465e exercice d’écriture créative créé par Pascal Perrat
Un mur aveugle vient de recouvrer la vue. Exprimez ce qu’il ressent.
Ces exercices inédits d’écriture créative n’apprennent pas à écrire, ils enflamment l’imagination. Le but est de vous conduire vers les ressources imaginatives qui somnolent en vous. Après quoi, vous décidez de mener le projet d’écriture qui vous convient : nouvelles, roman, etc.
Je ne voyais rien. Et puis soudain … miracle, je me mis à voir. A vrai dire, je n’ai pas vraiment recouvré la vue dans la mesure où je ne l’ai jamais eue. Je suis né aveugle et j’ai vécu aveugle.
C’est un choc énorme et pourtant ce n’est pas tout. En effet, j’ai découvert, le même jour, que j’avais un nez moi qui n’ai jamais rien senti de ma vie, du goût alors que je croyais sans saveur, un certain toucher et que je pouvais percevoir les sons alors que je me pensais définitivement sourd.
Ce que je voyais, sentais, entendais, touchais et même goûtais dépassait ce que j’avais imaginé, mes espérances les plus folles : les gens riaient et dansaient dans la rues, des senteurs de poussière mêlées à celles de saucisse s grillées, des chants confondus aux bruits de marteaux-piqueurs etc..
Mais le plus important, car je ne n’avais jamais osé l’imaginer, c’est qu’il m’étais permis de penser et que la liberté de m’exprimer me fut offerte.
Finie cette existence grise, insipide, silencieuse, muette. J’aurai vécu 28 ans sans voir, sans entendre, ni rien sentir, sans parler ni même penser. Que vais-je faire de toute cette encombrante liberté ? Dois-je m’en réjouir ou m’en attrister ? Puis-je en être fier ou en avoir honte ? La honte, justement qui m’a accompagné toute mon existence.
Le plus affligeant ? Je n’aurai découvert les vrais sens de la vie que le jour de ma destruction.
Mémoires du Mur de Berlin
Un mur aveugle vient de recouvrer la vue. Exprimez ce qu’il ressent.
Ces deux-là m’adoraient.
D’aussi loin que je me souvienne, ces deux petits garnements et avant eux leurs parents adoraient venir trainer leurs guêtres sur mes arêtes. Je leur ai bien malgré moi mille fois griffer leurs peaux fragiles d’enfants. Dès que l’école était finie, c’était ici qu’ils passaient tout leur temps. Je connais leurs vies par cœur, je suis la mémoire de ce village, muet comme une tombe, gardien des secrets des plus gais au plus sombres.
Mais je n’avais pas vu venir et pour cause, le projet qui se fomentait. Rose chuchotait souvent à l’oreille de Pierre et je ne savais pas toujours ce qu’elle lui promettait. Les années étaient passées et devenus adultes, ils continuaient à venir se cacher ici. De plus en plus souvent. A l’ombre, de ma hauteur, c’est contre moi qu’ils comprirent qu’ils s’aimaient.
Je compris qu’ils se passait quelque chose quand je les vis tous les jours. Il me flattait le flan, me gratouillaient avec des outils rutilants. Puis un jour, d’autres murs s’érigèrent. J’avais la lourde tâche sans qu’on me l’ait vraiment demandé, mais je le leur avais bien évidemment pardonné, de soutenir ce beau petit monde. Deux nouveaux murs rutilants furent montés de part et d’autre de mes extrémités et je compris la finalité du projet quand je vis arriver sur un engin deux grandes baies vitrées !
Après mille précautions, on leur fit de la place dans mon antre, là où il y a très longtemps j’avais été si mal ouvert et ensuite reboucher sans soins ni considérations. J’avais dorénavant deux immenses yeux pour ouvrir et voir. Je n’étais plus aveugle. C’était tout le contraire ! Quel merveilleux cadeau ! Je pouvais regarder dehors et dedans. Ces vitres me faisaient comme une immense paire de lunettes qui me permettait de ne pas en perdre une miette ! Devenu le soutien inébranlable de la maison, je fus le témoin privilégié de leurs plus belles années. Je vis naitre les enfants et protégeais à nouveau ces nouveaux nés. Les gratifiant de mon ombre, je leur restituais la fraicheur aux plus chaudes heures de l’été. Je savais aussi les réchauffer en hiver en restituant la chaleur accumulée du soleil.
Je fus le plus heureux des murs. Mon histoire croisait celle de cette famille et je comptais bien tenir encore longtemps pour abriter à leur tour leurs petits-enfants.
Requiem du vieux mur
Quels sont ces coups dans mon côté
qui ébranlent ma chair en pisé
Ils vont finir par m’éventrer !
Et voilà ! Ils ont réussi
me voilà tout anéanti
Mais tout à coup
voilà que je vois par le trou ?
Jusqu’à ce jour ma cécité
ne me gênait que d’un côté
j’avais dans le nez les odeurs
des poireaux, tomates et choux fleurs
semés, arrosés, récoltés
par les soins du vieux jadinier
Les roses, les dalhias, les oeillets
je les voyais s’épanouir
et à chaque saison refleurir
Aujourd’hui que s’est il passé ?
ma mort est-elle programmée?
