408e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat

Exercice d'écriture très créative
© S.Mouton-Perrat

L’héritage comprenait peu de choses.
Le ……. de son père, quelques ……. de sa mère,
et un…..de son grand père.

Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour

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30 réponses

  1. Cécile dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le tablier de son père, quelques livres de sa mère,
    et un ciseau à bois de son grand père.
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour payer le trajet de retour.
    On avait appelé Dalia pour procéder à la succession. Elle ne s’attendait pas à grand chose, mais on ne lui avait pas dit qu’il serait si mince. Son père venait de décéder après son grand-père, il y a quelques mois et sa mère, il y avait longtemps. Dalia, à ses dis-huit ans avait quitté le foyer de son enfance. Elle n’avait pas vraiment eu de relation parents-enfants avec Lucien et Martine. Mais Dalia avait profondément dans son coeur son grand-père, Clément. Elle avait passé toute son enfance dans son atelier, à l’observer travailler le bois, cette matière noble, ces essences et ces morceaux patiemment choisis. Si elle ne devait conservait qu’une seule chose de ce mince héritage, ce serait ce ciseau à bois, certes encombrant, mais ce sera sa madeleine. Elle eu envie d’aller saluer son grand-père au cimetière du village et réfléchirait plus tard comment acheter son billet retour pour Lyon.

  2. Clémence dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le ……. de son père, quelques ……. de sa mère, et un…..de son grand père.
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour …

    Je vous avais prévenu. Ma famille est vraiment une drôle de famille…
    Alors, moi, n’en parlons pas !
    Rien n’empêche, il faut que je vous raconte le dernier événement. Celui qui a suivi cet instant magique où j’ai frotté doucement le coin inférieur droit de la toile, que j’ai vu apparaître les premières lettres et que j’ai découvert et compris ce secret de famille. Je croyais que j’allais être capable de garder ce secret très secret. Mais non ! J’ai tenu …oh, si peu de temps ! Le temps que durent les roses, l’espace d’un matin exactement.

    Parce que, c’est justement un matin que cela s’est passé ! C’était dans la salle de cours. Celle qui se situe au rez-de-chaussée, près de la bibliothèque. Le professeur est arrivé, excité comme une puce. Il se promenait de long en large, un sourire énigmatique sur ses lèvres fines, cachées sous une moustache du plus bel effet.
    – Ce matin, nous aborderons le concept d’héritage. Qui peut déjà m’en dire quelque chose ? déclama-t-il en roulant les « r ».
    Quelques mains se levèrent timidement tandis que moi, je posai la mienne sur la bouche et pouffai de rire. Un héritage ! Si j’étais capable d’en dire quelque chose !

    Le professeur balaya la salle du regard et s’arrêta sur ma petite personne.
    – Oui, vous …héritage, ça vous dit quoi ?
    – Ça ne me dit rien  et donc, je n’entends rien. En effet, pour qu’il y ait héritage, il faut qu’il y ait décès. Et qui dit décès, dit qu’il y a mort d’homme. Et s’il y a mort d’homme, cela sous-entend qu’il y a une fin. Un arrêt, du cœur, de la respiration, de la parole, de…
    – Ça suffit ! Vous n’assistez pas à un cours de philo, mais vous êtes censée participer au cours de littérature ! tonna le prof en tendant vers moi un doigt menaçant.

    Il n’en fallait pas plus pour que je démarre sur les chapeaux de roue. A grands coups de citations grecques et latines, de pensées des philosophes grecs et latins, d’extraits balzaciens, je lui prouvai qu’il existait un lien étroit entre …

    Le professeur poussa un cri de Sioux en lançant ses bras en l’air puis en tournoyant comme un derviche devenu fou.
    – Vous, vous…. fulmina-t-il, en crachouillant et en virant au cramoisi ! Vous !
    – Oui, moi ?
    – Une colle, je vous colle ! Écrivez !

    Tous les yeux étaient tournés vers moi. Avec une lenteur calculée, je m’emparai d’une feuille et d’un stylo. Puis, ma main resta suspendue.

