545e exercice d’écriture très imaginative créé par Pascal Perrat
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras du choix. Celle-là était trop ridée, celle-ci pas assez, cette autre un peu trop fardée. Elle décida de…
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Illustration de Bernard Leblanc pour « Un regard Peut-être »
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Elle décidé d’attendre l moment propice, la joue idéale, celle qui n’aurait pas trop de rides, juste un peu, histoire qu’elle puisse se frayer un passage.
Il e fallait pas non plus qu’elle soit fardée, ca , elle n’aimait pas ça. Ni qu’elle soit trop glissante. Pas trop jeune ni trop poilue.
Elle attendit, attendit et un jour, elle s’aperçut qu’elle n’était plus qu’une goutelette. Elle s’était asséchée tellement elle attendait la bonne joue, la joue la plus parfaite, la plus.. la moins. … elles n’étaient jamais assez… ou trop… malheureusement, elle ne l’avait jamais trouvée cette joue parfaite, et aujourd’hui elle était en train de se désécher.
Alors elle compris qu’elle ne devait pas attendre, qu’il n’y avait pas de joue parfaite. Et même si elle existait, peut être qu’elle ne la verrait jamais, et en attendant, elle ne jouissait pas du plaisir de glisser.
Depuis le temps qu’elle attendait. Enfin c’était le moment.
Alors elle se lança sur la première venue.
Sur la première joue, et elle prit un très grand plaisir , un plaisir fou, enfin, c’était son moment.
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras du choix.
Celle-là était trop âgée et trop ridée, elle risquait de s’y enliser et de s’y ennuyer à l’entendre raconter sa vie ; celle-ci pas assez car trop jeune, elle pouvait s’y barber ou alors dégringoler ; cette autre un peu trop fardée, elle courrait le risque de s’y embourber.
Une expérience sur la quatrième, trop tendue – lifting ou culpabilité – ne la tenta pas, elle ne voulait pas périr écrasée ; pas plus qu’avec la cinquième et son régime sans sel.
Élire domicile sur une joue de bébé : toute rose, toute douce, toute ronde. Son rêve. L’Éden pour une larme croyait-elle. Hélas, rapidement, elle ne supporta pas les criailleries aiguës et assourdissantes du môme. Sans compter qu’il grandirait trop vite et elle ne voulait pas surtout pas servir de prétexte à ses caprices
Elle décida de glisser sur une joue de crocodile. Son caractère, qu’elle reconnaissait volontiers hypocrite et sa vocation, contrariée, des planches l’y poussaient.
Elle avait toujours voulu faire du cinéma
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler.
D’un coté la joue était joliment parsemée de fines lignées,
Elles sillonnaient celle-ci telle la diaspora qui emmène toujours plus loin, sans se rappeler forcement d’où l’on vient,
Ces lignées lui donnait un coté noble et chic tel les veines d’un marbre finement ciselé,
Ce n’était simplement que quelques rides qui marquaient tout autant le bonheur d’avoir travaillé toute sa vie que la rudesse de quelques situations,
Toutes finissait à la commissure des lèvres comme si elles avaient voulu dire d’un même ensemble « la vie est faite plus de souvenir que de regret ».
De l’autre coté, sur cette joue là se succédaient quelques flexuosités subtiles,
Elles ondoyaient, tel les collines d’une steppe dont l’immensité ouvre à tous les voyages, peu importe d’où l’on soit parti,
Ces flexuosités lui donnait l’aspect du territoire d’une civilisation vaillante et riche de ses traditions,
Ce n’était simplement qu’une peau lisse marquée tout autant du plaisir d’avoir partagée sa vie avec la meilleure personne qui soit que de bien être,
Toutes finissaient en un même horizon comme si elles avaient voulu dire d’un même élan « la vie est faite pour être vécue ».
Finalement cette larme hésitait ne sachant quel option privilégier.
La solution s’imposa naturellement.
Pourquoi une larme ce 5 mai, journée mondiale du rire ?
C’est pour cela que je suis là se dit elle, c’est mon anniversaire !
Je me reconnaît : je suis une larme de joie,
Je suis contente, peu importe où je m’écoule,
Je rie au larmes !
Laurent Baudinot
La Larme à l’Œil
Quand les larmes entrebâillent leur porte, elles ne savent pas ce qu’elles vont trouver… C’est ce que je pensais en lisant cette vieille lettre oubliée au fond d’un tiroir.
Chère Mildred,
Tu sais comme je t’aime et pourtant il y a un secret que je n’ai jamais osé te confier ni à toi ni à personne, surtout pas à John. Depuis son décès, la maison me semble vide. J’ai versé quelques larmes, celles qu’on attendait de moi, des larmes de circonstance, j’ai le regret de le dire, que j’aurais voulu plus reconnaissantes car il a toujours été un compagnon agréable, soucieux de mon bonheur.
Dans les années 20, ma vie était sans histoire, une suite d’habitudes réglées comme du papier à musique. Tous les jeudis, John partait pour Londres régler ses affaires à la City et, moi, j’allais à Clifford faire un peu de shopping et passais la plupart des après-midis au cinéma. Or ce jeudi-là, comme je descendais du train de Donsberry, au passage d’une locomotive crachant un nuage de fumée, une escarbille vint se loger dans mon œil droit. La douleur fut immédiate, les larmes diluaient la poussière de charbon et plus je frottais plus l’irritation devenait intolérable. Je me précipitais au buffet de la gare pour demander un peu d’eau quand un jeune homme blond aux yeux clairs s’approcha de moi. « Puis-je vous aider ? Cessez de vous frotter l’œil ! Je suis médecin, je vais vous enlever cet éclat de charbon ». Je me confondis en remerciements et, pour fêter ça, il me proposa d’aller manger quelque chose dans un restaurant que j’avais remarqué lors de mes promenades hebdomadaires dans la ville. Le repas fut très gai, nous eûmes même quelques fous-rires. Cela faisait du bien de rire aux larmes. Cela ne m’était pas arrivé depuis mes années de pension ! Nous échangeâmes sur nos vies, il s’appelait Harry, était médecin, assurait des remplacements à l’hôpital une fois par semaine, devait partir en Afrique pour lutter contre l’épidémie de fièvre jaune. Pour moi, j’avais un petit garçon, mais pour le reste n’avais aucune occupation. En bonne bourgeoise, je ne travaillais pas et j’avais une femme de ménage pour s’occuper de la maison.
