622e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat
Racontez la mort d’un bruit de couloir
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Mon Papa et ma Maman après avoir échangé un long, délicat, tendre et passionné bisou m’ont fait naître un jour d’automne au ciel gris. Quand ils eurent repris leur souffle, et savouré leurs émotions, ils ont trouvé que le ciel était beaucoup plus bleu qu’avant. Moi je n’ai rien remarqué, mais je leur en ai fait voir de toutes les couleurs.
Ils n’avaient pas fait quelques pas que dans toute la rue se disait que « ces deux là …et que …». Bref les gens causent sans savoir ou par jalousie. Rapidement mes jeunes parents furent assaillis de questions du genre « et tu comptes faire quoi avec … », « fait attention parce que, après… ». Tant et si bien que de la rue, la nouvelle s’est propagée au quartier, au centre ville et à la cour du lycée.
Là j’ai fait ma première rentrée reconnue dans le monde des palabres, ma première réussite. Lors de chaque interclasse, quand il s’agit de rejoindre le cours de français ou de géographie, on ne parlait que de moi. ; de moi à qui mieux-mieux. Je suis devenu officiellement un Bruit de couloir. Et cela ne s’est pas arrête là. On m’a mis en cause lors de conseil de classe « c’est bien joli tout ça, mais vous avez un examen et un concours d’entrée à la fin de l’année, faudrait pas trop … »
Moi, mon concours d’entrée je l’ai réussi car le maire adjoint, qui connais mes parents, leur en à parlé tout en lorgnant du coin de l’œil la salle des mariages. Il leur a bien fallut trouver des excuses ou des explications. C’est leur affaire ! En tout cas en un rien de temps j’ai réussi mon coup, des couloirs du lycée à ceux de la Mairie, quelle progression.
Quand je dit progression, entendez promotion. Bon, il a fallut que je m’adapte, et j’ai vite trouvé le rythme au grès de réunions de commission et des conseils municipaux. A tel point qu’aujourd’hui j’ai mes entrés dans le bureau de Monsieur le Maire. D’ailleurs, à ce propos, « on dit que … ». Moi je laisse dire, c’est son affaire.
Ça n’empêche que lorsque la Député est venue parler du dossier de la rénovation urbaine on m’a consacré toute une pose entre l’examen de deux chapitres du projet. Vous parlez d’une affaire pour si peu. En tout cas, pour moi l’affaire est dans la poche. Du moins dans celle de la Député, ça m’arrange bien. Comme cela je gagne l’Assemblée Nationale sans avoir à prendre les transports en commun. Avouez-le, c’est du grand art.
Les conversations de l’hémicycle n’ont pas grand intérêt de mon point de vu. Par contre dans les couloirs je suis Le Bruit, avec des majuscules, qu’il faut avoir commenté. C’est encore mieux lorsque je me retrouve dans la Salle des pas perdus de cet hôtel de Lassay. Chacun, chacune y va de sa petite touche, colore mon sujet de son avis circonstancié, surtout si les journalistes sont là. Je me régale. Un vrai arc en ciel, mais je m’en sort bien, je manœuvre. Tant et si bien que je me suis retrouvé dans la manche d’un ministre à faire les cent pas dans les couloirs de l’ Elysée en attendant un des conseillés du Président.
L’attente est longue, trop longue. Ce n’est pas bon signe. Peut être son portefeuille ne sera pas reconduit ? Je le craint. Lui va retrouver son mandat de conseiller régional, et moi ? Je suis dépité. Tant d’efforts pour ça ! Je n’ai pas envie d’aller en province pour m’enterrer ! Tant pis, au moins j’aurais le bon air et je pourrais donner des conseils au autres bruits de couloir.
622/Racontez la mort d’un bruit de couloir :
Il adorait quand il y avait un match de foot à la télé car des pièces attenantes il entendait le commentateur et parfois même il s’autorisait à faire des pronostics.Or il avait appris que Pascal Picq, un célèbre paléoanthropologue, aurait écrit « chez les chimpanzés il n’y a pas besoin d’arbitre. ».
Quelques jours plus tard il décida d’aller au zoo de Vincennes où il y avait des chimpanzés fans de foot naturellement.
Arrivé à bon port, il traversa la route hors des passages cloutés, et mourut sous la roue d’une Bugati rouge. Aucun journal ne relata l’accident : qui s’intéresse au 21° S à la mort d’u bruit de couloir me direz-vous ?
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Racontez la mort d’un bruit de couloir
– Papa papa un éléphant vient de m’écraser dans le couloir, j’ai peur de mourir.
Oh non je suis mort Papa, tu n’as rien pu faire, oh je t’en veux. Tu n’as pas été assez rapide pour me sauver de la mort.
– Allez petit bruit dit Papa ne t’en fais pas. Nous les bruits de couloir et d’ailleurs on ne meurt pas, jamais. Nous sommes comme les mauvaises herbes, on ne casse pas la pipe.
– Pipe Papa
– Ben oui pipe.
– Ah Papa ce que tu es drôle. Tu dis que nous les bruits on ne meurt pas, mais moi l’éléphant dans le couloir il m’a bien écrasé. Même qu’il s’est gratté l’oreille gauche avec sa trompette lorsqu’il avait la patte avant droite sur moi.
– Toi fiston tu te moques de moi, comment as-tu fait pour voir tout cela, ces détails, alors que tu es plus que minuscule.
Tu sais poursuivit Papa moi l’autre jour dans ce même couloir c’est un gros train noir à vapeur tchou-tchou qui a roulé sur moi – je suis devenu pire qu’une crêpe au chocolat et de la soupe de poisson.
Moi aussi j’ai eu la trouille de ma vie, je me suis dit mince c’est fini cette p. de vie ici-bas.
