606e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat

Exercice d'écriture très créative
© S.Mouton-Perrat

Aimé BONHOM, dis le bienveillant, pouvait s’enorgueillir. Quand il croisait une personne, elle le félicitait pour ses bonnes actions :  » Vous êtes un Gandhi, un père Thérésa, etc. » Mais, ce qui est dit en face, n’est pas ce qui se dit dans le dos. Dubitatif, il s’équipa d’un sonotone dorsal collé entre les omoplates. Il ne comptait pas si bien en entendre

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Pour nous, écrire avec humour, c’est tout ce qui dans un texte fait sourire et parfois rire. L’humour est une question de vitesse de l’intellect. D’intelligence rapide, dynamique, subtile. L’humour est social.

36 réponses

  1. Anne LE SAUX dit :

    Aimé BONHOM, dit le bienveillant, pouvait s’enorgueillir. Quand il croisait une personne, elle le félicitait pour ses bonnes actions.

    « Vous êtes un Gandhi, un Père Teresa, etc. ».

    Mais, ce qui est dit en face n’est pas ce qui se dit dans le dos. C’est du moins ce qu’il supposait. Dubitatif quant à la sincérité de ces propos, il s’équipa d’un sonotone dorsal collé entre les omoplates. Il ne comptait pas si bien en entendre…
    Equipé de son « ingénieuse » invention (ce compliment étant le sien, il était sûr de son authenticité !), il décida de parcourir les allées du marché. Par devant, les réactions étaient les mêmes qu’à l’accoutumé : propos louangeurs, tapes amicales, sourires de connivence… Par derrière, la mélodie était différente, grinçante et discordante…

    « Faux jeton, malotru, quel nul, … »
    « Mais pour qui se prend-il, regarde comme il se pavane »
    « Il n’est pas beau, t’as vu… »

    Il avait donc raison de se méfier de cette reconnaissance mielleuse qui n’était qu’un paravent pour camoufler la jalousie et les aigreurs de ses congénères. Sa déception était aussi profonde que le fossé qui séparait l’avant et l’arrière de ce qui parvenait à ses écoutilles. La besace à compliments s’était tarie et sa bienveillance tant vantée (en apparence) tanguait dans ce tourbillon d’injures et de jugements dévalorisants.

    Pour approfondir l’expérience, il emprunta la ligne C du bus qui traverse la ville d’est en ouest. Il devait se confronter à des personnes inconnues. Des lycéens bruyants indifférents à l’environnement, une maman accaparée par son bébé, un cadre -probablement dynamique- scotché à son téléphone tout en lisant le journal du jour, une grand-mère assise tout sourire qui lui fit signe que la place près d’elle était libre. Il s’y installa sans bruit. Par devant, rien ne parvenait à ses oreilles en dehors du brouhaha des conversations et du moteur de l’engin. Par derrière, c’était une autre histoire …

    « Mais qu’est-ce qu’on va faire de lui plus tard ? »
    « Regarde ta sœur, elle y arrive, ELLE ! »
    « Quelle misère ce gosse ! »

    Il était très troublé. Ces gens ne le connaissaient pas. Il était donc normal qu’ils n’aient pas de compliments à lui distribuer par devant. Mais d’où émanaient ces paroles désobligeantes qui lui parvenaient via ses omoplates ? Il commença à douter de la fiabilité de son expérience.

    Il rentra chez lui, épuisé. Son stock de doutes avait doublé. A bout de courage et d’énergie, il se coucha sans manger et sans se dévêtir. Et il rêva ; ou plutôt il cauchemarda. Il était au tribunal en position d’accusé. Accusé de nullité par son instituteur, de couardise et d’incapacité à leur procurer de la fierté par ses parents, de maladresse et de jalousie par sa sœur, de faire perdre les matches de foot par ses copains… Il se réveilla en sueur et arracha l’engin de malheur qui était resté accroché dans son dos.

    Ouf ! Le silence se fit. Reposant, réconfortant. C’est alors qu’il eut une idée de génie : poser l’appareil sur son cœur et entendre ses doux battements emplis de tendresse.

  2. Urso dit :

    Aimé BONHOM, dis le bienveillant, pouvait s’enorgueillir. Quand il croisait une personne, elle le félicitait pour ses bonnes actions : » Vous êtes un Gandhi, un père Thérésa, etc. » Mais, ce qui est dit en face, n’est pas ce qui se dit dans le dos. Dubitatif, il s’équipa d’un sonotone dorsal collé entre les omoplates. Il ne comptait pas si bien en entendre
    L’appareil était bizarre.
    Aimé entendait des voix et des sons qu’il n’avait jamais entendus auparavant. Dans la grande rue du village, à la boulangerie, chez le boucher, au café et même à la messe le dimanche matin.
    Ce qu’il entendait sur son passage, cela ressemblait à de l’italien … et du latin.
    C’était peu envisageable que les personnes qu’il croisait s’expriment dans ces deux langues.

    De plus, depuis quelques jours il entendait également de la musique, des morceaux connus de son enfance.
    Il n’avait pas de chance, son projet de savoir ce que disait les autres prenait l’eau.
    C’était sa copine qui lui installé ce truc. Peut-être lui avait-elle fait une farce ?

    Un jour il alla voir un chat de gouttière qu’il connaissait et qui à ses heures perdues travaillait comme détective.
    Il était tranquillement assis sur la moquette jaune de la salle à manger en train de fumer un gros cigare cubain.
    – Ah quel bon vent t’amène.
    – Heu vois-tu dit Aimé, j’ai un petit souci. Depuis quelques jours j’ai un bidule dans le dos et je …
    – Ah je vois fit le chat.
    – Ah bon dit Aimé étonné.
    – Avec un regard malicieux, le félin déclara : le sonotone dorsal que tu as, il est mélangé.
    – Mélangé continua Aimé surpris ?
    – Oui ce sonotone, c’est comme lorsque on prépare un bon plat, on y met plein de bonnes choses. Lui ton appareil, il a des ingrédients qui se terminent par « one ».
    Aimé ne comprenait pas et cela se voyait sur son visage.
    – Ton sonotone, dans ses tripes, on lui a surtout mis des extraits de « Panettone », quelques graines de Sine qua non, et – ce qui est marrant plusieurs chansons des Rolling Stones.
    C’est pour cela que dans tes oreilles tu as ces voix italiennes, latines, et la musique de ce groupe célèbre de rock.
    Aimé devint heureux. Son ami le chat avait trouvé le secret.
    Il l’invita à prendre un verre au café du coin, car ce jour-là la chaleur était suffocante.

