585e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux. Le tonton, par exemple, c’était son air saumon.
Inventez la suite de cette révélation
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Et on commença à débattre de la valeur des choses. Le cours avait augmenté ces derniers jours, à la criée on avait même atteint des niveaux extraordinaires. Cette chose avait obtenu la plus grande cote, grâce à ces courbes vigoureuses, celles qui avaient été déjà repérées bien avant la transaction. Muni de cette chose si précieuse, il s’était d’ailleurs un peu senti comme César franchissant le Rubicon. Cette chose, c’était des yeux de merlan frit. Et pourtant, il ne l’avait pas volé. Même si les abysses, grâce à une sensibilité exacerbée lui faisait de l’œil, rien ne pouvait justifié qu’il soit un bandit de grand chemin. Il avait déboursé une sacré fortune pour l’obtenir ; remontant du fonds de la plus petite poche, le moindre centime. Ah bien sûr, le commissaire priseur avait eu la sagesse, ou le cynisme amer de lui dire que des yeux de merlan frit, il y en avait deux au monde. Cette confidence l’avait laissé sur le flanc. Louper cette affaire aurait alors sonner comme se jeter à l’eau sans filet. Dans un roucoulement également satisfait, le vendeur déclarait que l’autre paire se trouvait aux Etats- Unis dans la famille Carpenter, notable tribu échouée d’une Angleterre autrefois à la dérive. Il s’agissait par cette expatriation banale de relever la barre. Et aujourd’hui, en cette seconde, l’autre paire pouvait appartenir en toute simplicité à M David Dupont. L’aveu vibrant lui parvint aux oreilles et pris de vertige, puis d’étranges secousses, il empoigna l’affaire. Affaire conclue avait lancé en faisant volte face le commissaire priseur. David transporta le trésor dans un pot à godet Lefranc, là où se logeaient autrefois un rouge orangé et un vert d’eau. Ainsi les yeux plats comme certains œufs avaient été mis bien à l’abri couvant dans l’eau de senteur légère d’autrefois. Mais alors qu’aujourd’hui il se trouvait dans sa famille maternelle, d’aussi loin qu’il remonta le cours des ans, il ne fit une découverte aussi odieuse que celle-là qui frétillait sous ses yeux. Pleine de saveur salée.Tous avaient quelque chose de poissonneux. Une révélation dont le sens lui échappait, sa pensée divaguant, jusqu’à tourner sur elle-même. Une voix sépulcrale, une voix aiguë de trompette ,sourde et morne, bref quelque chose de poissonneux Quelque chose qui ressemblait aussi comme même , et il pouvait se la donner dans le mille cette affaire, un peu à ces godets sales et tâchés par les arabesques des poils de ses pinceaux à brosse de jadis. Ces fameuses cavités où il avait noyé ses yeux de merlan frit. Quelque chose le tourmenta il se trouva bien idiot, imbécile de n’avoir eu cette curiosité plus tôt, celle qui le poussait maintenant à chercher où pouvait bien se trouver Merlan Frit…Il se perdit en conjectures aussi bourbeuses les unes que les autres. Alors il repêcha d’ un amoncellement d’ordures, une carte du monde,chercha la région de Merlan Frit, et à dire vrai sans grand succès…Il trouva bien un quartier Merlan à Noisy-le -Sec mais de Frit rien …juste un quartier de camembert frit qu’il avait laissé dans le compartiment à glace de son réfrigérateur. Bref tout cela n’était pas très cohérent, très loin, bien loin de couler de source véritablement. Par contre, le poissonneux existait, il en était sûr, c’était une région de ….Oui c’était sa maîtresse en CE2 , qui avait prononcé ce mot aussi long que sa baguette qu’elle tendait sur la carte devant un rectangle tout bleu; il s’en souvenait comme si c’était hier; poi- sso -neux. Mais il fut bien en peine de se rappeler où était ce rectangle bleu. Les cartes en avaient tellement ! Alors il respira profondément. De toute façon, il n’avait pas à s’en faire. Leur quelque chose était assurément moins précieux que le sien…Poissoneux… Au cours de la conversation de routine mais pleine d’entrain; il entendit chanter son oncle, et il se mit à l’écouter chanter comme une casserole….Décidément l’oncle Harris avait encore aujourd’hui l’air saumon. Cette chemise de soie sur ce pantalon flanelle assorti saumon. En écoutant la voix bizarrement criarde de l’oncle Harris, il réfléchissait à cet oncle à l’air saumon qui était de poissonneux. Ce dont il était au moins certain c’est que Poissonneux n’était pas en France; pas de rectangle bleu dans l’hexagone. Pourtant il s’était toujours entendu dire par feu sa mère que sa propre soeur s’était marié avec un homme 100% pur France, avec un pedigree qui ne laissait aucune ambiguïté au minimum jusqu’à la 17 ème génération….Alors oui, comment était-ce possible….Il devait y avoir autre chose.. Pour une fois les choses étaient claires, limpides et transparentes. Sa mère, sa propre mère avait menti… Dans son effarement, comme tombé sur terre, il se mit à attraper la chair de poule. Il le bec en l’air, il décida d’aller babiller ailleurs, loin de son port d’attache. Cette famille avait résolument quelque chose de vaseux….
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux. Le tonton, par exemple, c’était son air saumon.
Un jour que Célestin et Célestine s’ennuyaient sur la plage, ils mirent leur masque et leurs palmes, prirent leur tuba et s’éloignèrent du bord. L’eau était délicieuse et les reflets de la lumière du soleil faisaient des arabesques sur le sable. Bientôt ce furent des galets recouverts d’algues vertes, des rochers abritant des concrétions blanches et des anémones de mer violacées puis des prairies d’algues agitées par le courant qui semblaient avoir quelque chose de mystérieux et d’un peu inquiétant pour les deux enfants. Ils découvrirent alors un monde d’êtres marins minuscules. Quelle ne fut pas leur surprise ! Des pierres étaient disposées en rond, elles semblaient servir d’abri, de demeure même, à des sardines occupées à leur tâches ménagères, à des poissons-clowns qui bavardaient ensemble en remuant les lèvres sur le pas de leur porte et même à un saumon-poète qu’on avait bâillonné pour l’empêcher de chanter (ça faisait de grosses bulles qui montaient à la surface). Deux ablettes s’engueulaient comme du poisson pourri en se traitant de tête de congre, de morue, de mère maquerelle. A l’écart, il y avait quelques daurades bronzées qui se prélassaient au soleil pendant qu’un poisson-chat barbu jouait du muscle. Au centre de la place, se déroulaient les noces d’un homard et d’une langouste. Célestin et Célestine en étaient médusés (d’ailleurs des méduses bleu violacé dansaient alentour). C’était une jolie sirène qui officiait et présidait la cérémonie. Dans ses cheveux dorés s’agitaient, comme des bijoux précieux, des poissons rouges, bleus avec des taches noires, jaunes rayés de brun. Deux barracudas balançaient d’avant en arrière des ostensoirs d’écume salée. Autour, les bars, les baudroies, les bonites, les lieus faisaient des yeux de merlan frit en fixant les formes généreuses de la créature des eaux. Des carpes restaient muettes, des gardons frétillaient, des raies manta déployaient leurs nageoires pour l’applaudir. Les soles et les limandes s’aplatissaient sur le sable devant elle, épuisées d’admiration, quant aux anguilles, elles se faufilaient partout pour mieux voir, toutes et tous étaient dans le baba. Un églefin et un requin malin firent remarquer que cette fameuse sirène se terminait en queue de poisson. Cela calma les ardeurs… on put enfin s’intéresser aux mariés : Messire le Homard restait pénard et Dame Langouste ne se faisait pas de mousse : ils nageaient dans le bonheur.