    -Écrivez deux points ouvrez les guillemets.
    – Deux points, ouvrez les guillemets, j’y suis.
    – L’héritage comprenait peu de choses. Le ……. de son père, quelques ……. de sa mère, et un…..de son grand père. Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour …fermez les guillemets.
    – Non, ça ne va pas ! Mais pas du tout !
    – Vous contestez ?
    – Finalement… non, ça ira. Pour quand, Monsieur ?
    – Demain !

    Je vous l’avais bien dit, ma famille est une drôle de famille, mais ce professeur, je me demande comment qualifier la sienne !
    Voilà donc quelles étaient mes conclusions avant de commencer mon exercice d’écriture.

    Je regardai le ciel où quelques nuages malicieux valsaient doucement. Au même rythme, ma main glissa sur la page blanche.

    «  De mon grand-père, qui a vécu il y a une éternité, j’ai hérité de simples traits et courbes.
    De ma mère, qui a vécu il y a des siècles, j’ai hérité de quelques assemblages harmonieux
    Et de mon père, j’ai hérité d’une force inouïe. Je peux tenir le monde entre mes mains.
    J’ai hérité de l’écriture. »

    © Clémence.

  3. françoise dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le bol de son père, quelques assiettes de sa mère,
    et un bâton de marche de son grand père.
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça.
    pouvait-on parler d’héritage ricana-t-il ?
    pouvait-il en vouloir à ses parents de lui laisser si peu de choses ?
    En son âme et conscience il ne le pensait pas. !
    Son père n’avait jamais eu de bol. Enfant de la DDASS, il avait connu plusieurs familles d’accueil qui ne lui avaient guère témoigné d’affection. A 20 ans, il avait été placé comme ouvrier agricole dans une ferme. C’est là qu’il avait connu ma mère, la fille des patrons, il l’avait engrossée malencontreusement .Ils s’étaient mariés pour le meilleur et pour le pire comme on dit mais dans leur cas ce fut plutôt pour le pire.Il ne se passait pas un jour sans qu’ils se balancent des bols et des assiettes à la figure.
    De son grand’père il avait peu de souvenirs ; il était parti lorsqu’il avait quelques années, sans doute lassé par ces disputes continelles tout en laissant, sans doute par inadvertance, son bâton de marche.
    Mi-amer, mi-amusé, je pris le bâton de marche, fermai la porte de la masure et sans un regard en arrière, d’un bond pas, j’allai rejoindre les miens.
    —————

  4. Françoise - Gare du Nord dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Mais du très lourd. La scoliose de son grand-père acrobate, un moignon à la place de la jambe gauche de son arrière-grand-père dresseur de fauves, un second moignon à la place de la jambe droite de son arrière-grand-mère lanceuse de couteaux, le bras droit absent de son oncle prestidigitateur, le bras gauche amputé de son parrain virtuose du lasso.

    Sans compter les flatulences et ballonnements de sa grand-mère ventriloque, les hémorroïdes de sa marraine écuyère, une fibrose pulmonaire de son père cracheur de feu, et un anus artificiel de sa mère avaleuse de sabre.

    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour devenir contorsionniste au Crique Bouglione.

    Ce qui lui fut impossible. Déçu, mais ne songeant pas une seconde à quitter l’univers du cirque qui l’avait vu naître et grandir, il décida de devenir marchand de confiseries. Il en était sûr : les barbes à papa, les pommes d’amour et les pop-corn feraient sa gloire et sa fortune.

    Hélas, un diabète de type 2 hérité de sa grand-tante le lui interdit définitivement.

  5. Bouthors Caroline dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le nez rouge de son père, quelques rides de sa mère,
    et une boîte ronde en bois de son grand père.
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour exister, en dehors d’eux et avec eux.

    Où vont nos pères quand ils nous quittent? Un matin, un soir, le dimanche, un jour. Et puis une autre jour différent, puis un de plus troublant…L’attente dure, verbe et adjectif, grammaire de nouveaux sentiments, connus déjà mais pas pour eux, pas pour lui.Le jour d’avant on ne savait pas. Un jour de plus, un petit jour, encore une fois pouvoir le serrer contre soi.Le garder pour soi Prince, géant, invincible, et pourtant…Comment vivre sans ces regards posés sur soi: depuis les premiers tremblements pour nous apprendre à nous tenir droit, à savoir s’amuser, être complice, rire de soi, faire face à l’adversité?

