757e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat


Racontez la dernière espièglerie d’une miette, encline à se glisser là où on ne l’attend pas.
SANS VOUS CE BLOGUE N’EXISTERAIT PLUS. DEVENEZ MEMBRE BIENFAITEUR. FAITES UN DON À L’ASSOCIATION ENTRE2LETTRES ®
La miette…
Laissez-moi vous raconter les dernières péripéties d’une miette, encline à se glisser là où l’on ne l’attend pas. On la disait espiègle, mais elle était vive, éveillée, malicieuse, sans méchanceté. Balayée d’un revers de main, parce qu’elle traînait sur le blanc immaculé d’une nappe, on la croyait partie à dos de fourmi, ou même emportée dans le bec d’un oiseau vers son nid où piaillait toute une couvée…
Juste avant ; elle n’était pas coincée entre deux dents non plus. En réalité, pour être honnête avec vous, elle s’est posée au coin des lèvres de Lulu qui avait embrassé le p’tit Louis à la sauvette. Parce qu’elle était tout simplement perdue dans les poils de la moustache du beau jeune homme, dont Lulu était éperdument amoureuse…
Louis n’avait pas réussi socialement. L’école l’ennuyait : trop de règles, trop de leçons à apprendre par cœur, trop de majuscules inutiles à placer aux bons endroits. Il préférait les bancs du parc à ceux du lycée, les conversations aux dissertations. Il ne savait pas citer Victor Hugo, mais il savait se taire au bon moment. Il ignorait la date exacte de la Révolution française, mais il savait quand quelqu’un s’apprêtait à trahir.
Son père, ancien professeur d’histoire géographie, l’avait pourtant prévenu :
— Sans bagages, tu seras juste bon à ramasser les miettes que les autres voudront bien te laisser.
Cette phrase, il l’avait entendue cent fois. Mais il la trouvait creuse, usée, mal adaptée à sa vie. Lui savait que les bagages trop lourds finissent par vous faire marcher de travers. Et puis, il y avait ce vieux proverbe qui lui revenait souvent, comme une ritournelle qu’on fredonne sans y penser :
— Qui ramasse ses miettes, n’aura pas disette…
Il avait appris à observer les gens, à sentir les silences, à flairer les humiliations cachées sous les plaisanteries. Il savait lire un regard mieux qu’un texte littéraire. Il savait consoler une voisine, réparer une fermeture éclair, écouter les enfants sans les corriger.
Ce jour-là, la miette, nichée dans sa moustache, ne l’avait pas trahie. Elle brillait doucement, comme une étoile tombée du pain, et s’accrochait à lui comme à un mystère. Elle, la minuscule avait trouvé un abri chez un homme que l’école avait laissé au bord du chemin, mais que la vie n’avait pas tout à fait oublié.
Le temps était passé, Louis et Lulu s’étaient mariés. Ils étaient heureux, les regards qu’ils posaient l’un sur l’autre étaient chargés d’amour, de tendresse et de reconnaissance. Alors qu’un jour, où, à la fin du déjeuner, Louis poussait du doigt une miette, il adressa un sourire à Lulu :
— Pourquoi souris-tu mon amour ? lui demanda-t-elle.
— Parce que j’ai compris ce que les autres ont manqué, ma douce colombe. Aujourd’hui, j’ai conscience que certaines miettes ne viennent pas du pain, mais du cœur. Et que parfois, une miette suffit à nourrir une histoire entière.
Ne comprenant pas ce que pouvait évoquer Louis, elle se pencha vers lui pour déposer un baiser sur ses lèvres. Lorsqu’elle s’écarta de son visage, Louis s’aperçut qu’une miette était restée accrochée à la commissure de la bouche de Lulu. Il sourit de nouveau en la faisant tomber en passant un doigt sur le visage de la jeune femme :
— Et je dirai même, que parfois le destin s’acharne ! elle lui sourit sans trop comprendre ce qu’il disait…
Racontez la dernière espièglerie d’une miette, encline à se glisser là où on ne l’attend pas.