  3. Sabrina P. dit :

    — Ma foi, que vous êtes bon, vous êtes un Resto du cœur à vous tout seul ! s’était perdu en effusions un quinquagénaire sur son chemin.
    Aimé Bonhom, qui savourait habituellement chacune de ces interactions, reçut comme un gros coup de « poing » d’exclamation dans le dos.
    « Enfoiré va ! » avait en effet révélé sa nouvelle technologie dorsale, une fois le quinquagénaire dépassé.
    Notre cher Aimé Bonhom, qui avait le cœur pur, blâma tout de suite son oreille, un peu dure. Il décida de retenter l’aventure et se posta près d’une devanture. Il ne manqua pas de réaliser, comme à son habitude, une bonne action qu’une adolescente maigrichonne aussitôt remarqua.
    — Ci-mer, vous êtes trop un beaugosse.
    Commençant à rosir comme une flûte de kir —après tout, si on le félicitait souvent pour ses actes quasi bibliques, on le complimentait bien moins sur son physique— Aimé Bonhom s’arrêta tout de go, quand il entendit ladite adolescente, grogner dans le même argot « Quel bolosse ». Il redevint blanc et sec, comme un verre d’Entre-Deux-Mers.
    Entre deux chaises, son céans se trouvait maintenant ! Voyons, ce ne pouvait être… C’était un peu fort, l’être humain… tout de même… ne pouvait être aussi retors…
    Notre Aimé Bonhom se saisit aussitôt de son sonotone dorsal. Oui. Il devait avoir mal réglé l’appareil. Il était plutôt pressé ce matin, et il n’avait pas pris le temps de bien lire la notice. Elle était en japonais ou bien en javanais, de toute manière, il n’avait jamais été bon en langues, il avait fait arracher de nombreux cheveux à ses professeurs, qui étaient sans doute morts depuis, ou devenus chauves, ce qui était presque synonyme pour lui qui possédait une longue chevelure chevaline.
    Il n’y avait qu’un seul bouton, limitant ainsi le nombre de possibles actions. Il appuya sur OFF et réactiva ON. Voilà. Voilà qui était mieux, si seulement parfois, il se montrait plus sérieux. Il reprit la route, un peu plus joyeux, ah voilà un couple, un de ces couples grâcieux qui promènent un beagle bigleux. Parfait pour tester le bon fonctionnement du sonotone, il réalisa une nouvelle bonne action, presque mormone.
    — Vous êtes un vrai Bruno Bardot ! On n’en rencontre plus des comme vous ! s’extasia le couple, en chœur.
    Aimé Bonhom repartit le sourire aux lèvres, que c’était doux, que c’était agréable d’être l’ami des bêtes, du bec comme du lièvre…
    « Un vrai Barjot ouais » s’était esclaffé le couple, en chœur toujours.
    Aimé Bonhom ne souriait plus du tout. Il se mit à courir dans tous les sens et à distribuer les bonnes actions comme un facteur chevronné le courrier. Il aida un garçon aux chaussures cloutées à traverser un passage tout aussi clouté, il donna des pièces à une fille qui ressemblait à sa nièce, il chanta des louanges à un bébé dans ses langes, il reconduisit même un furet dans une forêt. Aux « mille mercis », « comme c’est gentil », « Dieu est votre ami », il n’entendait plus que les horreurs dorsales qui lui vrillaient les oreilles et lui glaçaient les orteils : « tête d’abruti » « gros ahuri » « va t’acheter des amis ».
    C’en fut trop pour notre cher Aimé Bonhom. Un jour qu’il avait aidé un pépé à descendre d’un escabeau et qu’il s’était fait traiter de collabo, il perdit les pédales, et sa foi en l’Homme. Il bazarda son sonotone dorsal, se coupa sa tignasse de cheval et entra dans un monastère pour y faire une retraite Vipassana, une retraite du silence dont il ne partit plus jamais.
    Loin de l’humanité, et de la télé, Aimé Bonhom ne vit hélas jamais le reportage sur le scandale des sonotones dorsaux qui avaient essuyé de nombreuses plaintes pour dysfonctionnement, et qui avaient été retirés très vite de la vente.
    Les constructeurs, japonais ou javanais, les journalistes ne savaient guère trop, s’étaient excusés auprès du public, pour notamment tous les « bugs » linguistiques, dus à un mauvais réglage informatique…
    Aurait-ce été d’un quelconque réconfort pour notre Aimé Bonhom ? L’histoire ne nous le dit guère, pas plus qu’elle ne nous affirme s’il est encore bon de croire aux hommes.

    • Le Saux Anne dit :

      J’espère que le silence du monastère va réconcilier notre homme avec la race humaine…
      J’ai apprécié la musicalité et le rythme de votre texte. Au plaisir de vous lire à nouveau.