    Laisser couler les minutes sans résistance, s’abandonner, enfin, au chagrin dans le secret de ton intimité, seule passerelle vers de nouveaux chemins sans lui. Accepter les petites insomnies au creux desquelles se nichent parfois les sourires de souvenirs joyeux, de cadeaux, de paroles qui ont nourri, de rires qui éclatent et de regards compris.

    Ghislaine se posait toutes ces questions ce jeudi matin de Septembre 2014. Comment ouvrir les yeux en ce jour redouté de la séparation déchirante d’avec toutes nos petites tendresses. La veille, sa soeur l’avait appelée:  » Véronique, Papa a eu une crise cardiaque, mais sois rassurée, maintenant il va bien ». Il va bien oui, mais la mort a pris son peur dans sa main et l’a serré, un peu, puis décidé de libérer son étreinte. Qu’est-ce que l’héritage, que nous reste-t-il de ceux qui nous ont précédé? Elle décida ce jour là que les histoires racontées, lues, transmises, écrites, feraient partie de sa vie, de sa mission. Elle relut Françoise Chandernagor. Une petite phrase comme une phare dans la tempête qui engloutit: « toute vie achevée est une vie accomplie : de même qu’une goutte d’eau contient déjà l’océan, les vies minuscules, avec leur début si bref, leur infime zénith, leur fin rapide, n’ont pas moins de sens que les longs parcours. Il faut seulement se pencher un peu pour les voir, et les agrandir pour les raconter » Elle sourit alors en pensant à sa fille, qui lui a donné en héritage, le goût de mettre plus de vie dans sa vie.

  6. AB dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le canif……. de son père, la ……. de sa mère,
    et…….de son grand père.
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour s’expliquer avec lui-même que Rémi se persuade que sa famille l’aimait.

    Il lui revenait si peu, un couteau !
    Dans cette réunion familiale où chacun trouverait peut-être son compte, Rémi reçu de son père défunt, un petit canif qu’il ramassa avec possession. Il était posé là, sur ce petit bureau qui lui avait permis tant de conversations avec ce père, des histoires de cueillettes de champignons ou d’autres qu’il lui racontait, des aventures de Robinson dont son père devenait le héros et bien davantage encore.
    Rien ne comptait plus alors que ces retrouvailles volées au temps car ces dernières leur étaient comptées dans cet alternance de garde. Rémi n’existait que dans cet esprit de récupération tantôt appartenant au père et une autre fois à la mère.
    « Le divorce des parents, ça te découpe en morceaux » se complaisait-il alors à dire lorsque l’un de ses camarades prenait aussi son tour ». Ainsi il se sentait plus pathétique et certainement un peu plus fort pour se construire.
    En tremblant, il ouvrit le couteau. Il sourit et se rappela quand il regarda la lame usée et si souvent admirée qui était devenue le prétexte à rajouter à chacun de l’amour bien plus que de la fantaisie dans leur intimité à tous les deux. Il le referma et tint fort son manche d’olivier qui avait les empreintes invisibles de celui qu’il avait tant aimé. Un pauvre couteau qui gonflait d’amour Rémi bien plus que si ce fût des valeurs financières.