J’étais tellement contente d’avoir été aggloméré à ce biscuit aux céréales. Je retrouvais des centaines de copines ! C’était un peu notre festival. Là au moins on n’était pas fixé avec des colorants de toutes sortes. On était réellement libres et il était tout à fait possible de s’échapper à l’approche des jolies dents. On filait sous les doigts et hop ! Petit saut dans le vide. Aujourd’hui, j’étais d’humeur canaille et je me dis que je me ferais bien un petit road trip ! Alors j’ai commencé par sauter dans le décolleté de la dame trop gourmande (deux gros biscuits avaient déjà été engloutis tout de même !). Comme je la grattais un peu, elle partit en chasse pour me déloger. Mais je suis bien plus maligne qu’elle alors je continuais de descendre et me calais dans un repli du ventre. Ça sentait drôlement bon ! Le parfum mêlé à celui de la lessive de cette jolie robe printanière me fit un petit havre de paix un moment. Quand je compris que la dame allait aux toilettes pour pouvoir explorer tranquillement sa tenue pour me faire partir, je décidais de quitter cet abri précaire moi-même. Ce qui ne fut pas aisé, avec la transpiration, je collais un peu…
Je glissais le long de sa jambe et attendis là, peu de temps de pouvoir m’accrocher sous une chaussure crantée. Ce qui ne tarda pas à arriver. Je le reconnus tout de suite le beau gosse, il était allongé tout à l’heure près de la piscine. Je me camouflais entre les rainures de la chaussure et en sautais quand il arriva à hauteur du buffet. Je ne gis pas longtemps par terre. A l’arrivée du gros matou à l’affût de mets gourmand, je me retrouvais sur le bord de sa moustache. Ce gros pépère au pelage incroyable faisait l’admiration des convives et il s’en donnait à cœur joie, pavanant, paradant devant les invités. Il s’offrait même le luxe de sauter sur la table pour exposer là toute sa majesté. Bon certes, il n’y resta pas longtemps, ils se fit rabrouer mollement par sa maitresse qui l’en fit descendre manu militari, ce qui me permit de sauter dans la coupole de biscuits en passant.
Je retrouvais tous mes amis du début, ravie. Je leur racontais mes aventures, enthousiasmée à l’idée de partir à plusieurs à la prochaine envolée. Mais je ne fis pas recette, elles préféraient rester dans le plat et finir aux poules ou sous les petits doigts humides et boudinés des enfants qui trainaient près du buffet…
Docteur je n’en peux plus
Expliquez moi ça
Je ressens une gêne en jouant du violon, quelque chose d’irritant
A quel niveau ?
Je ne sais pas exactement, ça va ça vient le long de mon bras droit
Seulement quand vous jouez ?
Oui, le reste du temps ça va
Vous jouez souvent ?
3 à 4 heures par jour
Tous les jours ?
Oui, sauf dimanche et jours fériés
Quelle tenue portez vous pendant ces exercices ?
Mon pull fétiche avec lequel je gagna les concours
Pour aujourd’hui je ne peux rien faire, revenez avec le pull, et le violon, bien
entendu
Trois jours plus tard.
Très bien, asseyez vous là ,jouez moi quelque chose
Du Paganini ?
Comme vous voulez
L’artiste accorda son instrument et attaqua la Sarabande numéro trois en si bémol majeur.
Voilà, ça y est, ça commence
Otez votre pull, donnez le moi
Le médecin retourna la manche droite, l’examina soigneusement.
Ah ! ça y est, je l’ai, regardez
Il avait dans sa paume une vielle petite miette bien sèche encore toute frétillante.
C’est elle, une mélomane qui batifole sur votre bras dès que vous commencez à jouer. Elle apprécie votre talent, ne la jetez pas car si un jour elle ne danse plus, vous devrez vous remettre en question.
Laissez vous porter par la musique, oubliez la.
Merci docteur, encore un peu de Paganini ?
Oups !
Je n’avais pour commencer qu’une miette d’idée, une miette de rien du tout. Comme il aurait été facile de consulter ChatGPT. En un clin d’œil, il m’en aurait trouvé une, et de taille, mais l’imposture ne m’a jamais tentée.
L’envie me vint d’aller m’installer dans mon jardin, boire un café, et, dans ce lieu inspirant, tout éclairé de lumière matinale, y trouver le secours des Muses.
Sacrée miette !
Que vais-je faire de toi ? Une miette que l’on trouve sur la table et que l’on essuie négligemment d’un revers de torchon ? Ou, au contraire, une miette qui parle des mains qui l’ont pétrie, de la qualité de la farine, des champs de blé, d’avoine ou de maïs ? À moins que son histoire ait été toute différente et que, de facture industrielle, elle ait été traitée avec beaucoup moins de soin.
Miette, dans quel pétrin t’es-tu fourrée ?
On te dit espiègle. Il est vrai que tu aimes bien braver le torchon ou le balai, te glisser sous les tapis, et même dans les interstices de mon clavier. Si tu es miette d’idée, alors, tu prends tous les masques, tous les rôles, que j’ai envie d’imaginer pour toi. Et comme je ne mange plus de pain, chère coquine, tu viens de bon matin, me provoquer sur un tout autre terrain. L’écriture, bien sûr !