Il était temps de se mettre à table. On ne mangea ni chair ni poisson mais force fruits de mer, palourdes et bulots, de belles coquilles de Saint-Jacques arrosées de jus d’huîtres, un délice ! Ils ingurgitaient sans modération verre d’eau de Gascogne sur verre d’eau de Méditerranée, heureux comme des poissons dans l’eau précisément. Même le poisson-lune riait : pour une fois, il n’avait pas sorti ses piquants, lui qui était toujours si mal rasé. Quant à la carpe, elle avait trop bu, trop mangé, elle restait muette, les yeux hébétés. Alors la fête débuta. On tortilla des nageoires, serré comme des sardines mais on se fendait les branchies. Un loup faisait du gringue à Lotte et un capelan à Bardot, tandis que la bonite faisait de l’œil à Colin. Au lever du jour, chacun regagna son trou.
Neuf mois plus tard naquirent un langoustin et une langoustine qui firent la joie de leurs parents. Ils eurent par la suite beaucoup de petits êtres à aimer et à chérir.
Il fallut pour Célestin et Célestine attendre dix avant que leurs parents ne les conduisent sur la même plage. Ils mirent leurs palmes et leurs masques, prirent leur tuba et s’éloignèrent du bord. Ils eurent beau chercher, rien : des cailloux, des coquillages en miettes, plus d’anémone sur les rochers. Ils ne retrouvèrent plus le petit village, la sirène et les poissons. A la place, des sacs en plastique, des gobelets, des canettes de coca, des jouets d’enfant, pelles, râteaux, bouées dégonflées. Les hommes déversaient dans la mer tout ce qui les gênait, ils la colonisaient, s’attaquaient sans réfléchir à sa force de vie, à sa beauté. Ils avaient pourtant tant à apprendre d’elle !
585/C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux.
le tonton, par exemple, c’était son air saumon,
on s’attendait toujours que la tata avec son dentier « premier prix » aboye
leur fille , plate comme une limande, était toujours sole
sa sœur était souvent muette comme une carpe
le grand’père à la tête de congre avait fait carrière au congrès américain , sacrée coïncidence
la grand’mère à la tête de morue s’était laissée courtiser par des maquereaux de la finance aux U S A
Soudain,il y eut branle-bas de combat, l’arrière petit-fils assis dans sa chaise d’enfant avait attrapé le poisson rouge qui était dans un bocal devant lui et le mangeait
Tout le monde se leva, sa mère conduisit l’enfant à l’hôpital et chacun retourna à ses affaires.
Aux dernières nouvelles, le petit est rétabli.
–
J’ai lu vite et mon esprit me dictait « La mère conduisit l’enfant chez le véto spécialiste aquariophile, il fallait régurgiter de toute urgence le petit nemo » 🙂
– Mamie Georgette avec ses yeux de carpe à force de minauder devant les grands de ce monde pour en obtenir les faveurs ou les derniers potins, enfin quand je parle des grands de ce monde, il s’agit plutôt des officiels de son village que sont le maire, le président du club de bridge et le curé…
– Tante Louise pour qui la chirurgie esthétique a définitivement figé les traits en bouderie Trumpiste dubitative et dont l’élocution tourne à la bouillabaisse…
– Le petit dernier frais comme un gardon qui essaye désespérément de croiser le regard de sa mère pour qu’elle lui ramasse enfin son doudou tombé dès le début de repas. Encore faudrait-il qu’elle se souvienne de sa présence, avec sa mémoire de poisson rouge ….
– Mon beau frère ce requin qui pérore et bombe le torse depuis qu’il travaille dans la finance et qui semble attendre qu’un cigare télétranporté (parce qu’il ne bougera pas le cul de sa chaise pour aller jusqu’au bureau ouvrir la boîte magique) veuille bien se poser sur ses lèvres de parvenu…
– Ma mère, toujours aussi maigre, qui retient son souffle, anxieuse à l’idée que les plats qu’elle a concoctés soient à la hauteur de la mission qu’elle s’était fixée. Elle guette chez ses convives la moindre expression de doute, de dégoût. Comme d’habitude elle n’obtiendra que de l’indifférence… Ce n’est pas le jour ni le lieu mais elle sortirait bien son sabre pour tous les massacrer…
– Et ma belle soeur que j’ai connue plate comme une limande avant de se transformer en grosse baleine après ses trois grossesses qui tout à coup lance un débat politique sur la sécurité et l’immigration….
Fête et défaite de famille comme le dirait un certain Orelsan …
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux. Le tonton, par exemple, c’était son air saumon.
– Chéri qu’as-tu, tu es tout pâle.
– La salle à manger, il y a … !
– Quoi la salle à manger.
– Chérie, c’est devenu un aquarium géant, pleins de plantes et d’herbes sous-marines, et ta ta famille …
– Quoi qu’a-t-elle ma famille ?
– Ta famille elle s’est transformée en poissons monstres des fonds marins. Là avant de venir te voir dans la cuisine du château, ces poissons s’entretuent et se dévorent entre eux.
– Qui se dévorent chéri ?
– C’est affreux : tes tantes, tes oncles, tes cousines et tes cousins, devenus de vrais monstres poissons qui se bouffent, s’arrachent les tripes.
– Chéri tu as encore trop bu ce soir. De la bonne tequila. Comme d’habitude, tu le sais bien, lorsque tu bois tu as des visions hallucinantes.
– Chérie crois moi ! Ce soir je n’ai pas bu une goutte de vin et de vodka.
– Allez retourne dans la belle salle à manger retrouver la famille.
– Bon bon dit l’homme j’y vais. Peut-être est-ce vrai que j’ai eu des hallucinations.
L’homme en boitant un peu à cause de sa peur revint dans la grande pièce où il espérait que les convives discutaient et mangeaient.
Oh non ça recommence fit l’homme.
En effet, la pièce était remplie de singes, on aurait dit d’énormes gorilles. Ils étaient assis tranquillement à table devant des assiettes vides, avec aucune boisson, pas de verre, de couvert. Rien sur les tables, à part ces assiettes.
Oh quelle scène décidément je dois être complètement maboule, fou à lier. Ce repas de famille quelle galère !
Ah que font-ils ces gros singes.
Ah ah, ils se peignent avec des arêtes de poissons couleur orange.
Oh la la là ça devient grave pour moi.
Vite je cours aux cuisines retrouver ma belle et tendre copine. J’y serai en lieu sûr.
– Oh qu’as-tu encore chéri tu es verdâtre …
– Des singes, de gros malabars … En train de peigner leurs perruques avec des arêtes de poisson.
– Chéri tu bois trop d’alcools forts.
La femme n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Ce qu’elle vit l’épouvanta. Un singe – d’une taille démesurée – marchait dans le couloir sur la pointe des pieds, droit dans leur direction.
Elle eut subitement peur pour sa vie et celle de son homme. Elle pensa que ce singe allait les avaler tout cru.
Bonne cuisinière elle imagina le pire pour son couple … qu’elle et son compagnon allaient finir leur triste vie dans une marmite bien bouillante, avec mille épices à l’intérieur.
Lui l’homme, qui était face à la femme, ne vit pas le singe venir vers eux.
C’est pour cette raison qu’il fut surpris lorsqu’il vit sa femme avec la rapidité de l’éclair, foncer sur le singe avec un long couteau de cuisine.