À moi l’éternité, espérons qu’elle dure longtemps celle-là.
Adieu les vacances, les plages, le soleil, Sea, Sex and Sun …
Et puis plus rien, il m’a semblé que la mort n’a pas voulu de moi, je me suis relevé et suis parti en courant sur mes cinq pattes.
-Hi, hi Papa que tu es drôle, tout à coup grâce à toi, à ces trois mots sea, sex and sun, je repense à ce chanteur que j’ai croisé plusieurs fois, qui s’appelait … Ah non son nom m’échappe !
– Gainsbarre voyons fit Papa ;
Ah mais quel est cet énorme bruit que j’entends dans le couloir. Ah il devient gigantesque.
– Papa c’est certainement le train tchou-tchou qui revient, pour siffler cette fois-ci en haut de la montagne.
Attends Papa je vais voir dit petit bruit pour être sûr.
Eh Papa, me voilà de retour.
Ce bruit ce n’est rien, c’est juste mon ami qui est revenu, pour nous écraser tous les deux cette fois-ci, nous réduire en bouillie.
C’est lui Papa, c’est son bruit à lui, à Babar Zanzibar le petit éléphant jaune qui barrit … Hi hi.
Comme chaque mardi à 16h30, la réunion des « Farfelus Anonymes » se tient au 11 bis de la rue des Oubliés.
Bonjour, je m’appelle Grégoire.
Tout le groupe : « Bonjoooour Grégooooire !… »
Voilà… C’est la première fois que je viens ici car mon histoire n’est pas facile à croire. C’est pas évident du tout.
L’animateur : « Nous t’écoutons Grégoire. Et sache que dans notre groupe, tu ne trouveras que bienveillance et réconfort. »
Ben, voilà… Depuis quelque temps, je me suis rendu compte que dans ma maison, il y a un bruit dans le couloir. Un bruit très bizarre. C’est comme une voix qui provient de l’intérieur de la paroi et qui sort par une déchirure du papier peint.
Le gros problème c’est que cette voix ne fait que se plaindre. Des critiques sur tous les sujets, des jérémiades, des reproches et des lamentations 24 heures sur 24.
L’animateur : « En fait, c’est comme un vrai bruit de couloir. »
C’est exactement ça. Un bruit de couloir dans un couloir. Je ne suis plus libre chez moi. C’est insupportable ! Impensable ! Carrément affreux ! Mes deux cochons d’inde sont devenus dépressifs, mon lapin nain a entamé une grève de la faim et moi, moi, j’ai l’impression de devenir zinzin. Vous comprenez ?
Le groupe : « Oui, Grégoire, nous te comprenons parfaitement… »
Et quoi que je fasse, cette voix ne part pas. Croyez-moi, j’ai tout essayé : Le vinaigre blanc, l’eau glacée, l’eau tiède, l’eau bénite. La glue, le plâtre à prise rapide. Un poster géant de Chewbacca maintenu avec du scotch double face. Les boules puantes. Tout ! Mais rien n’y fait !
L’animateur : « Je pense que ton cas est extrême et qu’il va falloir employer les grands moyens. Vendredi matin, juste après le premier chant du coq, tu vas te rendre dans ton corridor, monter sur ton escabeau et dire cette formule en articulant le plus possible :
Bruit de couloir !
Je t’ordonne de retourner dans ton manoir,
avec tes poussières de grimoire
et ta mélasse de vieilles poires !
Abracadazoire !!! »
Et vous croyez que ça va suffire ?
L’animateur : « Oui, fais nous confiance, ça va être la fin de ton cauchemar. La chance va enfin te sourire à nouveau. »
Tout le groupe : « Courage, Grégoire, on ne te laissera pas tomber !… »
Il était né tout petit. Il ne se faisait pas attendre. Personne ne lui prêtait attention. Discret, il allait et venait. il chuchotait. Soupirait. Il s’ennuyait de répéter san cesse à voix basse cette information pourtant si étrange. Il alla chez un orthophoniste pour placer sa voix. Fit ses gammes. Hausse le ton. Inspira, expira pendant plusieurs séances. Il retourna, plus confiant, dans ce fameux couloirs, où de multiples bruits se croisaient. Il se campa, se gratta la gorge et exprima haut et clairement son scoop, son info essentielle qui allait faire un buzz.
Son bruit retentit, rebondit sur le mur d’en face sans aucun effet. Il avait tant attendu que son annonce était obsolète, n’avait plus aucun sens. Trop tard ! LE BRUIT était mort dans le couloir !
Ah, je suis soulagé. Je l’ai trop entendu, ce bruit. Tout à la fois feutré et assourdissant. A intervalles irréguliers, après des procès ignobles dans les tribunaux du comté. La torture des huis-clos avec des mères, des pères, des fratries et des communautés embrasées de douleurs et défoncées par la soif de la vengeance.
Je les ai vu défiler ces types. Entravés par les chaînes, transpirant à grosses gouttes, comme pour éliminer les toxines de la malfaisance. Jetés comme des os vers leur fin, privés de mots et trahis par leurs corps : la peau tavelée d’effroi, les pupilles lyophilisées, la bouche affolée de complies désespérées. Pour conjurer la fin imminente, certains ont essayé de fermer les yeux. Pas moyen de tenir l’équilibre. La mort n’est pas dupe : elle veut qu’on la regarde en face.
J’ai toujours eu ce foutu doute : combien d’entre eux auraient été capables de vivre et de se racheter ? Qui parmi eux n’avait pas commis les crimes reprochés ? Je suis maton, j’aime l’ordre. Mais y a un truc auquel je ne me suis jamais habitué : le regard luisant de terreur quand la vie va être réduite à néant. Même si je sais que ces gars n’ont pas bu le lait de la tendresse au sein de leur mère.