  4. Françoise dit :

    606/Aimé BONHOM, dis le bienveillant, pouvait s’enorgueillir. Quand il croisait une personne, elle le félicitait pour ses bonnes actions :  » Vous êtes un Gandhi, un père Thérésa, etc. » Mais, ce qui est dit en face, n’est pas ce qui se dit dans le dos. Dubitatif, il s’équipa d’un sonotone dorsal collé entre les omoplates,couplé avec un enregistreur Il ne comptait pas si bien en entendre, puisque, entre autres, on alla même jusqu’à suggérer de le mettre sous « haute surveillance » craignant qu’il soit le futur « Jack l’Eventreur » : était-ce dû, en partie, au fait que ses Parents lui avaient donné comme deuxième prénom «  Jack « pour honorer son parrain Jacques, frère de son Père ?
    Il ne perdit pas son temps puisqu’au bout de 15 jours,il avait enregistré une pleine bobine.
    Le hasard faisant parfois bien les choses, il demanda au Maire de sa commune de l’autoriser lors de la prochaine séance du conseil municipal ,qui devait se tenir la semaine suivante, à faire écouter celle-ci aux participants.
    Cela lui fut accordé.A la suite de quoi les habitants furent avisés que quiconque colporterait des propos malveillants sur M.Aimé, Jack BONHOM serait poursuivi par la justice.

  5. Dominique PORHIEL dit :

    Aimé BONHOM, le bienveillant, pouvait s’enorgueillir. Quand il croisait une personne, elle le félicitait pour ses bonnes actions :  » Vous êtes un Gandhi, un père Thérésa, etc. »

    Jusqu’au jour où …

    Un jour où ses actions pourtant bienveillantes et magiques parfois, ne firent aucun effet, mais alors aucun, sur une drôlesse qui le dévisageait sans gêne, qui le défiait du haut de son mètre trente.
    Une saleté de gamine, non seulement pas du tout impressionnée par la grandeur dans tous les sens du terme d’Aimé mais carrément insolente, moqueuse et sale avec ça ! …
    Aimé aurait bien voulu lui faire profiter de toute sa bonté : l’emmener siroter une grenadine, déguster une glace à la fraise ou au chocolat, la promener dans sa voiture si jolie, lui faire découvrir la côte sauvage, l’emmener à la plage …euh ! peut être à la douche, avant !
    Bref, il se voyait déjà comme un héros, modeste mais conscient quand même de toutes les attentions qu’il souhaitait lui prodiguer. Son imagination tournait à plein régime !
    Mais avant même qu’il ait pu lui proposer quoique ce soit, la péronnelle s’était mise à hurler « Ne me touchez pas ! Lâchez-moi ! » en se débattant comme une folle.
    Elle lui avait alors collé sous le nez, son téléphone, … où s’étalait en pleine largeur l’application « Me too » et menaçait de le dénoncer au prochain poste de police.
    Aimé en était tout songeur. Il pensait pourtant que tous ses bienfaits avaient suffisamment d’écho pour que chacun ait envie d’y croire.
    Comment cette sauterelle de 12 ans avait-elle pu le démasquer aussi rapidement ? Mystère !
    Pas grave, se dit-il, je vais m’approcher des petits garçons désormais. Ils sont plus bagarreurs mais tellement plus naïfs !

    • Sabrina P. dit :

      Hum… grinçant à souhait ce texte pourtant très court ! Qu’il prenne sa grenadine, sa voiture et qu’il s’en aille près de la côte, même d’une falaise cet Aimé Bonhom-là ! Belle journée à vous.

  6. Michel-denis Robert dit :

    Aimé Bonhom, le bienveillant pouvait s’enorgueillir. Quand il croisait une personne, elle le félicitait pour ses bonnes actions :  » Vous êtes un Gandhi, un père Teresa, etc… »
    Mais ce qui est dit en face, n’est pas ce qui est dit dans e dos. Dubitatif, il s’équipa d’un sonotone dorsal collé entre les omoplates. Il ne compta pas si bien entendre.

    Le vendredi après-midi, le travail était réduit. C’était prévu, un débrayage progressif afin d’arrêter les machines. Une ou deux heures de liberté relative, ma foi, cela permettait de décanter du grouillement d’activités de la semaine. Alors le balai et les chiffons ne chômaient pas. Dans la foulée, les appareils s’y préparaient. Un regain de neuf se voyait dans leur brillance retrouvée et un avant-goût des vacances apportait un peu de légèreté. Tout ce remue-ménage donnait l’envie de flâner avant le weekend. Sa cheffe le lui avait dit :  » Le lâcher prise, enfin ! La théorie du complot, c’est bidon ! »

    Pourquoi l’avait-elle branché alors qu’elle parlait des licenciements ?

    Qu’est-ce qu’ils préparaient là-bas dans les bureaux ? Le lendemain, pendant le match de rugby, il y pensa :  » Mettre en concordance deux termes de langage extravagamment antinomiques ! Elle en avait pris l’habitude. C’était exaltant. Depuis deux ans, avec ses réunions hebdomadaires, elle avait su rassurer son personnel. Une bonne coupure. Mais derrière ces mots, ne se cachait-il pas quelque calcul ?  »

    Pendant que sur le terrain, une bagarre faillit éclater. Un plaquage à retardement devait être sanctionné. Pourquoi y avait-il faute pour l’équipe adverse ? L’arbitre demanda la vidéo. Au ralenti, on put voir plus en détails, comment le rouge avait retourné le noir comme une crêpe. Mais auparavant, on distinguait un coup de poing malencontreux, asséné plus sournoisement que malicieusement. Dix minutes d’expulsion pour le 8 noir. C’était mérité.

    C’est que le problème devait se régler sous la mêlée. Il le supposa. Que complotèrent les deux talonneurs avec leurs quatorze complices sous la mêlée ? Les problèmes sociaux, c’est comme faire affronter des premières lignes. A Paris, ils avaient décidé. Ils ont sûrement parlé de moi. Enfin ! Un déclic. Il réfléchissait plus à ces licenciements qu’à se concentrer sur le match. C’est à cet instant qu’il eut l’idée des sonotones. Et le micro, dans le stylo de l’entreprise, c’était bien trouvé. Les équipes étaient à égalité. Deux essais dont une transformation ratée chacune, à la mi-temps. Le scénario du match s’était déroulé comme prévu.

