713e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat

Valérie Jacquin dit :

Oscar, prépubère, adolescent rebelle en devenir, toise sa mère du haut de ses dix ans de ras-le-bol, et lui balance :

– On sait… on sait… Faut qu’on fasse gaffe avant de traverser un pré…cipice !

Son ton narquois agace sa mère. Il n’a pas cessé d’être désagréable toute la journée.

– Oscar ! Je te préviens, si tu continues à être insolent, tu vas être puni. Tiens le toi pour dit !

– Ouh la la ! Je ne sais plus de quoi je dois avoir peur… Traverser ce pré, ou rentrer vivant et être puni ?

– Oscar ! Tu vas voir, quand je vais le dire à ton père. Tu feras moins le fier ! Maintenant, prends la main de ton frère et fais attention, comme je vous l’ai demandé.

L’enfant s’exécute. L’idée de devoir affronter le regard réprobateur du patriarche le calme rapidement. Il est des dangers que l’on peut éviter. Il agrippe la main du petit Hugo qui, tout content d’accompagner son grand frère, lui dit :

– Moi, quand je suis avec toi, j’ai peur de rien !

Le clin d’œil qu’Oscar lui adresse illumine son visage satisfait.

– Tu es prêt Hugo ? Nous allons y aller en faisant bien attention. C’est-à-dire, regarder à droite puis regarder à gauche avant de nous lancer, et rester sur nos gardes. Maman est derrière nous, ne t’inquiète pas.

Oscar, malgré un sale caractère qui s’affirme, peut être un grand frère très prévenant.

– Je suis prêt ! Et si je vois un Mammouth, je ne dois pas crier.

– Oui, surtout tu ne cries pas. Tu sais que ça les énerve sinon.

Le petit appose son index droit sur la bouche pour montrer qu’il a bien compris.

Les deux enfants, suivis de près par une mère protectrice, marchent prudemment dans les hautes herbes, le dos courbé pour se faire discrets. Leur attention est continuellement en éveil ; ils ne sont pas à l’abri d’une mauvaise rencontre. Par ici, rôdent des mammouths féroces et même d’impitoyables tigres à dents de sabre.

Ainsi, la petite famille, qui revient de sa cueillette journalière, traverse un pan de la préhistoire !

.Michel-Denis ROBERT dit :

– Les enfants, combien de fois faudra-t-il vous dire de regarder à gauche et à droite avant de traverser un pré ?
– Pourquoi ? Tu sais bien qu’il n’y a pas de voitures dans un pré !
– Ah bon ! Tu crois ça ! Il n’y a peut-être pas de voitures mais il y a des bolides. L’autre jour, lors de notre marche habituelle, nous avons vu un couple de chevreuils, ils étaient très pressés, détalaient à grande vitesse. A peine le temps de les voir qu’ils ont disparu derrières les fourrés. Et les faons qui couraient derrière. Imagine que tu débouches sur leur passage.
– Un éléphant dans un pré, n’importe quoi ! tu t’es sûrement trompé !
– Les faons sont les petits des chevreuils, ils courent, ils courent… Ecoute bien quand je te parle.
– C’est vrai, tu as raison. Un sanglier broutait paisiblement l’herbe au bord de la route, c’était la semaine dernière, nous allions faire les courses avec maman.
– Alors, tu vois !
– Et puis, l’autre soir, quand nous sommes rentrés très tard, une voiture, devant nous, roulait au pas, nous nous sommes demandés pourquoi. Nous avons essayé de la doubler mais nous nous sommes aperçus qu’un cerf courait devant la voiture, éclairé qu’il était par les phares. C’était féérique de voir cet animal cherchant sa route. Il a fini par trouver une ouverture. Il n’était pas dans un pré celui-là.
– Les animaux sont partout chez eux. C’est nous qui sommes les intrus.
– Ah oui ! Et les ronces !
– Quoi les ronces ?
– Celles qui descendent du ciel sur ton jardin.
– Oui, je suis allé voir le voisin. Je lui en ai dit deux mots. Il m’a répondu qu’il s’en occuperait.
– Mais il y en a toujours de ces ronces.
– Oui, je suis allé le revoir. Les ronces suivent le chemin des branches. C’est très malin ces bêtes-là, ça prend racine dans les endroits les plus inaccessibles si bien qu’il est très difficile de les atteindre sans abîmer leur environnement.
– Et alors !
– Il avait l’air bien embarrassé avec ses ronces. Alors je lui ai proposé d’aller détruire les racines chez lui à la débroussailleuse. Il m’a dit d’accord ! En quinze jours elles avaient poussé de 40 cm au moins.
– Et ?
– Au jour dit, je suis arrivé chez lui. Deux petits moutons noirs sont venus à nous. Ils étaient marrants. On auraient dit des enfants. Mais j’étais avec la machine et je n’ai pas pu les approcher. Je venais pour occire les ronces. Au fond de son jardin, il y a des buissons inextricables, les branches s’entrecroisent, des vrais barbelés. J’ai débroussaillé et quand je suis arrivé aux racines des ronces, je les ai découpées avec plaisir.
– Comme quoi le mal peut partir de la terre et faire semblant de descendre du ciel.

