567e exercice d’écriture très créative créé par Pascal Perrat
Racontez un souvenir de portemanteau
Qui souhaite participer à cet exercice doit se souvenir de l‘enfant qu’il fut. Laisser-le jouer avec.
Oubliez tout souci de perfection et laissez votre imagination foncer tête baissée dans le brouillard de vos pensées.
Acceptez de ne pas tout contrôler, de vous tromper de mot, d’orthographe, etc.
Faites confiance à l’inspiration du moment, l’idée que vous cherchez va trouver sa forme en même temps qu’elle jaillira.
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Mes chers enfants.
À l’appel de Monsieur le Président de la République, je cesse d’assumer à partir d’aujourd’hui mes fonctions.
Sûr de votre affection et de celle de ces admirables générations qui vous ont précédés, qui ont travaillé avec sérieux et acharnement, avec ce sens rare de l’engagement, et qui ont su en retenir les leçons et remplir leurs devoirs
En ces heures douloureuses, je pense à leurs tabliers de coton gris élimé aux coudes, leurs manteaux de méchante étoffe brune, leurs gilets de laine médiocre, leurs casquettes cabossées, leurs chandails détricotés et re-tricotés dans un souci d’économie par des mères nécessiteuses, souvent oubliés durant des jours, souvent des semaines et qui parfois, au mois de juin, se trouvaient abandonnés
Je les ai portés et même supportés, les contenants tout autant que les contenus, durant près de 60 ans. Les premiers dégoulinant d’eau, de terre ou de boue, les seconds s’accrochant à mes patère, montant sur moi, provoquant mes gémissements douloureux et mes plaintes découragées.
Et ce soir, arrivé au terme de ma vie professionnelle, je fouille dans mes souvenirs, comme dans une vielle malle entreposée depuis des décennies dans le grenier d’une maison de famille, pour me rappeler d’un en particulier
Effectivement, il y en avait un, un sacré garnement. Insolent, irrespectueux, sadique, tricheur, paresseux, voleur. Un véritable vaurien, une fripouille en puissance, de la graine de bandit. Un futur gibier de potence.
Un souvenir me revient. Un jour, il dessina une moustache hitlérienne sur la photographie officielle du président de notre Ve république. Aucun respect pour ses institutions et ses symboles
J’ai appris qu’il avait fait son chemin depuis. Surprenant, il est devenu Ministre de l’Éducation nationale
Je fais donc à la France le don de ma personne pour enrichir un musée régional d’Arts et de traditions Populaires
C’est le cœur serré que je vous dis « Adieu » mes chers enfants.
Un banc d’une l’école primaire fermée définitivement dans un souci d’économie budgétaire et dont, par souci de discrétion, je préfère taire le nom,
Un souvenir de porte- manteau
A vingt ans, sur un coup de gueule de son père, il avait pris son sac a dos et tchao !
S’ils s’imaginaient qu’il était fait pour vivre une vie de petit bourgeois étriqué , pleine de confort et de préjugés, ils se trompaient. L’aventure, ça ne lui faisait pas peur. Ils pensaient peut être qu’il n’allait pas s’en sortir tout seul . Eh bien, il allait leur prouver le contraire.
La vie à la dure, la précarité, il connaissait, il avait vu « into the wild » à la télé . Il était paré ! Ça, c’était sa version à lui
La realité était nettement plus triviale. Son père l’avait mis dehors parce qu’il n’en pouvait plus de le voir traîner sa flemme et son chichon du lit au canapé sans jamais envisager de bosser ou simplement de participer un peu à la vie de la famille .
C’est comme ça qu’il s’était retrouvé à faire la route.
L’été, c’est cool de dormir à la belle étoile, se laver dans les ruisseaux, un p’tit boulot par ci, par là, pour se faire un peu de tune, des rencontres inattendues, des potes d’un soir au bar, les culs par dessus tête avec les filles dans la paille, vite prises, encore plus vite oubliées . C’est ça, la liberté !
L’automne est arrivé, la monotonie, la pluie, l’ennui, des champs a perte de vue avec, sur fond de grisaille, des corbeaux piaillant derrière les tracteurs. Des bouseux, rien que des bouseux et en plus, même pas généreux. Le boulot , il n’y a en avait plus trop ; Faim, fatigue cafard. Trouver une grange, se caler dans un coin pour se poser, dormir un peu en évitant de réveiller les chiens ..et détaler au milieu de la nuit quand le proprio pointe sur toi son fusil. Froid, peur . La liberté ça a un prix
Fin octobre, l’hiver s’installe doucement, gelant l’eau des torrents. Saturé de plaines céréalieres et de cultures à perte de vue, il opte pour une petite bourgade. Trois fois rien : un poste à essence qui fait bar et drugstore, deux ou trois baraques poussiéreuses, un air d’abandon. Quand il pousse la porte du bar , dans les derniers reflets du soir, le gars qu’il voit, en face de lui, dans la glace, l’inquiete un peu amaigri, hirsute, loqueteux .
C’est ça la liberté ?
Il sait que, souvent, dans ce genre d’endroit, il y a , à l’arrière, un coin sanitaire pour les routiers. Il l’a souvent expérimenté. Sa crasse tout a coup ne lui tient plus chaud , elle le gratte, elle lui pèse. Une bonne douche et il n’y paraîtra plus . Quand il pénètre a l’intérieur c’est l’odeur d’urine et de moisi qui l’assaille en premier, puis l’espèce de mousse verdâtre sous ses pieds , la sensation que ça grouille sous ses orteils.. Une ampoule blafarde éclaire chichement le réduit …Quelques box aux rideaux crasseux tirés. Il commence à se déshabiller, accroche ses vêtements au ratelier qui sert de porte manteau et tire lui aussi son morceau de rideau avant d’ouvrir le robinet d’eau. Dehors le tonnerre se met à rouler sur la plaine et la pluie, zébrée d’éclairs, ruisselle sur la nuit . Foutu pays !
L’eau est tiédasse et colle à la peau . Un autre coup de tonnerre plus proche celui là, et, d’un coup, la lumière vacille et s’éteint . Putain ! Il manquerait plus qu’il se fasse électrocuter.