    Sur plusieurs mois, les consciences avaient été préparées.
    C’était, il y a environ six mois, dans la pleine saison du rugby. Ce jour-là, il pleuvait des cordes. A la buvette, il prit un ballon de bière. Le stylo sur l’oreille du serveur lui rappela ce souvenir marquant. Par la bande, il avait appris le surnom dont la direction l’avait affublé.
    « Le petit bonhomme sera le premier à partir ! A deux ans de la retraite, il n’osera rien demander. On pourra lui faire toucher des indemnités de chômage technique, avait répondu la DRH. »
    Les milliardaires n’avaient pas voulu lâcher un seul kopek. Les Prud’hommes s’étaient résolus à quand même écouter tous les enregistrements concernant les subventions détournées. Et l’entreprise fut relocalisée.

  7. Antonio dit :

    Bien caché derrière son sac à dos, le sonotone était indétectable. Les premiers échos ne se firent pas attendre après qu’il passa devant la terrasse du café des Sports, salué par la bande à Jojo qui le remerciait sans fin pour avoir effacé la dette de la caisse du club de pétanque. « T’es un saint homme, mon Aimé » entendra-t-il de la bouche du dernier, avant que l’appareil n’amplifie les messes basses qui suivirent.

    « Trop bon, trop con, oui ! – Avec tout ce que nous a coûté son père, moi je dis qu’il nous est encore redevable. – Quel salaud celui-là ! C’est clair que le fils ne doit pas avoir la conscience tranquille pour vouloir autant se racheter. – C’est vrai ce qu’on dit, qu’il aurait prêté sa femme au René pour le dépuceler avant sa mort ? – Cinquante-trois ans, le pauvre, c’était jeune pour partir. Sale maladie ! – C’était courageux de sa part, je parle de sa femme, parce que le René, il aurait pu jouer dans Notre-Dame de Paris – Ou dans Frankenstein. – N’empêche que c’est limite du proxénétisme, ça, moi j’dis. – Tu parles ! Derrière ses formes généreuses, se cache une avarice de cœur, croyez-moi ! – Hein ? Elle a des varices au cœur ? – Tais-toi, le gosse, va plutôt commander une tournée. Et dis bien que c’est l’autre fils d’« odieux » qui nous en a fait l’offrande en passant, il n’est pas à une ardoise près. »

    Aimé n’en croyait pas ses omoplates qui n’avaient pas fini de siffler, s’approchant de la petite église d’où quelques paroissiens sortaient, l’âme en joie.

    « T’as vu, c’est Aimé, notre premier donateur ! – Heureusement qu’il est plus généreux qu’il ne met les pieds dans notre paroisse. Tu l’as déjà vu à la messe, toi ? – Jamais. Même pour l’enterrement de René, il est resté dehors, je crois. – Mais Dieu voit tout, il saura reconnaître les siens. Son père, déjà, blasphémait sur notre dos avec son journal, tu te souviens ? – Tu m’étonnes que le fils cherche à se racheter pour son salut – Il ne l’emportera pas au paradis, juste avec son porte-monnaie, crois-moi ! Oh ! Aimé ! Comment allez-vous ? Monsieur le curé a encore parlé de vous. – La réfection du toit de la chapelle est une pure merveille. Merci ! Que dieu vous garde, vous et votre si dévouée femme, Madeleine. Comment va-t-elle ? – Je rêve où il a feint de ne pas nous entendre ? Quel mal-élevé ! »

    Aimé accélérait son pas, pour fuir toutes ces infamies qui pleuvaient sur son dos, de plus en plus lourd qu’il croisait l’hypocrisie à chaque coin de rue. S’il ne voulait pas craquer, s’écrouler, il devait vider son sac. Il comprit alors l’importance du travail de son père, le mal-aimé, à écrire noir sur blanc toutes les vérités, à travers ses articles sarcastiques qui n’épargnaient personne et qui avaient tant blessé l’enfant qu’il était, bouc-émissaire de l’école. Oui, il s’était racheté une conduite exemplaire, qu’il croyait, travaillant dur pour les petits bonheurs des autres, jusqu’à s’oublier, partageant oui, jusqu’à sa moitié, parce qu’elle l’aimait le René, au-delà du sexe dont elle se fichait, il ne méritait pas de partir ainsi, disait-elle, et il ferma les yeux sur ce petit bonheur qu’elle lui voulut lui offrir.

    C’était décidé, il allait vider son sac, de la plus belle des manières, en reprenant le petit journal satirique de son père. Il l’appellera « Les échos du sonotone ».

  8. Grumpy dit :

    Le sonotone qu’il s’était fait installer dans le dos parce qu’il ne voulait pas qu’on le sache sourd ne fonctionnait plus et ne lui renvoyait que des raclements de gorge inaudibles. Il était manifeste que certains souhaitaient toujours lui faire savoir ce qu’ils pensaient de lui. En bien ou en mal, peu lui importait puisqu’il n’y entravait plus que pouic. Et puis, il aimait qu’on lui parle mais : en face.

    Entendre des critiques lui aurait glissé dessus comme sur le dos d’un canard, il en avait tellement entendu qu’il aurait fallu quantité d’imagination pour réussir à y rajouter du neuf.

    Quoiqu’à une époque, au fond pas si lointaine, lorsque son appareil marchait encore, ce qu’il avait entendu était plutôt positif.

    Cet hiver là, terrible 1954, les godillots prenant l’eau, la pèlerine de laine raide de neige et de glace, le béret trempé lui dégoulinant dans le cou et la barbe, il était là ce bon homme, accroché à son micro à galvaniser les charitables et jeter son pavé dans la mare de honte de ce bidonville. Visant si bien que nombreux furent ceux touchés de ses éclaboussures.

    Sonotone ou pas, il avait été écouté. Pourtant jamais il n’aurait cru si bien entendre ni que longtemps après lui, un comique prendrait la relève pour remplir les estomacs et d’une certaine façon réchauffer la misère.