FANNY DUMOND dit :

Les enfants ! Combien de fois faudra-t-il vous dire de regarder à droite et à gauche avant de traverser un pré ?

– Faudrait savoir à la fin ce que tu veux, se rebiffe Mélodie. Quand nous nous abrutissons, comme tu dis, devant nos écrans, tu n’arrêtes pas de nous crier dessus pour qu’on prenne l’air, parce que nous allons finir blancs comme des navets. Et quand on sort, ça va encore pas !

– Et pis, ce n’est pas ma faute si j’ai marché dans une bouse de vache et que j’en ai plein les baskets maintenant, s’écrie Nathan. En plus, ça pue et comme tu ne veux pas me les laver, comment je vais faire pour aller à l’école demain ?

– Tu n’avais qu’à regarder où tu mettais les pieds et tu sais que ça existe, les éponges, poursuit leur mère, bien décidée à ne pas lâcher l’affaire devant ses deux garnements. Si je vous fais la leçon, c’est parce qu’une fois, quand j’étais gamine, je voulais ramasser des champignons dans un pré et comme je n’avais pas regardé à droite et à gauche, je ne vous dis pas ma frayeur. J’ai juste eu le temps de courir comme une folle et de me faufiler sous les barbelés avant qu’un taureau ne m’embroche.

Les adolescents explosent de rire à cette évocation.

– Et ça vous fait rire ! s’agace leur maman. En plus, je ne vous dis pas l’engueulade de ma mère quand je suis rentrée avec ma robe du dimanche toute déchirée.

– J’imagine trop la scène avec Mémé Aline qui n’est pas commode, se marre son fils. J’adore quand tu ne racontes des histoires de ton enfance, et c’est pas souvent.

– Je ne faisais pas les quatre cents coups comme vous deux. Je lisais à l’ombre du tilleul dans la cour chez Mémé. En fait, je ne suis pas tranquille quand vous sortez dans la campagne. Vous risquez de vous faire piquer par un serpent venimeux, mordre par une araignée, vous entraver dans une ronce, attaquer par un patou, vous empoisonner avec des baies mortelles et même de vous faire enlever par un inconnu !

– Eh bé, c’est flippant de prendre l’air ! Finalement, on est plus à l’abri dans la maison avec notre mère poule, rétorque Mélodie goguenarde. On va avertir nos amis sur TikTok des graves dangers que nous courons à gambader dans les prés à cinquante mètres de chez nous, avec nos portables en plus !

Grumpy dit :

– Je vous l’avais dit de ne pas y aller, que c’était dangereux !

La maman qui dit ça en a les larmes aux yeux. Un beau grand pré à l’herbe aussi verte que drue, ça ne pouvait qu’ajouter du plaisir à celui d’y jouer en liberté. C’est ce qu’elle avait cru.

On ne peut pas empêcher les gens de la ville de venir mais on est tellement soulagés quand ils repartent. Même les animaux les rejettent au point qu’ils se mettent d’accord et s’en promettent à leur égard dès qu’ils seront là. Ce qu’ils appréhendent le plus s’est encore produit cette année. Il y a eu de la casse.

Les trois petits reviennent de leur après-midi au pré dans un état lamentable. Crottés, déchirés, cassés, crevés, un peu en sang et beaucoup larmes.

– Mais qu’est-ce qu’il s’est passé, qui vous a mis dans un état pareil ?

– Ça a commencé dès que l’on a mis les pieds dans le pré, dans une grosse bouse que l’on n’avait pas identifiée, on n’en avait jamais vu. On en a plein les baskets, c’est mou, ça sent. Pourtant on avait bien regardé à droite et à gauche comme tu nous avais dit, sauf par terre. Puis le Patou grognon est venu nous renifler le postérieur comme si on sentait pire que ses moutons. Il n’a pas été agressif mais le grand bélier aigri maître du troupeau nous a foncé dessus tête baissée quand le patou lui a dit que «non, à l’odorat, nous n’étions pas de sa famille.»  On a reculé jusque dans l’enclos des vaches, elles n’ont pas bronché et n’ont eu pour nous que des regards torves et une série de meuhs profonds très méprisants. On n’aurait pas dû non plus s’approcher si près du mulet. Sa queue chassait les mouches avec tant d’énergie qu’on s’est pris quelques coups de fouet cinglants en pleine figure. Finalement, c’est le vieux bouc menaçant de nous foncer dessus tête baissée qui a fini par nous faire déguerpir.