Sortir en hâte de la douche, en tachant de ne pas glisser, recupérer ses vêtements , se rhabiller a tâtons, enfiler ses chaussures, prendre son sac et se precipiter vers le bar, dans le noir…
Trop tard, le bar a fermé . Jurer ? pester , balancer de grands coups de pieds rageurs dans la porte avant de reprendre la route sous la pluie . Marcher sur l’asphalte et guetter les rares camions qui pourraient encore rouler à une heure aussi tardive. Bien rester sur la route, mais pas au milieu …c’est dangereux avec ce rideau de pluie, c’est un coup à se faire écraser
Il fait quelques pas, luttant contre la bise qui s’engouffre dans son pardessus… pardessus ?Mais, il avait un blouson , pas un pardessus et sûrement pas cet espèce de grand truc informe. Il a du se tromper en prenant ses affaires dans le noir . Bon ? il va falloir y retourner … Impossible, ses pieds refusent de lui obéir. Ils continuent d’avancer , délaissant le bord de route , ils décident de couper a travers prés. Effaré, il baisse le regard vers ses chaussures et découvre avec stupeur que là encore, il y a erreur . Où sont passées ses timberland certes un peu usées mais tout de même rien à voir avec ces infects godillots au cuir cisaillé et à moitié percé…Il s’arc-boute, résiste mais les vieux brodequins l’entrainent toujours plus loin. Ils traversent les champs boueux comme s’ils suivaient un itinéraire connu, déjà tracé, … et, quand la foudre tombe sur le seul arbre du coin , tétanisés, ils s’arrêtent .
Une curieuse sensation monte de ses jambes comme si elles s’enfonçaient dans la terre , y prenaient racine . Pour ne pas perdre l’équilibre , il étend les bras de part et d’autre de son corps, et ses oripeaux usés flottent autour de lui . Impossible de bouger . Il est planté là au milieu des labours comme, comme….
La tempête, à s’acharner sur le vieil arbre , s’est enfin calmée et s’en est allée rouler ailleurs sa colère .La lune sort de derrière les nuages et éclaire doucement un épouvantail au milieu d’un champ, bras écartés, manteau ondoyant au vent. Il est d’un réalisme étonnant mais n’impressionne pas les oiseaux qui viennent s’y percher goulûment
Au petit jour, crucifié dans la boue d’une terre fraîchement retournée , il regarde la route au loin . Des camions bâchés , quelques rares voitures et des fourgonnettes rouillées chargées de volumineux cucurbitacés. Halloween bien sûr il avait oublié !
« Laissez moi partir, le jeu est terminé, s’il vous plaît … »
Allez , j’ai encore du chemin à faire , soyez sympas , lâchez moi …
Toute la journée il a prié, pleuré, tempêter, supplié sans succès. Le soir venu , il a vu un groupe de gamins courir vers lui , en riant , a travers champs,Un instant, il a espéré .tout en se disant que vraiment , dans ce patelin, ils étaient complètement déjantés,. Faire des trucs pareils, qui, mais qui pourrait y penser ?
Ils étaient tout près maintenant et le regardaient heureux en souriant .
«Génial l’epouvantail , trop bien imité, ! »
Puis sans hâte, tout à leur plaisir , ils ont déposé leur fardeau à ses pieds un peu comme une offrande à quelque dieu payen : des fagots qu’ils empilaient avec calme et determination autour de ses jambes coincées en terre . C’est le plus jeune, un petit rouquin criblé de taches de rousseurs, qui a sorti de sa poche la boite d’allumettes et , tropcontent de jouer avec le feu, en a craqué une et l’a jetée au milieu des branches .
Pendant que le feu , attisé par le vent, crépitait , les enfants, en ronde folle, se sont mis à danser autour du foyer en chantant : « Happy Halloween ! »
Racontez un souvenir de portemanteau
Ah quelle chance il a ce général. Presque tous les soirs il amène une nouvelle nana au château.
Trônant juste après la porte d’entrée je le vois rentrer avec ses donzelles. De mon poste d’observation, j’en profite pour me rincer l’œil. Oh quel dommage qu’elles ne se mettent pas toutes nues devant moi. Pauvre de moi je n’hérite que de leurs pardessus. C’est vrai toujours sensuels et parfumés.
Souvent, avec leurs regards coquins, elles me disent tout bas des mots gentils. « Ah qu’il est beau ce portemanteau ». « Comme il est mignon ». « Quelles belles formes il a ».
Ce soir de juillet je m’en souviens très bien ! La dame était une blondinette ayant des taches de rousseur et des yeux clairs. Avec des escarpins oranges.
Et surtout deux jours après, le ministre de la guerre avait demandé à mon cher général de partir – à la guerre. Ce fait allait bouleverser ma vie.
Très tôt le matin, la cuisinière est venue me voir tout affolée. Eh beau portemanteau me dit-elle, il est prévu que tu partes aussi avec le général. Il m’a déclaré qu’après toutes ces années passées à son service, il ne peut plus se passer de toi. Il va donc t’amener à la guerre où il espère faire de belles conquêtes. Il a donc besoin de toi pour que tu continues à remplir ton office auprès de lui.
– Ah non moi ça je n’en veux pas m’écriai-je. Je suis quelqu’un de pacifique et je suis opposé à la mort d’autrui et a fortiori de plusieurs personnes. J’étais tellement en colère que la femme attrapa peur en me voyant dans un tel état.
Après m’être calmé un peu, je lui annonçais, tu sais quoi lui dis-je.
– C’est un secret. Ce soir je me casse d’ici. J’irai vivre n’importe où. Mais à la guerre je n’irai pas.
Le soir donc prenant mes cliques et mes claques je m’enfuyais du château. Tant pis je quittai à jamais mon général séducteur. Je dormirai à la belle étoile. Comme ça je serai un être libre et je pourrais vivre tranquillement d’amour et d’eau fraîche.
Aujourd’hui je vis dans une forêt. Une grande forêt. En l’espace de quelques semaines, sans que je me l’explique, j’ai muté. Je me suis transformé en arbre : un nouveau spécimen : l’arbre « portemanteau ».
Je suis fier de moi car depuis je n’arrête pas de faire des petits. Une multitude de petits. Vous voyez moi aussi je peux copuler allègrement.
Ah ah. toute l’année j’ai des feuilles bien vertes et des succulents fruits.
L’autre jour un journaliste qui s’est égaré dans la forêt – qui a décidé subitement de faire un reportage sur les arbres « portemanteaux » – a dénommé bizarrement les fruits que je porte « peace and love ». Peut-être est-ce là un signe du destin. Moi le petit déserteur …
J’étais un superbe noyer ,né dans le dauphiné .
Des noix d’années en années , je me suis fait gauler .
Un soir d’orage foudroyé , au sol terrassé .
Par un ébéniste ramassé , découpé , taillé , poli , verni , lustré .
En portemanteau je fus créé .
Par le crazy horse acheté , de strings , pompons , plumes et boas me voilà décoré .
Un soir sur scène je suis placé . Dans la danse emporté me suis brisé .
Près de la cheminée mes morceaux empilés attendaient l’hiver pour être enfournés .
Un apprenti sculpteur m’a sauvé , découpé , taillé , poli , verni , lustré .
Face au miroir déposé , je me vois transformé .
Nouvelle vie pour le portemanteau en noyer .