  9. Nouchka dit :

    « Aimé BONHOM, dis le bienveillant, peut s’enorgueillir. Quand il croise une personne, elle le félicite de ses bonnes actions: Vous êtes un Gandhi, un père Teresa, etc. Mais, ce qui est dit en face, est différent de ce qui se dit et se fait dans son dos. Dubitatif, il s’équipe d’un sonotone dorsal collé entre les omoplates. Il ne comptait pas en entendre autant ».

    En effet, Aimé donne beaucoup et sans compter dans le grand ensemble où il vit depuis quarante ans. Donner de son temps pour maintenir les lieux propres et accueillants. Son caractère généreux est non seulement apprécié mais au fil des années est considéré comme une normalité. Si l’occupant du 1er étage jette au sol les publicités qui trainent dans sa boite à lettres, il sait qu’Aimé, lorsqu’il passera par-là, les mettra à la poubelle. Si les enfants du second, laisse leurs mégots de cigarette sur les marches, Aimé aura soin de les ramasser. Si Madame Tronmou part en vacances, elle demande à Aimé d’arroser ses plantes et si Dupont-la-flemme manque de lait, de pain ou de boisson un samedi vers 18h45, il sollicite Aimé qui s’empresse de faire ses commissions.
    Aimé n’attend rien des services qu’il rend. Ce qui lui importe ? Que chacun soit content de vivre sous le même toit que lui.
    Néanmoins, en quittant le quartier, Monsieur Mouchard lui rapporte ce qu’il a entendu dire par les voisins à son propos.

    Avec son ingénieuse installation dorsal Aimé, qui n’a pas hésité à prendre un système d’enregistrement vidéo, n’a pas cru que les propos le concernaient, tant ils étaient mesquins, rapportant des faits déformés et même parfois totalement faux. Jamais au grand jamais il n’a imaginé ses voisins si petits, si vulgaires si ignobles.
    Déçu par tous, Aimé sombre dans une dépression nerveuse qui l’envoie dans un établissement spécialisé, loin du grand ensemble corrompu. Dans un décor calme, bucolique, le personnel se montre attentif, souriant, voire chaleureux avec lui et les autres patients.
    Quelques mois plus tard, Aimé quitte le service de soins et s’installe dans le village et la maison de son enfance. Là les cigales chantent, quelques anciens du pays sont heureux de l’accueillir et Aimé réapprend à aimer et à donner à ses voisins. Il ne sait faire autrement. Sa générosité naturelle sera-t-elle appréciée dans ce contexte ? Nous le saurons dans quelque temps.
    Aimé s’est promis de faire un point régulier de son apport au groupe et de l’apport du groupe à son encontre. Pour le moment, tout va bien à l’ombre des platanes, un verre de boisson anisé à la main où tintent les glaçons. Les habitués du lieu sont là pour trinquer et témoigner qu’Aimé est de nouveau adopté par le village.

  10. camomille dit :

    Un sonotone dorsal ? Fallait y penser !
    Mais, l’appareil qui était un prototype, n’était pas tout à fait au point et de temps en temps, il déraillait.

    Ainsi équipé, notre Aimé croisa M. le Maire qui le salua en murmurant dans son dos :
    – « Mon Dieu qu’il est con cet Aimé Bonhom !»
    et Aimé d’entendre : « Mon Dieu qu’il est bon cet Aimé Bonhom !»
    Et sa journée fut illuminée.

    Le lendemain, Aimé croisa Lucette et Josette.
    Ils se dirent bonjour joyeusement et dans son dos Lucette dit à Josette :
    – « Il est toujours autant ennuyeux cet Aimé » !
    et Aimé d’entendre : « Il est toujours autant merveilleux cet Aimé »
    Et sa journée fut illuminée.

    Jusqu’au surlendemain où il croisa M. Le curé.
    Ils se saluèrent respectueusement et M. le curé soupira dans son dos :
    – « Il a encore la tête dans les étoiles notre brave Aimé »
    Et Aimé d’entendre : « Il a encore la tête dans le maroilles notre brave Aimé ».
    Et sa journée fut perturbée.
    Il la passa à rechercher la signification de l’expression : « avoir la tête dans le maroilles ».

    A ce jour, il n’a toujours pas trouvé ! Pourtant il cherche… il cherche.
    Il s’est même acheté un dictionnaire des expressions françaises.

    Est-ce flatteur ? Est-ce ironique ? Est-ce grossier ?
    That is the question !!!

    Moralité: méfions nous des sonotones dorsaux. Ça peut faire de gros dégâts …

  11. iris79 dit :

    Aimé BONHOM, dis le bienveillant, pouvait s’enorgueillir. Quand il croisait une personne, elle le félicitait pour ses bonnes actions :  » Vous êtes un Gandhi, un père Thérésa, etc. » Mais, ce qui est dit en face, n’est pas ce qui se dit dans le dos. Dubitatif, il s’équipa d’un sonotone dorsal collé entre les omoplates. Il ne comptait pas si bien en entendre
    et il en entendit ! Des vertes et des pas mures ! Au début, il fut terriblement affecté par toutes les paroles ironiques, désobligeantes même malveillantes auxquelles il avait droit. Puis comme il finissait toujours par recroiser à peu pèrs toujours les mêmes personnes, il s’amusa à anticiper ce que tel tel compère allait lui infliger dans son dos. En général, il n’était jamais très loin de la parole crachée. Il avait vraiment fini par affiner sa perception des êtres qu’il croisait et leurs faiblesses.
    Aussi, il prit la décision de redonner la monnaie de leur pièce à ceux qui, un peu trop véhéments à son goût, croyaient jouir d’une impunité éternelle.
    Il prit quelques notes après chaque pérégrinations et décida d’agir sans tarder.
    Quand il croisa Monsieur focul, il se fendit d’un large sourire quand il le croisait. Puis laissant le venin sortir de la bouche de son comparse une fois le dos tourné, il fit volte face et lui retourna le compliment peu flatteur dont il venait d’être affublé. Son interlocuteur en fut scotché et tout honteux rougit jusqu’à la racine des cheveux. Il se terra même plusieurs semaines sans sortir de chez lui. C’est aussi ce que firent tout ceux qui se firent prendre à leur propre piège. Ainsi donc ces gens avaient tout de même un fond d’éducation puisqu’ils étaient bien conscients d’être aller trop loin dans leurs sarcasmes et autres paroles blessantes.
    Pendant un peu plus d’un mois donc, Monsieur Bonhom ne croisa guère du monde, y compris aux heures de pointe. Des rideaux bougeaient sur son passage mais point de foule pour le saluer.
    Puis poussés par les beaux jours, certains repointèrent le bout de leur nez. Ils saluèrent M. Bonhom sur son passage comme à leur habitude mais curieusement, il n’ y avait plus de paroles malveillantes, seulement des mots de contrition, des demandes de pardon, des paroles admiratives sur les actions de ce monsieur bonhom. Il s’en trouva fort heureux et soulagé. Il fit comme si de rien était et vit au fil du temps, ses concitoyens changer. Il vit même arriver de nouveaux membres dans son association de bienfaisance. Ce qui le réjouit tout autant.
    Il abandonna donc son sonotone dorsal dans la placard de sa chambre mais ne s’en débarrassa pas. Son intuition qui s’était comme par miracle étonnamment développée le confortait dans la bienveillance des gens bien intentionnées mais dorénavant, il percevait également les potentiels nouveaux malotrus. Aussi il réinstallait parfois son outil entre ses omoplates pour vérifier ses intuitions qui se révélaient toujours justes !
    Personne n’avait percé son secret et il fut bientôt rebaptisé « grand sage de la communauté ».
    Mais ce qui lui importait plus que tout, c’est que ce statut permette à autrui de se bonifier et de gagner les surnoms de BONNESGENS.