Alors ce bruit ne va pas manquer. Vous savez, celui des savates sans tenue qui appellent la mort en rythme binaire. Comme si les condamnés devaient encore faire reluire le parquet avant le Grand Départ.
Je ne suis pas né de la dernière pluie. Je me souviens de l’époque où tout a basculé : une pandémie, une inflation du tonnerre, la guerre, comme en 39-45, avec des tranchées, le monde qui se déchirait à coups de provocations et de bombardements, des jeunes jetés en pâture sur les champs de bataille.
On ne savait plus où on allait. On parlait transition, pénuries. ça gazouillait sur les réseaux à coups de fake et de post-vérités.
Il y a eu les 30 pleureuses. Là, pour le coup, le monde entier est entré dans un long couloir tout noir. On a morflé. Moins à manger, moins de chauffage, moins de réseaux sociaux. Mais plus de peur : peur de manquer, peur de se diviser, peur de perdre nos droits et notre liberté. On l’a pas tout de suite compris, mais pendant tout ce temps, on amorçait le changement. Et on allait vers le mieux. Les journalistes à la télé parlaient d’un ordre nouveau. C’est vrai qu’on vit différemment, comme si on avait tous chaussé de nouvelles lunettes. Avec la conscience que la vie, c’est précieux. Alors apprendre que mon pays a banni la peine de mort, je vous le dis, ça met en joie. Pour le coup, c’est le bruit dans le couloir qui est mort.
Racontez la mort d’un bruit de couloir
Dans un grand quotidien d’information français bruisse habituellement un bruit qui circule dans les couloirs.
Un bruit de couloir fait de murmures, de soupirs, de chuchotements. Plus précisément de cancans, de ragots, de médisances, de potins qui passent du suggestif et incertain conditionnel à l’affirmatif et péremptoire indicatif
Le lundi. « On prétend que JFK, ancien président charismatique des USA aurait en fait été victime d’un complot fomenté par le FBI et la CIA »
Le mardi. «Il se murmure que VGE et BB auraient été vus ensemble à un concert de NTM avant de prendre le vol AF 724 à l’aéroport CDG »
Le mercredi. « Il paraît que JJSS aurait distribué des tracts du PCF dans sa jeunesse et que BHL aurait grandi dans un HLM »
Le jeudi. « Il semblerait qu’entre DSK et le FMI il y ait de l’eau dans le gaz »
Le vendredi. « Il se murmure que TF1 aurait mis fin à sa collaboration avec PPDA »
Et puis, un jour, le bruit du couloir se fit moins bruyant, plus rare, plus discret pour finalement disparaître sans un bruit, dans un silence total et l’indifférence générale.
Il faut dire que ce journal avait mené, comme tant de ses semblables une lutte âpre mais perdue d’avance, contre Facebook, Instagram, Twitter, Lindekin, WattsApp etc…
Ironie du sort : Les Échos avaient été fondés pour mettre fin au « bouche à oreille »
J’aime beaucoup, c’est très fin !
merci pour le commentaire Avoires
Bonne soirée
– A peine arrivé que déjà l’autre , au fond , se frotte contre moi !
– Ne m’en parle pas ! il m’a fait le même coup voilà quelques jours . Je l’ai vite refroidit crois moi et il s’est décollé vite fait .
– Il paraît qu’il fait ça à tout le monde .
– Mais oui , et il n’est pas le seul , tous ceux que tu vois autour de nous ont la même envie : s’accoler pour ne faire qu’un . C’est lourd comme ambiance . Je manque d’air ! J’espère qu’on ne va pas rester longtemps ici .
– Eh ! regarde là-haut , ce n’est pas notre guide préféré ? waouh ! quel truc énorme il a dans la main ! qu’est-ce que c’est ?
– Tu veux que je te fasse un dessin ?
– Oui je veux bien parce que je ne vois pas .
– Et bien mon cher c’est….
BOUM!!
Les cristaux de glace se taisent , s’agglutinent , se chevauchent , se roulent en boule et se mettent à dévaler la pente , en un grondement sourd.
L’avalanche glisse , dévale le flanc de montagne , prend de la vitesse , se précipite pour mourir au pied du village . Silence .
Aucun bruit , seule reste la cicatrice visible du couloir emprunté par cette coulée de prévention .
Original ce dialogue entre cristaux de glace 🙂 Bravo
Merci beaucoup Mijoroy
Au début, je n’y avais pas prêté attention. Il était tout petit, la taille d’une bille ! Il roulait dans les couloirs, dévalait les escaliers, franchissait les portes au gré des cancans et autres potins. Quelqu’un allait finir par l’attraper et le jeter par la fenêtre, ça se terminait toujours comme ça.