Il devient porte papier , son avenir est tracé .
Avec de nouveaux souvenirs à accrocher .
je trouve ce texte très delicat. merci
Elle referma la porte commença à enlever sa veste, suspendit son geste. Sur le porte-manteau, contre la veste de Marc, une étole de lin frissonna dans le courant d’air. Une fine et longue étole blanche. Un parfum subtil, inconnu, lui effleura les narines, fit palpiter son cœur, très vite. Après deux jours d’absence, elle rentrait avec trois heures d’avance. Déconcertée, elle tendit l’oreille. Pas un bruit dans la maison, peut-être un léger grincement dans une pièce ?
– Marc…
Le silence pour toute réponse. Le porte-manteau drapé dans l’étole de lin blanc semblait la narguer. Elle ouvrit bruyamment la porte du séjour. Personne ! Elle longea le couloir d’un pas hésitant. La porte qui menait au jardin était entre-baillée. Elle la poussa, aperçut un dos que balayaient de longs cheveux d’une jeune femme assise face à Marc. Ils semblaient plongés dans une grande discussion.
– Marc !
Il leva les yeux,
– Sophie, tu es rentrée !
Il bondit vers elle et l’enlaça. Elle maîtrisa difficilement un léger mouvement de recul.
– Sophie ! s’exclama la jeune fille en se retournant
– Marielle… Tu as laissé pousser tes cheveux !
– Effet Covid !
– Tu aurais pu prévenir de ton arrivée ! murmura-t-elle dans un soupir en embrassant sa sœur.
– Je voulais te faire la surprise. J’ai réussi à prendre le premier vol ouvert depuis Montréal. Il y a si longtemps que je n’étais rentrée…
Racontez un souvenir de portemanteau
Mon nouveau propriétaire m’avait acheté chez IKEA. J’étais d’une jolie couleur vert pomme et sans nul doute dans son entrée dont les murs étaient recouverts d’un très joli papier japonais « abricot » j’allais avoir fière allure.
il s’aperçut que par suite d’un défaut de fabrication, il ne pouvait le monter
Hélas il avait posé la facture sur le bord de la fenêtre et au moment où il voulut s’en saisir elle s’envola. Il descendit les escaliers quatre à quatre, tomba, se ramassa et quand il accéda au trottoir la facture s’était envolée ! Il l’aperçut sur la moquette d’un magasin chic dont la porte était entrouverte. Il entra, une belle jeune Femme l’accueillit et lui donna la facture. Il lui raconta ses malheurs .Elle lui permit d’appeler IKEA. Il lui fut répondu que l’objet ayant été déballé on ne pouvait le lui reprendre.
Il fut convenu qu’il viendrait la chercher à la fermeture de son magasin. Il lui offrit à dîner où ils dégustèrent des pommes de terre en robe des champs et une tarte aux abricots.
C’était samedi, elle l’accompagna chez lui, ils démontèrent le portemanteau le montèrent en 4 patères murales.
Surmenée, elle dormit chez lui. A leur réveil vers 11H du matin ils furent ravis et des patères et de leur nuit.
De nuit en nuit, de jour en jour, les patères finirent par déborder. Ils retournèrent chez IKEA acheter un banc rangement qui fera très bien dans leur entrée.
On trouve tout chez IKEA même le bonheur…….
Des années durant, il avait monté la garde dans le vestibule de cette maison bourgeoise, non loin de de la porte d’entrée. Le maître et la maîtresse de maison lui confiaient, lui, ses chapeaux, elle, ses innombrables sacs ; et puis selon la saison, une lourde pelisse, un manteau fourré, un imperméable, un veston léger, un châle…Mais il y a quelques temps, quand Madame s’est retrouvée seule, elle a souhaité faire du tri. Des meubles ont changé de place, d ‘autres ont disparu et le porte-manteau a été monté au grenier, où on l’a abandonné dans un coin. Et ce sont à présent la poussière et les toiles d’araignées qui l’habillent.
Heureusement, ce qui pourrait n’être qu’une solitude sans fin devient le début d ‘une nouvelle vie. Comme tout grenier qui se respecte, celui-ci est habité par une colonie de souris et ces petits rongeurs ont lié amitié avec le porte-manteau. Elles lui racontent leur vie mouvementée, leurs incursions dans la cuisine, la guerre sans merci que leur livrent les deux chats de la maison. A son tour, il distille pour elles ses souvenirs de l’époque où il était mêlé à la vie des humains de la maisonnée. Les souris adorent ces histoires, mais celle qui leur plaît le plus est sans aucun doute une expérience inoubliable vécue il y a quelques années par le porte-manteau. Il commence toujours ainsi : « Depuis quelques jours, Madame se comportait avec moi de façon bizarre ; elle enlevait tout ce que je portais, me plantait au milieu du vestibule et tournait autour de moi avec des airs louches. Puis elle s’asseyait sur un tabouret ,griffonnait dans un carnet, puis se levait , me parlait comme si j’avais été une personne, se rasseyait, griffonnait de nouveau. Et chaque soir, on entendait le cliquetis de sa machine à écrire.
Un jour, enfin, elle me fait transporter dans sa voiture et m’emmène avec elle.Je dois dire qu’au début je ne suis pas trop rassuré ; va-t-elle se débarrasser de moi quelque part ? En fait, je me retrouve dans un drôle d’endroit ; imaginez une vaste pièce, toute parquetée, fermée d’un côté par un grand rideau rouge. Je suis installé au milieu de cette pièce ; soudain le rideau s’ouvre, on distingue dans la pénombre des rangées de fauteuils vides enfin pas tous ; Madame est installée au premier rang, une volée de feuilles à la main.. autour de moi, vont et viennent des personnes, qui accrochent des objets à mes branches, les enlèvent en remettent d’autres, ils me parlent, sortent, reviennent de nouveau, un vrai tourbillon ! c’est Madame qui les dirige et moi, oh ! c’est un peu exagéré certes, mais j’ai l’impression d’être au centre du monde ! Et ce n’est que le début ! Un beau soir, le rideau se lève et les fauteuils sont tous occupés ..Et moi, toujours au milieu, au vu de tous!Et mes nouveaux compagnons arrivent et reprennent leur tourbillon avec plus d’intensité que jamais ! A la fin, des applaudissements nourris ont salué notre prestation, c’était..merveilleux ! Et il y a eu un autre soir, et encore un autre !
– Et ensuite ? couinent les souris
Ensuite, eh bien ça s ‘est terminé ; les humains se sont congratulés, ils ont bu du champagne..On m’a ramené à la maison, j ‘ai repris ma place dans le vestibule, mais, en toute modestie, n’est-ce-pas un souvenir magnifique ?
– Oh si ! soupire le choeur des souris.