Ils bâtissent un nouveau quartier
me voilà nu sur le pavé
Pelleteuses et bulldozers fouillent
le jardin du père Gribouille
qui était de l’autre côté
et j’aimais l’entendre chanter
quand il ramassait ses navets
mais jamais je ne le voyais
seulement lorsqu’il s’amenait
pour se faire payer la goutte
après sa dure journée
à préparer son marché
Aujourd’hui, ça sent le mazout
plus de marché à préparer
Mon jardinier baisse la tête
touche mon flanc tout déchiré
il a l’air triste et désolé
de voir ma vie se déliter
sans qu’il ne puisse protester
Ils creusent, ils tirent, ils souillent
ils ont pillé les citrouilles
des canettes gisent à mes pieds
balancées par les ouvriers
qui se moquent de souiller
tous ces gravats qu’ils ont brassés
Dix étages bientôt s’élèveront
dans le champ de roses pompons
Je découvre aujourd’hui aveuglé
ce monde toujours insatisfait
ce monde qui va dans le mur
a toujours plus déployer sa voilure
Ce trou est le début de ma gangrène
Pourtant à l’ombre de mes grands murs
j’abritais un jardin d’Eden
Lecrilibriste
Le mur aveugle attend.
Un souffle. Un murmure.
« Un jour, le Ciel tu verras »
Le mur aveugle a peur.
Un tremblement. Une secousse.
Le mur aveugle frémit.
Une fissure. Un séisme.
Le mur se lézarde.
Il a cru voir ; il est désappointé.
La nuit succède à la nuit.
Il a cru entendre, il est désespéré.
Le silence est roi.
Un voile noir se dépose sur lui.
Tout s’écroule.
Désormais, aucun mot ne franchira les lèvres blanchies
De cette Maman.
Un mur aveugle vient de recouvrer la vue,Exprimer ce qu’il ressent
Je n’ai pas toujours été aveugle, Il y a longtemps,si longtemps me semble- t-il, je participais pleinement à la vie du village, Situé derrière l’église,à la périphérie, les mamans, les nourrices venaient poser leurs popotins sur moi, J’aimais bien, Et tandis que les enfants gambadaient, elles papotaient à qui mieux mieux, J’étais au courant de tous les cancans, J’adorais ça
Le soir ,dès qu’il faisait bon, j’étais le lieu de rendez vous de tous les amoureux, amourettes de printemps, amourettes de vacances, amour pour la vie qu’ils disaient,,,j’en ai vu des approches timorées, des emballements timides, des étreintes torrides, Ah je me suis bien amusé
Puis la vie a changé, Le village s’est vidé, Ils m’ont oublié, La mousse, petit à petit m’a recouverte, Et voilà, plus rien,le néant, Je croyais que j’étais mort
Erreur, Blang,bling,blang,,, voilà qu’on me tape dessus, qu’on me gratte et que sais je encore,,,avec des pelles, des massettes,des burins,,, On aurait décidé de restaurer la vieille église et ses murs d’enceintes, Et j’en profite joyeusement, Ils sont toute une équipe de jeunes à me grattouiller, me farfouiller, Ils n’y vont pas vraiment de main morte mais j’adore
Ils sont tous en shorts,les gars torses nus et les filles en petits débardeurs, Que de couleurs,j’en prends plein les mirettes, Le jour le soleil m’éblouit et la nuit la lune et les étoiles m’éblouissent tout autant
Au fur et à mesure qu’on me bichonne et que je redeviens beau, je bénis tous mes sens retrouvés ; voir, entendre, sentir= la vie quoi !
J’espère que plus jamais ne reviendra l’hiver
Ils étaient venus nombreux, des milliers, peut-être plus
Les uns pourvus de pioche, d’autres uniquement avec leur pogne.
Une longue colonne d’hommes, de femmes et d’enfants
Chacun s’éreintant à gratter, arracher, éventrer
Au début ce fut douloureux, toute cette pierraille accumulée depuis des siècles
On griffait ma peau, dépeçait mes entrailles, jetait bas mon squelette
De chaque côté on frappait, avec hargne !
Des siècles que je trônais sur cette crête, chaque nouvelle pierre reposant sur celles de ses ancêtres
Je marquais la frontière entre le nord et le sud
Lorsque j’étais petit, on m’avait conté l’histoire d’un lointain cousin Berlinois
J’avais cru à des histoires, des contes de fées
Aujourd’hui chaque caillou qui roulait dans la pente détenait une part de notre histoire
Je pouvais entendre mes aïeux criaient au sacrilège, à la fin du monde
Malgré cette curée, ce pugilat
Lorsque je m’écroulais au sol dans un nuage de poussière,
Contrairement à mes attentes et en dépit de l’annonce faite par la rumeur
Je perçus tout d’abord comme un souffle chaud, une légère brise du sud qui vint me caresser la peau, comme un baiser de femme
Puis ce fut des chants, des cris, des larmes de joie qui vinrent résonner dans les montagnes
Des mains nouvelles, presque chaudes, cueillaient mes frères et moi-même pour nous assembler en cercle
Il y eut quelques crépitements, puis un grand brasier, tout autour de nous on chantait
Une grande farandole d’hommes, de femmes et d’enfants
Sur le bucher un pantin de paille s’enflammait
On clamait que La nouvelle constitution interdisait la confection de murs
Avait-on retrouvé la vue ?