Une lame tranchante et étincelante, qui s’enfonça dans le cœur.
Le pauvre animal s’effondra à terre comme plusieurs sacs de farine, dépassant les 100 kilogrammes, tombés d’un immeuble de cinq étages.
Étendu sur le dos, il avait toujours les yeux ouverts. Apparemment il ne semblait pas avoir cassé la pipe.
Peut-être dans la vie était-il un comique ou quelqu’un de réservé car en fixant de ses gros yeux noirs la femme, il lui dit :
– Désolé madame, je ne voulais pas vous déranger, je m’en veux maintenant, je venais juste chercher du rabiot de moules frites. Vous savez depuis tout petit j’adore ce plat.
Sa voix devenait moins forte. Il semblait souffrir. Il regarda l’homme. Toi aussi tu parais sympa.
Ah ah, en plus tu as une chance inouïe dans la vie.
Avec ton air de merlan frit-e, tu baignes constamment dans les moules frites.
L’homme et la femme se regardèrent, hésitèrent, avant d’éclater de rire.
Le singe retrouva des couleurs et, toujours étendu à terre, eut un fou rire.
D’un coup il se releva, et devant les visages décomposés du couple, il leur précisa en retirant un pull spécial :
Hi hi, j’ai toujours avec moi, un gilet pare-balles … on ne sait jamais dans la vie …
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation.
Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient un petit quelque chose de flou … une drôle d’odeur de marée planait sur l’assemblée
Lulu a cherché sa mère du regard, sans la voir…
Il y avait pourtant là son nouveau julot , un bar même pas beau qui se la jouait maquereau mais qui nen avait pas la carrure. Il manquait d’envergure. A côté de lui ,il y avait le cousin Firmin, un vrai requin et sa femme, Camille, insaisissable, une vrai anguille., la vieille Armande, plate comme une limande, et sa grande perche de fille ,une vraie gueule de raie, ses neveux, Vincent et Hugo , qui, parce qu’ils avaient fait des études supérieures se la pétaient, plus bacalao que vulgaire cabillaud , à-côté du petit François , qui, lui, n’avait pas vraiment eu le choix et travaillait en équipe dans l’usine d’anchois,et pis y avait Noche, mais, lui, il avait toujours été moche comme un thon
Tout de même se disait Lulu : comme si, pour la première fois , il les découvrait : « c’est pas possible d’être si laids » et cette odeur de marée qui, comme un brouillard, engluait l’assemblée, coulant en vagues molles sur les visages , glissant, visqueuse, sur les corps, transformant les peaux, les yeux, les lèvres des convives en un magma poissonneux …
A l’autre bout de la table, grand père, un sacré loup de mer à qui on ne pouvait pas la faire. Muet comme une carpe, un brin amer, le vieil homme, que les réverbérations du soleil sur l’eau avait rendu presque aveugle, humait l’air en silence et un mince sourire étirait son visage alors que, les yeux morts, il contemplait la tablée…Rien qu’au nez, il sentait qu’on allait pas tarder à s’marrer.
« Bon dieu mais où elle est passée ? »
Elle s’était tout de même pas barrée ! C’est elle qui, sur un coup de tete, avait organisé cette réunion de famille .Quoique Lulu, ca l’étonnait qu’ à moitié . .Il avait l’habitude de la voir se défiler, noyer le poisson comme on dit . Quand il avait essayé de lui dire que son julot , ben, il était assez porté sur les alevins- requin remora, surtout du bas – qu’il lui avait mis la main à la culotte, elle lui avait retourné une calotte et l’avait engueulé comme du poisson pourri . N’empêche qu’il avait rien inventé ,Lulu, et qu’à la casserole il était passé. Même que ses yeux de merlan frit, c’était depuis…Il se demandait parfois si vivre d’aussi grandes douleurs , cela ne vous rendait pas « clairvoyant » , un grand mot qu il avait lu dans un bouquin, pour dire que peut être qu’il voyait et ressentait des choses que les autres ne captaient pas – une sorte de sonar de la souffrance et du malheur – un truc qui pèse lourd sur le cœur
Un tonnerre de rire, gros temps chez grand père, le bar hilare se marre ! Apparemment il a mis le turbot et son nez , rostre d’espadon radarisé, palpite à humer ce qui est en train de se tramer . D’une voix de stentor, il entonne une marseillaise salace, où se mêlent insultes, injonctions et commandements a tous ceux , maquereaux et autres barbeaux, qui osent s’en prendre aux petits enfants…un truc à faire se retourner Rouget de l’Isle dans son tombe…
Lulu rougit ..Grand père, savait ? Il aurait tout entendu ? Une étrange mélopée montée de sous la table l’arrête dans sa réflexion, une rapide génuflexion et il soulève la lourde nappe ….
Noyée dans le muscadet , sa mère , qu’il a toujours connue museau de tanche, plus très étanche à force de trop de coups et de pitanche, ivre de joie , chantant en chœur avec son géniteur, sa mère , belle, plus sirène que murène , faisant glisser le sucre sable, grains de mica trop blancs entre ses doigts et psalmodiant d’étranges incantations alors qu’au dessus, punis pour leur violence, leur indifférence, leurs sarcasmes et leurs moqueries, cloués par le sort, la famille, les amis deviennent de vulgaires harengs saurs…
Lulu s’est relevé , a attrapé les coins de la grande nappe damassée , un sacré coup de filet et s’en est allé le vider dans le vivier .. Enfin débarassé !
Très joli texte, avec une belle alliance entre expressions, noms et caractéristiques de poissons. Belle structure et une chute qui met un terme à ce panier de crabes:) J’ai beaucoup aimé.
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux. Le tonton, par exemple, c’était son air saumon.
Nul besoin de se rappeler que sa propre sœur possédait l’air ahuri d’une grosse truite ; tout le monde le savait déjà. Pour sa mère, en revanche, c’était plus subtil. Elle avait une épaisse bouche de daurade alors que ses oreilles pointues évoquaient des ailerons de requins.
Non, décidément tous avaient l’air ahuris.
— Ça fait trop longtemps que je supporte cette stupide famille.
Un lourd silence pesa sur la table. Mince, il avait encore parlé à voix haute. Son père le dévisageait d’un air désapprobateur. Ou d’un air de sole, plutôt. Il se voulait sévère, mais n’avait pas plus de crédibilité que ce stupide poisson plat. Pas plus de valeur, non plus. Un jour, ils finiraient tous comme les poissons auxquels ils ressemblaient.
— Désolé, reprit le fautif, ça doit être l’alcool.
Désolé, ça doit être vos stupides yeux globuleux qui ne me reviennent pas, avait-il pensé. Il ne l’avait pas dit. Il s’inclinait, comme à chaque fois. Mais bon. Les poissons finissent toujours au même endroit, se dit-il. Cette pensée le rassurait.
Il se saisit de sa fourchette, puis il mit avec délicatesse le morceau de thon dans sa bouche. Quel goût exquis, tout de même.
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation.
Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux.
Le tonton Amédée, par exemple, c’était son air saumon. Les jumeaux, les fils de la sœur du tonton, bref, pour faire simple, les neveux d’Amédée, l’appelaient à raison et en secret tonton Apéricube (on a la (pisci)culture qu’on peut).
La grand-mère, Amidie (puisque c’est l’heure précise à laquelle elle était née et où son père s’était barré) avait eu quelque trouble à attraper un gros poisson dans ses filets (un poisson tout court !) : ses yeux ronds comme des calamars ayant fait exploser le nombre de prétendants fuyards (allez me dire après que tout ça n’est que pure coïncidence, et qu’il n’y a aucune pibale sous caillou entre le père qui a pris la fuite et les gars filant comme des truites).