    De sa mère, il avait reçu au début de cette séparation, la rancune et la méfiance, quelques sentiments de trop qui le gênaient. Elle l’en avait imprégné mais de manière maladroite, heureusement, ce qui lui donnait le droit d’admirer son grand-père car de son grand-père paternel il avait ce don inné d’aimer les autres, il ne pouvait faire autrement. Tolérant, Rémi existait dans une image positive. Il eut une pensée douce pour ce grand-père dont la sagesse et l’indulgence l’avait armé dans la vie et ce sentiment valait son pesant d’or.
    Un demi-frère était né de la deuxième union de son père mais la mère de Rémi lui en interdisait la complicité par maintes tactiques qu’elles connaissaient.
    Le canif toujours dans sa main était lourd de souvenirs et ce demi-frère beaucoup plus jeune que lui, regardait tantôt le couteau, tantôt le regard de Rémi. Chacun se demandant sans doute, qui de l’autre à ce moment précis avait été le plus aimé du père ?
    Rémi, voulut ouvrir grand les bras à ce petit Jeff qu’on lui avait volé à moitié. Il lui fit un signe d’approche avec l’index, une façon bien à lui d’attirer l’autre avec justesse pour lui montrer son couteau qui valait tous les trésors et, avec une voix douce mais malgré tout teintée d’émotion il se racla la gorge et lui dit :
    « J’ai tant de belles choses à te raconter sur ce couteau. Si nous commencions, dès maintenant ? »
    L’autre mit sa main sur le couteau qui se trouvait maintenant entre les mains des deux frères dans un pacte attendu depuis si longtemps et il lui répondit :
    « Mais les histoires de père sont aussi nos histoires à tous les deux, c’est lui qui me l’a dit ».
    Dans le regard de chacun à ce moment précis, il y avait bien plus qu’un héritage, il y avait tout cet amour étouffé qui revenait à la vie.