Un mur aveugle vient de recouvrer la vue. Exprimez ce qu’il ressent.
Oh!merde !!!
Tout ce vide devant moi ! Va-t-il me bouffer ? Et si je tombe ?
Vais-je m’écraser au sol à cause de l’accélération de la pesanteur ! « g » peur !!!
Pensez donc ! 9 mètres 81 par seconde carrée ! Quand je pense que je me fais mal quand je tombe de ma propre hauteur !
Regardons plutôt en l’air…
Je vois le ciel. Ce bleu est magnifique… le soleil me fait mal aux yeux…
Oh ! Un gros nuage noir qui approche et qui gronde me fait peur… et pan ! v’la la pluie… et ça tombait, et ça tombait ! (mais pas le canard, il est toujours vivant!)… Oooh ! Le bel arc-en-ciel !
Droit devant moi, maintenant… C’est immense… Tous ces arbres, toutes ces maisons !
Aie ! Celle qui est à l’intérieur de moi n’est donc pas la seule ! Il y en a d’autres, toutes différentes… et sans doute avec d’autres occupants.
Les miens, ceux que j’enfermais aveuglément, en ont profité pour m’ouvrir sauvagement à coups de masse ! Sans anesthésie ! Les salauds !
Et maintenant, ils me foutent des béquilles pour pas que je m’écroule. C’est vrai, ça va mieux maintenant. Ouf ! Et après ???
Quoique. Je n’ose toujours pas regarder en bas…
Suis-je en haut d’une falaise à 150 mètres du sol, comme j’ai vu dans les docus à la télé…
[Je (mur)mure à l’oreille de l’auteur qu’il vient d’écrire une connerie. J’ai des oreilles, mais il a oublié que j’étais aveugle jusqu’à présent. En revanche, je n’avais rien perdu du son… et ça suffisait presque toujours.
La télé un réel progrès par rapport à la radio ? Et la radio par rapport à un bouquin ? Voire.
On prend de la pub plein la gueule au lieu de laisser travailler l’imagination et de réfléchir.]
Quand je regarde en bas, que vois-je ?
Un grand vide ?
Non. Juste le sol et les bottes d’un maçon qui discute double vitrage et isolation avec mon propriétaire.
Mais, au fait, pourquoi m’a-t-il éventré s’il a besoin d’isolation ?
Je faisais assez bien le boulot avant d’être ouvert.
Pour faire des économies de chauffage ?
Ou pour avoir un plus joli spectacle pendant la journée que le soir devant l’écran de la télé ?
La vue n’est-elle pas magnifique ?
Alors, je lui conseille de résilier son abonnement à la 5G et de se coucher plus tôt.
Parole de mur. Va-t-il m’écouter ?
Autant j’étais « meurtri hier », autant je ne le suis plus aujourd’hui. Avant, point d’œil de bœuf pour consoler ma vie de n’avoir point pignon sur rue, mais juste une simple fente qui m’avait été concédée pour donner chez le voisin. Je n’y voyais quasiment rien même si je n’avais pas le « bandeau » sur les yeux mais sur le haut du front, sans doute pour aiguayer ma toiture. Le « comble », fut que je fus mis devant le « faite » accomplis dès ma naissance. J’ai eu versé quelques larmes lorsque les autres murs se racontaient les potins à partir de ce qu’ils avaient vu depuis leurs fenêtres. J’éprouvais tristesse et « jalousie ». On me « volet » mon esprit d’ouverture. Et puis les propriétaires achetèrent le terrain voisin. Ils firent alors percer des trouées sur ma façade. J’eu droit à des fenêtres en ogive, balcons et garde corps. Aujourd’hui ma vie en est transformée. J’ouvre des yeux ébahis tous les matins sur les couleurs du monde. J’avale, je déguste chaque touche de couleur qui s’ajoute à ma palette. Même le porche m’envie. Désormais, je roule pour eux. J’ai la vue sur les enfants des propriétaires qui vivent maintenant à côté. Tous les autres murs me demandent des nouvelles. Même si je suis orienté au nord, je ne le perds pas. Je profite de tous les moments repas de la famille qui vient profiter de ma fraîcheur pour se raconter des confidences. Et moi je danse de bonheur dans ce grand sud qui me réchauffe le cœur. Je suis devenu un mur important.
’exprime ce qu’il ressentait et ce qu’il ressent juste après cela…
_Quelle galère…elle me pourrit la vie, elle ne pourrait pas pour une fois faire quelque chose de plus intéressant?