La tante Amande, que d’aucuns appelaient Amandine, parce qu’elle était si petite qu’on en rentrait huit dans une boîte de sardines, avait pourtant ferré rien de moins qu’un requin de la finance qui lui avait fait gagner en moins d’un an le triple de sa fortune, et de son tour de taille (passer d’une sardine à une baleine, ne cherchez plus pourquoi l’oncle s’est mis soudainement à apprendre le portugais et en à apprécier leur spécialité… la morue, pour faire délicat).
Mais quand il regarda Amidon, son propre père, (nommé ainsi parce qu’Amidie avait passé sa grossesse à bouffer des patates), il se rendit compte, que malgré ses tentatives de noyer le poisson en restant muet comme une carpe durant ces interminables discussions, son père, son propre père qu’il respectait comme au Nord les pommes de terre, n’avait absolument rien de poissonneux, ni physiquement, ni intellectuellement, ni « aquatiquement » parlant…
Mais alors, alors… ce père qu’il vénère… serait-ce lui dont tous les journaux locaux parlent, ce fameux Amarre, le Maquereau ??!!
(Inutile de vous dire que cette histoire se termina… en queue de poisson).
Trop drôle cette chute qui n’a pas noyé le poisson 🙂
Ah ah ! Merci Mijo ;), exercice très inspirant il faut croire, à lire toutes les propositions ! Belle journée à toi !
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux.
Le tonton, par exemple, c’était son air saumon. Quant à sa femme, dite la Rascasse, c’était sa voix de marchande de poissons à l’accent méridional.
Les os de Cousin Congre se transformaient en arêtes et Cousine Baudroie, toujours si vive, avait le teint orangé plus précisément safran.
Leurs deux petits-fils, surnommés l’un Rouget pour son côté patriotique, l’autre Saint-Pierre depuis son entrée dans les ordres, présentaient un teint verdâtre, couleur huile d olive
Papy Grondin se faisait traiter de vieux croûton et la peau de Mamie Daurade était couverte de rouille et d’écailles.
C’est ce jour-là, dans la salle du restaurant « Au bar de la Marine » sur le Vieux-Port à Marseille qu’est née la bouillabaisse
Coucou Mijo ! Je n’arrive pas à trouver les infos sur le blog, combien de temps on a pour réaliser la consigne, c’est hebdomadaire ? J’ai bien envie de la tenter sinon je ferai la prochaine 🙂 Belle journée à toi.
Bonjour, je vous conseille d’écrire votre texte sur Word ou autre et de le coller ensuite dans les commentaires, car le temps est l’imité par le système
Hello Sabrina , Pascal t’a répondu, et je crois qu’il y a un exercice de proposer toutes les semaines, dès lors que tu es abonnée au blog ENTRE 2 LETTRES, tu reçois la consigne samedi matin, sans obligation d’exécution. Je ne sais pas par contre combien de temps tu peux le faire j’imagine une petite semaine, puisque qu’ensuite la nouvelle situation d’écriture créative apparaît 🙂
Suis ravie que tu viennes ici, j’ai invité nos autres comparses des mots à venir y faire un tour…
Bien à toi
Moi j’ai publier sur mon blog avec le lien pour le Blog de ENTRE 2 Lettres
Merci pour les réponses ! Oui, je suis abonnée maintenant, donc c’est avec plaisir que je m’essaierai à cet exercice de temps à autre ! Merci pour les propositions ! (Mijo, trop chouette de se retrouver là 🙂 ).
« Quand je te parle, tu me regardes toujours avec des yeux de merlan frit ! C’est insupportable ! »
C’est ce que Marine lui avait lancé la veille au soir, avant d’ajouter que pour cette raison là, et bien d’autres encore , elle le quittait, définitivement. Et sa valise à la main, elle franchit sans se retourner la porte de l’appartement, le laissant seul et désemparé. Il avait passé une partie de la nuit à s’observer dans le miroir de la salle de bain et ,finalement, avait dû en convenir : oui, il avait des yeux de merlan frit ! Il réussit à s’endormir à l’aube, mais se réveilla dès qu’il fit jour. Il retourna au miroir : il avait toujours les mêmes yeux poissonneux !
Accablé, il allait se recoucher, quand il se souvint qu’un repas familial avait lieu à midi, à Aigues Douces. Il fut tenté d’inventer un prétexte pour ne pas y aller, mais finalement, il se doucha, s’habilla, descendit récupérer sa voiture sur le parking de l’immeuble et partit pour Aigues Douces.
A son arrivée, on ne s’étonna guère qu’il fut seul. « Marine travaille ce week-end ? » lui demanda sa mère. « Eh, oui »répondit-il brièvement, et on en resta là.
Au début du repas, il les trouva bruyants, exubérants ; ils les observait et bientôt, force lui fut de constater qu’il y avait chez certains des physionomies …poissonneuses ! Son père ressemblait à un gros poisson-chat, sa mère à une carpe méditative, ses cousines frétillaient telles des truites à contre-courant, le tonton avait un air de saumon. Plus le repas se prolongeait, plus une atmosphère aqueuse se répandait autour d’eux. Il ne les entendait plus ; les bouches s’ouvraient et se refermaient, mais aucun son n’en sortait. Des écailles argentées scintillaient, les bras et les jambes avaient disparu. « Elle nous a jeté un sort, pensa-t-il soudain ; épouvanté, il s’élança d’un coup de nageoire vers la surface qui miroitait au-dessus d’eux. Prenant son élan, il réussit à sauter hors de l’eau et retomba sur une banquette herbeuse. Et là, il se tortilla, complètement paniqué. Il suffoquait. Et puis il eut cette pensée : « Mais un merlan ne vit pas dans un rivière ! Alors je vais pouvoir conjurer le sort ! ».
Et après quelques minutes d’intense concentration, il s’éveilla…dans son lit ! Peu à peu, sa respiration se calma, il reprit conscience avec la réalité. Marine l’avait effectivement quitté, quelques jours auparavant et pour étouffer son chagrin, il prenait tous les soirs des petits cachets roses , qu’il avait trouvés dans l’armoire de la salle de bain. Il s’endormait profondément, et faisait des rêves de plus en plus étranges…
Finalement, il se débarrassa de ces cachets ; il dormit moins bien, mais les rêves étranges cessèrent.
Et pendant plusieurs semaines, il évita de se regarder dans un miroir…
Bizarre ces pilules roses 🙂 Belle idée pour amener le sujet 🙂
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux. Le tonton, Adolphe, par exemple, c’était son air saumon.
Enfin « saumon » si on veut !
Un air plutôt rougeaud, rustaud même ; pas plus sympathique que ça ! Toujours un peu engoncé dans un costume comme on en faisait à l’époque. Quelle époque ? Ah mais je n’en sais rien ! Une autre époque, c’est certain.
Et la tante Adèle ? Le nez toujours frémissant de sottises à dire comme les ailes d’une raie manta ; la comparaison s’arrête là. Jamais personne n’oserait imaginer la tante Adèle s’envoler gracieusement. Ni « s’envoler » ni « gracieusement » ! Erreur de casting !
Un que j’aimais bien c’était le petit Alphonse. Justement parce qu’il était petit et délicat et donc la risée de cette tablée grossière et stupide. Il avait la finesse d’un exocet et la transparence de ses ailes était d’un raffinement sans pareil. Que faisait-il donc égaré dans cette salle à manger sans charme et sans lumière ? Combien de temps tiendrait-il encore ?