  7. Claude DUCORNETZ dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Clément relut une seconde fois la lettre singulière qu’il venait de recevoir : le format inhabituel, la couleur, bistre claire, les enluminures autour du nom, sorte d’armoiries, celui d’un notaire, dont il se souvenait vaguement qu’il avait dû être celui de son grand père. Et surtout le contenu : on lui demandait de se présenter le mercredi de la semaine suivante à 9 h. Suivait une adresse, un lieu-dit près d’un petit village perdu dans le bocage normand, où ses grands parents avaient résidés quelque temps juste avant la guerre.
    Et cette phrase surprenante : « votre présence est souhaitée, mais je tiens à vous prévenir que l’héritage ne comprend pas grand-chose ».
    « Pas grand-chose » de cela, Clément n’en doutait pas un instant. Son grand père était mort depuis si longtemps qu’il ne pouvait même plus s’en représenter les traits. Son père et sa mère avaient quitté ce monde trop tôt, fauchés près de chez eux par un chauffard ivre. Il hésita. « Pas grand-chose, ce n’est pas tout à fait rien » pensa-t-il pour se donner une raison d’aller au bout de sa curiosité.
    Pourtant, il le savait bien, il avait partagé avec sa sœur ainée le peu de biens que ses parents possédaient. Sa sœur, partie se perdre dans le bush Australien, et dont il n’avait plus de nouvelle. Avait-elle reçu la même invitation ?
    Des bancs de brumes piégeux donnaient au paysage un aspect fantasmagorique quand il traversa ce matin-là la campagne normande à la recherche du lieu du rendez-vous. Les haies, les arbres, les barrières et les poteaux électriques semblaient animés de mouvements flous et lents comme dans un ralenti cinématographique, et les sons lui parvenaient en sourdine. Trouver sa route dans ces conditions : une galère !
    Il hésita un instant près d’un calvaire et se décida pour le chemin empierré de droite, à peine carrossable, car un petit panneau indiquait « La Métairie », nom qu’il avait repéré sur la carte.
    « ça doit être par-là » dit Clément à voix haute, comme pour se rassurer. Il avait roulé une partie de la nuit, et ne s’était arrêté dans le village que pour prendre un café et deux croissants. Il commençait à se sentir fatigué. Et ce brouillard qui ne se levait pas !
    Il écarquillait les yeux pour voir le plus loin qu’il pouvait et tenter d’éviter les ornières pleines d’eau !
    Il fut surpris de voir surgir soudain de la ouate brumeuse une vieille grille toute rouillée. Il stoppa net son véhicule. Heureusement il ne roulait pas vite, mais il s’arrêta à quelques centimètres à peine de ce qui semblait être à la fois le bout du chemin et l’entrée d’une propriété. Au-delà de la grille il apercevait un passage.
    Quand il ouvrit sa portière pour descendre de son véhicule, l’atmosphère froide et l’aspect angoissant des lieux le saisirent d’un coup. Il frissonna et releva machinalement le col de son blouson.
    Sur l’un des piliers soutenant la grille il remarqua, presque totalement cachée par le lierre, une plaque de laiton. Il s’approcha, et put déchiffrer, en partie effacé, le nom du notaire.
    Lorsque la grille, sous sa poussée, émit un long grincement d’alarme sinistre, Clément regretta l’absence de sa compagne, Clara. Elle voulait l’accompagner, mais il l’en avait dissuadé, arguant un peu vite que c’était ses affaires. Elle n’avait pas insisté, lui faisant promettre cependant d’être prudent sur la route, comme toujours.
    Il emprunta ce qui ressemblait à une allée d’un pas qui se voulait alerte, mais il n’en menait pas large. Le jour et le soleil timide laissaient peu à peu la place à d’infimes trouées de visibilité.
    Il aperçut bientôt, apparaissant, puis disparaissant au gré de son avancement à travers les nappes stagnantes de brouillasse une bâtisse dont le toit pentu couvert de chaume, typique de la région, semblait, vu de loin, en bien mauvais état. Puis un bref éclat de soleil balaya la façade qui révéla une masure bien décrépite. Pas une ruine, on ne pouvait pas dire cela, mais mal entretenue, c’était évident. Une vitre manquait à une fenêtre du premier. Les pierres du soubassement avaient souffert des gels successifs et se désagrégeaient par endroit. Sous le lierre omniprésent, certains colombages montraient des stigmates de pourrissement, signe de vieillesse probablement. L’enduit de chaux craquelé laissait voir ça et là le torchis.
    Sur un mur éboulé, près de l’entrée principale, quelques corneilles lugubres semblaient l’attendre depuis la nuit des temps.
    « Tu parles d’un comité d’accueil » murmura Clément, se forçant à sourire. Mais le cœur n’y était pas !
    Il franchit lentement les trois marches de pierre, dont une branla sous son poids. La porte était ouverte à moitié.
    Une grande pièce sombre, seulement éclairée d’une étroite fenêtre sur son mur du fond, faisait sans doute office de salle d’attente, se dit Clément, avisant quatre vieux fauteuils tristement alignés le long d’un mur intérieur en briques. Une restauration relativement récente jugea le futur héritier !
    Un grand homme chauve, d’un âge indéfinissable, raide comme un majordome dans son strict costume noir, presque inquiétant de rigueur, apparut soudain, comme s’il avait traversé le mur qui faisait face aux fauteuils. Clément sursauta, mais n’eut pas le temps de se demander par quelle porte il avait bien pu passer, car l’étrange personnage lui arracha presque la lettre d’invitation qu’il tenait à la main, la parcouru rapidement et lui fit signe de le suivre.
    Il n’avait pas dit un mot.