Non, et la revoilà avec ces mochetées, qu’elle va encore apposés contre cette parois idiote , qui me gâche tout!
Bah alors là…c’est le pompon.Mais c’est quoi ces horreurs? Des monstres, des pictogrammes infâmes…des objets tarabiscotés…des, des…des hommes ça? Non, des femmes? Ben alors…
Tiens que fait ‘elle? Houlà un marteau! Houlà un pic! Bah, bah, bah, elle va pas quand même faire ça? Si!
Bang, et crac, et boum, c’est pas vrai elle l’a fait!
Oh joie, oh bonheur, oh merveille, je vois! Je vois l’extérieur, c’est quoi ça? ça vole, c’est beau… c’est de la couleur à l’état naturelle…c’est ça un oiseau?
Je n’ai plus de mots, un arbre, des fleurs, le vent, le soleil c’est tous ça? je n’ai plus d’envie, je suis béat, je baverais si j’étais humain…quelle chance elle a de voir tout cela tous les jours. Pourquoi donc a t’elle si longtemps habillé cette paroi de pierre de ces choses étranges et affreuses qu’elle appelait peintures, tableaux et autres?
Je ne comprends pas cela, quand on ces couleurs, ces nuances, ce bleu lumineux, ce jaune ardent, ce rouge flamboyant cette couleur orange et ce rose pâle et rond, ce gris argent, ce mauve, ce vert cette lumière changeante, mouvante qui rehausse le tout…Oh femme, je suis enfin conscient de ce monde que tu habite, je te suis si reconnaissant de me laisser voir ce monde que tu as mis si longtemps à partager avec moi…je t’en prie, ne me le cache plus jamais.
Saches-le, j’aime ce que je vois et je ne veux plus être aveugle.Ce que je vois, ces peintures mouvantes, changeantes oui…ces peintures là, inonderont mon mur aussi longtemps que je serais présent…enfin, je peux dire que j’ai vue la beauté du monde. Je garde présent à l’esprit que du jour au lendemain, tu changes d’avis et que de nouveau, tu oses remettre une paroi et tu l’habilleras de ces horreurs que tu peints…
Cesse cela femme, laisses moi voir et revoir le printemps, l’été, l’automne et l’hiver. Peint autant que tu le veux, laisses moi cependant le loisir de voir cette beauté qui n’a pas de prix,qui vit, qui ondule, se meut, se montre telle qu’elle est sans artifice, elle se donne gratuitement pour ceux qui veulent bien la regardé, je veux femme faire partit de ceux là et je te bénis pour cette merveilleuse surprise que tes bras, tes mains on fait car aujourd’hui demain et après…
Tu m’ouvres à la vie. Merci à toi petite femme…l’ancien mur aveugle.y.l.
Sur une idée de Pascal Perrat.
Un mur aveugle vient de recouvrer la vue. Exprimez ce qu’il ressent.
Il était une fois un mur.
Il vivait dans un petit village perdu au milieu des oliviers et des amandiers.
Personne ne faisait attention à lui, le croyant aveugle, sourd et muet.
Alors, tout le monde l’imaginait avec un cœur aussi sec que ses pierres sèches.
Et pourtant, il avait une vie très intense.
Être privé de la vue lui permettait de n’avoir aucun à priori.
Alors, il acceptait tout….
Le coquelicot qui s’épanouissait dans le moindre petit espace,
La coccinelle qui y trouvait refuge les jours de pluie,
La cigale et la fourni qui prenaient le thé en fin d’après-midi, en craquant une amande fraîche,
La mésange qui faisait une pause en cassant la graine avec le rouge-gorge,
L’amoureux transis qui tordait son mouchoir et ses mains, cherchant les mots pour éblouir sa Belle,
La petite vieille qui n’en pouvait plus de la torture que lui infligeaient ses rhumatismes,
Le bourru qui se répétait inlassablement : « Demain j’arrête… »
Le ravi qui levait sans cesse, les bras vers le ciel, heureux de tout et de rien,
Et la petite demoiselle qui rêvait de château et de Prince Charmant.
Cueillant délicatement tous les soupirs et tous les espoirs, il essayait de comprendre ce monde où la gentillesse, la tendresse, l’amour et la haine se faisaient tour à tour la guerre et la paix.
Il leur attribuait aussi des saveurs et des fragrances, comme dans un jardin secret.
Certes, il ne voyait rien du monde, mais le monde qu’il s’était construit le rendait tout simplement heureux.
Tellement heureux qu’un jour, il en devint invisible.
La salsepareille, le lierre et le temps qui passe firent le reste.
Le mur tomba dans l’oubli.
Le village aussi.
Et puis un jour, lassé des langueurs éternelles du smog londonien, un homme fit ses bagages et s’envola pour le pays des cigales.
Il dénicha le charmant petit village où dormait le mur aveugle.
Délicatement, il le réveilla.
Il en fit son compagnon, son complice. Il lui racontait les joies et les déconvenues de son installation. Le muret lui conseilla de mettre tout cela par écrit, argumentant par le célèbre adage : « Les paroles s’envolent, les écrits restent… »
L’homme hésita. Un peu, beaucoup, passionnément et puis, céda.