Et pendant quelques instants, un silence religieux règne dans le sombre grenier..
Racontez un souvenir de portemanteau
Je me présente : j’étais le vestiaire-portemanteau du 11, rue Michel Ange à Cognac, Charente. Je résidais dans le couloir d’un appartement où vivait une famille de quatre personnes. J’étais en chêne et en fer forgé. A mon sommet, on pouvait poser chapeaux et autres couvre-chef puisque j’étais agrémenté d’une étagère. Sur le devant, on pouvait également mettre parapluies et ombrelles. En mon centre, j’offrais, autre avantage – ô combien frivole et nécessaire- le tain incertain d’un miroir…
Des quatre, moi, c’est Isabelle que je préférais. Elle était l’aînée des deux enfants, une si belle demoiselle, coquette, enjouée, rieuse. Bref, je l’adorais et c’est d’elle que je tiens mon plus beau souvenir de portemanteau.
C’était le dimanche que cela se passait. Vers 11 heures, elle arrivait, revêtue de sa délicieuse jupe en indienne, surmontée d’un corsage en linon blanc, les épaules couvertes d’un léger châle en étamine. Elle prenait sur l’étagère son canotier de paille qu’elle ajustait sur ses boucles mordorées et pirouettait sur ses fines bottines pour saisir son panier d’osier recelant son pique-nique. Un dernier regard dans le miroir au tain incertain puis elle se dirigeait vers la porte et lançait en l’ouvrant un « À ce soir ! » qui signifiait en vérité « À 5 heures » à l’intérieur de la maison.
Isabelle allait pique niquer au bord de la Charente avec ses amies Clémence, Zélie et Hortense, qu’elle retrouvait au coin de la rue Saint Martin. En chemin vers les berges, les demoiselles prenaient au passage deux damoiseaux aux effilées moustaches, Jules et Jean-Baptiste. La jolie troupe ainsi formée s’en allait d’un pas dansant vers les rives verdoyantes du plus beau fleuve de France.
Isabelle et Jean-Baptiste partageaient bien plus que pâtés, poulets et autres tartes aux fraises tirés de leurs paniers. Leurs bouches onduleuses, leurs pupilles brillantes se faisaient face dans le soleil printanier. Leurs cœurs tremblaient devant les flots nonchalants de la Charente, indifférente, bienveillante. Au déclin du soleil,demoiselles et damoiseaux remisaient serviettes, bouteilles, couverts, reprenaient le chemin de la ville, se séparaient en se disant « À dimanche ! ». Les mains d’Isabelle et Jean-Baptiste mettaient un peu plus de temps à se désunir, leurs yeux brillants de larmes, à se séparer.
Isabelle rentrait 5 heures au 11, rue Michel Ange, s’arrêtait devant moi, déposait son canotier sur mon sommet et se regardait dans le miroir au tain incertain, le visage défait, les yeux humides. Elle était si belle… J’avais hâte d’être à dimanche prochain pour la revoir encore plus belle !
Racontez un souvenir de portemanteau
Je me suis retrouvé dans cette maison un samedi d’automne.
Cela m’a plu de quitter l’anonymat du magasin et d’être choisi pour ce que j’étais vraiment. Un porte manteau mural à quatre patères. Et justement dans cette famille-là, ils étaient quatre !
C’était joyeux et calme à la fois. Je goutais au confort de ce foyer chaleureux et jouait mon rôle à la perfection. Je rencontrais la famille, les amis, les saisons aussi. L’hiver était et de loin, ma saison la plus chargée ! Les manteaux, autres écharpes et bonnets pesaient parfois très lourds.
Heureusement le père me traitait avec beaucoup de précaution. Parfois quand il ne me voyait plus caché par tant d’étoffes, il sonnait le clairon et tout le monde devait rappliquer sans broncher. « Un seul manteau par patère ! Si on veut qu’il résiste il faut bien le traiter » disait-il un peu agacé par sa femme et l’ainée des filles qui par principe, mettaient trop souvent un manteau ET une veste à leur place.
La cadette, elle, me regardait du haut de ses quatre ans et ne parvenait pas jusqu’au crochet pour mettre seule ses affaires mais des velléités d’indépendance commençaient à la chatouiller et elle entreprit de se débrouiller comme une grande pour maintes et maintes choses, y compris accrocher son manteau. Alors elle réfléchit et s’amusa à lancer son manteau en l’air dans l’espoir qu’il attrape ma main tendue. Parfois cela marchait et souvent le manteau finissait à mes pieds attendant patiemment que l’un ou l’autre vienne le relever pour me le confier.
Mais la petite entreprit également d’attraper son manteau seule. Et ce fut une autre affaire. Il ne fallait plus lancer mais soulever délicatement l’objet du désir pour le passer. Bien sûr, sa taille d’enfant lui interdisait cette manœuvre facilement. Aussi, à bout de patience, elle testa la méthode de tirage forcé. Et là ce fut le début d’un long combat. Car bien sûr, elle réessaya. Encore et encore. Le fait de se faire surprendre et sermonner ne pouvait guère l’arrêter. J’en étais malade, tout chamboulé, bouleversé. Je ne voulais pas finir complètement détruit.
Un matin, elle tira si fort la petite chipie au visage d’ange, que je ne pus résister. Mes attaches cédèrent et je me retrouvais à pendouiller dans l’air sans rien pouvoir faire. Je vis la petite pâlir, bien consciente de sa grosse bêtise. Ses pleurs alertèrent le reste de la famille qui poussèrent des ho ! de surprise, d’horreur, de consternation. Car oui, en me décrochant j’avais entrainé avec moi une partie du placo…Un trou béant me donnait un air de rebus.
Le père, pas bricoleur pour un sou râlait, stressé à l’idée de la réparation et la mère, eut des mots catastrophiques tout en rappelant qu’elle ne voulait pour rien au monde se séparer de moi qu’elle trouvait si beau…
On appela le grand-père, l’homme qui sait tout faire et il m’offrit une seconde vie sans cicatrice aucune. Depuis chacun prend soin de moi. Je savoure chaque saison sans trop de surcharge même si bien sûr, ma saison préférée reste l’été. J’adore me coiffer de leur quatre chapeaux !
Souvenir d’un portemanteau
Ce soir-là, quand il rentre, c’est très tard
La porte claque. Encore une veste
Il vient d’en ramasser une
Quand il s’accroche à moi, c’est q’ça va pas
Me la confie, sans d’mander son reste
Il me réchauffe, j’vous dis pas
C’est pas que j’me réjouis quand ça va pas
Y’en n’a pas qu’une, il en retrouvera
Les planches craquent, les tréteaux bousculent
C’est dans la pièce, y’en aura d’autres
C’est pas grave, le spectacle est terminé
Demain, on remets ça
Tous les soirs, on recommence
La salle pleine à craquer immense
Y’a pas lieu de se miner
Tout l’monde est content
Au suivant
L’autre jour, un corsage
Son parfum chavire
Les corps philosophes
Ca se raconte pas
Elle est restée longtemps, tout l’temps
Ils étaient contents.