    Clément lui emboita le pas. Au point où il en était, il n’avait rien d’autre à faire. Sauf à s’enfuir tout de suite.
    Si la grande pièce de l’entrée résonnait de silence, le couloir où Clément pénétrait à la suite du grand escogriffe bourdonnait comme une allée de marché quand les marchands et les badauds s’interpellent sans cesse. Au milieu de cette cacophonie de voix, Clément reconnut, plus forte, plus haute, plus grave que les autres, celle de son grand-père. Son grand-père, mort et enterré depuis plus de vingt ans. Une voix d’outre-tombe en quelque sorte.
    Il ne s’en étonna même pas, tellement tout lui semblait bizarre depuis qu’il avait franchi le seuil de cette demeure.
    Le factotum lugubre et silencieux qui lui servait de guide poussa une porte à deux battants et d’un geste l’invita à entrer. Puis il se retira aussi promptement qu’il était apparu cinq minutes plus tôt.
    Clément fit quelques pas dans une pièce sombrement éclairée par deux immenses candélabres muraux où vacillait la lumière d’une dizaine de bougies.
    « Tiens, ils n’ont pas l’électricité ici » pensa Clément, pas du tout rassuré, mais que plus rien désormais ne surprenait.
    En face de lui, il devina plus qu’il ne vit l’ombre d’un homme, la tête penchée sur son bureau.
    « Asseyez-vous, monsieur, je vous remercie de votre présence » exprima l’ombre d’une voix monocorde.
    Il y avait deux fauteuils devant le bureau. Reverrait-il sa sœur dans ces circonstances insolites, subodora Clément.
    Mais à peine avait-il pris place que le notaire, un vieil homme ridé et chenu constata Clément, poussa devant lui un bocal hermétiquement fermé en disant « voici quelques sourires de votre mère, bien conservés, prenez en soin, elle y tenait beaucoup ». Puis il lui tendit une photo jaunie de son père, en bleu de travail, une hache à la main, sur laquelle d’une écriture malhabile il avait écrit : « à remettre à mon incapable de fils ».
    « C’est tout votre héritage, si vous ajoutez la voix de votre grand-père entendue dans le couloir » expliqua sobrement le notaire avant de disparaitre, comme absorbé par la pénombre.
    Effectivement l’héritage comprenait peu de choses : le mépris de son père, quelques sourires tristes de sa mère, et un coup de gueule de son grand père.
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour se forger des souvenirs de jeunesse.
    Si seulement il avait pu récupérer la bonne humeur de sa grand-mère, le tableau aurait été moins encombrant. Mais il y avait longtemps qu’elle avait été effacée de la mémoire familiale. Comme si elle n’avait été qu’un oiseau de passage, un rire migrateur. Elle s’en était allé, emportée par une « longue maladie », comme on disait encore à l’époque, plus par peur que par pudeur, minée sans doute par l’atmosphère pesante qui régnait à la maison.
    Trop timide, trop fluet, trop rêveur, pas assez manuel, Clément sentait bien que rien chez lui ne suscitait l’intérêt de son père, ce gaillard d’un mètre quatre-vingt, bucheron de son état, qui avait gagné plusieurs concours de découpe à la hache. Son père, qui trouvait que l’utilisation de la tronçonneuse, engin qu’il s’était résigné à utiliser que fort tard, avait déprécié la valeur de son travail.
    Un père qui se demandait parfois ouvertement, quand il regardait presque méchamment son fils, s’il en était vraiment le géniteur. Sa mère ne disait rien, supportant ces remarques en souriant tristement, s’oubliant avec constance et abnégation dans des tâches ménagères.
    Clément détestait autant les éclats de son père que les silences de sa mère.
    Quand une rafale de vent malin éteignit d’un coup presque toutes les bougies des candélabres et qu’il ne restât, fragile éclat de vie, qu’une seule flamme pour danser encore dans son regard, Clément se redressa brusquement. Il ramassa sans s’en rendre compte le bocal encore sur le bureau, et, tout à coup pris de panique, il s’enfuit en courant vers sa voiture.
    « Clément, Clément, coucou chéri, c’est moi, c’est Clara ! »
    Clément ouvrit les yeux lentement, découvrant le visage inquiet de sa compagne penché sur lui. Un bref tour d’horizon lui fit comprendre qu’il se trouvait dans une chambre d’hôpital. Il remua les jambes, les bras, il ne souffrait pas. Il se rappelait de tout, de sa vaine tentative pour démarrer son véhicule. Et puis plus rien.
    « Qu’est-ce que je fous ici ? » demanda Clément.
    Clara lui expliqua qu’un agriculteur passant sur le chemin l’avait aperçu, effondré sur son volant et ne répondant pas à l’appel. Le brave homme avait prévenu les pompiers qui l’avait amené aux urgences. Il s’était endormi à la limite du malaise. Mais personne ne comprenait, Clara la première, pourquoi il était allé se garer devant une vieille maison normande abandonnée depuis des lustres.
    Clément ne put donner aucune explication satisfaisante. Celle qu’il ébaucha parut si extravagante au corps médical qu’on soupçonna un temps un état de confusion mentale, et il comprit très vite qu’il ferait mieux de s’abstenir. Le médecin de garde, par précaution, suggéra qu’on le garde deux jours en observation. Tous les examens se révélèrent normaux. Il n’avait rien, ni à l’esprit, ni au corps.
    Sauf une coupure dans la paume de la main qui lui valut un pansement pendant deux jours.
    « Quand même, lui dit Clara tandis qu’il examinait sa main blessée, qu’est-ce qui t’a pris de ramasser ce vieux bocal en verre qu’on a retrouvé en morceaux dans ta voiture ? ».
    Clément regarda sa compagne et lui sourit tristement.
    « Je ne suis pas complètement fou, pensa-t-il, mais ça je ne pourrai jamais lui dire »