Le mur s’en mordit les doigts car ce qui s’en suivit le traumatisa.
Chaque été, il voyait une marée de curieux débouler dans le petit village, poussant la porte du jardin, s’aventurant même dans la maison, chopant au passage un petit bout du mur en souvenir. Un vrai cauchemar.
Après avoir longuement résisté, l’homme ferma la maison.
Le petit mur murmura : « Je ne veux plus voir ça… » et, sans bruit, il s’effondra.
© Clémence.
J’étais là,immense menaçant,mur infranchissable sous peine de sanctions,voire de mort.
Planté au beau milieu d’une ville,sur des kilomètres.
J’étais aveugle mais pas sourd,j’ai entendu des adieux déchirants,des balles s’écraser contre mon corps indestructible semblait il,des ordres hurlés, des cris d’agonie,de colère,des suppliques.
Et un soir, frisquet et humide,un coup me fut violemment porté ,une atroce douleur. Mais je voyais!
Je la voyais cette foule en liesse hurlant sa joie,donnant d’autre coups que je ne sentais plus . Et eux en larmes,s’étreignant avec passion,dansant de bonheur.
Les flashs crépitaient,des commentaires dans toutes les langues hurlés dans un micro par des hommes exaltés.
Les gens se bousculaient pour passer,repasser dans les brèches,d’autres montant sur mon dos pour agiter des drapeaux, chanter des airs glorieux et révolutionnaires.Cela a duré très longtemps.
A un moment,un grand silence,puis des applaudissements assourdissants.
Un vieil homme arrivait,on lui laissait le passage,un autre homme portait son instrument et une chaise.
Il s’est mis à jouer dans le silence total et recueilli de la foule.
C’était déchirant,sublime.Tous pleuraient,s’embrassaient encore.
Et moi je sanglotais de joie à ma façon.
Un mur aveugle vient de recouvrer la vue.Exprimez ce qu’il ressent
Il se frotte les yeux tant il est ébloui, lève la tête et voit dans le ciel un avion mais ne l’entend pas alors il pense que celui-ci est en train de traverser le mur du son. Mais un peu hypocondriaque il s’inquiète : ne serait-il pas devenu sourd ? Un ophtalmo l’ausculte et diagnostique un barotraumatisme , causé sans doute par une augmentation de la pression de l’air due sans doute à la proximité de l’aéroport de Roissy au trafic intense ! n’est-il pas le plus important de France ? Ceci expliquerait pense le spécialiste la douleur à l’oreille et une certaine surdité. Ce n’est pas la science mais le dicton qui l’affirme « les murs ont des oreilles » Quoi qu’il en soit il doit avant tout préserver son intégrité physique et ne lui donne pas de traitement. C’est à la nature de faire son oeuvre
Plongé dans des pensées métaphysiques le mur sait soudain où est sa place à l’avenir : au mur des lamentations. Ainsi il apportera sa pierre à celui-ci. Quel beau projet. Il ne voit plus rien, il n’entend plus rien plongé dans la torah du matin au soir et chaque vendredi il fait shabbat.
Soudain il entend le bruit infernal des bulldozers et il a juste le temps de se rappeler que dans la bible il est écrit « tu es poussière et tu retourneras en poussière »
Françoise
Un mur aveugle vient de recouvrer la vue. Exprimez ce qu’il ressent.
J’ai été aveugle pendant vingt-huit ans. Pourtant, un soir de novembre, on fit une brèche dans ma structure de béton. Ce soir-là, malgré la nuit d’automne qui recouvrait tout, une clarté nouvelle se répandit sur ce tout. J’étais heureux d’être détruit, abattu, mis à terre, d’être devenu le centre du monde. On parlait de moi en bien après avoir été un repoussoir, on me montait dessus, un musicien y amena même son violoncelle et joua devant un pan de moi encore debout. J’en frissonne encore.
Mais, si je n’existe plus en tant que tel, si j’ai été démantibulé, désagrégé, si je me suis effondré, écroulé quel bonheur d’être devenu un symbole, le symbole des symboles. Maintenant, on peut me voir, par pans, dans quelques endroits où je suis exposé, mis en valeur, bichonné et je suis fier de me dresser, amputé, paré de signes, de tatouages, de couleurs. Rien n’est plus beau que de recouvrer la vue quitte pour cela à presque disparaître.
Malgré tout, rudimentaires ou sophistiqués, j’ai beaucoup de frères qui ont vu le jour depuis ma destruction. Si suis certes en lambeaux, je me tiens au courant : les nouvelles ne sont pas bonnes. Les murs sont sur tous les continents. Et cela m’étreint.