Dans la vie , souvent, on ne se trimballe que des illusions de liberté. Si réellement on avait pu me le demander, je n’aurai pas choisi de devenir, d’être et de rester portemanteau. J’ai pourtant tiré au fond de mon couloir, une petite génération d’humains, tranquille. Tranquille car j’y suis demeuré seul, timidement royal, bercé par de timides époussetages autour de va et viens réglés.
Mon propriétaire, du matin, récupérait son lourd manteau. Je récupérais moi, le droit de respirer, surtout les effluves de Madame qui savait tout des bons parfums, des lessives et des confitures.
Le soir Monsieur rentrait et me replongeait dans ma nuit.
Cela dura 22ans et 3 mois et 5 jours. Quand il ne se passe rien, les aiguilles du temps font leur trou dans la tête.
Et puis un jour, Monsieur n’est pas encore vraiment tombé malade, mais il a chancelé et préféré s’allonger.
Il m’a laissé sept jours dans la pénombre. Et puis il est reparti. S’est absenté quelques semaines, puis plusieurs mois.
Un jour, le manteau est revenu tout seul.
Au début, Madame venait me voir. Elle a récupéré sa photo, celle installée dans le portefeuille, côté cœur de Monsieur. Parfois elle me caressait les souvenirs, elle brossait ses risques d’oubliette.
J’ai cru que le manteau allait encore peser plus, j’ai cru plier sous le chagrin. Toute cette peine à porter pour un objet de l’usuel.
Jusqu’à ce que, à force d’attentions, le manteau peu à peu s’allège.
Un jour de printemps, Madame s’est fait du manteau une cape. Elle a ouvert la fenêtre sur les oiseaux.
Et je l’ai entendu chantonner: » Je t’ai rencontré simplement….et tu n’as rien fait pour chercher à me plaire… »
Je me souviens. Ce jour-là, je portais sa parka. Elle était encore trempée. C’était le déluge dehors. Il n’avait même pas pris la peine d’écarter la veste en tweed de madame qui avait fini par prendre l’eau au fil de la matinée, à rendre la laine fétide. Il était pressé.
Quand ils sont arrivés. Trois grands pardessus. Des cuirs noirs, accompagnés de trois parapluies, aussi ténébreux que dégoulinant de sueur, d’avoir défié le temps, avant de les voir s’ouvrir comme des baleines échouées sur le carrelage de l’entrée.
Le premier m’a écrasé de tout son poids, manquant de me démonter une épaule. Heureusement pour moi, le second, aussi lourd, a rééquilibré la charge juste à temps, de l’autre côté. Quand le troisième s’est plaqué vulgairement contre la veste de madame, sans même s’excuser. Je ne sais pas ce qui m’a retenu, d’un crochet, de faire tomber ce lourdaud patère. Sa main ferme, peut-être, qui me tenait en respect par le col. Je n’aimais pas ce qui se tramait. J’ai beau être en bois, je ne les portais pas dans mon cœur. Mais que pouvais-je faire ?
De longues minutes se sont écoulées, au goutte-à-goutte sur le carrelage, formant une flaque à mes pieds. J’avais froid et, pourtant, je ne bronchais pas. Quand les pardessus ont fini par se lever, l’un après l’autre, libérant, dans un relent nauséabond, la veste de madame, macérée depuis deux heures entre ces peaux mâles humides. C’est alors qu’elle s’est laissé tomber dans la flaque d’eau à mes pieds, comme pour se laver de cette souillure, à moins qu’elle ne se soit évanouie sous les bouffées putrides. Seulement, d’autres ne le voyaient pas comme cela.
« Charles, regarde, elle est foutue ! Elle venait de chez Berry’s ! »
Personne ne semblait s’excuser de ce que cette pauvre veste venait de subir, leurs manteaux déjà sur le dos et, bientôt, la faute de ce drame sur le mien.
C’était la première fois que je portais le chapeau et la dernière leurs manteaux.
j’adore la laine fétide et autres jeux de mots qui emaillent vos propos. bravo
Merci Pakitapom!
Le magasin dans lequel j’ai été livré m’a exposé nu. Je suis inutile à la population locale. Alors pour faire comme, on m’a acheté.
Je suis tout blanc, tout neuf, complètement
démembré et rangé dans un cagibi.
Je ne suis pas très vieux. On m’a simplement oublié.
Là où j’habite, ils ne connaissent ni manteaux, ni chapeaux, ni bérets … Et je m’ennuie à mourrir et attend tristement que l’on vienne me libérer. Ma peau vieillit, s’écaille…
Je souhaite retrouver ma dignité, ouvrir chaleureusement mes bras et accueillir, voire même une écharpe d’été. Alors j’attends…
Je suis le porte-manteau mural de la classe de Madame GIRAUD CE1 et je suis bien fatigué.
Ils m’ont usé ces petits.
Surtout l’hiver.
Je tremble lorsque je les vois débouler malgré les recommandations de Madame Giraud de ne pas courir dans le couloir.
Et là, c’est l’assaut :
– doudounes, bonnets, écharpes… et vas-y que je te t’accroche ça n’importe comment sur mes pauvres épaules.
Et vas-y que j’essaie de me suspendre au porte-manteau pour faire rigoler le copain (ça, c’est le pire).
Et vas-y que je te surcharge, que je t’étouffe, que je te maltraite…
Mais la maltraitance des porte-manteaux scolaires n’est pas reconnue.
Même Madame Giraud n’y est pas sensible, c’est vous dire !
Personne ne prend conscience de ce problème.
Aussi, j’arrive à l’âge de la retraite dans un piteux état.
J’ai voulu la prendre plus tôt la retraite, mais l’homme de service a dit à Madame Giraud que je pouvais tenir encore un peu.
Tu parles !
Je me déglingue, je me dévisse, je tremble, je couine…
Mais rien n’y fait.
Ils ont dit que je pouvais tenir encore un peu…pfft
Mais moi j’en ai marre de cette vie.
J’ai pensé à mettre fin à mes jours mais je ne sais pas comment faire ?
Je suis trop triste.
Personne n’a conscience de la tristesse des porte-manteaux scolaires.
Personne… Personne…
Mais un jour, je vous le dis, ça va mal finir tout ça et LA RÉVOLTES DES PORTE-MANTEAUX sera terrrrible.
Qu’on se le dise !
Racontez un souvenir de porte-manteau.
Les mannequins sont des porte-manteaux a dit Karl Lagerfeld. Je peux donc m’immiscer dans le blog de Pascal.