Et moi ? Ah moi ! Pas grand-chose à dire. Dans ma jeunesse on qualifiait mon regard d’intéressant, de vif même parfois jusqu’au jour où je me suis dirigé vers la coiffure. Et là, tous les quolibets se sont abattus sur moi. Mais ce qu’ils ne savent pas c’est qu’en guise de déjeuner … je leur ai préparé des « merlans en colère » et ça devrait leur en boucher un coin, si je puis dire !
C’est au cours d’un repas de famille que j’eus une révélation !
Aucun membre comme moi n’avait des yeux de merlan frit mais tous avaient quelque chose de poissonneux.
Moi, c’est Henri et ça rime avec merlan frit, je sais! Si je suis le seul à porter de tels attributs, les autres, je peux dire qu’ils ne sont pas en reste… Ah non ! Et je m’en rends compte aujourd’hui que nous sommes réunis pour un repas de famille, dans cette salle à manger transformée en aquarium où toutes les tares et autres gentillesses sont rassemblées.
Voici donc ma parentèle :
Tonton Gaston avec sa mine de saumon n’est pas le pire, mais enfin … Il a pour seul souci de maintenir ses chairs dans un rose orangé pas toujours du meilleurs effet, puisqu’il a la peau claire et ne devrait même pas s’exposer au soleil. J’ai fini par apprendre qu’il doit sa teinte saumonée à des cachets, des granules. Il avalerait aussi certaines farines …
Le couple à côté de lui, c’est la cousine Armelle, une vraie maquerelle et son régulier, Roberto (un maquereau, bien sûr). Un couple idéal, amoral, vénal ! Ils sont mis au rebut de la famille mais de temps en temps, ils sont invités, histoire d’encanailler l’assemblée !
Tout au bout de la table, je vois cette morue de tante Yvette. Ancienne vendeuse aux halles d’Amsterdam, où elle tenait une friterie très célèbre (chantée par Jacques Brel, mais oui!), elle s’est fait traiter de tous les noms et il lui en resté quelque chose…
Assis à côté d’elle, son petit cousin Christian, frétillant comme un goujon – snobé car venant d’une branche d’eau douce de la famille, peu appréciée- fiancé à Fernande plate comme une sole et sotte comme une bécasse… Mais,c’est une autre histoire.
Au centre, l’élite, la crème, le premier de cordée comme dirait un certain président, ancien hauturier, l’aïeul Gaston, bon comme du thon germon.
Je passe rapidement sur mes sœurs Camille et Jonquille, vraies anguilles, sur lesquelles on ne peut pas compter, toujours cachées quelque part.
Bon, j’arrête là ! Cette tablée me déprime et j’en fais partie…
La famille poisson
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux. Le tonton, par exemple, c’était son air saumon.
La tante Agathe était plate comme une limande.
Avec la cousine et sa tête de sardine tout baignait toujours dans l’huile.
Le cousin ?Un vrai requin toujours dans les mauvais coups!
Quand aux grands parents ils sentaient le hareng.
-le père bougeait toujours la bouche sans qu’il sorte jamais quelque chose d’intelligible
– la mère avait une voix de poissonnière
-la sœur passait son temps à la piscine.
Bref il était comme un poisson dans l’eau dans cet famille…
Cette famille…
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais chacun avait cette hargne de mettre en avant ses réussites sociales. Etaient présents, celui qui avait réussi l’ENA, beau parleur, l’ingénieur qui venait d’obtenir un superbe poste très rémunérateur à la Shell, le grand avocat coqueluche des prétoires et bien d’autres, frères, sœurs, beaux-frères et belles-sœurs. Tout un gratin qui étalait réussites et aisance financière, une compétition en quelque sorte au plus gros porte-monnaie. L’argent était comme à chacune de ces rencontres le faire-valoir.
Son épouse n’était pas en reste, écrivaine connue, elle brandissait les chiffres faramineux de vente de chacun de ses livres, sous les exclamations des autres convives. On l’interpellait par des remarques du style : avec tel éditeur tu touches combien par ouvrage ? L’assistance frémissait à l’idée du tas de billets, des Picsou aux yeux brillants.
Seul à cette table, il restait muet avec ses yeux de merlan frit. Personne à part son épouse ne l’avait même regardé. Elle lui lançait des regards qu’il ne savait que trop bien interpréter. Il y voyait de l’irritation, du reproche, de la honte voire de la pitié à son égard, lui qui refusait de se lancer dans cette compétition futile de l’exhibition de la réussite. L’argent n’avait jamais été une finalité pour lui, non qu’il ait échoué dans ses études. Au contraire, il était sans doute le plus brillant, intellectuellement, de cette bande quelque peu hystérique. Mais sa voie n’était pas là. Il aimait beaucoup son épouse pour son esprit vif et créatif, et pour ne rien gâcher c’était une femme splendide que tous les hommes dévoraient des yeux, presque sans pudeur. Ce qui ne la laissait pas indifférente.
Lui, à qui rien n’échappait, ne pouvait faire autrement qu’afficher son désintérêt à ces discussions par trop matérialistes à son goût. Comment son épouse pouvait y succomber, elle si perspicace. La plus grande énigme resterait toujours l’être humain, ne pouvait-il s’empêcher de sourire intérieurement.
Son univers était la haute montagne, le froid, la tempête, l’altitude, la difficulté rocheuse et glacière. L’année précédente il avait été distingué par un titre honorifique, qui ne lui avait pas rapporté un copek, mais une consécration non sollicitée, dont il ne se vantait pas : Un piolet d’or, récompense ultime pour un alpiniste. Que pourrait y comprendre cet auditoire focalisé sur le dieu dollar ou euro. A quoi lui servirait-il de leur parler de l’ascension en solitaire hivernale du K2, avec ses 8611 mètres, deuxième sommet du monde ou, de la première escalade, toujours en solitaire sans corde, de Salathé Wall au Yosemite. Non, il allait quitter ce milieu qu’il connaissait bien et depuis trop longtemps. Ce soir, l’attitude de sa femme l’y poussait ce soir. Il avait quand même été major de sa promotion à polytechnique, ce pourquoi sans doute son épouse l’avait choisi. Elle le montrait comme une bête de cirque. Eh bien terminé ! ce jour serait le dernier, il abandonnerait définitivement ce monde de l’apparence pour ne vivre plus que dans son engagement extrême en montagne.
QUAND LES SQUALES VOLENT EN ESCADRONS
La famille épuisette était peau de chagrin. Le petit, un genre pas Cousteau à bonnet rouge découvrait le monde avec des yeux de merlan frit.
Les vieux tontons donnaient le change en arborant du rose saumon afin de faire oublier que, Voraces barracudas, ils voulaient tout bouffer. Leur petit livre rouge, le guide Mi-chair leur servait de programme. Rencontrer des bancs de colins au Zénith, racler les bas-fonds à l’aide de chalut dérivant, rien n’aurait pu les arrêter pas même les adeptes d’une autre mer, celle-là propre et nourricière.
Ah, quelle était loin la célèbre journée des harengs commémorée par quelques officiers à sardines.
🐻 Claud’Ours
C’est au cours d’un repas de famille que j’eus une révélation. Aucun membre n’avait comme moi des yeux de merlan frit mais tous avait quelque chose de poissonneux. Le tonton par exemple c’était son air saumon périmé, la tata ressemblait à une vieille morue, ma petite sœur, je l’aimais bien, mais c’était un thon. Et ma cousine avait l’air d’une baleine échouée à Calais. Et tous étaient à l’avenant.