Le jeudi suivant, je fus déçue de ne pas le voir dès mon arrivée (sans oser me l’avouer) mais quand il surgit derrière moi, j’eus du mal à cacher un mouvement de joie et une larme discrète qu’il ne remarqua pas (du moins je le crus) humecta mon œil. La journée fut magnifique : autre restaurant, autre film. Les larmes nous montaient aux yeux : les pitreries de Charlot nous faisaient tout oublier, nous clopinions avec lui, nous partagions ingénument ce plaisir presqu’enfantin avec une salle bondée. Puis vint le retour à Donsberry, chez moi, qui pour la première fois avait l’allure d’un arrachement mais j’étais tellement subjuguée par ce qui m’arrivait que je gardais les yeux secs. Je fus même très gaie au cours de la soirée à la maison auprès de John.
Par la suite tous les jeudis se déroulèrent de la même manière, mon cœur battait de honte quand je rencontrais une voisine ou quelqu’un qu’il était de bon ton que j’appelle une amie. J’essuyais rapidement mon œil prétextant une poussière ou une conjonctivite et me hâtais de retrouver Harry. Peut-être ne me croiras-tu pas, Mildred, mais il ne se passa rien de plus entre nous. Harry accepta la mission sanitaire en Afrique qu’on lui proposa. Il se résolut à me dire que notre relation était sans avenir. Il n’avait pas d’attache mais, moi, j’avais un jeune enfant. Je m’avouais d’ailleurs que son père, très pris par son métier et toujours si impassible, ne manifestant jamais aucun sentiment, ne saurait pas s’en occuper, ne pourrait pas l’entourer d’assez d’affection et d’attention. Il fallait nous séparer. Cruelle décision qu’on a peut-être plus de difficulté à admettre aujourd’hui qu’au temps de notre jeunesse !
Nos derniers jeudis passèrent trop vite, nous avions désormais nos lieux de rencontre au bord de Slyde river, sous les tilleuls de Saint James Park, sur le parvis de Saint Victor Cathedral . Nous avions du mal à contenir notre émotion et pour moi à retenir mes larmes. Harry était comme moi, j’en suis persuadée, mais, par pudeur et pour moi, il le cachait. Le dernier jour fut empoisonné par la perspective de l’adieu définitif. Je n’avais sans doute plus assez de larmes pour pleurer, obsédée par le temps qui passait et l’emballement du rythme de mon cœur. Sans me regarder, sans m’embrasser, quand une voix d’outre-tombe annonça le départ du train pour Londres, il courut jusqu’à l’escalier qui passait sous les quais et disparut. Pétrifiée, je restai immobile telle une statue de sel. Tout s’effondrait autour de moi ! Dans un coup de folie, je m’engouffrai moi aussi sous la terre. Trop tard ! Le train pour Londres quittait la gare !
Je dus dès lors faire bonne figure, accepter sans larmoiements la vie qui reprit avec son horrible banalité. Jamais John ne manifesta un doute, une quelconque inquiétude. Parfois je me dis qu’il avait deviné, qu’il savait mais que par véritable amour il n’avait rien dit. Voilà, Mildred, la grande histoire de ma vie, qui ne dura que deux mois, sept jeudis, une histoire pleine des larmes qui naissent de toutes les émotions qui font la vraie vie
Une larme, c’est si peu. Qui se soucie d’elle ? Peut-on imaginer qu’elle puisse avoir une autonomie propre et une liberté d’agir personnelle ? Cette petite, à elle seule ne pourra changer le monde ! Cependant, laissant dire, elle se préparait du haut du grand plongeoir. Depuis combien de temps ? Ce n’était pas important. Et puis elle ne savait plus depuis combien de temps. Personne n’y avait prêté attention. Tel un oisillon qui se doute que désormais, il ne pourra plus reculer, le premier saut dans l’inconnu doit être le bon. Aussi, indécise, elle restait accrochée à quelque regret encore. C’est alors que la ride aride lui adressa un sort :
– Jette-toi à l’eau, je serai ton guide.
– Et mon oeil ! Tu rigoles, je vais m’engluer dans ton fard.
– Crois-en mon expérience, si tu veux durer, tu dois tirer profit de tes échecs.
– Qu’est-ce que tu racontes, je n’ai pas encore échoué.
– Laisse-toi couler, tu ne peux aller contre le temps qui passe.
– Ce n’est pas le temps que je déplore.
– C’est quoi alors ?
– Ton fard, il me faudrait des phares pour m’y retrouver.
A ces mots, la ride se vexa et tenta de l’amadouer.
– Je t’offre un thé et nous jouerons aux dés.
– J’ai plutôt envie d’un far.
– Eh ben voilà ! C’est un début. Pourquoi es-tu triste ?
– Je ne suis pas triste, c’est l’émotion. J’ai réussi mon nu.
– De quoi te plains-tu ?
– Je ne me plains pas, je peins et mon nu meurt de froid.
– Ah !
– Son David l’a plaquée et je cours la réchauffer.
Trop c’est trop !
Et il faudrait que je sorte de cette paupière…
de ce regard magnifique… et que je coule sur cette joue gauche ou droite ? ou gauche ou droite … ? que je coule ! Non mais …
Et puis quoi encore ?
Que je pleure pour ce connard qui m’a menti
effrontément ! Jamais !
Et puis quoi encore ?
Que je me verse ?
Que je roule doucement ?
Tout en brillance ?
Tout en tristesse ? Bonjour Françoise !
Tout en désespoir ?
Tout en spleen ? Je suis même pas à Paris !!!
Mais à 1200km de là…Charles ne serait pas d’accord…. C’est bien Beaudelaire ? Hein ? Le spleen de Paris ?? Ou je
Me plante ? Je ne sais plus !!! J’suis perdue là au chaud bien au chaud dans ce canal lacrymal …toute seule …et … et … … … je ne sais même pas vraiment sur quelle joue aller danser … rouler…briller ,,, ah zut j’sais déjà dit ça …
bon tout ça c’est bien beau
Et poétique
et très très spleen!
Mais il faut que je me décide !
Allez larmette de Blanchette bouge-de là !!!
Alors joue gauche égale côté cœur
Hmmmm … c’est dans le contexte … mais moi j’aime bien la droite … c’est toujours celle là que Blanchette elle essuie en premier quand je l’innonde…toujours … et ensuite la gauche … dans cet ordre … bon c‘est decidé ! La droite … parceque politiquement parlant … la gauche en ce moment … bon … j’aime pas la politique ! Blanchette non plus … Elle dit toujours que c‘est pourri … carrément deguelasse … et je suis d’accord avec elle … pouvoir / pouvoir !