  12. FANNY DUMOND dit :

    Aimé BONHOM, le bienveillant, pouvait s’enorgueillir. Quand il croisait une personne, elle le félicitait pour ses bonnes actions : « Vous êtes un Gandhi, un père Thérésa, etc »

    Mais, ce qui est dit en face, n’est pas ce qui se dit dans le dos. Dubitatif, il s’équipa d’un sonotone collé entre ses omoplates. Il ne comptait pas si bien entendre.

    Alors qu’il sortait de la pâtisserie, il salua deux pipelettes qui faisaient la queue devant la boutique.

    – Bonjour Aimé. Quelle belle journée !

    – Oui, je suis heureux, aujourd’hui, car je vais fêter les 5 ans de ma petite Clara.

    – 5 ans déjà ! Comme le temps passe vite ! Bonne journée, alors !

    Sur le seuil du bureau de tabac, où il voulait acheter une jolie carte, il entendit les deux femmes :

    – Tu parles, c’est pour lui. Il dépense en gâteries le pognon qu’il quémande dans son association, soi-disant de bienfaisance.

    – Moi, j’y mets plus les pieds dans sa secte, j’en ai assez d’écouter ses discours sur la générosité. Et patati et patata !

    – Regardez, en plus il fume ! Pourtant, on lui donnerait le bon Dieu sans confession avec tous ses prêchi-prêcha. Faîtes ce que je dis, mais ne faîtes surtout pas ce que je fais.

    – Aimé, tu parles d’un prénom ! Il l’était tellement qu’il avait des cornes au point de ne plus pouvoir passer sous les portes.

    En ayant assez entendu, il se rendit chez son fils.

    – Salut,P’pa ! Alors, comment vas-tu aujourd’hui ?

    – Couci-couça. Aujourd’hui mon genou me fait souffrir.

    En passant devant la porte de la cuisine, il entendit :

    – Il s’est pas foulé, le vieux, avec son gâteau pour 8 personnes, alors que nous sommes 15. Heureusement que j’en ai fait un, sinon on aurait eu l’air de quoi ! En prenant de l’âge, il devient de plus en plus radin le Bonhom. Tu parles d’un nom !

    – C’est pour ça que tu n’as pas voulu te marier.

    – Entre autres ! Ne le dis à personne, j’ai rencontré quelqu’un.

    Aimé se demandait si son sonotone était une si bonne idée. Il alla rejoindre Clara dans sa chambre.

    – Salut, Papy ! Je t’attendais impatiemment. Tiens, c’est pour toi.

    Les larmes montèrent aux yeux d’Aimé quand il découvrit un coloriage rempli de cœurs multicolores et de « Je t’aime mon Papy d’Amour »

    Il embrasse tendrement sa poupée et avant de rejoindre l’assemblée, il l’entendit dire à sa cousine :

    – Je l’adore mon Papy, il est tellement gentil. Il m’a offert 3 entrées pour Disney. En plus, il me fait de la peine, il est tellement seul !

    – Et moi aussi, je l’adore. Qu’est-ce que tu crois !

  13. mijoroy dit :

    Excellent!!

  14. mijoroy dit :