En plus nous étions N° 5 de Poiscaille plutôt que de Chanel. Nous étions bons pour figurer chez Astérix et Obélix :
« L’est pas frais mon poisson, pas frais mon poisson ! Tiens prends sur ta tronche » . Un peu rude et surtout trop tard.
Enfin bref vous avez compris, de génération en génération, ma famille avait bien morflé. Je me prenais une grande baffe sur la tête en le constatant. Le poisson à deux têtes ou à trois queues ne devrait plus tarder. C’était impensable. J’avais beau retourner le problème sur toutes les coutures, chercher par tous les bouts de la lorgnette, je ne voyais qu’une solution : la conserverie !!
Mais pas n’importe quelle conserverie. Une conserverie artisanale avec de vraies petites mains ouvrières, en gants et bottes de véritable plastique bleu et charlottes assorties pour nous étêter et nous évider.
Je choisirai un beau coin près de l’océan et de ses immenses plages de sable fin.
Je choisirai un beau nom à rallonge : Saint Gilles Croix de Vie par exemple, station balnéaire sur la côte de lumière.
Je choisirai un nom d’entreprise d’excellence, un nom à faire rêver,. Par exemple Le Trésor des Dieux. Quelle belle fin, terminer en Trésor des Dieux, ça claque, non !
Comment mettre ce programme en place : pas simple.
Et là, j’ai une idée lumineuse, je vais en parler à mon fils. En excellent commercial qu’il est, il sera capable de négocier ça et nous permettre de finir en beauté.
L’est pas belle la vie !
…Il se tenait dans l’Ombre, muet comme une Carpe. Alors que tantine Berthe était plate comme une Limande. Elle était Maigre et Mole mais avait une Grande-gueule. Le cousin Hector, le Barbue, préférait prendre le chemin des Escoliers plutôt que de travailler. C’était un vrai pilier de Bar, jouant au Billard toute la journée, à l’aise comme un poisson dans l’eau dans l’inactivité. Parfois pressé, il montait dans son Tacaud, faisait quelques queues de poisson, mettant le Turbot pour aller au bureau de tabac afin de jouer un dernier Loto. N’Espadon que de savoir rien faire ? Cousin Bernard était son opposé. C’était le Requin de la famille, un Loup de la finance, le Napoléon des rachats d’entreprises. Parfois un Aiglefin, Amie des politiques et des affairistes, parfois lamproie du doute lorsqu’il y avait Anguille sous roche, mais saisissant la moindre Perche pour noyer le poisson et pour qu’enfin le gain final ne fasse pas un Plie. Cousine Odette avait mauvaise réputation. Elle vivait d’Amour mais pas d’eau fraîche. Elle avait longtemps plus aux hommes avec ses yeux de Chat. Mais aujourd’hui elle était plus Vieille, toujours Vive mais elle était devenue grosse comme un Chapon. En tout Lieu, son père lui parlait comme du poisson pourri. Il la traitait de Morue, de Tanche et même de Thon. Il n’avait aucune pitié pour elle. Il était loin d’être un Saint-Pierre, comme son fils cadet, qui était Capelan dans la ville de Brème. Frais comme un Gardon dès Potron minet, il s’allongeait sur le Sole Marbré se son église pour implorer Dieu de protéger les membres de sa famille. Et puis il y avait son demi-frère, le militaire de la famille, un Grenadier de la République, un sous-officier qui Grondin coup mais qui est adoré de ses hommes. Toujours droit comme un Rondin, la Raie sur le côté, solide comme un Mulet, il était toujours viril même lorsqu’il taillait une Julienne de légume, un tablier à carreaux autour de la taille. Durant les repas de famille, il ne faisait pas le Marlin. Il avait peur que sa Rascasse l’ambiance car il était né en Afrique d’une belle Congolaise aussi noire que l’ébène. Mais il se trompait. Tous le monde l’aimait bien et le considérait comme un vrai membre, une branche solide de l’arbre généalogique qui se construisait.
De très jolis jeux de mots . Mon préféré « Lamproie du doute ». bravo
Merci mijory.
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux. Le tonton, par exemple, c’était son air saumon. Sa nouvelle nana, un vrai thon ! Moche comme écaillée. Vidée.
Mon frère était un maquereau notoire mais on n’en parlait jamais à table. Il avait une fille fluette qu’on appelait Crevette. Je l’aimais bien, on nageait ensemble dans la rivière au milieu des truites. Sa maman avait disparu un soir dans l’océan, transformée en sirène, racontait-on.
La famille était plutôt fuyante, normal on s’appelait Anguille. La famille Anguille était réputée dans le quartier. Moi, avec mes yeux qui en disaient long, dont tout le monde se méfiait, je filais doux. Mon grand-père, un vrai requin dans les affaires troubles m’avait appris à nager dans le courant.
Je rêvais de la haute mer loin de la friture nauséabonde, je rêvais de côtoyer les dauphins, les baleines. Mes yeux de merlan frits -on me le répétait depuis mon enfance et j’en souffrais- ne les choqueraient pas.
Tel Jonathan le goéland dans les airs, je m’entrainais à la natation pour partir loin. Je frétillais d’impatience.
Mais un jour, au bord de la piscine un homme m’aborda. Il me complimenta. Il me proposa de m’intégrer dans l’équipe de France. Je doutais. Mon projet était ailleurs… Mais comme un poulpe, il m’attrapa dans ses filets, je ne résistai pas au courant.
Et la marée montante, puissante m’entraina jusqu’à la 1ère marche du podium !
Des milliers de personnes m’applaudirent et contemplèrent mes jolis yeux de merlan rieurs !
L’ABLETTE
Avec sa dégaine et ses moustaches de poisson chat, je ne sais comment il a fait dans ce panier de crabes, pour nous ramener cette ablette. Maigre comme une arête et plate comme une limande. De temps en temps elle entrouvre ses lèvres en cachant ses dents ça lui fait un sourire de bivalve, une jolie praire à bords rouge. Vive, elle n’a rien d’un mollusque.
Lui est fier de son hameçonnage et quand il la regarde de ses yeux de merlans frits on se rend bien compte que dans peu de temps il y aura des enfants frais comme des gardons.
🐀 Souris verte
« Les poissons ont une personnalité complexe et réagissent, chacun avec leur propre caractère, face au danger ; certains se montrant plus courageux que d’autres.
Les chercheurs ont étudié une population de poissons et ont remarqué que chaque individu répondait de façon répétée, à sa manière, au stress, même placé dans plusieurs situations différentes.
Plongés dans un environnement non familier, ils montrent des stratégies différentes pour affronter cette situation stressante — bon nombre essaient de se cacher, d’autres tentent de s’échapper, d’autres enfin explorent prudemment les lieux etc. a relevé Tom Houslay, de l’université d’Exeter.
L’expérience a été menée à plusieurs reprises et à chaque fois, les poissons s’en tenaient à leur même ligne de conduite.
Lors de la prochaine phase de la recherche, les enquêteurs tenteront de déterminer la part génétique et la part liée à l’environnement dictant ces différents comportements, pour mieux comprendre le processus d’évolution et voir si ces différentes stratégies persistent lorsque l’espèce évolue ».
Après la lecture de cette étude, Benoit rejoint la maison familiale de sa grand-mère à l’occasion du traditionnel repas de Mardi Gras, avant le Mercredi des Cendres, début du Carême. Cette période pré-pascale pendant laquelle l’alimentation carnée est bannie et remplacée, au mieux, par du poisson.