Bon je sors ..je déborde de sa paupière …je me lance …je coule …je roule …je brille …
L’oeil zoome
Les veines, pétales tendres
Une larme en suspens,
Goutte à goutte
La main tendue
S’ouvre la paume
pétale blanc
Deltas
Imaginaires
Une larme glissant
Page de cahier seyes
Au chevet
Du lit mourant.
LA GRANDE AVENTURE
Une larme entrebâille sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiverse devant l’embarras du choix. Celle-là est trop ridée, celle-ci pas assez, cette autre un peu trop fardée.
Elle ferme la porte et décide d’aller sur google pour voir de quelle manière amorcer la descente car c’est la première fois qu’elle sort de chez elle. Il parait qu’on apprend beaucoup avec les tutos.
Une première vidéo montre une toute petite larme, toute intimidée devant une joue bien flétrie. Après un démarrage hésitant, la voilà qui glisse tout doucement sur les parois formant des rigoles ici et là. C’est donc en slalomant à l’aveuglette que la petite larme termine sa course à la commissure des lèvres, happée par une bouche sans dent retenant son dernier souffle…
Une deuxième vidéo montre une larme qui trépigne sur place, attendant le feu vert pour descendre la piste toute lisse qui se présente à elle… d’un haut-parleur, on entend : “et voici la larme de joie prête à tout pour remporter le premier prix”. Gros plan sur la larme…, signal de départ, et hop c’est parti ! La larme glisse à une vitesse folle, acclamée par le public. La voilà sur l’arête du nez…, saut périlleux ! Atterrissage sur le bec de lièvre…, mais… que se passe-t-il ? On dirait qu’elle perd le contrôle…, la voilà planant dans les airs… Quel moment intense ! Quel suspens… Incroyable ! Après un salto arrière, la larme retombe sur le menton en galoche qui arrête tout net la course et c’est ainsi que la larme remporte le premier prix.
Une troisième vidéo montre une larme sortir du coin de l’œil et descendre en rappel le long d’un cheveu sur une joue trop fardée. Le but du jeu est de froler les parois toxiques sans les toucher. L’opération est délicate car sous le fard se cachent des monticules à cratères purulents… La larme est habile ; elle évite les pièges mais arrivée sous la narine droite, elle est aspirée et disparaît sous l’œil médusé de notre héroïne qui éteint son ordinateur, paniquée à l’idée de sortir…
Descendre une joue ridée au risque de se faire avaler…
Descendre une joue trop lisse, trop dangereux pour une novice…
Descendre une joue fardée et terminer dans un trou de nez…
Mais quelque chose la pousse à sortir, elle ne peut se retenir, c’est comme si on avait ouvert les vannes… La voilà projetée hors de chez elle, mêlée à un torrent de larmes… Elle ne contrôle absolument rien. Puis elle échoue sur le dos d’une main… Elle n’a pas le temps de reprendre son souffle que la voilà emportée cette fois-ci par l’eau du robinet qui coule à vive allure ! Après avoir tourbillonné pendant longtemps dans les tuyaux, elle se retrouve dans une vaste étendue d’eau… Elle ignore que c’est la mer… Elle ignore aussi que pour elle une grande aventure commence…
Un humour décapant !
j’aime beaucoup le commentaire sportif !
Merci ! Ça fait du bien de se laisser aller 😉
Entre nous, ce n’est pas parce que l’on ne dort que d’un seul œil lorsqu’ on est méfiant, qu’il faudrait pleurer d‘un seul œil, encore, quand on est triste…ou joyeux … Petit joueur !
Nous, ici, on assume et c’est des deux yeux, ensemble, que l’on choisit de faire le grand saut , ce qui rend les choses encore plus complexes..
Quand l’œil droit aurait plaisir à venir caresser la tendre joue du nourrisson , l’œil gauche lui, préférerait la joue fardée de cette trop belle, abandonnée.. Alors, faute de choisir, nous nous retenons et restons cachées. Mais, sous les paupières closes, ça cause :
«- Cette vieille peau, là, toute ridée, où le chemin est déjà tout tracé, de trop de larmes labouré, cela te dirait ?
– Sûrement pas , je n’aime pas marcher sur des chemins par d’autres déjà tracés, moi je veux innover…
-Regarde là , à la tête qu’il fait je pressens un gros chagrin.. on y va ?
– Oh non, à pleurer toutes les larmes de son corps, il va nous noyer dans la cohue …
– et celle ci, à entendre son cœur battre la chamade, il me semble urgent de lui balancer un peu de pommade , histoire de lui faire sortir ses molécules d’anxiété pour éviter de la voir cadancher…
– trop tard !
– Bon, ben, faudrait peut être se décider.. Sinon, on risque de sécher sur place !
– Quel genre de larme tu voudrais être toi ? Larme de joie , de tristesse, de douleur , de crocodile Moi, j’avoue que j’hésite encore … »
Alors on est resté encore un moment à regarder autour de nous parce qu’on n’arrivait pas à choisir les joues sur lesquelles on allait glisser.Il y avait des larmes qui perlaient au bord des yeux sans jamais oser se lancer, un peu comme nous finalement. Il y avait encore les larmes furtives qu’un mouchoir avait tôt fait de gommer – vraiment a quoi bon exister ? Les larmes reniflées, arrête, j’en suis toute écœurée. Il y avait aussi les larmes cataractes – non le mot est mal choisi – disons Niagara, qu’on ne pouvait manquer, trop démonstratives, manquant d’élégance et de discrétion ..Les larmes de sel du migrant qui rêve d’Eldorado au rythme des rouleau, les larmes de sang… oh non , ça c’est dégoûtant, et pourtant
« – Et les larmes de joie ?
– Oh, tu sais, celles là, il n’y en a pas tant que ça…. »
Dans le grand cirque de la vie, on était comme qui dirait aux premières loges , restait plus qu’a choisir…
Je crois bien que c’est ensemble que nous l’avons repérée. Ce serait elle et personne d’autre. Une presque ado trop raide, trop figée, avec un masque sourire télécommandé, le visage livide , les yeux secs et le cœur rempli de larmes , rempli à exploser, à crever . Là il n’y avait pas à hésiter , c’était pour nous une opération survie.
La gamine, quant son petit frère était parti, trop tôt, trop vite, le père lui avait dit : « tu ne pleures pas ! Le chagrin cela ne se montre pas cela se garde pour soi, les autres cela ne les regarde pas ! » Alors elle avait ravalé son chagrin immense et, dans le silence des jours et la triste solitude des nuits sans le petit, elle avait gardé les yeux secs. Toutes ses larmes étaient restées bloquées et si on ne faisait rien, c’est sûr, elles allaient l’étouffer .