    Aimé BONHOM, dis le bienveillant, pouvait s’enorgueillir. Quand il croisait une personne, elle le félicitait pour ses bonnes actions : » Vous êtes un Gandhi, un père Thérésa, etc. » Mais, ce qui est dit en face, n’est pas ce qui se dit dans le dos. Dubitatif, il s’équipa d’un sonotone dorsal collé entre les omoplates. Il ne comptait pas si bien en entendre
    Ainsi alors qu’il passait devant la terrasse d’un café où deux rombières ergotaient plus sur le quidam qui passait que sur la météo, il surprit cet échange.
    ─ Ce Bonhom, Aimé de son p’tit nom, je ne l’aime pas moi. S’il brûlait je l’éteindrai avec de l’essence.
    ─ Bah pourquoi tu baves comme un crapaud Jeanine ?
    ─ Figure-toi Lorette que ce corniaud n’a pas la bonté d’âme profondément ancrée.
    ─ Encore heureux ! manquerait plus qu’il se noie ! Qui q’c’est qui remplirait le tronc de la paroisse pour les voyages à Lourdes ?
    ─ Bougre d’olibrius de moule à gaufre de tonnerre de Brest, comme dirait l’capitaine! J’te l’dis moi, Lorette, celui qui laisse son clébard en plein cagnard attaché à une grosse chaîne pendant qu’il se la coule douce en vacances, n’est pas digne de reconnaissance. Qui n’aime pas les animaux, déteste les humains.
    Rassuré Bonhom poursuivit son chemin, ne se sentant pas concerné. Lui n’avait pas de chien. Simplement un enregistrement de grognements agressifs dans une fausse niche pour éloigner les intrus en son absence.
    Passant devant la pharmacie, il salua ( en ôtant son couvre-chef) madame Fauderche et la vieille Ragotumeur. Il se courba pour aider la vioque à manœuvrer son fauteuil à roulettes. En guise de remerciements, ses oreilles dorsales captèrent le serment des hypocrites.
    ─ Quel faux-cul cestui-là. Vas-y que je te sourie par devant et que j’te planque la main pleine par derrière.
    ─ Allons Ginette ne laisse pas ton handicap faire de toi, un citron plus acide qu’amer. Aimé est tout de même l’inventeur de la scie à trancher le beurre fondu ! Certes, il a redoublé dix fois la première année d’une grande école de la technologie, et alors ? Il a acquis l’esprit de persévérance et acquis la maîtrise du fouinage. La preuve il est contrôleur des coûts et des risques de ceux qui peinent à remplir leur déclaration d’impôt sur le revenu.
    ─ Justement, s’il était généreux, il attendrait qu’il s’en aille l’impôt, pour contrôler !
    Bonhom fut triste de cela. Il mettait tant d’énergie à aider ses semblables pour que l’Etat ne perde pas d’argent. La pilule lui était difficile à avaler.
    Moralité : La partition de la mélodie Calomnie n’a qu’une seule note. Toutefois c’est toujours celui qui la paie qui subit.

  15. Tarrep dit :

    « Peu d’amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu’il n’y est pas, quoiqu’il en parle alors sincèrement » Pensées de Pascal😉

  16. durand marc dit :

    Aimé Bonhom, dit le bienveillant n’en tirait pas vraiment gloire. Il s’en foutait qu’on le prenne pour un Gandhi, un père Therèsa ou n’importe qui s’étant mis au service des plus faibles. Il ne cherchait surtout pas à savoir ce qu’on pensait de lui. Car il pressentait la pensée du commun très commune et suspicieuse.

    Après une longue carrière de videur de fosses, il profitait de sa retraite dans un petit village oublié, autour d’une route de vacances. Il marchait beaucoup car qui ne marche pas quotidiennement vieillit plus vite et s’enterre vivant.

    Il marchait tôt le long de la route et constatait les dégâts. Hérissons, chouettes, lièvres, faisans, crapauds…etc…le macadam suait la mort de la nuit, de la veille, de la nuit d’avant et de l’avant veille. Il tenait une triste comptabilité qu’il présenta un jour au maire.

    Celui ci ne réagit pas vraiment, mettant juste en avant les dégâts occasionnés par un sanglier au pare choc de son hommautobile. Il fallut q’un auto-stoppeur de passage soit aplati sous les roues d’un tracteur local pour que le peuple et leurs vaches s’émmeeeeuuuvent et que le maire en pleine campagne électorale change son fusil d’épaule pour un panneau indicateur.

    Aimé Bonhom s’avérait un fameux bricoleur et il présenta au conseil un vaste projet. Lui prévoyait pour le village 3 panneaux dont il présenta un prototype. On pouvait y lire! ATTENTION FREQUENTS PASSAGES de piétons, d’enfants, de vieux, d’handicapés, de touristes, de hérissons, de chouettes, d’écureuils, de crapauds…etc…etc. MERCI DE LE LEVER LE PIED DU CHAMPIGNON et de s’arrêter plus souvent pour en cueillir.

    C’était malin de réunir tous les animaux dans la même famille. Ca ferait remonter un peu les humains dans leur estime. C’était un peu l’idée vague d’Aimé Bonhom, enfin le genre de fulgurance qui te prend lorsque tu marches sur un pissenlit et qu’il crie.

    Les 3 panneaux plantés, bien qu’ inaugurés un 14 juillet en petites chaussures vernies, photographiés et commentés dans la presse locale eurent un impact modéré sur la gente routière. André Bonhom présenta donc un nouveau projet à base de dos de chameaux. Le conseil tergiversa longtemps autour de la dangereusité du plan. Finalement on se mis d’accord, selon l’art centriste des masses, sur des dos de mules,

    Le peuple roulant ralentissait encore mais pas suffisamment pour Aimé Bonhom. Il s’installa donc au bord de la route et bricola tout un jeu de projecteurs invitant les esclaves goudronnés à traverser le village sur la pointe des pneus.

    La tente qu’il avait installé se transforma vite en cabane. Et ce n’était pas du luxe pour accompagner ses longues nuits et journées de veille. Heureusement, certains jeunes du village l’aidaient, lui apportaient quelques menus familiaux et l’aidaient dans l’entretien du site.

    Un petit groupe se formait chaque soir. On discutait autour d’une idée. On expliquait pourquoi la Terre était bleu comme une orange, que de plate à ronde, elle allait mourir desséchée comme un vieux melon ou noyée comme une pastèque moisie.

    De là naquit le groupe de Bonhomiens qui débarqua un jour au département avec un projet de rocade. Il faut dire que les jeunes du village avaient grandi, étudié…et qui ingénieur, qui architecte, qui naturaliste avait oeuvré pour la Cause.

    20 ans après la première intervention d’Aimé Bonhom fut inauguré la rocade ouest qui interdisait tout passage mécanisé dans le centre du village. La sente de promenade fut plus tard baptisée Sente Aimé Bonhom mais il n’en aurait aucun souci.

    Depuis déjà 2 ans il dégustait sa salade de pissenlits. Il avait fait ce qu’il avait pu. Et le colibricolage prenait au village une allure artisanale, une petite envergure d’espérance.