Cette année, au cours du repas de famille, Benoit a une révélation. Aucun membre de cette assemblée n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de « poissonneux ». Pour le tonton Ulysse, par exemple, c’était son air « saumon » avec ce teint rose et sa carrure d’athlète, prête à sauter les obstacles de la vie.
Les cousines Morgane et Marine, silencieuses en bout de table, restaient, au fil des ans, plates comme des limandes. Exactement comme si elles avaient souhaité rester caché et ignoré des autres. Préférant observer et déjeuner en silence.
L’hôte, la grand-mère Ariel n’a jamais, même jeune, été jolie mais quel caractère ! Elle affiche depuis des décennies quelques poils au menton, qu’elle doit entretenir avec soin, et qui lui donne sous une bouche aux lèvres étroites et pincées des airs de poisson barbe.
Les jeunes hommes, eux, aiment les tenues recherchées et colorées mais avec une discrétion soignée. Ils évoquent à Benoit le dos du maquereau aux zébrures bleu gris et à la ligne svelte et déliée.
Tante Pélagie et Tonton Marius parlent, parlent, même quand l’auditoire ne les écoute plus. Leurs thèmes de prédilection sont le sexe et la nourriture. Benoit se rappelle l’étude d’Aaron Rice, sur les poissons qui développent une communication sonore. Ces poissons essaient d’attirer un partenaire, de défendre une source de nourriture ou un territoire, de faire savoir aux autres où ils se trouvent. Et bien, c’est tout à fait Pélagie et Marius, « indébranchables » moulins à parole.
Enfin, Benoit ne peut occulter sa compagne Océane. Un prénom superbe pour un physique qui n’attire pas vraiment. La pauvre Océane ressemble à ce poisson mou des profondeurs abyssales dénommé blobfish. Elle en a la mollesse, la laideur et Benoit ne comprend toujours pas ce qui l’a attiré et l’attire toujours chez cet être si peu conventionnel. A moins que ce soit cela, ce côté inédit, que personne d’autre ne viendra égaler. Benoit se demande également aujourd’hui, si Océane trouve toujours quelque attrait à son regard de merlan frit, cette extase ridicule dans les yeux qui évoque une certaine niaiserie… génétique, familiale ou acquise… Allez savoir !
Particulièrement bien soigné dans la construction, la démonstration qui découle de l’intro est géniale:)
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux. Le tonton, par exemple, c’était son air saumon, la tata, plate comme une limande en avait même le regard si tenté qu’une limande ait une expression bien spécifique ! Si l’on considère que cela s’apparente à un animal pris dans les phares, on n’en était pas loin !
La mamie, elle, était franche comme une vache qui recule ! Son comportement et surtout tout ce pour quoi elle déployait une énergie à cacher amènait sans hésitation à penser qu’il ya avait anguille sous roche quand elle vous posait des questions ou vous demandait quelque chose. A elle au moins, impossible de donner le bon dieu sans confession…
Le papy, lui, passait son temps à engueuler tout le monde comme du poisson pourri ce qui avait le mérite d’installer d’emblée à n’importe quelle réunion de famille une ambiance des plus délétères ! D’ailleurs, on ne comptait plus les désaffections de dernières minutes lors de ces manifestations !
Ma mère muette comme une carpe me regardait du bout de la table mi-amusée mi dépitée devant cette assemblée de bras cassés et faisait semblant d’écouter son beau-frère, requin de la finance qui ne vivait que pour mettre en avant sa situation professionnelle et louer ses multiples talents.
Cette fois si, les insultes de Papy n’attendirent pas le dessert, et il gratifia sa propre fille de morue et sa petite-fille de thon lorsqu’elles l’invitèrent pourtant en marchant sur des œufs, à lever le pied sur sa consommation de vin blanc…
En ce premier avril anormalement chaud dans ce restaurant bon marché ou l’on se serrait comme des sardines dans une arrière salle qui donnait sur la rivière poissonneuse, il restait muet comme une carpe en observant cette famille finalement si atypique et peut-être tout autant ordinaire. Lui ne souhaitait pas se laisser contaminer par ces dysfonctionnements, il se sentait frais comme un gardon et décida de ne plus être la pauvre victime d’une famille au bord de la noyade.
Après un « mais ARRETE papy » tonitruant, il se leva de table, sortit du restaurant sous le regard médusé de tous les convives soudain silencieux et piqua une tête dans la rivière.
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux.
Le tonton, par exemple, avait un air de saumon avec sa face rose comme celle de la peau des fesses d’un bébé.
La tata se faufilait telle une anguille avec son art de détourner les conversations et de tout ramener à elle. Pour le coup, le beau-frère avec ses dents de requin qui lui avait tenu la jambe durant l’apéro à lui vanter ses investissements, ne pouvait plus en placer une.
La grand-mère, qui avait des poils au menton comme un poisson-chat, engloutissait son assiette telle une morte de faim. La crème, trop liquide, de la roussette cuite à l’étouffée, dégoulinait de sa barbe et l’assemblée se faisait des clins d’œil.
La nièce que ce repas barbait, restait fermée comme une huître après que son père, le tonton, qui avait viré au rouge écrivisse, lui avait donné l’ordre d’enlever ses écouteurs.
Sa petite-fille, la prunelle de ses yeux et belle comme une anémone de mer, donnait de la brandade de morue au chat qui s’en léchait les babines sous la table.
Le grand-père gobait les mouches telle une truite frétillante et rêvait d’être à la pêche, bien au calme sous un saule pleureur.
Sa femme, qui passait les plats et qui faisait la tronche comme un congre, était, à son grand désespoir, plate comme une limande.
Et pendant ce temps, sur la commode, les poissons rouges tournaient en rond dans leur bocal.
J’ai adoré le passage sur la tata, et la femme.
Merci beaucoup. Un exercice joyeux qui nous a toutes et tous bien inspirés. Nous attendons le prochain pour encore nous amuser !
Petit Jean ferra ainsi chaque trait de ces poisons qu’il avait mis au ban de sa vie, il y a vingt ans déjà. Il les remonta, un à un, jusqu’au bout de sa lignée, de la merluche à son menu fretin, aux yeux de carpe pâmée, transformés, pour l’occasion, en gros yeux d’esturgeon faussement brouillés par l’enterrement de ce vieux loup de mer qu’avait été mon grand-père.
Tous ces chiens de rivière n’attendaient qu’une seule chose, frétillant autour de la table en hommages de circonstances, remontant le passé comme on remonte la rivière où le vieux avait amassé les diamants, croisant tantôt le fer de mon regard, en interrogations silencieuses, « qu’est-ce qu’il est revenu frayer dans le coin ? ».
J’attendais, sans rien dire, qu’ils mordent, un à un. Quand vint la friture du testament.
vite la suite 🙂
C’est au cours d’un repas de famille où ils étaient tous serrés comme des sardines autour de la table, qu’il eut une révélation. Aucun d’eux n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avait un air poissonneux.
Il se dit qu’il devait y avoir anguille sous roche. Le tonton, c’était son air saumon, toujours heureux comme un poisson dans l’eau, accompagné de son épouse, muette comme une carpe, plate comme une limande, et avec ça, une mémoire de poisson rouge, si bien que l’on se demandait ce qu’il pouvait bien lui trouver.
Le grand père, une tête de requin marteau, ancien poisson pilote, encore frais comme un gardon pour ses soixante que l’on fêtaient aujourd’hui, observait la tribu sans illusion sur leur présence.
ils espéraient son héritage, un vrai panier de crabes au sourire hypocrite.