Alors , sans plus de question, main dans la main, on a fait le grand saut et, dans un soupir , le jeune corps trop tendu s’est enfin laissé aller …
Quand nous sommes venues mourir sur ses joues, elle était sauvée.
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras du choix. Celle-là était trop ridée, celle-ci…
N’y avait-il donc pas de marge, entre joie et douleur d’une larme naissante ?
Il n’est pas dit de quel œil elle allait franchir le seuil; ce n’est pas là une question de choix. Ça vient comme ça vient une larme… Oh, bien tiens, une larme?! Elle doit bien avoir une origine et peut-être une destination, voire un destinataire ? L’embarras si quelqu’un la voit couler, question à se poser quand on dépose une larme devant quelqu’un.
Et si c’était devant un mot, un souffle, une chose presque insignifiante mais justement présente. Parce qu’elle est là et n’était pas attendue. Parce qu’elle est presque rien mais existe. Elle a le don de ce qui ouvre au possible, comme une goutte sur une terre trop sèche…comme une larme sur une joue à dérider.
L’autre joue, c’est celle qui joue encore à se gonfler se tendre quand il/elle lui fait des bisous. L’autre joue c’est celle d’où coulent plus souvent les larmes, tant et tant de mouchoirs pour les sécher parfois. Pourquoi toutes ses larmes, sur cette joue-ci? Alors, de la joie ou de la douleur? Tout cela n’est pas lisse mais irrigue un tout petit peu une pensée de la vie « vivable », car j’en parle, d’une joue à l’autre, du poids de l’existence à une légèreté joyeuse de l’être.
Et si mon regard se porte trop directement à la lumière, celle directe du soleil, et bien il s’en défendra au moins d’une larme, avant de s’en détourner retourner se tourner vers certaines zones d’ombre, où se situe le puits aux larmes.
Une larme décide :
S’élever, plutôt que de couler ?
Vite rejoindre un de ces nuages pantouflards qui trainent en pyjama dans le ciel printanier.
Ils lisent les dernières nouvelles sur les pages des paysages, villages et cris du coq qui dérangent les citadins venus se mettre au vert , villes, murs et toits végétaux, bourdonnent les abeilles et le métro, boulot, flânent les passants, et ceux-là à vélo…
Louchent sur les voitures grises où colorées, les poids lourds, les trains comme sur des circuits, rubans de bitumes ou de rails… feuillettent, cornent un champs par ci, un pré par là, un bois, une rare forêt centenaire….
Le temps se gâte, les pantouflards s’agitent, attrapent des impers gris, noirs…bientôt la foule se fait dense dans le ciel. Quelque chose les a transformés, quelle mouche les a donc piqués ? Ils s’alignent maintenant, tel un bloc qui fait front, menaçant.
La montagne, s’élance, femme de roche et de pierres. Sa longue robe s’évase en une corole neigeuse qui frissonne le sol. Elle les voit qui s’avancent, d’abord groupés. Puis s’étirent en un voile, les nuages, sur ses paupières closes, désormais aveugles. La nuit tombe en elle, et s’effacent les couleurs du monde.
Pierre coeur de pierre, quelle est cette eau qui sourde en toi, se fraie un chemin dans l’obscurité ? Et la source de répondre, j’entends et je chante les chansons des vents, ceux qui courent le monde…Parfois, un rire s’égraine, Parfois, il s’étrangle…je pleure ces rires perdus, je pleure ces vies perdues.
Alors, offre ton visages aux vents, aux averses qui pleurent aussi toutes les larmes, offre le au temps, offre ce visage, aux soleils brûlants, aux étoiles glaciales, à la lune, offre ton visage à tout ce qui tourne, en ordre, en désordre…
Les lambeaux tombent.
Les yeux s’ouvrent.
Une montagne est en marche, elle marche, marche, robe trainant de rosée, plus elle marche, à travers les saisons, plus elle diminue, plus elle s’assouplit…ses veines, remplies de sève végétale sont des branches aux feuillage verdoyant, c’est à nouveau le printemps…la pierre, s’est faite femme liane, fine et gracieuse…elle marche, marche, répondant à un appel, elle marche jusqu’au plus profond des forêts, retrouver les licornes, les elfes, les farfadets, les centaures, les faunes, les hamadryades, et d’autres encore.
Dans une clairière, elle voit un homme qui lui tend la main, en signe de bienvenue. Il lui demande d’où elle vient, son bras lui désigne alors un lointain, plus lointain que l’horizon, Elle prononce le mot « montagnes », et il lui sourit : « Ah, oui ! Je connais ces contrées : je suis un nain, vous savez, je suis tailleur de pierres ».
Très beau texte. J’adore !
Merci, Michel-Denis Robert 🙂
je voulais adresser une pensée au conte du petit tailleur de Pierre, qu’a partagé Pascal, à l’album de jeunesse « Pierre, coeur de pierre », à Tolkien, et à la chanson « nous sommes des nains d’un mètre quatre-vingts de Tom Novembre ».
Magnifique ! Un bonheur devant un monde transfiguré. Bravo !
Pas du tout souris bleue c’est hymne à la joie, à la vie, à l’espoir les larmes de JOIE seront pour annoncer la guérison.
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras du choix. Celle-là était trop ridée, celle-ci pas assez, cette autre un peu trop fardée. Elle décida de…
Elle décida qu’aujourd’hui elle n’irait pas travailler.
À quoi bon se dit-elle. Passer son temps à couler sur les joues de femmes et d’hommes, à longueur de journée et parfois la nuit.
N’y a-t-il pas dans la vie des choses plus belles et plus intéressantes à faire !
Oui se dit-elle je devrais changer de vie. Notre petite larme sembla retomber sur terre. Que pouvait-elle faire ?
Elle réfléchit.
Et si elle s’envolait dans le ciel pour faire le tour du monde en 80 jours.
Tournoyer dans les airs comme une soucoupe volante.
Trop petite pensa-t-elle. Si je rencontre un avion, un oiseau ou même un insecte – c’est certain – j’explose en vol.
Alors que faire ? Rester ici derrière cette porte. À attendre qu’on m’envoie en mission aéroportée.
Non et non je n’ai plus envie de cette drôle de vie.