Mais cette fois, ça ne se passa pas comme d’habitude. Cessant de rouler et de dévaler, notre bruit de couloir se mit à se cacher, à raser les murs. Plus personne ne le voyait…par contre, on l’entendait : « et patati et patata ! Non ?…Si !… » Et il se mit à enfler, atteignant la taille d’une balle de tennis. A ce moment, on aurait peut-être pu le repérer…et s’en emparer pour l’exfiltrer. Eh bien non ! Il sut rester discret, le bougre, discret, mais efficace… « Et patati et patata ! » Il grossit encore…De balle, il devint ballon. Et pas n’importe lequel…un bon gros ballon de basket ! Et malgré tout, on l’apercevait à peine, il savait disparaître au moment opportun, et puis on n’avait pas que cela à faire, capturer un bruit de couloir ! Alors on l’a laissé prospérer et il a gonflé, gonflé encore ! Certaines personnes ne s ‘adressaient plus la parole..d’autres s’isolèrent…il y en a qui tombèrent malades, d’autres démissionnèrent…Une ambiance détestable… Et le bruit de couloir grossissait, encore et toujours ; il avait du mal à passer les portes. C’est d’ailleurs ce qui le perdit . Un soir que j’étais restée plus tard que les autres pour terminer un travail urgent, je me trouvai face à lui, à l’entrée d’un bureau. Il voulut s ‘éclipser, mais il se retrouva coincé contre le montant de la porte. Alors, n’écoutant que mon courage, j’attrapai des ciseaux et j’enfonçai une des lames dans cette énorme baudruche malveillante. Il y eut un bruit horrible, je fus projetée sur le sol, mais quand je retrouvai mes esprits, je constatai avec ravissement que le bruit de couloir n’était plus : il avait explosé ! Un peu tremblante, j’envoyai des SMS à mes collègues…
Le lendemain, je fus chaleureusement félicitée. Le soulagement était général. Pendant quelques jours, j’ai eu l’impression d’être l’héroïne qui avait terrassé le dragon. Mais ça ne va pas durer, je le sens. On chuchote derrière mon dos, on me regarde bizarrement…Il va me falloir être vigilante. Ça ne m’étonnerait pas qu’un nouveau bruit soit déjà en train de circuler dans les couloirs !
– Allez, Zou, on dégage, et plus vite que ça, allez, allez…
– Ça suffit Balai. Tu ne pouvais pas rester dans ton placard. La belle au bois dormant, tu connais. Tu pourrais le rejouer. Tu me fatigues avec ton agitation.
– Mais c’est le Boss qui est venu me chercher, le Grand Boss.
– Ah oui, pour donner des coups de balai. Tu yoyotes du cerveau, Balai.
– Je t’explique Couloir. Désormais toi et moi sommes inséparables. Je fais le ménage, le grand ménage chez toi. Le Boss ne veut plus de bruits de couloir.
– N’importe quoi ! Hier ils ont installé la machine à café au beau milieu de mon espace. Alors des bla-bla-bla, des ragots, va y en avoir, et pas qu’un peu.
– Ça ne t’étonne pas une machine à café dans un couloir ? Et pourquoi m’a t’on sorti du placard ? Réfléchis un peu.
– Pour m’empoisonner la vie !
– Tous les cancans, les potins naissent autour de la machine à café. Ils se chuchotent, se répandent à petit puis grand bruit. Dorénavant, moi l’adjoint du Boss, je leur barre la route et hop hop hop en quelques coups de balai je les jettent dehors. Ils vont crever sur le paillasson. Et dans un couloir c’est un jeu d’enfant pour moi. J’ai la sensation de valser comme à Vienne. C’est pas du boulot, c’est un vrai plaisir.
– Le boss est un abruti. Les bruits de couloir c’est le sel de la vie de l’entreprise. Ça occupe les esprits, ça défoule, ça lisse les rancœurs, les récriminations. Je te le dis Balai, la mort des bruits de couloir, c’est la fin prochaine de la firme.
🐻 ÉCHAPPEMENT LIBRE
Au parloir, le droit de visite est terminé, le bruit de couloir est tué, le silence est d’or dans le corridor. Tout est astiqué, reluisant, la prison, habitat brutal, c’est tue. À la dernière minute, il a communié. C’est dès lors qu’on écoute, on se recueille, plus de colère ni de ressentiment. La justice est passée, égalité, létalité, sororité.
On avait ramassé le bruit de couloir, on l’avait mis dans un grand sac fermé d’un lien à la gueule. Pourtant, le sac s’agitait. Le bruit enfla, gonfla, explosa. On ne tue pas un bruit comme ça.
Il passe le mur du son .
Les petits rats couraient dans le couloir. C’est le surnom que leurs avaient donné les machinistes, car elles étaient toujours à grignoter, toujours à fureter à pas comptés.
Mr et Mme Onditque
Sont les seigneurs de la résidence
Leur popularité est immense
Tout le monde les encense
Un apéro par-ci, un dîner par-là
Pourquoi pas ?
– Vous êtes libres samedi ?
– Non, alors disons vendredi
On se les arrache
C’est une affaire qui marche
Monsieur a un petit gabarit
Il se déplace sans faire de bruit
Presque en catimini
Il sait se faire discret
Pour capter tous les secrets
Quant à Madame
Drôle de p’tite bonne femme
Elle privilégie l’ascenseur
A l’affût de la moindre rumeur
Rien ne leur échappe
Ils en rient sous cape
Font ami-ami avec les murs
Qui, on le sait tous, ont des oreilles
Pas besoin d’appareil
Oui, mais …
Un jour maudit
Ce devait être un mardi
Tous les bruits de couloir
Ont été anéantis
Par un énorme charivari
Plus personne ne leur adressa la parole
Du dernier étage au sous-sol
Ni bonjour, ni bonsoir
Un vrai cauchemar
Mr et Mme Onditque ont disparu
Personne ne les a revus
Il se murmure qu’à jamais
Ils se sont tus.
J’ai aimé vous lire , cela m’a ramené au passé d’amis concierge mais silence …..
622e/CHU…U…T
En rampant, il saute la rambarde s’insinue dans le chuchotement des bavardes.
Ça va trop loin ! Un doigt sur la bouche elles se font peur, écoutent terrifiées le chuintement qui serpente le long du couloir. C’est un méchant bruit qui tricote, les asticote sur les uns sur les autres et sans ménagement.
Mais chu…t il ne faut pas le dire.
Alors le silence s’installe la soirée s’éternise. Elles hochent leur tête baissée, les mains croisées les pouces se tournent sans se toucher… s’évitent.
En même temps qu’elles se sont tues, elles ont tué le bruit de couloir.