Dans ta malice, tu te prétends petite. Au cœur d’un ChatGPT, tu le serais, assurément, car tu ne m’aurais convoquée à aucun dépassement, en effaçant le terrain de jeu où une simple plume trouve enfin ses ailes.
Et pas des ailes empruntées.
Miette, accroche-toi.
Quel que soit ton récit, tu es l’invitée de l’exercice 757, pour de nombreuses romances, et pas seulement la mienne ! Nous ne pourrons plus jamais te regarder comme une simple miette. Car, ainsi que le dit Lao Tseu : « La grandeur naît souvent de ce qui est petit. »
En juin, les musiciens habitués à se produire ensemble, fêtent leur joie d’être parvenu, à ce niveau d’exigence auquel aspirent leurs aficionados.
Pour célébrer ce regroupement convivial, ils sont aujourd’hui installés dans le jardin de Jérôme, le clarinettiste du groupe. L’ambiance est joyeuse et décontractée. Chacun évoque une anecdote, connue de la plupart d’entre eux, mais, narrée du point de vue du conteur.
La table est garnie de victuailles variées et de bouteilles susceptibles de répondre aux désirs des plus gourmets. Plusieurs corbeilles de pains aux céréales différentes, aux teintes chaudes laissent à imaginer combien ils doivent être croustillants et savoureux. Jérôme montre l’exemple et encourage les invités à se servir eux-mêmes.
Les heures passent dans cette ambiance de compagnonnage, de joie d’être présents ce soir, sans autre contrainte que d’être conscients du bonheur de partager les efforts et les réussites de cet orchestre de joyeux drilles.
Entre la poire et le fromage, la tablée propose que chacun exécute un petit solo sur son instrument. L’honneur en est donné à Jérôme, à qui certains proposent d’interpréter « Blowin’ in the Wind » de Bob Dylan.
Jérôme attrape sa clarinette accrochée au dossier de la chaise. Chacun l’encourage résolument. Jérôme souffle dans le bec de l’instrument et produit un son très bizarre, non prévu dans la partition. Il se lève, tousse et renouvelle le début du morceau. Un second couac s’exprime à la surprise des auditeurs qui n’en reviennent pas. Jérôme inquiet secoue la clarinette espérant résoudre la problématique acoustique. Mais en vain, l’instrument ne veut répondre ni au doigté, ni au souffle du musicien. Déçu et interrogateur, Jérôme propose à son voisin de prendre le relai de cette exhibition.
Il se penche alors sur son instrument et commence à le désosser, secouer, essuyer les nombreuses pièces accessibles et souffle de nouveau dans le bec. Les notes insolites se succèdent laissant le musicien décontenancé.
Depuis qu’elle est tombée de la main de Jérôme sur la serviette posée sur ses genoux, une miette du pain de pâte-feuilletée-parfumée-à-l’huile-d’olive, qui se trouvait fort bien sur ce tissu odorant et souple, se retrouve propulsée dans les airs par un mouvement vif de Jérôme et tombe dans le pavillon de la clarinette. Là, la miette glisse dans le corps du bas et se coince à mi-chemin du corps du haut. Les tentatives successives de Jérôme laissent la miette étourdie du bruit, des vibrations et des secousses imposées à l’instrument. Elle n’a pas souhaité s’imposer dans cet endroit étroit. Elle n’avait pas imaginé terminer son aventure collée au bois de l’instrument qui, par ailleurs, sent très bon.
Elle est de nouveau secouée avec violence et extraite du pavillon et tombe entre les lames du parquet de la terrasse.
Il fait froid sous cette terrasse. Elle ressent l’humidité ambiante et les senteurs de champignons qui les accompagnent. La miette entend maintenant, au-dessus d’elle, la belle sonorité de la clarinette exécuter « Blowin’ in the Wind », le bien nommé, après toute cette aventure d’instrument à vent !
Elle tendait la main à son amoureux.
– Six heures, le réveil, debout.
Petit déjeuner et bises à la hâte.
Les enfants, les cartables, le travail, la route….
12 heures,
16 heures
18 heures
Le retour :
Les enfants, les devoirs, la douche, le repas…
Des bises à la hâte,
Des bises à la hâte sans regard…
Elle tendait la main à son amoureux
Une miette… s’il te plaît… Une miette
Elle était devenue misérable.
Tout petit pour dire quelque chose de grand… d’émouvant.