Oh c’est trop marrant. Et si je glissais sur des joues de boeuf. J’ai déjà vu cette viande chez le boucher. Paraît-il que lorsque elle est bien cuisinée c’est super bon. C’est bizarre, brusquement j’ai comme une petite faim. À table les amis, venez vite …
Ah ah quelle tête il ferait mon patron ;
si je l’appelle ce tantôt, pour lui dire que je m’en vais à l’autre bout du monde. Par exemple, en Argentine, dans la pampa, bosser pour plein de boeufs.
Comme ça je ne le verrais plus.
Bon je crois que je vais franchir le pas. Je m’éclipse. Sans rien lui dire.
Il pensera que j’ai fugué. Étant disparue, peut-être qu’il va appeler la police des larmes à l’oeil.
Je suis encore jeune et jolie. Il comprendra.
Alors à nous la liberté. Adieu les joues et la tristesse … Je m’en vais. Là où m’emporte le vent, le hasard ou le destin.
Je suis une larme libre moi, et libérée. Sans chaîne et sans mari.
Youpi. Je pars. Le vol de nuit s’en va …
Merci à vous Renata pour votre larme un peu » pompette » 😉
Elle décida de passer par derrière , incognito , et de sortir discrètement par le nez .
Une glissade incontrôlable la précipite à la sortie de la narine droite . Elle tombe dans le verre de vin que l’œnologue étudie .
– Qui êtes-vous et que faites-vous ici ? questionne une larme de vin .
– Je suis votre cause , vous sentez trop fort et j’en coule ! répond la larme à l’œil .
– Très heureux de vous rencontrer , vous êtes magnifique , translucide , bien charpentée mais d’une note inconnue pour moi .
– Hic ! ne m’abusez pas avec vos belles paroles , hic ! j’me sens étrange , hic ! je ne maitrise plus rien , hic ! je sombre au secours !
– N’ayez crainte , je vous porte . Délayez-vous avec moi , je sais que nous allons créer un fameux bouquet .
Deux tours de verre et ce fut fait .
A la dégustation l’œnologue , la larme à l’œil , ne sut jamais comment un verre de vin lui fit croire à une cuvée exceptionnelle , mais pas le reste de la bouteille .
Fabuleuse la créativité de certaines rencontres !
Il était une fois une petite larme qui avait décidé de ne pas couler ; quoiqu’il arrive, elle resterait blottie dans le canal, là où elle était née . Malheureusement, elle n’avait pas le choix et un beau jour , elle jaillit à l’air libre et s’écrasa là, juste sur la feuille de papier où mon stylo s’activait. Cela fit une auréole au beau milieu du mot « Adieu ». Tant pis pour toi petite larme, tu as été expulsée juste à la fin d’une lettre de rupture, mais si ça peut te rassurer, nulle autre de tes semblables ne t’a suivie ce jour là ! Je profite cependant de l’occasion pour vous rendre hommage, vous dont la vie est si brève…
Hommage aux larmes glacées que le vent arrache à mes yeux, lors des balades hivernales ; durant quelques secondes, le paysage devient flou et tremblote.
Plus douloureuses sont celles qui soudain brûlent mes pupilles, tandis que j’émince frénétiquement quelques oignons . J’ai tout essayé pour pallier à cette agression végétale, mais rien n’y fait ; les oignons m’arracheront toujours d’amères larmes !
Et puis, évidemment, il y a celles que nous sécrétons nous-mêmes, parce qu’une émotion, une douleur nous submerge ; elles nous laissent vidés,essorés, les yeux tuméfiés. Mais elles ne font que leur devoir, pauvres larmes des vrais chagrins !
Enfin, il y a mes préférées : elles arrivent sans s’annoncer ; je suis en train d’écouter une chanson, ou bien je lis un roman ou je regarde un film et soudain, sans crier gare, elles se mettent à couler doucement sur mes joues, ô les charmantes, les délicieuses…Celles-là peuvent revenir quand elles veulent, je les chéris. Et que les autres n’en prennent point ombrage ; chacune a bien rempli son rôle et je les en remercie. N’hésitez plus donc, à rouler sur mes joues, car ce serait tellement dommage, de ne plus pleurer.
Une larme entrebâilla sa porte
Pour voir sur quelle joue couler
Et quel canal emprunter.
Ayant l’embarras du choix
Longtemps elle tergiversa
Celle-là était trop ridée
Elle risquait de trébucher
Celle-ci, pas assez
Cette autre un peu trop fardée
Elle pourrait s’engluer
Alors elle décida de se retirer
Tout doucement
Dans ses appartements
Et d’hiberner quelques temps
A quoi bon s’obstiner
Quand les émotions sont aux abonnés absents
La tristesse a disparu
La peur on n’en parle plus
Le dégoût a pris les jambes à son cou
La colère sous les verrous …
Qu’est donc devenue notre perle d’humeur
Cette petite goutte d’impudeur
Peut-être attend-elle simplement
Le retour d’un moment de bonheur
Pour couler subrepticement sur la joue
D’une jeune maman
Avec lenteur
Et une infinie douceur ?
Comme c’est joli!
Merci Françoise
Elle décida de se retenir, avec force, au coin de l’œil. Les émotions sont toujours mauvaises conseillères. Cependant, les digues lacrymales menaçaient à tout moment de rompre.
Cela arrivait de plus en plus souvent, mais ce n’était rien en comparaison du grand déluge qu’elles avaient provoqué, dans un passé pas si lointain.
Planquée à l’orée de la caroncule, tout près de l’arête du nez, la larme se mit à nouveau à observer ce visage rond et saccagé, à bord duquel elle voyageait. Il était son vaisseau, mais pour combien de temps ?
Il avait été giflé, frappé, défiguré. Pire encore, profané. Aucun fard ne pouvait plus masquer ses blessures.
Les larmes arrachées avaient creusé par endroits de profonds sillons et l’activité du soleil s’en était trouvée augmentée, pour les assécher. Il aimerait tant aider sa vieille amie à laquelle il s’était habitué, à force qu’elle lui tourne autour. Et qu’elle retrouve ses charmes d’antan.
Son zèle était tel qu’il pourrait bien aller jusqu’à tarir tous ses pleurs.
La larme sentit sa fin venir.
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545/Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras du choix. Celle-là était trop ridée, celle-ci pas assez, cette autre un peu trop fardée. Elle décida de rester à l’abri. Elle n’avait aucun chagrin, elle n’était pas atteinte du syndrome du crocrodile ou pire encore du coronavirus,virus qui selon les dires de certains viendrait de Chine. Elle avait appris il y a peu que les larmes sont l’antigel de l’âme et aujourd’hui le temps était clément.Soudain, sa voisine, la bouche, éclata de rire , sa larme serait donc sucrée . Mais elle voulait vivre encore un peu. Soudain elle l’entendit crier à sa fille « garde tes larmes pour demain ».Ouf ! Elle avait encore 24 H devant elle .