Il laissera passer une génération mais on peut parier que les langues des futurs se délieront sur le passé…
Et on entendra tout bas…
-Vous savez…
Mais un doigt sur les lèvres chu..u.t
On ne saura jamais…
Le bruit de couloir a ses secrets dont celui de l’éternité 🐭
Discret et bien ficelé 🙂
J’aime bien votre texte , mais chu..u..ut
💓🐀
Toujours encourageante. Merci Mijoroy 🐀
Ça ne va pas être apprécié, personne n’aimera ça, mais je serais inexcusable si seulement cela n’existait plus.
De temps en temps le couloir de la mort fait entendre son bruit sinistre.
Plus chez nous parce que notre système a fait Couic. Restent des pays où se pratiquent encore injection, potence, pilules, électricité, fusil .…
C’est pour ce soir. Les gardiens pensent avoir tenu le secret mais il est bien connu qu’en prison tout se sait. D’ailleurs, malgré les barreaux, ils ont bien vu arriver tout le toutim des cortèges, famille, reporters, avocats, médecins, prêtre…
L’étage de la cellule s’allume puis s’anime et ce n’est pas discret : faire l’exemple.
Bruits d’œilleton, de clés qui tournent, pas besoin de conciliabule, le condamné sait, il n’a pas pu fermer l’œil. Le verre de rhum passe encore, la cigarette a bien mauvais goût.
Les chaînes frottent le sol, les pas résonnent, le couloir ouvre ses portes une à une à mesure de l‘avancée. Tous sont debout dans les cellules, tapent sur les grilles et les secouent, hurlent des mots de sympathie, murmurent du blues. Ils accompagnent le copain qui s’en va. Un bruit d’Enfer.
On l’appelle encore sans doute le bourreau, il est là dans sa tenue d’infirmier immaculée. Tout est prêt. Derrière les vitres, la famille aux pleurs, le public aux aguets, les photographes aux flashes. Les Une du lendemain vont être croustillantes, le public en raffole.
C’est que ça en fait du bruit tout ça, un peu plus fort et le couloir en mourait.
Ça y est, c’est fini, tout rentre dans l’ordre, le bruit de couloir se meurt.
Pschiiiiitttt !
– C’est quoi ce bruit ?
– C’est un bruit de couloir qui meurt
– Ah ! Ça meurt comme ça un bruit de couloir ?
– Oui… Comme ça… Bêtement… sans tambour ni trompette
– On ne peut pas essayer de le réanimer ?
– Non… Quant c’est fini c’est fini
– Ah ! Et tu crois qu’il a une vie après la mort, le bruit de couloir ?
– Pourquoi tu me demandes ça
– Ben, c’est un bruit qui court
– Un bruit de couloir alors ?
– Oui… c’est un bruit de couloir qui vient de naître
– Ah ! Tu m’embrouilles là…
Votre texte me plaît , merci
😉 merci à vous Renata
C’était une vieille maison, abandonnée, avec sa toiture pointue, ses fenêtres arrondies aux volets délabrés, dégondés, ses portes gauchies, à la pierre érodée. Son sort avait été jeté : elle serait mordue par les énormes griffes d’une pelleteuse pour laisser place nette à un promoteur certainement inspiré.
C’était une vieille maison aux pièces multiples, aux endroits secrets, aux carrelages et parquets qui avaient dû reluire sous des balais empressés et des chiffons savamment agités.
C’était une vieille maison au couloir perclus de souvenirs . Il était le pivot autour duquel la vie de ses occupants tournait, il était la fierté de la maison. Large, accueillant, il sentait la cire, son carrelage noir et blanc embrassait les plinthes en chêne de forêts profondes ; leur union faisait l’admiration de tous.
Las ! Plus aucun chiffon, serpillière, balai O’Cedar ou microfibres n’allaient rendre leur lustre : le couloir ne bruirait plus comme avant. Le bois des plinthes était devenu le refuge des araignées, l’habitat de fourmis, vrillettes et autres hôtes qui se régalaient … Elles lançaient leur cri de désespoir, le bruit du couloir était devenu une lamentation.
Au-dehors, l’inéluctable se mettait en branle : les engins de démolition avançaient sur leurs chenilles métalliques. Bientôt, il ne resterait plus qu’un tas de pierres, de décombres, de souvenirs, une désolation…
Ce mardi là, la porte de la suite 320 s’ouvrit pour en laisser surgir une princesse russe qui hurlait » au voleur ! « . Elle venait de constater la disparition de la tiare de rubis et diamants qu’elle devait porter le soir même.
Branle bas de combat dans le palace.
La première soupçonnée fut la femme de chambre affectée à cette suite, mais elle pu prouver sans difficulté qu’exceptionnellement, elle s’occupait du deuxième étage pour la semaine.
C’est à ce moment là que le bruit de couloir se mit en route. Il se propagea comme une traînée de poudre, laissant lieu à des supputations de toute sorte.
Etait-ce le jeune amant de la princesse, la princesse elle même afin de toucher l’assurance, un client, un membre du personnel ?
Le bruit se faufilait à tous les étages, depuis le sixième aux chambres modestes mansardées, jusqu’au sous sol, dans la lingerie. On élucubrait au restaurant, dans le salon Empire, chuchotait dans les ascenseurs.
Pendant ce temps là, une vielle rumeur bouillait d’impatience dans son coin. Elle avait à répandre une nouvelle bien croustillante concernant, justement, le jeune amant et un maître d’hôtel très convenable….. Mais personne ne l’écoutait, tous absorbés par l’affaire du bijou princier.
Ulcérée, elle décida d’agir. Il fallait que ce bruit de couloir cesse de lui voler la vedette.
Tapie dans un sac de linge sale, elle attendit son heure. Enfin, un matin, les femmes de chambrer se mirent à parler d’un individu vêtu de noir qui rôdait dans les couloirs à la nuit tombée.