Tiens, pas plus loin qu’en face, une de ses petites filles, Océane, énorme comme une baleine à côté de son merlan de mari qui coiffait toutes les sirènes du coin en leur faisant des queues de poisson ornées de pierres précieuses et de coquillages rares.
L’autre là bas, un grand dadais d’éperlan, mi chair mi poisson, qui s’affichait avec sa dernière conquête, un poisson d’avril menteur comme un arracheur de dents.
S’il avait dû les passer tous en revue, il n’aurait pas fini au dessert.
Les convives s’apostrophaient, le ton montait. Tata Morue cria:
– c’est assez, on ne s’entend plus, un peu de respect pour notre aïeul, on se croirait à la halle aux poissons. Nous sommes là pour le fêter. Respectons son âge
– et son héritage, glissât un maquereau par alliance
Des rires fusèrent , le vieux fit semblant de n’avoir rien remarqué.
On amena le gâteau, il souffla ses bougies au milieu des hourras.
Le convive aux yeux de merlan frit en prit une part en se félicitant de sa clairvoyance, il n’avait vraiment pas envie de frayer avec ce banc la.
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poissonneux. Le tonton, par exemple, c’était son air saumon. Son beau frère avec ses chaussures bicolores, son gilet pailleté et ses bagues argentées avait tout l’air d’un maquereau. Aurélie, sa sœur, sous ses dehors de Sainte Nitouche, pouvait vous envelopper de ses filaments venimeux telle la sournoise méduse. Leur rejeton, Benjamin, dans la fleur de l’innocence, était un têtard ravi. Muette comme une carpe, sa mère alimentait son aquarium. Jamais rassasiée, sa tante vorace au tour de taille volumineux, satisfaisait son appétit de baleine. En bout de table, son père aussi avait les crocs, ceux d’un barracuda ?
Finalement, il s’était dit que ce repas de famille était une sacrée bouillabaisse !
Huum c’est de saison non la bouillabaisse?
Aaah Pascal trop drôle ca commence bien je me rejouis déjà de cette nouvelle proposition !
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poisonneux, des écailles aux branchies. En ce dimanche tous avaient très envie de frayer pour la fête du corail en fleur. Lui, fringant Napoléon, présidait la table-récif, à l’affût de la moindre queue de poisson, se méfiant tout de même de l’anguille sous roche.
Le tonton, par exemple, c’était son air saumon, pas frais comme un gardon. Par contre la cousine saumonée voulait faire la nique à la dorade et ses copines de véritables thons. Pour cela elle n’avait pas lésiné sur le bling bling. Colliers d’algues brunes, pendants d’oreilles en porcelaine, bracelets de coquillage et de nacr─e. Elle portait une jupette de coquilles d’ormeaux sur lesquelles le soleil se reflétait. Une vraie boule à facette. Pour sûre qu’elle ne passait pas inaperçue. C’était sans compter, la nouvelle amie de Polochon, une crevette au corps loin d’être plat comme celui de la limande, drapé dans une robe fuseau mettant en valeur son décolleté généreux, dans lequel le vieux Triton assis en face, aurait bien aimé y plonger. Tandis que les vieilles bernicles et les « pâles-lourdes » s’indignaient de son comportement de morue, la belle riait à gorge déployée des blagues des sardines qui narraient par le menu comment elles s’étaient débarrassées de leurs maquereaux. C’est à ce moment que Nemo posa la question qui stoppa net toutes les conversations.
─ Dis parrain Napoléon, pourquoi dit-on chausser ses lunettes, on ne les met pas sur les nageoires caudales ?
─ Parce que le verbe « chausser » veut dire ici mettre les lunettes sur son nez.
─ Mais pourquoi on dit une paire de lunettes comme une paire de chaussures ? Il n’y a qu’un seul nez.
─ Nous avons deux yeux donc nous avons besoin d’une paire de lunettes.
─ Alors on devrait dire chausser une paire d’yeux. Nos yeux ne sont pas des petites lunes.
Embarrassé Napoléon supplia Doris du regard, mais celle-ci resta muette comme une carpe.
─ Fini donc ta salicorne Nemo, tu vas me faire perdre la tête et blanchir les écailles.
─ Bin non ta tête est toujours accrochée à tes épaules, et tes écailles sont toujours arc en ciel. Vous avez de drôles de façons de parler les adultes.
Napoléon comprit à cet instant que peu importait la taille, et l’âge. L’intelligence pouvait se loger dans le plus petit d’entre eux. Nemo serait son successeur comme chef de famille.
Bravo
Merci 🙂
Un bel univers imagé. L’idée de chausser ses lunettes est intéressantes. Il est vrai que la lunette des WC fait peur, surtout aux enfants…
Ah je n’y avais pas pensé à celles-ci:) Je me les garde sous le coude.
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Aucun membre n’avait comme lui des yeux de merlan frit, mais tous avaient quelque chose de poisonneux, hormis l’odeur.
Le tonton, par exemple, c’était son air saumon, pas frais comme un gardon. A l’inverse de la tata, adepte du « carpe diem ». Quant à leur fille Ondine, c’était une authentique sirène à la recherche désespérée de son triton. Une beauté à obturer les branchies. D’ailleurs les ides, aux idées courtes, à l’étroit dans leur rond bocal qui sentait la vase, frétillaient. Le dernier-né, était l’exemple parfait du têtard. Ses parents s’interrogeaient sur son devenir : grenouille ou crapaud ? Il valait mieux éviter d’amener la discussion à ce sujet. Mais c’était utopique ! Il y avait toujours un fouineur pour électriser l’assemblée. Une demi-heure plus tard, on se croyait à la criée. Odeurs comprises !
C’est alors que la maîtresse de maison, aux yeux globuleux, au corps de crevette, de sa voix venue du fond des abysses, attaquait la truite. Celle de Schubert, bien entendu. Le repas était sauvé !
Le plus extraordinaire, dans cette famille ordinaire, est le respect qu’elle avait pour les anciens. Aucun ne mangeait du poisson.
Excellent!!! Quelle belle découverte au réveil.
C’est au cours d’un repas de famille qu’il eut une révélation. Il était le seul à avoir des yeux de merlan frit pour la cousine.
Faut dire que la petite était agréablement charpentée, on ne lui devinait pas une arête. Le père était hors course. Depuis qu’il s’était casé avec son araignée, il voyait en chaque femme un thon et ne suivait plus rien des migrations saisonnières.
Par contre, le grand père, cette grosse baleine aurait bien fait sauter la cousine sur ses genoux. Il en aurait bien fait son krill. D’ailleurs, il l’appelait Fanon, allez savoir pourquoi.
L’oncle lui, se pourléchait les barbillons mais on ne déterminait jamais laquelle des cuisines il espérait de la petite.
Le curé, toujours invité du dimanche pataugeait dans sa friture morale en se grattant l’entre jambes.
Yavait bien un cousin éloigné, un qui débarque régulièrement du port à maquereaux, un qui engrosse les dentelles et repart se les congeler près des pôles.
A côté, lassés de la longueur du repas, les alevins s’étaient échappé et pêchaient des canards sauvages en plastique dans une bassine d’eau salée.
Du minable à l’interminable, le repas traînait son filet et râclait le bas fond des conversations. Ils étaient serrés comme des sardines, baignaient dans une huile de piètre qualité.
Les plus audacieux rêvaient de croquer une olive et de suçoter le noyau de leur désir.
Mais pour moi, comme pour les autres, la mer était plate.
Très savoureux, Jean-Marc !
Merci