Sorti tout droit d’une boutique du sud de la France, j’ai débuté ma carrière dans une vitrine de grand magasin en banlieue parisienne. J’étais belle, coquette, toujours tendance. Les femmes rêvaient en me contemplant. Pas seulement les femmes, une fois un petit garçon est venu s’asseoir à mes pieds dans la devanture. Dix minutes ont passé, puis sa mère est arrivée toute affolée. Adieu mignon petit garçon. J’aimerais bien savoir quel genre d’homme il est devenu ?
Le temps passe, tout lasse. Un jour on m’a mis au rancard. C’est une employée qui se targuait de création haute couture qui m’a sauvé. Pas de chance la dame n’était pas douée et j’avais surtout l’air d’un épouvantail. Heureusement j’ai de l’humour sinon j’aurai déprimé. La déplorable créatrice ayant compris son erreur ou s’étant lassée m’a légué à son jardinier de mari.
Je vis maintenant dans un cadre très bucolique. Il y a une rivière, des arbres tendus vers le ciel, des prés où poussent les pâquerettes, les colchiques…Ce terrain est bordé par un chemin qu’empruntent les promeneurs du dimanche et les randonneurs. Moi je suis sur l’autre extrémité du champ. Je veille sur la pousse des pommes de terre, des haricots verts, des laitues… Vous me voyez couvert d’oripeaux et ma vie vous semble d’une banalité affligeante. Détrompez vous !
Mon jardinier est un coquin. Il m’a adjoint un mannequin fillette vêtue d’une robe à volants et portant un petit arrosoir. Et moi je suis la Brigitte Bardot flamboyante de ce coin de campagne. J’ai une magnifique perruque blonde, un soutien gorge pigeonnant en dentelle noire. Mon string et mon porte jarretelles sont aussi en dentelle noire, et noir aussi mes bas résille.
Et bien je fais sensation. Même dans ma boutique je n’avais pas autant de succès. Tous les passants, sans exception tournent la tête vers moi. Certains se font des torticolis, je suis mitraillé par les photographes amateurs. Il y a même certains randonneurs qui se prennent les pieds dans les cailloux ou leurs bâtons. Moi, imperturbable, je garde mon sourire énigmatique. Dimanche dernier il y en a même un qui s’est fait vertement tancer par sa femme.
Rendez vous compte : on m’avait mis au placard et pourtant j’excite encore la jalousie. L’est pas belle la vie !!
Il est là, les bras en l’air, à se morfondre dans cette rue exposée aux quatre vents. Il regarde les passants qui ne lui prêtent aucune attention. Depuis l’aube, il souffre d’un pied après que son propriétaire l’avait chargé de force dans le coffre de son véhicule. Il s’était retrouvé en compagnie de tout un tas d’objets hétéroclites qui se moquaient tant et plus de ses jérémiades.
Durant cette pause, allégé de ses fardeaux quotidiens, dans la crainte pour son avenir, il se souvient de sa naissance dans l’atelier d’un menuisier, puis de son boulot éreintant. Il en a tant supporté des manteaux, des vestes, des chapeaux, des parapluies, accumulés sur sa carcasse au fil du temps. Il s’est tant de fois retrouvé les quatre fers en l’air, écroulé qu’il était par le poids de ce fatras. Sa belle couleur d’origine a disparu sous le pinceau d’un peintre bien inspiré d’avoir voulu terminer des fonds de pots. Il se trouve si laid depuis qu’il est devenu vert caca d’oie !
Une rafale le fait choir sur une femme qui sursaute et s’égosille. Revenant de sa stupeur, elle s’intéresse à lui et les marchandages n’en finissent plus, tandis que lui souffre davantage. Enfin, il se retrouve à fendre la foule qu’il accroche au passage. Puis, sa nouvelle propriétaire, un tantinet agacée, l’installe tant bien que mal dans sa voiture.
– Aïe, aïe ! gémit-il, car il vient de perdre son pied et, comme si ça ne suffisait pas, il souffre d’une luxation dans une épaule.
Après un bon décapage et quelques soins, Portemanteau reprend ses bons et loyaux services, jusqu’au jour où… il préfère ne pas se projeter dans l’avenir. Il a déjà tant à supporter !!!
« Il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que des sottes gens »
HOUPPELANDES ET VERTUGADINS
Pas peu fier le portemanteau : je suis qui je suis, non ce que je fais. J’ai une personnalité, une fonction élevée. J’ai eu mille vies, mille vestiaires. Si je n’avais le respect de moi-même, j’avouerais qu’on m’a beaucoup trimballé. En ai-je vidé des malles. J’ai été incommodé de leur odeur recuite, j’ai souffert de leur mal des transports. Bon prince, je les soulageais de costumes trop pliés, de parures dépareillées. Je secouais des souquenilles vectrices de peste, j’exhibais des horipeaux de marchands d’orvietants. Je jonglais avec bérets et bibis, claques et képis, casquettes et melons. En tournée je recueillais les hardes de baladins transformistes. Il ne fallait pas perdre de temps pour aider à changer une soubrette en maréchal d’empire. Ou cascader coquette et jumper jockey ! Sentimental, j’étais au garde à vous quand, dans sa loge, l’actrice piquait un fard devant sa glace. Je la comprenais, nous étions semblables. La diva s’impatientait : chasse donc ces intrus qui m’importunent ! D’une voix de stentor j’ordonnais : à la porte, manteaux ! Comme quoi, on ne se refait pas…🐻
🐀 SOUVENIR D’UN PERROQUET
Bonjour…
Becs emanchés sur un cou de bois ou métal, dès l’arrivée, en mon sommet, on me casquette. On ne confie plus son galurin au valet, non, on me vise et yeah ! Gagné me voilà recouvert d’un couvre-chef supplémentaire.
Suivent les ‘ per-impers ‘, cabans et gabardines.
Dans mon pied on coince les cannes et divers bâtons de marche, les pébrocs qui dégoulinent…
On me cache derrière une porte voire une tenture, on me fait bien comprendre : utilitaire.
Et au moment de se quitter, dans le même ordre qu’ils m’ont recouvert, me déshabillent. Et quand je suis nu…Bonsoir… Ils sont partis
Je suis celui qu’on salut à l’arrivée et au départ sans me voir.
Maintenant… J’ai disparu au profit de la penderie !
Après le larbin obséquieux, le perroquet muet… L’armoire à glace. Je ne suis plus qu’un souvenir. 🐀
« En mon sommet on me casquette »
J’adore
– Françoise, j’aime bien venir chez toi
– C’est pas chez moi, c’est chez mes grands parents
– Ben, c’est pareil, non ? En tous cas, j’aime cette arrière cour. Ca sent bon la terre, les buches et les barriques de vin.