Bâti à gauche de la tour de guet et à droite du pont-levis, il servait d’enceinte au château de M***. Il avait connu le faste des jours heureux lorsque le seigneur des lieux donnait des fêtes somptueuses. De temps en temps, il servait de rempart contre les châtelains voisins qui s’ennuyaient dans leur château et avaient grande envie de se divertir. Lorsque l’amusement cessait, il se remettait tant bien que mal de ses blessures béantes et des brûlures provoquées par l’huile bouillante jetée du haut de ses mâchicoulis. Puis vint la Révolution ; il en entendit des cris, il en reçut des coups. Heureusement pour lui il était fort, mais ses quelques morceaux perdus lui donnèrent l’air d’un lépreux. Lorsque les joyeusetés furent terminées, il se retrouva entouré de ronces, servit de repaires à la faune et à quelques fantômes. Tels les hommes en vieillissant perdent leurs quenottes, lui perdait bien quelques pierres de-ci de-là, mais il tenait encore bien debout sans aucune canne pour le soutenir. C’est alors que, sournoisement, une ville eut la bonne idée de s’étendre autour de lui. On ne regrette jamais tant que ce qui disparaît. Il était encerclé, prisonnier de tous ces murs et petit à petit, il devint neurasthénique car il s’ennuyait à mourir de ne plus pouvoir contempler la chaîne des Puys, les forêts verdoyantes et la course du soleil qui le réchauffait. Il frissonnait à longueur de journée à cause d’un petit vent coulis qui cavalait dans les sombres et si tristes venelles qui le séparaient des habitations. Puis, par un froid matin de novembre, une pluie de bombes s’abattit sur la ville et sur la forteresse qui s’écroulèrent tel un château de cartes. À la stupéfaction générale, lui seul échappa au massacre. Après cette désolation, il resta de nombreuses années dans le décor que de nombreux touristes photographiaient sur toutes les coutures pendant qu’un guide leur racontait son origine médiévale. Un jour des hommes munis de calepins et d’appareils bizarres décidèrent de le restaurer dans les règles de l’art. Depuis, bien bichonné et baptisé « le rempart », il poursuit sa petite vie de star.
Il ne frissonne plus, il a recouvré la vue et se délecte du panorama en implorant le ciel qu’un architecte n’ait pas l’idée saugrenue de rebâtir la ville.
Près de 150 ans que je suis là, colosse bâti par des muratori italiens, c’est vous dire si je suis costaud. En équilibre au bord de la corniche, je suis planté au creux d’un virage en épingle chargé de parer aux risques de chutes dans le ravin que je surplombe.
Figé sur une base solide coulée dans le béton, pour l’éternité.
Du moins c’est ce que je croyais.
Je n’ai rien vu venir et pour cause, je suis aveugle. Rien entendu non plus faute d’oreilles. Si j’avais pu le voir ou l’entendre débouler, j’aurais peut-être en un effort surhumain pu essayer de me baisser ou me pousser de côté.
Pourtant on m’a dit après coup que ça avait fait un sacré boucan et beaucoup de sang.
Il était écrit dans le journal qu’il était arrivé à fond la caisse (une si belle moto, après choc il n’en restait pas plus gros qu’une boîte de conserve).
Moi ce que je sens c’est qu’il m’a emplafonné, assommé et écroulé. Et ça fait mal.
Je ne saurai jamais si voulant se détruire lui-même, il m’a démoli moi volontairement.
Lui il ne s’est pas loupé, mais de ce que j’étais il reste quelques pierres.
Moi qui n’avais jamais rien vu, je m’aperçois que sur la Terre c’est beau, que le ciel c’est bleu, que la Méditerranée vraiment …. elle est à mourir.
Un mur aveugle vient de recouvrer la vue. Exprimez ce qu’il ressent.
C’était un mur vieillissant qui n’avait jamais eu de succès tel qu’il en rêvait. Son immobilité et sa solitude le déprimaient : il s’ennuyait de pied ferme. Il philosophait sur son triste destin : enclore, séparer… il rêvait d’espace, d’envolées, de sons depuis qu’il avait entendu cette expression qu’il ne comprenait pas : le mur du son…
Les jours optimistes, il se disait : je suis aussi protecteur, j’ai ma part d’ombre et de lumière selon les heures du jour et la ronde des saisons. Je peux être accueillant et ça me fait plaisir. J’attends le retour de certains oiseaux qui se juchent au plus haut de mes pierres, je suis sensible la détermination de quelques plantes courageuses qui font racines dans mes jointures, j’apprécie la fraîcheur des herbes qui prolifèrent à mes pieds, et qui m’offrent parfois des fleurs odorantes et aux couleurs incroyables.
C’était sa vie.
Il n’arrivait plus à se souvenir de son enfance, du temps de sa jeunesse quand toutes ses pierres étaient parfaitement jointes. Il savait que les assauts du vent, des pluies laissaient des cicatrices sur son apparence. Il sentait bien qu’il n’était plus aussi solide qu’avant.
C’est alors qu’une nuit de tornade, il sut ce qu’était le mur du son quand un pan entier s’écroula. Quel barouf ! Dans la peur, la douleur, au désespoir il s’aperçut qu’il voyait. Que ce trou béant à son flanc lui ouvrait un monde, une fenêtre magique. Avant, il ne savait pas qu’il était aveugle. Au petit matin sa vie changea. Il était au centre du murmure de la nature.