Aussitôt le bruit apparu et se percha, invisible sauf pour la rumeur, sur la pile de draps propres posé tout près d’elle.
Les employés entrèrent dans la 212 en continuant leur conversation. La rumeur s’empara alors d’un drap sale, en enveloppa avec adresse le bruit de couloir sans qu’il ait eu le temps de se débattre. Elle s’enfuit avec son prisonnier juste au moment où la porte de la chambre se rouvrait. Les deux femmes virent une forme blanche disparaître au loin en flottant. Terrifiées elles crièrent:
Un fantôme !
Le bruit de couloir fut proprement étouffé et jeté par une fenêtre.
Dorénavant la rumeur dit que l’hôtel est hanté.
Il naquit tout au fond du couloir derrière la porte entrouverte du local des fournitures.
Il glissa tout doucement par la porte entrouverte de la secrétaire qui l’enveloppa d’ une ou deux informations supplémentaires avant qu’il se faufile derrière la porte suivante, celle de l’assistante de direction.
Elle le nourrit aussi de deux ou trois anecdotes croustillantes avant qu’il poursuive son chemin vers le bureau des techniciens qui se moquèrent bien de lui avant qu’il n’échoue dans le service de communication, bien vexé de ne le rencontrer que maintenant !
Il le dépouilla de toutes ses fioritures avant de le renvoyer d’où il venait, où il se fit interrogé par des langues trop pendues et bientôt trop déçus d’avoir été trompé. Il fut expédié rapidement chez l’assistante de direction qui tout à coup ne se sentait plus très fière d’avoir nourri la bête. Elle baissa le ton et le rendit à la secrétaire qui ne savait plus trop quoi en faire.
Elle le relégua dans le local à fournitures d’où apparut contre toute attente le chef de service, guère content d’être ainsi chatouillé puis choqué par ce bruit déplacé, éhonté. Il le brisa en un instant en faisant claquer la porte sur ce vilain bruit de couloir et d’un ton sans appel lança à la volée « dans mon bureau, sans délai! »
Tel Phidippidès qui, depuis Marathon, courut à en perdre la vie, le bruit échappe à la concierge. Il entre dans l’oreille de l’hôtesse d’accueil. Il part, bondit, sort de l’ombre. Il est dehors, il connaît le chemin, il marche, il a deux pieds, un bâton à la main, de bonnes chaussures, un laissé-passer en règle. Il prend des ailes, s’échappe, s’envole, il fuit, rien ne l’arrête. Il traverse les toilettes à la nage, il suit les couloirs, passe par le secrétariat, puis par la compta, court dans le dédale des bureaux, droit chez le directeur. Il a la clé, monte l’escalier, ouvre la porte, entre, arrive et railleur, regarde l’homme. À bout de souffle, il tombe raide mort.
Moralité : colporteur de rumeur, tu cours à tes risques et périls.
*Pastiche du poème de V. Hugo « Le mot »
Cela faisait déjà trois semaines que ça couvait. Tout le monde en parlait, sans savoir vraiment qui, quoi, comment. En tous les cas, cela faisait comme une vague qui venait et refluait au gré des commentaires des uns et des autres, de ceux qui savaient « de source sûre », de ceux qui supputaient en fonction de leur grande expérience, de ceux qui avaient surpris des sourires, des éclats de voix, bref de tout le monde.
Tout y passait : « Gérard Delacroix va devenir le nouveau patron ». « On va être racheté par Carembare.» « Il va y avoir des charrettes, vous allez voir ». « Les syndicats vont monter au créneau. » « Justine, oui tu sais, la cheffe du marketing, elle va se faire virer et tout ira bien mieux. » « Des têtes vont tomber ».
La litanie continuait et enflait. La machine à café n’était plus le seul lieu où l’on cause. Maintenant, c’était partout. De la cafétéria aux toilettes, en passant par le coin fumeur dehors devant l’entrée.
On en oubliait les clients, qui finalement devenaient des empêcheurs de comploter en rond. Ils téléphonaient n’importe quand alors que, tout de même, il y avait bien plus important.
On tentait d’interroger les chefs qui tentaient d’interroger leurs chefs, qui tentaient…
Mais à l’étage de la direction, motus et bouches cousues. Il y avait bien des regards en coin, des portes fermées un peu trop vivement, mais rien ne filtrait.
Mais bon sang, qu’allait-il se passer ?
Enfin, on annonça une réunion générale au restaurant d’entreprise le mardi à 14h.
Les avis se multipliaient, les langues allaient bon train, ceux qui avaient le ton le plus sûr jusqu’à présent commençaient à douter, plus rien n’était vrai ou faux.
On n’en pouvait plus de ces bruits de couloir qui sonnaient creux, qui enflaient bien que pleins de vide.
Et puis arriva le mardi, 14h.
« Nous avons une mauvaise nouvelle à vous annoncer : nous sommes en cessation de paiement, nous fermons définitivement l’entreprise. »
Juste avant les vociférations, les protestations, les cris de désespoir, un soupir de soulagement se propagea clairement au sein des troupes : finis les bruits de couloir. Ils étaient morts. Enfin.
Un bruit de couloir, mais qu’il était grand ce couloir, qu’il était long, le bruit pouvait y courir tant qu’il pouvait. Tant et tant qu’il n’y avait pas de fin. Personne ni rien ne l’était.
C’était un bruit persistant, lourd et usant.
Comment faire pour qu’il s’arrête ?
Au début, elle essaya de le fuir, mais fuir où ?
Ce couloir était sans fin.
Plusieurs solutions.
Ne pas y porter attention. Éviter le couloir.
Le laisser passer, ne pas l’alimenter.
Non non ça ne sert à rien.
Alors mais… Arrêter de l’alimenter ? Mais oui, mais comment.
Jouer de la musique, ainsi le bruit se perd, s’éloigne.