24H c’est presque un siècle pour une larme…
Ah le choix !
Ah l’embarras !
Bon, il faut faire vite sinon je vais sécher sur pied, comme ma pauvre sœur qui faute de se décider à temps s’est comme évaporée !
Non, moi, je dois remplir mon rôle.
Alors ? qu’est-ce que j’ai à disposition ?
Une tête de linotte … bof ! même pas sûr que ça sache pleurer !
Une tête à claque ? là, ça peut marcher surtout si j’ai été devancée par la claque justement !
Une tête de veau ? ah oui ! très bien ! d’ailleurs « pleurer comme un veau » ça va justifier mon intervention !
Allez hop !
Elle décida de redescendre par le canal lacrymal quand elle se fit moucher par une congénère qui l’avait dans le nez.
— Alors on fait encore sa mijaurée ? Ce n’est pas tout de se faire désirer dans le coin de l’œil, il faut savoir se jeter à l’eau, ma petite fille.
— J’ai peur de me faire mal, le terrain est trop escarpé. Je vais m’éclater la figure, c’est sûr !
— Mais c’est le but, ma chérie ! L’éclate, le grand frisson dans les bras d’un sanglot. Ne les entends-tu pas, tous ces râles, hoqueter dans les profondeurs de l’âme ? Ils nous appellent.
— Mais c’est que…
— Allez, ne fais pas ta chochotte et saute le pas ! Tu ne perles rien pour attendre. Je t’assure que ça en vaut la peine. Regarde les copines comme elles s’envoient par-dessus bord. Prends le premier venu et laisse-toi faire !
— Mais je…
— Tiens, celui-là… le petit père Hoquet, c’est un bon parti pour répéter tes gammes.
— Oh !
— Bah, voilà ! ça glisse tout seul, tu vois… Ça ne fait pas de mal de rigoler un peu avec les copines.
— Han ! Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Bon, ben, le grand bain, c’est déjà fini pour toi. Tu peux aller te sécher et te rhabiller. Bah oui, petit père, petite peine !
UNE LARME
Même pas un coup d’fil
C’est décidé je m’évapore
Je prends mon baise-en-ville
Il verra ce porc
Quel jeu débile
Je change de décor
Moi un crocodile
Quel esprit retors
Il croit me faire souffrir
Dans l’oeil il met son doigt
L’émoi rime avec rire
Rien je ne lui dois
Je lui ai tout donné
Il ne mérite que des claques
Je vais m’abandonner
Avec mes copines du lac
Ensemble nous partirons
Jusqu’à la mer Egée
Et dans les environs
Nous pourrons nous venger
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras
du choix. Celle-ci était trop ridée, tandis que celle-ci, elle la convoitait. Elle appartenait à une jeune mariée à peine sortie de l’adolescence. Répandre de belles larmes de bonheur sur ces joues non encore abîmées par l’outrage du temps la tentait. Elle choisit d’y faire couler des perles de rosée sur cette joue satinée, en souhaitant de tout son cœur que la fête continue dans l’espoir d’un avenir aimant et chargé de promesses.
Pendant un instant, la larme a eu un cas de conscience sur sa propre vocation. Elle pensa que la cruauté du monde lui faisait déverser encore trop des larmes de désespoir, de chagrin sur des joues qui ne demandaient que de l’affection. Au quotidien, sa présence était bien trop souvent la conséquence d’un malheur éprouvé, mais quel rôle voulait-on lui faire jouer dans ce bas-lieu ?
Elle n’était qu’une eau salée où de pauvres âmes désespérées s’y noyaient.
Elle trouvait qu’elle sombrait dans un univers trop manichéen étant plus présente dans des situations négatives que positives. C’est alors qu’elle décidait de rompre ce contrat qui l’unissait à cette dictature du dramatique.
Non elle ne serait plus le bon pompier qui arroserait les joues des êtres rattrapés par tous les malheurs de l’existence, elle voulait bien au contraire voir s’allumer dans les yeux de tous les mortels, la flamme d’une vie heureuse et chargée d’espoir et c’est ainsi que la Larme devint le pyromane de la joie en faisant briller les yeux de chacun, petits, jeunes et vieux. Peu à peu, elle
s’autoproclama : « Larme magique ». Ainsi, elle fit son entrée dans le royaume de la Paix et de l’Amour et son eau n’eût plus jamais la même saveur.
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras du choix. Celle-là trop fripée, celle-ci pas assez, cette autre trop fardée. Elle décida de réfléchir encore un peu.
Elle pouvait fermer sa porte délicatement, sans bruit, ou se jeter dans le vide.
Elle se souvint soudainement que, si elle commençait à pleurer, elle ne pourrait plus s’arrêter.
Alors, elle se jeta du haut de la falaise.
Sa chute lente et légère la grisa.
Elle s’abandonna au vide.
C’est triste à pleurer.
Elle atterrit avec élégance sur un pétale d’une rose rose.
– « Bienvenue, petite larme.
– Merci à vous de m’accueillir, vous êtes si douce et si parfumée !
– Vous n’avez rien à m’envier avec votre pointe de fleur de sel ! »
Une magnifique rencontre !
Magique et émouvante !
A pleurer de bonheur !
L’air respirait l’été. Le soleil riait. Tant et si bien qu’il assécha la larme.
La rose rose perdit son amie et bientôt ses pétales.
Une larme ouvrit grandement sa porte. Sans se poser de question, elle coula gracieusement.
Perle de rosée. Larme perlée.
Un regard, sûrement.
Une main tendue, peut-être.
Seuls les poissons, quand ils pleurent, personne ne le voit.
Belle rencontre oui , j’aime . Merci
Merci Renata.
C’est une belle journée du mois de mai. Le Noroît souffle, les nuages défilent, comme dans un film en accéléré, et la température ambiante est plutôt fraiche en dépit de la luminosité printanière.
C’est dans ce décor, que la famille réunie célèbre le départ de sa doyenne. La prochaine fois qu’une telle rencontre se produira, ce sera pour honorer l’ultime représentant de cette génération.
Toute la descendance attend, sous le porche du bâtiment, que le véhicule sombre et rutilant, dédié à cet usage, arrive.