🙂
757/KOBOLD KLEPTOMANE
C’était dans un désir de bien faire, une fois encore, la miette espiègle se glissait où on ne l’attendait pas, sur le jabot de tante Léonie. Je me précipitais pour les pousser au risque d’une tapette, au profit d’une palpation de l’immanence de son moi ! À l’abri d’une réprimande, la miette choisit le chemin de l’exil. Ailleurs, on l’attend à plein bateau, ici, elle est chassée, balayée, engloutie dans l’aspirateur. Heureusement, la petite hirondelle la convoie.🐻
Miette était née en Egypte, à Damiette, d’un Baladi qui avait fait un four en formant deux couches. Deux Miettes étaient nées de ces couches. Malheureusement, l’une d’elles décéda. La mère de Miette était mince comme une ficelle tandis que son père avait de grosses miches. Ses parents étaient considérés comme des bâtards, les fruits d’envahisseurs sarrasins. Leurs employeurs étaient Français. Ils tenaient un restaurant : « Les Boules Anger », en hommage à leur département natal, le Maine et Loire. Très croyants, ils priaient chaque jour les 12 épeautres. Comme ils ne buvaient pas d’alcool, dans leurs menus, ils n’accordaient pas le pain et le vin mais plutôt le pain et levain. Le père Pain avait une haute idée de lui-même. Il disait souvent à propos de sa réussite : « Du pain et des Je ».
Miette était coquine mais séduisante. Elle devint bientôt l’amie de Pain, le fils du patron. Lui était bonne pâte. Son père disait de lui avec le sourire : « Bon comme du bon Pain ». Il était né à Zyme, une ville du Sud. On l’appelait le Pain au son car il écoutait toujours de la musique. Pour la mélodie, il n’hésitait pas à mettre la main à la pâte. Son instrument préféré était la flûte. Il en jouait merveilleusement et enjouait ses auditeurs. Miette adorait écouter la flûte de Pain. De son côté, Pain adorait l’écouter raconter. De ses histoires, il ne perdait pas une Miette. Pourtant, les autres garçons se moquaient souvent de Miette. Elle n’avait pas beaucoup de poitrine, aussi la traitaient-ils de planche à pain. Lui, la défendait bec et ongles, quitte à distribuer des pains aux châtaignes à ces moqueurs. Pour elle, le Pain blanc de gentillesse devenait Pain noir de colère. Lorsqu’il était dans cet état, personne ne parvenait à rompre le Pain. « Mon Bretzel, tu es complètement noué », disait-elle. Alors, elle prit la main de son copain, pour le calmer et marcher un peu à ses côtés. Il était touché par ce geste.
Faut dire qu’il était particulièrement timide. Peut-être était-ce dû aux boutons qu’il grattait sans arrêt. Les mini-plaies séchaient puis durcissaient. Ça ne valorisait pas sa peau. Les filles le rejetaient à cause de ça, parlant entre elles des croûtes de Pain. Miette ne les voyait même pas. Pour elle, le fils Pain était le plus beau, le plus doux et le plus intelligent. Elle n’hésita pas à faire le premier pas. Ce fut elle qui l’embrassa. « Ça ne mange pas de pain », se dit-elle astucieusement. Il rougit jusqu’au plus profond de ses alvéoles. Ses bras enserrèrent Miettes au risque de la transformer en panure. Lorsqu’il parla de son projet de mariage à son père, dans l’arrière salle, le père émit des réserves. Il avait d’autres ambitions pour son fils. Mais le fils usa de patience et d’arguments. Il caressa la brioche de son père jusqu’à ce qu’il cède. Le mariage fut célébré. Miette ne regretta jamais. Lui non plus. Les croûtes de Pain donnèrent naissance à de nombreuses miettes et croûtons.
Waouh ! Il était inspiré ce matin notre Alain ! 🐀
Très bon ces pains. Merci Alain
Je me suis beaucoup amusée en vous lisant ! Merci Alain 😀
A mon arrivée au château en Bavière où je retrouvais des amis, Georges, le majordome vient vers moi pour me demander tout bas si je trempais pour le petit déjeuner ? Perplexe je répondis oui sans savoir où cette réponse allait me mener.
Après une soirée animée et une bonne nuit on m’a séparée de mes collègues-amis et dirigée vers une autre salle où je dois dire nous n’étions que trois femmes pour une bonne dizaine d’hommes tous d’un âge respectable.
Tous mastiquaient sur la retransmission du concert de la veille et ça, je dois dire que je m’en serais bien passée. Mon vis à vis, dont je ne voyais que la brosse de ses cheveux gris coupés ras, sortit la tête de son bol et m’adressa un sourire moustachu bordé d’un liseré crémeux. Je remarquais alors que les autres c’était des miettes…
J’adressais un sourire général et silencieusement je m’éclipsais avec ma tasse m’isoler sur la terrasse.
J’avais compris ce que Georges avait voulu me dire et m’épargner la vue de tous ces garde-manger de tout poils. 🐀