés de ses ouvrages. Le tricot maison, ce n’était plus du tout à la mode. Les aînés, les plus petits et plus encore ceux parvenus à l’adolescence, ne voulaient plus porter que des jerseys de marque, siglés des célèbres trois bandes, ou de la vénérée virgule. Chaque fois qu’elle leur distribuait sa production, ils se détournaient en faisant la grimace, il arrivait même qu’on les entende chuchoter « p…………. ! Encore un de ses pulls, c’est à gerber, il va encore falloir faire semblant qu’elle nous plaise cette mocheté, franchement, fait ch………… la tantine »
Et la tantine, elle était très mal vue de PETA et d’autres associations de protection du lapin, de la chèvre angora, et de l’agneau australien en raison de l’usage abusif qu’elle faisait des produits issus de l’animal vivant et donc sensible.
Ce matin encore elle a reçu une lettre de menaces si effrayante qu’elle s’en trouve toute chamboulée. On lui reproche d’avoir été candidate ‘qualifiée’ à l’expertise et à l’arbitrage d’un démêlé au douteux motif de virginité survenu entre une aiguille et une pelote de laine, lequel menaçait de tourner au plus acide des vinaigres.
Elle est tellement impressionnée qu’elle se met à trembler, à mélanger ses mailles, elle en laisse échapper une qui en profite pour filer sur quelques rangs, elle s’énerve et se dit « j’en ai marre, je n’y arrive plus, c’est foutu, fini, j’arrête… »
Mais avant, folle de rage et tant qu’à faire, de désespoir, elle détricote à toute allure, rembobine la pelote bien serré, et l’embroche si profond sur l’aiguille qu’elle ne pourra jamais s’enfuir. « Allez-y, continuez de ferrailler toutes les deux tant que vous voudrez, si seulement vous pouvez ! »
Une aiguille à tricoter avait un démêlé avec une pelote de laine. La pelote jurait qu’elle était vierge, mais l’aiguille avait des raisons de douter. L’affaire méritait d’être éclaircie.
Dès l’aube, on dépêcha l’inspecteur Perrat sur les lieux, alors qu’il n’avait pas encore fini d’étirer les articulations de son petit jeu d’écriture matinal.
« Faites nous une proposition et vite ! »
Bien entendu, pour tisser sa nouvelle enquête il était accompagné de son fin limier Sym’pa qui n’en était pas à sa première authentification de virginité. Il avait à son compte une dizaine de forêts et même une sainte-nitouche qu’il avait démasquée au premier coup de nez. Alors une pelote, vous pensez. Le temps de dérouler le fil de sa déposition et ils seraient rentrés pour le petit-déjeuner d’écriture créative, pensa Perrat.
« Je vous assure que je viens d’une première tonte d’un élevage sain dans une vallée des Pyrénées. J’ai toutes les certifications sur ma fiche d’identité. »
Elle semblait sincère derrière sa voix douce, la petite, tout en tresse, la boule au ventre. L’inspecteur se tourna vers son compère pour valider son impression. Mais Sym’pa n’était pas du genre à se laisser embobiner par un brin de jeune fil, piqué au vif par une aiguille qui avait suivi la laine comme un mouton sans se douter qu’elle n’en avait jamais vu un de sa vie.
Il en avait assez en’tondu de son récit et surtout flairé l’haleine pas fraîche. Une fois la fibre sentimentale passée, Perrat entendit les soupçons de son associé et fit examiner à son museau les autres fibres prélevées sur la pelote. Le verdict fut sans appel. Elle était artificielle. Tout n’était que tissu de mensonges. Elle finit par avouer avoir traversé l’Asie jusqu’à la Méditerranée pour tenter de trouver une aiguille et filer le parfait amour dans un tricot moelleux chez H&M, comme d’autres avant elle. Elle filait désormais un mauvais coton et risquait d’être brulée vive au bûcher des contrefaçons, comme d’autres fausses vierges.
Mais Perrat et Sym’pa convainquirent l’aiguille de retirer sa pointe et proposèrent une peine de tricot d’intérêt général dont l’idée tramait déjà dans la tête de l’inspecteur. Ainsi, de fil en aiguille, ce samedi matin, naquit cet exercice… un peu tiré par les cheveux, à défaut d’aiguille.
L’enquêtricoteuse
L’aiguille alors tenta de démailler l’affaire
Point par point, faufilant sa trame policière.
Elle se rendit d’abord chez M. Merinos,
Concessionnaire de moufles, tondeur de laine sur dos
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Puis elle se procura un galurin tout plat
En laine de vigogne chez Madame Alpaga,
Celle-ci vivait en couple avec Monsieur Nylon
leurs mélanges textiles filaient mauvais coton
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Elle négocia plus loin une écharpe en cachemire
Qui arrivait tout droit d’un comptoir du Zaïre
Son Pashmina perdait ses fibres synthétiques
Epilées sur des chèvres aux toisons chimériques
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Elle s’offrit un manteau 100°/° laine vierge
Rhabillée pour l’hiver par l’ Angoragamberge
Son moral ayant chu d’un coup dans ses chaussettes
Elle fila à l’anglaise sans chlore son enquête
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