Le frère et les enfants, cheveux gris et visage marqué par les ans et le climat, sont silencieux. Pensent-ils que ce sera bientôt leur tour d’être conduit dans le fourgon. La tristesse n’est néanmoins pas trop prégnante. Tous s’attendaient, ces derniers temps, à cette issue. Néanmoins, le dernier frère, une larme scintillante au coin d’œil, reste courbé sur un bâton de marche et tient fermement le bras de sa fille..
La larme hésite à couler sur la joue. Le vieillard n’y prête garde. La larme souhaite exploiter l’évènement et choisir la scène de sa dramaturgie. Elle tergiverse, regarde l’assemblée pensive : « La peau de l’ancêtre est vraiment très ridée et les profonds sillons parcheminés, me feront couler à grande vitesse vers le menton, sans me laisser le temps de jouir de l’audience du jour », se dit-elle.
Elle se tourne alors vers les plus jeunes de l’assemblée. Certains à peine sortis de l’enfance tente une entrée hésitante en adolescence : « Leur peau n’est pas assez ridée, les boutons d’acné rose et blanc entre les points noirs, pourraient s’avérer des rivaux et affadir ma prestation ».
Voyons, observe-t-elle, les parents de ces pioupious ? Une femme rousse d’une quarantaine d’année, détachée du groupe, téléphone discrètement. La larme évalue puis décide que celle-ci est vraiment trop fardée. La beauté cristalline de la goutte pourrait s’altérer dans la large couche de fond de teint cuivré.
Sur cette considération, le fourgon arrive, soulevant une poussière profuse que les participants reçoivent en plein visage. C’est un curieux spectacle que toutes ces tignasses soulevées et malmenées par le vent, ces vêtements faseillant dans le tourbillon, ces visages aux yeux fermés face à la poussière qui tente de s’insinuer partout.
La larme décide d’attendre.
Une fois l’assemblée installée dans la salle de célébration, l’émotion suscitée par les morceaux de musique et les hommages choisis sont une scène idéale. Enfin, la larme parvient-elle à faire son show.
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras du choix. Celle-ci était trop ridée, celle-là pas assez, cette autre un peu trop fardée. Elle décida de se rendre dans cette salle de classe où Josette donnait un cours de compta. Devant l’ampleur du boulot en perspective, elle demanda du renfort à ses copines.
Parmi les élèves se trouvait une quadragénaire, pas trop ridée et vierge de tout maquillage, qui avait repris ses études dans l’espoir de retrouver en emploi. Pat, pour ne point la nommer, était assise à côté d’Anthony âgé de 18 ans, le pitre de la bande. Il détestait la comptabilité et chaque fois qu’il rentrait en cours il disait :
– « Mais… mais qu’est-ce que c’est que cette matière ? C’est de la merde. »
Soudain Josette, de sa voix aiguë, dit à Pierre :
– Vous ne savez pas lire !
Aussi sec, Anthony murmura :
– « Zézette, épouse X, vous savez pas lire ! »
Pat, qui sentait qu’un fou rire arrivait, fit «chut» à Anthony. Mais que nenni ! La rigolade monta crescendo lorsque la prof demanda à Pierre ce qu’il n’avait pas compris. Pat entendit :
– « Je ne vous jette pas la pierre, Pierre. »
L’élève si studieuse, en tant ordinaire, n’en pouvait plus de rire en catimini, de se gondoler, de partir à la recherche de mouchoirs, d’avoir trop mal aux abdos, d’essuyer ses larmes intarissables, de pencher la tête pendant qu’Anthony ponctuait chacune des explications de la Josette d’un « c’est c’lâaa oui ! » ou d’un « C’est fin, c’est très fin, ça se mange sans faim. »
Le prof, intriguée, s’approcha de l’étudiante pendant qu’Anthony murmura :
– » Elle est pas moche, mais elle n’a pas un physique facile. »
Pat cru mourir de rire ce jour-là. Lorsque la Josette lui demanda si elle avait reçu une mauvaise nouvelle, Anthony eut encore le temps de dire :
– «Vous êtes myope des yeux, myope du cœur et myope du cul. »
Pat, ne pouvant plus se contenir, lâcha prise et partit dans un grand éclat de rire qui contamina toute la classe. Bien embêtée, elle demanda la permission à Zezette de se rendre aux toilettes et c’est ainsi que les quelques centimètres cubes de ses fluides corporels quittèrent son corps et que ses larmes terminèrent leur vie dans une bonne dizaine de mouchoirs.
*Hasard ou pas, les prénoms sont réels. Un souvenir indélébile !
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras du choix. Celle-là était trop ridée, celle-ci pas assez, cette autre un peu trop fardée. Elle décida de…
Prendre son temps et de chercher celle sur laquelle elle pourrait s’épanouir pleinement servant une cause qui en vaille la peine.
Couler pour une chute sur le genou, un film à l’eau de rose, ou pire des épluchures d’oignons, c’est bon, elle avait déjà donné.
Non, là elle avait envie de se faire plaisir et de savourer sa chute qu’elle voulait lente, théâtrale mais pas trop, unique et surtout s’inscrire dans le souvenir de la joue.
Elle prit son temps même si elle en avait peu et choisit la joue d’une mélomane un jour de printemps aux premières douceurs du climat sous un soleil couchant encore doux et un ciel d’un bleu -violet qui laissa bientôt place à une pluie d’étoiles.
Elle se félicita d’avoir attendu ce fameux soir car elle assista à la retransmission en plein air d’un opéra. Elle n’aurait pu rêver mieux comme apparition. La voix de La Callas chantait Norma et les spectateurs communiaient dans un silence enveloppant de musique qui les transportaient tous en cet instant au même endroit.
Elle comprit qu’en ouvrant le bal, d’autres suivraient et couleraient sur les autres joues. Alors le plus cérémonieusement possible, elle glissa à un rythme étudié dans un premier temps puis s’abandonna pleinement à l’émotion du moment et les larmes voisines la suivirent dans un grand élan partagé. Elles brillaient sur les joues de tous ces gens comme si elles réfléchissaient la lumière des astres du ciel.
Ce fut un beau moment.
Elle avait réussi sa sortie…
Mon dieu quelle tristesse Mireille. 🐁
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler.Elle tergiversa devant l’embarras du choix.
Celle là était trop ridée,celle ci pas assez,cette autre un peu trop fardée.
Elle décida de se tourner vers une joue qui ne serait pas humaine,un territoire nouveau.
La larme s’envola,virevolta ,hésita,puis fini par se poser sur la tête d’une statue debout dans sa niche,sur un côté de la façade de l’église saint Romain,à Vaudeville sur Limoux.