– Moi, j’aime quand il pleut comme aujourd’hui. J’aime entendre la pluie sur la tôle du toit, le glouglou des canalisations ; on se sent à l’abri ici.
– Qu’est-ce qu’on fait ?
– On pourrait se déguiser ?
– Mais avec quoi ? Y a pas de déguisement
– Oh, on va trouver
– Regarde, sur le porte-manteau, il y a plein de vieilles choses
– Si on fait ça, on ne met pas de thème de déguisement alors
– Le thème ce pourrait être la campagne ?
– Tu crois que ce sera suffisant pour nous deux ?
– On verra bien….
Françoise et son amie Marie regardent de près les trésors accrochés au porte manteau.
– Tu trouves pas que ça sent bizarre ?
– Ca sent un peu la poussière ; un peu comme les germes de pomme de terre…
– On se les partage comment ?
– Comme ca vient, on verra bien
– Ce chapeau de paille, il sent un peu les fleurs, comme ta grand-mère
– C’est normal. Cette casquette, par contre sent la sueur rance que Pépé y a laissée
– Bon je prends les sabots de bois, le chapeau de paille, le sarrau de jardin vert, le panier d’osier où tu mets les œufs et le parapluie noir
– Alors, je prends les bottes de caoutchouc marron, la salopette de toile bleue et la vareuse brique. Je vais essayer de me maquiller en homme, avec des moustaches et voir si je trouve une pipe dans la cuisine. Je prendrai aussi l’arrosoir
– Tu devrais mettre la casquette pour cacher tes nattes
– Oui, mais elle pue la casquette ! Je vais chercher un crayon gras à maquiller pour me faire la moustache
– D’accord, je regarde ce qu’il y a d’autre pour se déguiser
Marie aime beaucoup jouer dans cet endroit. Aujourd’hui, elle a apporté les noisettes cueillies hier dans les chemins creux. Elles sentent bons ces bogues fraiches et quand on les ouvre (parfois en croquant dedans) le parfum du fruit se déploie subtilement et donne autant de saveur que le « croquement » de la chair blanche sous la dent. Faire la dinette avec Françoise, ici à l’abri de tout, c’est drôlement bien.
– J’ai trouvé un petit miroir de poche et un crayon marron foncé
– Tu veux que je t’aide ?
– Non, je me transforme toute seule en paysan
– Je mettrais bien des fleurs ou des épis pour décorer le chapeau
– Tu dois pouvoir trouver cela dans un coin
– Dis Françoise, pourquoi il y a des palmes sur le porte manteau ?
– Bof, je suppose qu’elles sont là depuis perpette
– Ouahhh ! il est super ton maquillage ; tu pourrais aussi épaissir tes sourcils pour que la couleur s’accorde à la moustache
– C’est bon, on est prête pour nous montrer à Mémé. Si elle est d’accord, elle fera une photo souvenir
– Et après, on prendra le goûter dans la dinette avec les noisettes. On pourrait essayer de déguiser le porte manteau et faire comment s’il était notre invité ?
– Il est super avec les palmes et le bleu de travail retroussé jusqu’aux genoux ; on dirait un pêcheur à pied, un jour de grande marée
– Ouais, allez, on y va !!
Souvenirs de portemanteau
Je n’ai jamais manqué de tenues
J’ai 50 ans de souvenirs avec lui, je ne l’ai jamais quitté
Je me rappelle encore son premier bloomer suspendu à mon bras
Remplacé bientôt par une blouse d’écolier qu’il me lançait avant d’aller gouter
Quand il pleuvait son ciré me mouillait les pieds
Par grand soleil, j’étouffais sous son bonnet
Après les entrainements de gym son survet’ atterrissait en double axel, parfois accompagné d’un justaucorps en visite
Ses doudounes des jours chagrins côtoyaient les smokings des soirs gala
Les déshabillés de soie s’accrochaient aux nœuds papillon
De retour de voyage les ponchos s’installaient auprès des sarouels déjà bien entourés de sahariennes
Il me déshabillait parfois. Je me retrouvais à découvert puis il recommençait à me charger ; d’écharpes, de manchons, de fourrures ou de feutres
Un soir je me suis retrouvé vêtu d’une robe de mariée, et d’un costume trois pièces
J’avais 50 ans de souvenirs avec lui. Il vient de me quitter
Il m’a laissé son dernier costume en lin, seul
En vous remerciant chère Laurence et je ne déteste pas: ‘un dernier costume en lin-seul.’
Chapeau bas! Ne boudons pas le plaisir de nous lire, un bon moment de partage sur nous offre l’ami Pascalou qui anime nos soirées du dimanche! Une🐀et son 🐻
Cher Porte-manteau.
Je me souviens encore de toi. Je t’ai tellement observé.
Tu étais toujours à la même place. Dans cette large entrée si lumineuse et si accueillante. Tu avais l’air si heureux de ton rôle.
Je me rappelle tes frissons quand maman déposait délicatement son écharpe parfumée et sa veste en laine gris clair. Je n’ai pas oublié tes grimaces quand papa accrochait sa veste des labours aux odeurs de la vraie campagne. Tu ne ronchonnais pas quand les invités des parents te couvraient de leurs pelisses. Le poids de leurs sueurs et de leurs malheurs te faisait parfois chanceler. Mais il y en avait toujours un qui s’en apercevait à temps, qui criait un « Attention ! » tonitruant, te rattrapait tout en clamant haut et fort : »il faut l’équilibrer ! » Cette situation me faisait rire.
Sauf le jour où tu as vraiment basculé. J’ai crié. Mais il était trop tard. Tu gisais dans l’entrée. C’est mon papa qui t’a relevé. Il vint me consoler : tu n’étais pas brisé ! Plus de peur que de mal, me dit-il. Sans plus se préoccuper de nous deux, il rejoignit ses amis, qui devaient avoir mal à leurs zygomatiques tellement ils trouvaient la situation cocasse.
J’ai bien senti que tu étais contrarié et confus. Alors je t’ai dit que tu étais toujours aussi beau, que tu n’avais rien à te reprocher, que tout était la faute des rigolards.
Mais, aujourd’hui, je te l’avoue, je préférais quand tu étais nu. Et si maman t’avait abandonné son écharpe, je te la volais. Je prenais mon coussin-doudou, je m’installais à tes pieds, et m’endormais en respirant l’odeur de ma maman.
T’en souviens-tu ?
En fait ils étaient plusieurs dans un petit coin de la brocante,à s’ennuyer ferme car personne ne s’intéressait à eux.
Il y avait un perroquet de chêne vénérable,qui avait trôné dans le hall d’un manoir Tudor et affectait un petit air supérieur très Oxford.Il voisinait avec le porte manteau du Porte Manteau d’un officier au service du comte de Mirabeau attaché à la garde robe de sa Seigneurie.