Le contexte de mon témoignage remonte à quelques décennies. J’étais alors un appendice proéminent sur la face d’une adolescente et ma taille faisait de l’ombre à sa vision tant ma courbure supérieure était importante. Par ailleurs, je supportais le poids de ses lunettes pourvues d’épais verres corrigeant sa myopie.
Ma taille s’est accrue au cours des quinze premières années de ma vie. Rose devait accepter autant que faire ce peut cette disgrâce que j’imposais à son visage bien que les lunettes aient, proportionnellement, légèrement atténuées mon excès de présence.
Ceci n’est que l’un des aspects des choses. En effet, le plus difficile, était le mur mental, la barrière que j’avais engendrée dans la tête de Rose. Cette dernière avançait dans la vie meurtrie. Ses lèvres exprimaient la déception ou l’absence de foi en son étoile. Néanmoins, si l’occasion se présentait, elle nous offrait un sourire lumineux transformant ce visage à la peau claire, sans défaut, encadré d’une chevelure longue et sombre.
Je n’étais pas le seul responsable du mur mental que s’imposait Rose. Vers l’âge de dix ans, elle avait perdu son père brutalement et trainait ce deuil irrémédiablement, se persuadant que le destin ne cesserait de lui imposer des obstacles.
Heureusement, je fus examiné par un expert qui décida avec l’intéressée de me raboter les cartilages afin d’améliorer mon esthétique et la vision centrale de Rose. Dans un premier temps, l’expérience me déprima. J’avais l’impression de ne plus exister, de ne plus servir à grand-chose, de ne plus être la partie centrale du visage que j’ornais.
Puis, j’ai rapidement réalisé que les gens étaient plus souriants à notre encontre et que Rose échangeait désormais volontiers avec les autres. Quelques temps plus tard, une nouvelle étape mis à terre le mur mental de Rose. En effet, la chirurgie intervint de nouveau en supprimant la myopie et les lunettes.
Là, ce fut extraordinaire. Avec la confiance que ces transformations ont opérée, Rose s’extériorisa plus encore, et moi, son nez, je me sentis tout léger de n’avoir plus à supporter ses lourdes lunettes.
Conclusion, la taille a peu d’importance ; mieux vaut rester discret et favoriser la vision : « La croyance que rien ne change provient soit d’une mauvaise vue, soit d’une mauvaise foi. La première se corrige, la seconde se combat »*.
* Friedrich Nietzsche
Bien vu le mur mental 🐀
Le mur mental nous renvoie à nous même… Rien n’est inéluctable.
😺 HOP, OPE, HOPE!
D’un côté comme de l’autre, le mur nous cachait la vue. Nous n’avions plus d’avenir, le paysage était bouché, le voisinage n’avait plus cours.
Nous ne regardions que ce mur, c’était notre seul horizon. Sa structure, son matériau et son jointement, il était solide, bâti pour défier le temps.
Nous observions sur ses rainures le parcours des fourmis, incessant. Elles le gravissaient, le descendaient, se croisaient.
Nous aurions voulu l’abattre. Mais le spectacle de la vie qu’il commençait à abriter, des plantes, des mousses, des feuilles mortes qui, poussées par le vent s’y accumulaient, tous ces menus événements allaient-ils nous rendre la vue ?
De mur aveugle nous l’appelions mur myope, car ce n’est qu’en nous rapprochant que le microcosme prenait une dimension qui, transposée à grande échelle, nous permettait de le franchir.😺
Oh non. Qu’est ce qu’ils ont fait.
Il referme les yeux définitivement.
Paris. 31 janvier 2107
🐀 DES VESSIES POUR DES LANTERNES
À la sortie du village, une ruelle bordée de hauts murs était une voie sans issue et c’était heureux puisqu’après et même autour il n’y avait rien.
Je n’ai jamais bien compris l’utilité de ces deux murs en vis à vis qui ne prenaient le soleil que d’un côté jetant une ombre réprobatrice sur l’autre. Cette alternance les rendait aveugle ou tout au moins malvoyants chacun leur tour. En fait, l’un surveillait l’autre.
Jusqu’à ce qu’un jour, on perça l’un pour faire une entrée d’immeuble.
On n’aurait pu penser que celui d’en face serait jaloux. Pas du tout ! Il ricanait en regardant sur le coup de midi son voisin le cyclope.
Parce qu’il faut que je vous dise qu’ avant, au siècle dernier, ce bout de campagne qui, de jour ne présentait pas d’intérêt, s’animait de faibles lumières et de bruits à la tombée de la nuit.
En son coin, un bistrot, seul commerce du pays : AU TORD BOYAUX était » la » distraction du patelin.
C’était sans surprise, les blagues étaient toujours les mêmes et dans le même ordre. On en riait autant à et aussi fort à chaque fois puis buvions un coup histoire de se nettoyer les oreilles pour mieux entendre la prochaine qu’on attendait avec fébrilité et dont on connaissait la chute inexorable.