  17. Alain Granger dit :

    Il venait de quitter la boulangerie lorsque derrière son dos sa voisine de pallier murmurait déjà aux oreilles attentives de la commerçante:
    – Il se la pette celui-là avec son duplexe qu’il vient de rénover. Sous prétexte de convivialité, il a invité tous ses voisins d’étage autour d’un verre. Il nous en a mis plein les yeux avec ses revêtements muraux de très bon goût, je dois le reconnaître.
    La boulangère lui répliqua :
    – On dit pourtant qu’il a pris gratuitement la gestion de la copropriété à la place du syndic qui vous coutait les yeux de la tête.
    – Encore une action pour s’enorgueillir de ses résultats. Il faudrait lui lécher les mains en plus ?
    – Je ne dis pas ça mais….
    – Bon, au revoir Lucienne j’ai à faire avec mon pauvre mari. Il est alité. Il faut que je m’occupe de tout dans cette maison.

    Un peu plus loin Aimé Bonhom croisa Richard Ennaparence. Il lui adressa un signe amical. L’autre changea de trottoir pour l’éviter. Il sortait de l’hôtel au bras d’une femme qui avait l’âge de sa fille. Sa nouvelle conquête lui dit :
    – Chéri il m’a semblé que l’homme que nous venons de croiser te faisait un signe de la tête.
    – Ne te préoccupe pas de lui. Cet individu me harcelle. Il prétend que je lui dois de l’argent. Mais c’est lui qui m’est redevable. C’est moi qui l’ai introduit dans l’entreprise dont il vient de prendre le contrôle. Bon d’accord, il a été désigné par le personnel qui a racheté la boite en autogestion, mais il a fallut qu’il joue le sauveur et qu’il reçoive tous les suffrages alors que je méritais ce poste.
    – Ne t’énerve pas mon poulet sinon tu vas fatiguer ton cœur.

    En rentrant chez lui, André Bonhom vint frapper à la porte de son plus jeune fils, un adolescent qui roucoulait au téléphone avec une copine de classe. A peine avait-il refermé la porte après avoir embrassé tendrement son fils que ce dernier lançait à sa copine :
    – Fais chier le vieux ! Toujours à me cocooner. J’ai plus cinq ans.
    – Il a l’air cool pourtant.
    – Tout le monde le prend en exemple. Personne ne me remarque. J’en ai marre d’être son fils. Le prof de math me parle de ses notes remarquables lorsqu’il l’avait pour élève. J’en ai plus qu’assez. Ca me met la pression. En plus il me fait la morale lorsque j’ai fais, soi-disant, des conneries.
    – Et il te punit ?
    – Généralement non.
    – Et tu te plains. Le mien il me colle une branlée si je ramène une mauvaise note trimestrielle.
    – Ah bon ? Tu dois le haïr ?
    – Même pas. Je crois qu’il fait ce qu’il peut. Je ne suis pas toujours facile à vivre.
    – Tu es un peu trop sage. Moi j’ai envie de transgresser mais je n’y arrive pas. J’ai tellement peu d’interdits. Je crois que je vais partir vivre chez ma mère. So mec est un loubard à ce qu’il paraît.
    – Tu ne serais pas un peu con par hasard ?

    André Bonhom rejoignit l’association qu’il avait créée pour venir en aide aux émigrés. Lorsqu’il eut quitté un couple de Libyens il n’entendit pas la réflexion du mari :
    – Je vais lui couper la gorge à ce mal blanchi s’il ne m’obtient pas les papiers de régularisation.

    L’individu n’était pas toujours reconnaissant mais André Bonhom ne s’en préoccupait pas. Il poursuivait son bonhomme de chemin, celui qui le rendait heureux à défaut de contenter ceux qui l’enviaient ou le jalousaient.

  18. 🐻 Luron'Ours dit :

    🐻LA CHAPELLE DES INNOCENTS

    Bonhom, ci-devant saint, traîne une casserole.
    Dès le matin, il chemine, il parcourt la ville d’une station l’autre. L’estaminet de Jean, le comptoir de Paul, Le caboulot de Luc, la cahutte à Matthieu. Comme il les connaît il les honore. Son œil qui pétille d’abord s’emplit de larmes. Il a fait le plein. C’est l’heure de rentrer, il a fait sa tournée, offert la sienne, joué aux dés. La chaise est vide, une soucoupe sur le guéridon. Subsiste une odeur. Quelques sous plus loin. Un cierge rallumé en mémoire de Gandhi, Mandela, Luther king, bonhommes en somme. Et ces drôles d’escabeaux au dossier trop haut à l’assise trop basse.
    Les seuls qui prient dieu…🐻

  19. 🐀 Souris verte dit :

    🐀 A BON ENTENDEUR…

    Tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute.
    En le saluant, les gens souriaient, indulgents : il est un peu frappadingue.
    Frappé oui, il l’était, de surdité.
    Sa trompe d’Eustache faisait des couacs, c’est ainsi qu’il vivait heureux au milieu de tous ces médisants sans s’en douter.
    Un jour Rafletout lui offrit deux paires de boules à cacan. Une bleue qui les tamisait de blues et une rose les couvrait en diffusant des pépiements d’oiseaux, des ronrons caressants, le chant du vent dans les branches lui murmurant des mots doux.
    Cependant, le voyant appareillé , les paroles changèrent de couleur. Les verts de gris venimeux devinrent de charmants gazouillis.
    Avec les Bleues il avançait chaloupant. Son attitude rytmée était si communicative que dans la rue, en le saluant tous l’imitaient en ondulant de la croupe.
    Il avait fait de cette méchante bourgade un patelin joyeux.
    Comme quoi ne pas donner d’importance à des propos couleur de suie qui ne salissent que ceux qui les disent.

    La bave du crapaud n’atteint pas le vieux colombin.

    Moi je vais profiter d’une promo pour m’en offrir une paire rojo-flamenco, je laisse le jaune aux serins !

    Toute ressemblance avec des faits réels ne peut être que fortuite 🤗🐀

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