Et elle revit avec sa musique de couloir, c’était mieux ainsi.
Ce n’était qu’un bruit de couloir
Le peintre de l’outre noir serait mort…
Dans le sombre tracé de la lumière graphique
La couleur rampe et s’extrait
Dans le rythme ondulant du clair-obscur
L’espace s’écrit
Dans l’abstraction du temps
L’intensité dit sa présence
Dans la sensualité de la matière
L’intériorité affleure
Du noir à la lumière
Ce n’est qu’un bruit de couloir
Pierre Soulages n’est pas mort
Et dire que le noir vous soulage de la vie, à l’aimer au delà des 100ans! Bel hommage Laurence! Merci!
👍
j’aime cette odeur de pain grillé qui chatouille la gourmandise, je crois que c’est ma propre madeleine de Proust.
Oui, cette odeur et ce goût, je les garderai toujours! Mais j’avais envie de rechercher les autres fournisseurs de friandises de la vie, m’ayant accompagnés, année après année, avec d’autres belles découvertes! Ah ces sardines grillées sur le sable, ce jus d’une pêche de Bursa, sur place, ce jus de viande cuite dans la cheminée, le fumet des boulangeries à 6h du matin, l’invitation d’un authentique cassoulet, quand on lui casse la enième croûte….mmm….😊🥐🥩🍮🍍
Nan, j’ai encore rien trouvé qui puisse remplacer pour moi l’odeur de la tartine de pain grillée le matin…En tout cas vous avez répertorié des effluves absolument uniques.
Gaston Bruit de Couloir allongé dans ce lit d’hôpital, le corps flasque, branché à un respirateur artificiel a perdu de sa superbe. L’heure n’est plus à la fanfaronnade pour qu’elle court la rumeur. Lui qui a toujours agit comme un virus détruisant les défenses immunitaires de ses victimes en pensant qu’il était invulnérable va devenir la cible. Ne dit-on pas que les vivants respectables font des morts respectables ?
Alphonsine Fauderche et Yvette Ragotumeur sont à ses côtés pour l’accompagner dans cette fin de vie qui s’avère difficile à avaler pour celui qui a toujours su se faufiler dans toutes les conversations, ou les confidences telle une anguille. Le Père Quandiraton est présent pour l’extrême oui-dire. Chacun égrène un chapelet de médisances.
─ Bah lui qui se vantait d’être la mauvaise herbe qui repoussait après un incendie de forêt, là c’est lui qui va bientôt flamber sans possibilité de résurrection ah aha, ironise la Fauderche.
─ C’est son copain Hubert Mensonge qui va souffrir de cette perte inestimable. Il va ramer maintenant pour émouvoir le chœur des Bouchazoreilles. Rétorqua Yvette.
Le Père Quandiraton avide d’un scoop croustillant demande aux deux harpies si elles connaissent les raisons de cet état. La Fauderche se réjouit de lui raconter le boomerang reçu par Gaston en plein cœur.
─ Figurez-vous mon Père que le trublion à l’état de légume ici présent, connu par toutes les Vierges du Chœur non effarouchées, pour ses frasques a voulu jouer avec sa douce Bobardine. Mais il a perdu.
─ Ouais il va en perdre la vie, persiffle la Ragotumeur.
Devant l’étonnement de l’homme d’église, Fauderche poursuit.
─ Il a fait livrer un énorme bouquet de 59 roses (correspondant à son âge) à Bobardine avec un message lui précisant, qu’il aimait mais que vu l’âge avancée de celle-ci, et son manque de souplesse, lui à 60 ans avait besoin de chair fraîche. Il avait donc pris une récréation voluptueuse avec Jeanine la secrétaire de l’accueil de 32 ans. Il lui assurait que pour preuve de son amour éternel, qu’il serait là pour le poulet rôti et frites de dimanche.
Yvette Ragotumeur prit le relais.
─ Hélas quand le bougre est rentré chez lui, point de Bobardine. Il est allé se coucher très inquiet et sur son oreiller une jolie lettre au parfum de son aimée l’attendait. Sa femme le remerciait de sa prévenance et profitait de l’opportunité pour lui avoir rappelé qu’elle avait 59 ans. Ainsi lorsqu’il lirait ce message elle serait pour la nuit avec Timothée son professeur d’aqua gym âgé de 32 ans aussi comme sa secrétaire. Elle avait ajouté qu’ils étaient donc sur la même longueur d’onde. Toutefois en bon mathématicien, elle lui laissait faire le calcul sur le nombre de fois que 60 pouvait entrer dans 32 par rapport à 32 qui entrerait dans 59.
─ Le choc l’a plongé dans un coma depuis maintenant TROIS ANS, insista Fauderche en associant le geste à parole. Et c’est aujourd’hui qu’on le débranche.
Le Père qui n’était pas matheux pour deux sous, n’a toujours pas compris la finesse de la blague. Et vous ?