Après quelques verres agrémentés de jurons bien sentis, l’envie nous prenait. Nous sortions rigolards en tanguant nous soulager contre les murs de ce petit coin.
Nous nous pressions de plus en plus lentement de retrouver notre siège et notre verre qu’on nous avait rempli pendant notre absence.
C’était l’occupation du samedi et du dimanche aussi.
Le retour à la maison était chaloupé, chacun prenant son chemin mais sur la même chanson.
C’était le bon temps car tu vois petit, cet immeuble où tu habites maintenant c’est le mur de droite et l’estaminet est devenu un marchand de biens. Celui-ci envisage de percer l’autre pour faire des garages…
À notre époque il n’y avait rien et c’était le bel âge.🐀
Oh !… Oh !
Je vois à nouveau me semble-t-il ? Enfin, je vois des trucs bizarres… mais je vois !
Depuis le temps que j’étais dans l’obscurité totale, c’est-à-dire depuis le dernier bombardement, je m’étais résigné et je me contentais des sons et des odeurs uniquement.
Mais je m’ennuyais…. Dieu que je m’ennuyais sur cette colline de Provence où il ne passe pas un chat.
J’étais à moitié écroulé, (c’est dans l’écroulement que j’ai perdu la vue), mais j’avais le pan solide alors j’ai résisté.
Cependant je n’intéressais personne et j’ai été voué à l’abandon.
Solitude absolue.
A part quelques oiseaux qui venaient se reposer sur moi, sinon rien…rien.
Mais aujourd’hui je vois ! Enfin, je vois des trucs bizarres… mais je vois !
C’est vert, c’est pas grand et ça porte des antennes ?
Maintenant ça sautille et ça couine ? Faut qu’elle se calme la bestiole parce qu’elle commence à me fatiguer avec sa danse de saint-Guy….
Ah mais… et cette soucoupe ? Quésaco ?
Non !…pas possible, c’est des cousins à la bestiole qui sortent de la soucoupe ?
Faut qu’ils arrêtent de couiner tous ensemble et puis non…non…ne grimpez pas… vous allez me démolir bon sang…. je suis fragile… AU SECOURS ! AU SECOURS !
A ce moment là, trois hommes arrivent au pied du mur.
Ils portent des sacs-à-dos, et ils avancent en silence, dos courbés, loupes à la main : ce sont des mycologues.
L’un d’eux s’écrie : « Hola ! J’en tiens un, là au pied du mur, venez voir, il ressemble à un « plutus salicinus » et puis là, un autre, et puis là…et puis là…
En fait le pied du mur était envahi de champignons hallucinogènes.
Le mur de la nuit s’est éboulé ce matin
Sur un soleil levant fraichement repeint
Un ciel de lin velours festonné de rosée
A déplié sur le monde son baldaquin moiré
Le grand architecte et ses figures de style
A retiré du ciel ses derniers tulles gris
Comme on enlève le voile qui recouvre la plaque
Pour l’inauguration du jour qui fera date
Le premier, le dernier, le seul !
Le Vingt-six octobre deux mille dix neuf
Pour Malo, né cette nuit
Bienvenue à Malo et merci pour ce joli poème
A grands coups de pioches, ils m’ont rouvert les yeux. Moi qui m’étais installé dans ma petite éternité grise, ils m’ont arraché les paupières et rayé le cristallin. Leur sifflement du travail m’a scié le nerf. Sous les coups de boutoirs, ma glande lacrymale a explosé mais la source était sèche.
Depuis 100ans qu’ils avaient bouché le paysage. Tout çà, parce qu’il ne fallait pas regarder de l’autre côté, qu’on se devait d’ignorer le potentiel de l’ennemi, le piétinement de la frontière. Toute ouverture vers l’autre était décrété meurtrière.
Alors, on s’était bouché de l’intérieur, on avait colmaté les fissures, on s’était bétonné le désespoir.
A l’époque, si mes souvenirs ne sont pas trop coagulés, s’étendait une forêt primitive avec toutes ses alliances et ses trahisons. Des barbares aux fesses tannées, des rustres à pied, des rampants de souche, des muletiers caressant l’idée d’un cheval, des boucliers pesants, toute la panoplie de civilisations en marche de croisements.
Ca remuait beaucoup, ça bouchonnait souvent, ça s’engluait parfois. De temps en temps, ça giclait jusqu’au mur et ca m’escaladait.
En automne, quand même, tout ce rouge qui tombait des arbres et des hommes, c’était beau.
Aujourd’hui, le ciel est moins haut, les nuages sont coincés dans d’étranges filets. On les traîne jusqu’à moi pour y mouiller mes résistances.
Une voix leur à intimé de creuser une nouvelle voie. La saignée dans la forêt a tracé une artère qui palpite de poussières. D’immenses barres d’acier délimitent un nouveau territoire moteur contre une zone vierge classée stérile.
Bientôt, je serai nivelé, plus aucune perspective, rien à voir, juste circuler…