A côté,une malle penderie en galuchat rageait de cette promiscuité,elle qui avait voyagé à travers la monde sur les plus grands paquebots .Quelques patères frayaient avec des cintres dont la vie avait consisté à porter les vêtements quelconques de gens ordinaires, dans des armoires sans intérêt.
Tout ce monde regardait le temps passer en prenant la poussière.
Jusqu’à l’arrivée d’un portant auquel était encore noué un boa rose,fleurant le patchouli et la coquetterie.
Quand il fut roulé au milieu de la troupe,il se mit à chantonner en se balançant lascivement .
Puis il leur déclama:
Et bien les amis,je vous trouve grise mine
Auriez vous par hasard honte d’être de la chine?
Regardez vous un peu on dirait qu’on enterre
Quelque chose qui vous était très cher
Pour un peu vous dérider
Laissez moi cous conter
Quelques souvenirs charmants
De mes belles années d’antan
J’étais affecté à la loge d’une chanteuse
Jeune femme délicieuse et fort capricieuse
Qui,tous les soirs dans un cabaret
Régalait le public de jolis couplets
Elle chantait l’amour et le chagrin
Des rencontres sans lendemain
Je la voyais partir vers la scène
Toujours souriante et amène
Dans une robe choisie avec soin
Que je tenais à portée de sa main….
Les porte manteaux écoutaient,bouche bée,rêvant de lumière et de strass,de vivas et de pleurs.Toute la nuit, le portant les tint en haleine.
Au matin le hangar se remplit de curieux,l’un d’eux flânait sans idée précise.Arrivé devant les compères endormis,épuisés après cette nuit blanche,il restât cloué sur place:
Mais c’est le boa de Betty Beauty
L’homme enfonça son visage dans les plumes roses,enivré par des souvenirs très personnels qui lui mirent les larmes aux yeux.
C’est un client heureux qui repartit avec le boa et son portant.
Les porte manteaux le regardèrent s’en aller avec regret.L’un d’eux commença:
je me souviens…..
Racontez un souvenir de portemanteau
Ah c’est bien ça ! Autant dire n’importe quoi !
Pourtant, ils m’avaient choisi, moi entre plusieurs, même moi entre tous !
Ils avaient d’abord eu l’idée ! « Et si on achetait un portemanteau » ?
Parce qu’il faut bien le dire, dans la petite entrée, toute serrée, toute en longueur, toute mal foutue donc ! Il n’y avait pas de place pour mettre quoique ce soit.
Le quoique ce soit étant par définition n’importe quoi ! On y revient !
Donc cette idée brillante leur était venue à l’esprit. Avoir un portemanteau ! Donc « acheter » un portemanteau ! C’est ce qu’on appelle avoir de la suite dans les idées !
Après avoir écumé les boutiques où mes congénères se gaussaient de leur pauvre portefeuille raplapla, ils finirent par arriver à la recyclerie.
Et là, au milieu d’un fatras indescriptible (et que je ne vais donc pas décrire !) il y avait …. MOI !
Je trônais entre un coffre à jouets qui avait connu de meilleurs jours et une trottinette même pas électrique (c’était d’ailleurs la raison de sa présence à mes côtés).
Donc, j’avoue : je faisais assez bon effet. Un petit coup de peinture ne m’aurait pas fait de mal, mais bon ! J’étais encore assez fringant !
Assez pour leur attirer l’œil, en tout cas !
Bon, je vous passe les palpations en tous genres, les réflexions désobligeantes concernant mon âge, les hésitations (trop grand ! trop petit ! trop haut ! trop moche ! si si ! …trop cher !). Et puis enfin la « décision » : on le prend !
Décider d’appuyer sur le bouton de la guerre nucléaire ne leur aurait pas pris plus de temps !
Bon, mais moi, j’étais bien content. J’allais enfin me retrouver dans une famille, j’allais enfin servir à quelque chose.
Le chargement dans leur petite voiture fut un moment assez épique et j’y ai laissé quelques écaillures. Le déchargement fut presque une partie de plaisir.
Et là, enfin …. L’entrée ! Car je ne doutais pas qu’ils allaient m’installer dans l’entrée. Et j’avais raison ! Ils n’avaient aucune imagination !
Donc, on était dans le classique.
Je commençais déjà à me repérer, à tendre mes petits bras pour recevoir … eh bien ! Des manteaux !
Mais non, je les avais mal jugés. De l’imagination, ils en avaient !
Et pas qu’un peu !
Ils m’ont immédiatement chargé de foulards, de sacs, de chapeaux, d’écharpes … moi, je les aurais bien écharpés, justement !
Parce que, quand même un « portemanteau » c’est bien fait pour porter des manteaux, non ?
Il n’était aujourd’hui qu’un simple objet sans importance, une simple potence à l’entrée d’un appartement, un crochet affublé d’un sentiment d’impotence. Il se languissait sous un petit miroir carré, se rappelant ses arrières grands parents qui occupait toute l’entrée, s’alanguissant en volutes arboricoles de son art nouveau, multipliant les points d’accrochage au croisement d’une ramure, accrochant le regard du visiteur admiratif avant d’accrocher son vêtement. Son aïeul soutenait parfois un élégant chapeau à voilette d’une demi-mondaine et sa fourrure au col de vison ou à côté, le chapeau haut de forme d’un industriel qui s’encanaillait au théâtre et son manteau à rotonde qui lui donnait plus d’épaule. Une rambarde gracieuse soutenait le rapprochement entre un parapluie raffiné qui se maquillait en ombrelle dentelée avec une canne-épée qui n’avait encore jamais connu de duel. Le duo d’accessoires se sentait essentiel, capturant par essence les envies de leurs propriétaires.
Il se rappelait un ancêtre batailleur qui avait connu de multiples duels. Cavalier du 1er Empire, son propriétaire avait combattu des bas tailleurs, des Highlanders écossais en Espagne qui se jupaient avec des tartans rayés. Son portemanteau était fièrement installé sur son cheval, à l’arrière de sa selle. Boudin de tissus aux couleurs du régiment et portant avec arrogance son numéro sur le côté, il protégeait le manteau des intempéries. Il était souvent encombré d’articles diverses qu’il garantissait des averses: ustensiles de toilette, linge à pansement, écritoire, etc.… Et si son maître avait un temps péri, il était vite remplacé par un autre fier-à-bras qui se ferait bientôt tuer avec la même soif de gloire.
Bientôt, il le craignait, il disparaitrait totalement des entrées, dissimulé dans un placard aux portes discrètes. Il ne serait plus qu’une tige métallique ou bien un morceau de bois conceptualisé, soutenu par un simple crochet toujours prêt à se dévisser.