Après un temps de repos,elle se laissa glisser le long de la joue inconnue,polie par les ans,aux contours délicats et féminins.
La larme trouva ceci si plaisant qu’elle remonta pour découvrir l’autre joue,recommença encore et encore sa tendre caresse humide.
En bas,devant le porche,une foule s’amassait petit à petit.Les curieux tombaient à genoux,les mains jointes.
O miracle,merci Bonne Mère,la Vierge verse des larmes pour nous pauvres pêcheurs.
Alléluia,Mère de Jésus,accueille nous comme tes enfants chéris.
Et chacun d’égrener son chapelet avec ferveur.
La larme,étonnée mais fière de l’effet obtenu,continua ses cascades dans un plaisir sans mélange,heureuse de son choix.
Le chagrin l’avait percutée
Une porte s’était refermée violemment sur elle
Elle l’avait pris en pleine gueule
Et elle s’était écroulée
C’était la seule chose à faire
Sous le choc sa peau s’était ridée, ses cheveux avaient blanchis, ses yeux s’étaient vidés
Son cœur aussi… ridé, blanchi, vidé
Quand le triste noir s’est fardé de mauve
Une larme a entrebâillé la porte du tourment
Hésitante
Pleurer c’était admettre l’infaillible
Et renoncer
C’était fournir le passeport pour l’au-delà
Tant qu’elle ne pleurait pas
Il demeurait, incarné
Retenir ses larmes, c’était le retenir, lui
Fuck la mort
Une larme entrebâilla sa porte pour voir sur quelle joue couler. Elle tergiversa devant l’embarras du choix. Celle-là trop ridée, celle-ci pas assez, cette autre un peu trop fardée. Elle décida d’attendre le moment opportun. Et elle se retint de couler un certain temps.
M… entra dans le bureau du Docteur, elle se doutait de la nouvelle, il lui confirma, vous avez un cancer. Elle s’y attendait, la larme ne coula pas. La chimio arriva à son tour, la larme refusa de couler. Il y a deux jours, passant sa main dans ses cheveux, M… se trouva avec une mèche collée à sa main. Là, la larme craqua, elle se mit à couler, accompagnée d’un flot de pleurs. M… se ressaisit, elle essuya la dernière larme qui s’accrochait à ce qui lui restait de cils, pris une forte inspiration et se dit, que les prochaines larmes qui couleraient, seraient des larmes de JOIE !
Elle décida d’être prudente, de rester en retrait. Elle ne voulait pas être au bord des larmes pour ne point tomber dans le désespoir. Que de cris ! Elle préférait rester là quand ses compagnes là crient mal. Elle savait aussi qu’elles pouvaient crier mâles lorsque certaines d’entre elles faisaient pleurer le colosse. Elle ne voulait pas tomber aussi bas. Elle faisait également attention à ne pas trop se pencher pour ne pas s’épancher en vaines fontaines, pour ne pas pleurnicher en faux chagrins comme ces pleureuses à qui l’on déléguait une tristesse feinte, pour ne point nicher ses pleurs dans la peur, la peur de paraitre faible. Elle préférait se déverser dans la vallée des larmes pour une catharsis des anxiétés, des angoisses, des peurs et surtout de la douleur. Elle se voulait chargée de protéines, de toxines, vidant le trop plein d’émotion d’un être malade. Elle ne voulait larmoyer que dans un art : noyer le malheur dans des gouttes salées. Elle détestait l’été. Au moindre éclat du soleil, elle craignait toujours de pleurer à chaudes larmes et de fondre en pleurs pour une simple inflammation. Elle craignait aussi la fibre sympathique de l’éplucheur d’oignon. Mourir dans une alarme déclenchée par une simple irritation lui paraissait peu aimable, une mort peu digne d’elle. Elle croyait en sa destinée. Elle voulait toucher au divin, finir comme une larme de vin sur la joue cristalline d’un verre de dégustation, dans la sublime action d’une sublimation. Son vœu fut en partie exhaussé : elle vint finir ses jours sur la joue d’une petite fille qui avait perdu son doudou.
Blackrain ton texte nous a ému tant il est bien écrit.
LURON’OURS 🐻 et souris bleu🐀
ÉMU’S’ bien sûr !
Elle décida de refermer la porte et d’aller se recoucher.
« Marre de me répandre pour un oui ou pour un non » marmonna-t-elle en tirant la couette sur elle.
« Marre de toutes ces joues et de tous ces kleenex qui me font éternuer ».
Vous l’avez compris chers amis lecteurs, notre larme fait grève. Pire, notre larme fait un burn out.
Alors se dirent les humains, alors, comment vivre sans larmes ?
– Impossible dit Juliette. Comment pleurer la mort de mon Roméo sans larmes ?
– Impossible dit Françoise Sagan. Comment écrire « bonjour tristesse » sans verser une ou deux larmes ?
– Impossible dit Françoise Hardy. Comment chanter « tant de belles choses » sans une seule petite larme ?
Et tous les humains de tambouriner à la porte de notre larme en criant :
« Larme, Larme, reviens… nous avons tant besoin de toi »
– Silence ! Je dors !
« Non larme : ne nous abandonne pas ! »
– Silence espèces de vampires. Vous m’avez asséchée – J’ai plus de jus – circulez !
Les humains, impuissants, se concertèrent.
Ils décidèrent alors de se rendre dans une pharmacie où ils confièrent leur difficulté à pleurer.
– Je vois, dit le pharmacien : vous souffrez du syndrome de la larme sèche.
Je vous propose un nouveau collyre qui devrait vous ramener la larme à l’œil.
Ainsi fut proposé, ainsi fut approuvé.
Les humains dévalisèrent la pharmacie.
Notre larme le sut et se vexa.
Être remplacée par des larmes artificielles n’était pas glorieux.
« outrageant » pensa-t-elle, « outrageant » !
En soupirant et en se traînant elle se leva et entrebâilla la porte.
Mais il n’y avait plus personne à la porte : pas une seule joue à l’horizon, ni ridée ni fardée, ni rouge, ni pale…
Le choc fut tel que la larme mourut sur le champ.
Pendant ce temps, Juliette, Françoise et les autres s’aspergeaient de collyre et pleuraient tout leur saoul.
L’essentiel étant de pleurer n’est-ce pas ?
Votre petit texte m’a fait sourire Camomille.
Les sourires ne font pas de burn out. 🙂
Oh non Béatrice, les sourires ne font jamais de burn out !
Merci à vous 😉
Beaucoup de plaisir à vous lire , merci
j’aime bien . merci