J’ai pris mon pied à vous lire ! merci Mijoroy
Tant mieux si vous avez ri Renata 🙂
« Ce bruit, il naît dans un couloir au sortir du dortoir, d’une confidence tronquée d’un contexte confisqué. C’est celui d’une meuf qui s’est tapé un keuf, d’une pipe qu’elle a fumé et du flic qui s’est fait enfumer. Du couloir le bruit court jusqu’à la rue puis il cavale jusqu’à l’école, d’où il se mue en peste arboricole. Il voyage de sourires en indignations, pour se transcrire en diverses applications. Lorsque la rue se meurt, c’est la rumeur qui prend le relais. Sur le Net elle se fait incorrecte, sur Snapchat elle ne se fait pas chatte. Elle griffe, elle siffle son venin serpent, elle se répand en diffamations pour se transformer bientôt en répression. La meuf se voit insultée pour s’être fait sauté par un keuf. Les mecs lui parlent de leur pine tandis que les frangines la renvoient faire pèlerinage à La Mecque. Le grand frère dans la maison vient l’insulter puis dans la chambre se met à la corriger. La fille avale ses larmes et dans son intimité elle s’alarme. Elle cherche du réconfort auprès de ses copines mais elles s’écartent vite de celle qui tapine. Elle a beau tenter de se disculper, de tous les méfaits elle est accusée. Elle se retrouve complètement rejetée et isolée. Même ses parents la regardent de travers, lui reprochant ses instincts pervers. C’est complètement esseulée qu’elle broie son désespoir. Tous les soirs elle boit sans aucun espoir de se dessaouler un jour. Le petit jour, les cours elle ne veut plus les voir. Elle broie du noir dans son boudoir de princesse déçue. L.A est bien trop loin, perdu à jamais pour ses ailes entachées. Elle a le seum. Elle sombre. Elle n’a plus le pouvoir de se justifier auprès de la communauté. Son amie avec qui elle répétait dans le dortoir s‘est envolée. Elle a sauté le pas vers des castings notoires. Elle est partie ailleurs dans son plus beau tailleur. Alors, en guise de cachets pour sa prestation théâtrale, se sont des cachets de toutes les couleurs qu’elle avale pour devenir astrale, pour ne plus voir le sombre qui entache sa vie, pour ne plus avoir le monde qui lui crache dessus, pour ne plus ouïr ces bruits de couloir qui hurlent dans sa tête. La vie, elle se l’ôte dans un dernier sommeil. Elle s’endort. Elle est détendue, éperdue dans une forme de sérénité. Elle se meut. Elle se meurt. A petit pas, le bruit de couloir s’estompe dans le noir. Quelques jours plus tard un entrefilet rétablira la vérité mais personne ne l’aura capté. Chacun sera tombé dans le filet de la rumeur.
Génial, j’ai bien aimé
Merci Mijoroy
J’ai beaucoup apprécié votre texte , merci
Le bruit du couloir
A l’époque, le soir, la porte de ma chambre à coucher demeurait toujours entrouverte. Les parents devaient considérer que leur papotage ressemblait à la meilleure des berceuses. A moins que ce ne soit que de la surveillance, par crainte d’une fugue. Comme si, à 10 ans, on se risquerait à une escape plus éloignée que celle du fond de son lit.
Ce soir-là, plat de pâtes oblige, j’avais la digestion somnolente. Je percevais un brouillard de bruits, de chuintements, d’onomatopées. Ça glissait de la salle à manger, par le couloir jusqu’à ma porte. Il y était question d’un petit qui : « Pnese donc, à cet âââge-là…. ne criot plus au Père Nëoll…mais si miiiass si…tout dépned des enfants…et des perants aussi, non ? … Et tio à cette âeg ? Moi, je ne sais plus…je ne sais pullllls….on verra bien…oui…n’oubile pas le formage demain… et toi le cadaeuau !… »
Je m’endormis dans les bras de mon ours, Morfée.
Le lendemain, c’était déjà les vacances, le premier jour, celui où l’on a le droit de traîner au lit mais qu’on se lève encore plus tôt, parce qu’on est énervé à l’idée de pouvoir rester couché, à rêver de la grille fermée de l’école, à l’instituteur en pantoufles, avec sa pipe et son journal.
L’odeur du pain grillé me chatouillait la gourmandise. J’oubliais mes chaussons et me levais. La froideur du carrelage me calma. Le damier du couloir me renvoyait un écho d’enfer et de paradis, une drôle de récréation pour filles. Je choisis les carreaux noirs, me paraissant moins froids. Je courus. Le bruit du couloir s’était éteint derrière moi.
« Ton père a déjà trait le chocolat du Poulain…as-tu faim ? ». On blaguait souvent, en famille, surtout mon père. Je hochais la tête. Et Il est des hochements de tête en disant plus long que les plus assurées des promesses d’amour du prince à la princesse dans les films de Oualt Dix Nez, comme je l’écrivais, dans le temps.
La journée fut trop courte, comme toutes les journées de vacances. Le soir, un repas de famille était prévu, avec les cousins, ceux qu’on ne voyait chez nous, qu’un Noël sur deux, car c’était chacun son tour l’aimable corvée.
A l’heure où cela ne pouvait pas être prévu, car chez nous, il y avait un poêle à charbon et pas de cheminée, le Père Noël passa déposer ses paquets. Il avait une grande barbe blanche qui camouflait mal le bouc grisonnant de mon oncle. Et son manteau rouge trop court cachait mal les chaussures de sécurité qu’il gardait parfois longtemps après le boulot et avant la prochaine urgence.
Je fis la queue, car à Noël, on distribue d’abord aux plus petits, et ce soir-là, j’étais l’aîné. On m’offrit une belle boîte de Meccano, de celle qui vous dégoûte à jamais du travail manuel, tant ça fait mal aux doigts. C’était un rêve d’adulte de l’époque, que chacun des p’tits gars français devienne apte à construire des ponts transbordeur, des avions supersoniques, ou des buildings.
Ma tante m’offrit ma première paire de charentaises avec une petite cagouille rigolote brodée sur la large languette. Je les mis de côté et jouais avec les jeux des cousins.
Mais au soir, à l’heure où l’épuisement des fêtes commande à vos paupières, j’enfilais les chaussons et rejoignis ma chambre. Je traversais le couloir. Plus aucun bruit. La taille et la souplesse de la semelle, l’intérieur fourré, comme d’un blanc de neige, absente, cette année-là, tout avait étouffé les craquements du doute.
Ma famille, plus ou moins proche existait, Noël existait…et mon père aussi, à côté de ma mère, ce cadeau quotidien.