C’est là que l’âne gris s’est mis à braire, fort, il nous a accueillis avec une série de Hi Han comme s’il rigolait, suivis d’une démonstration de ruades. Puis il s’est approché et nous a regardés de plus près. Oh ! Il a dit … je crois que vous êtes de mes cousins, allez-vous-en, vous vous êtes mis si minables, vous faites honte à la famille. Et faites bien attention en traversant le pré.

iris79 dit :

Les enfants ! Combien de fois faudra-t-il vous dire de regarder à droite et à gauche avant de traverser un pré ?
Vous n’êtes pas à l’abri de pénétrer le territoire de quelques vaches et veaux ou celui de chèvres venues se repaitre des mille et unes fleurs qui tapissent la prairie. D’ailleurs je vous demande de faire attention en plus à regarder où vous allez et de ne pas mettre les pieds sur ces merveilles de la flore qui donneront un goût incomparable au lait que vous adorez vous siffler dans mes yaourts et mes glaces !
Bien sûr, profitez pleinement de la nature, de ses arbres centenaires qui bordent le pré mais prenez conscience du monde que vous pénétrez. Regardez, écoutez, sentez, effleurez ! Ne vous pressez pas, bille en tête en regardant droit devant. Ici, c’est tout le contraire ! Regardez toutes ces couleurs, écoutez les insectes, les oiseaux qui volètent au-dessus de ce pré, sentez les odeurs de ces magnifiques fleurs, effleurez de vos doigts les longues tiges des plantes qui vous chatouillent les mains. Le pré est aussi un endroit sacré, respectez le dans la joie de vos découvertes !
Regardez à droite, à gauche, devant, derrière, au loin ! Mais respectez les prairies et les prés pour mieux profiter, rêver, s’émerveiller.

Antonio dit :

— Les enfants ! Combien de fois faudra-t-il vous dire de regarder à droite et à gauche avant de traverser un pré ?

— Tu veux dire à gauche et à droite, m’môn.

— Oh ! C’est bien le moment de réfléchir, Charly ! Si tu te l’étais pris en pleine face, tu ferais bien moins le malin. À côté ton 5 sur 20 en math fait meilleure figure.

— Mô euh, pourquoi tu reviens toujours d’ssus ? C’est pô ma fôte si j’ai confondu Thâlès et Pyth’gôre.

— Il faut regarder partout avant de traverser un pré : à gauche, à droite, devant, derrière et même au-dessus. Tu m’écoutes, Zozotte ? Si tu pouvais juste lever ton menton de ton smartphone quand je te parle.

— Ze réponds à Marie-Louise qui me demande où z’est qu’on est. Comment za z’appelle izi ?

— Qu’est-ce que je viens de dire ?

— Z’ai compris, maman. Faut regarder partout avant de traverzer. Mais, zé regardé, z’te zure !

— C’est vrai quô, y a pô un chôt, m’môn !

— Z’ai même pas vu une vache du vieux Zorze…

— Tu en fais une belle vache, tiens ! À brouter ton Instagram sur ton téléphone depuis qu’on a quitté la ferme. Au moins elles, elles prennent le temps de regarder passer les trains.

— Z’est parce qu’elles n’ont pas de smartphone, comme toi quand t’étais zeune !

— Oh ! comment tu parles à ta mère !

— Z’est toi qu’as commenzé !

— Mô euh, à la fin, t’as peur de quô, m’môn ? Peut rien nous arriver dans ce pré ! C’est pô comme sur la route. L’ôt’jour, le Geôrge, il s’est pris un sanglier, son Duster, il est môrt sur le coup.

— À côté la mort, c’est le paradis. Ah ! ces ados ! C’est plus de l’insouciance, c’est de la bêtise ! Mais ouvrez les yeux, bon sang ! Dans quel monde vous vivez ? Il est partout. Il descend de sa bétaillère avec sa fourche et vous la plante dans le cœur, quand ce n’est pas avec le ciel qu’il vous tombe sur la tête !

— Quô ?

— (en aparté, à son frère) Za y est, z’ai compris. Z’est l’amour ! Z’est encore son émizion télé qui lui monte à la tête. Z’crois qu’elle a peur qu’on chanze de crémerie et qu’elle ze retrouve toute zeule à la ferme.

— Ou plutôt que le vieux Geôrge lui r’fasse cracher le coeur par la gôrge. Bô bah, tu r’gardes à gôche, je r’garde à drôte !

Sylvianne Perrat dit :

Les enfants ! Combien de fois faudra-t-il vous dire de regarder à droite et à gauche avant de traverser un pré ?
Une tondeuse peut surgir. Un sécateur peut apparaître. Moi, quand j’étais petite, une bande d’escargots affamés avaient débarqué dans le pré chez ma grand-mère. Avec mes sœurs, on avait déguerpi. La vie n’est pas un tapis de roses. Et même les roses, vous devez vous en méfier. Jolies, odorantes, elles vous attirent, souriantes et… elles sortent sans prévenir leurs épines. Il faut se méfier de tout. Un jardinier a l’air gentil ? Il s’approche … et hop ! Vous finissez dans son panier pour sa ratatouille ! Soyez sceptiques mes enfants ! Un potager, c’est un champ de bataille. Ne fous fiez pas à cette harmonie. Trop de limaces ? Et nous voilà asphyxiés d’un produit chimique. Mon père avait développé une allergie qui l’a tué.
L’autre jour, je bronzais au soleil, humant l’air. J’ecoutais le chant des oiseaux comme une méditation guidée par les cieux. Et là, brutalement, une bande de gamins en criant piétinèrent tout le jardin. J’ai eu juste le temps de me recroqueviller sous une feuille. Je les déteste ces gosses.
Faites attention mes enfants, le monde est méchant !