  8. Camomille dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le cauchemar gluant qu’était le souvenir de son père, quelques larmes inefficaces de sa mère,
    et un point d’interrogation : son grand père ?
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça…
    ça….. justement ça !
    Qu’en faire ?
    ça… justement ça !
    Vivre malgré ça,
    ça…. justement ça !…
    qui lui colle à la peau, qui l’empêche de respirer, qu’elle traîne à l’infini,
    ça justement ça… que personne ne voit,
    ça qu’elle veut crier,
    ça qui la plombe,
    ça ?…mais c’est quoi ça ?
    Bof…c’est rien, c’est du passé…..
    mais ça ne passe pas…..

  9. MF Morel dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le journal de son père, quelques lettres d’amour de sa mère, et un chassepot hors service de son grand père, retrouvé par hasard au fin fond de la remise, une relique poussiéreuse datant d’avant la Grande guerre.
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour faire le deuil d’une famille, qui, tout bien considéré, ne lui avait rien laissé, rien que la misère et la solitude. Or, la misère, il s’en fichait, vivre de rien et encore de rien une fois qu’on en a pris le pli, on n’y fait plus attention.
    Mais la solitude, ça, c’était une autre affaire. L’ennuyeux dans l’histoire était qu’il ne se supportait pas. Il haïssait le son de sa voix, il détestait le bruit de ses pas et l’encombrement de son corps trop lourd et maladroit. Et le pire, c’était sa gueule. Elle ne ressemblait à rien sa gueule. D’ailleurs, voilà belle lurette qu’il avait jeté tous les miroirs de la maisonnée, d’abord la grande psyché de sa mère, dans laquelle elle prenait tant de plaisir à mirer son joli visage et son agréable silhouette, puis la glace de la salle de bains que son père utilisait pour se raser.
    Il n’avait pas besoin de ces détestables instruments dans lesquels, il aurait pu par inadvertance, attraper le reflet de cette personne étrangère : lui-même !
    Car, qui était-il, finalement ? il n’avait rien en commun pas plus avec son père qu’avec sa mère si parfaite.
    Alors cet héritage allait peut-être lui en apprendre un peu plus sur lui-même. Il s’installa donc dans son fauteuil favori, bien éculé, mais si confortable, dans lequel son corps retrouvait agréablement ses marques.
    Et il ouvrit le journal de son père, écriture en pattes de mouches, mais déchiffrable malgré tout. Alors, il déchiffra …. puis il passa aux lettres d’amour de sa mère, puis il laissa tout tomber, se releva, erra dans la chambre, tourneboulé, se frappant la tête contre le mur, sanglotant de rage, de chagrin. On lui avait tout volé, tout, son enfance, son identité. C’est maintenant et seulement maintenant, alors qu’il était bien trop tard, qu’il découvrait n’être pas l’enfant de ses parents et que rien, aucun indice ne lui permettait d’accéder au mystère de ses origines.
    De fureur, il saisit le premier objet à sa portée, le vieux chassepot hors d’usage du grand-père, qui n’était pas son grand-père d’ailleurs, et le balança violemment à travers la pièce.
    Alors son héritage lui explosa à la gueule et il s’écroula, raide mort.

    • Baudinot Laurent dit :

      L’héritage comprenait peu de choses.
      Le ……. de son père, quelques ……. de sa mère, et un….de son grand père.

      Après ?
      Après quoi, il faillait s’arranger avec ça ?
      Après, quoi ? Inventaire, etat des lieux ?
      Apres, quoi retenir de ces années ?

      Un amoncellement de mobilier ?
      Un amalgame d’objets disparates ?
      Un ensemble appartenant à la grand mère ?
      Un fatras de photos ?
      Un acumencellement de « ça poura servir » ?
      Une ribambelle d’ouvrages en cours ?

      Un tas de linge de maison ?
      Un monceau de bijoux et breloques ?
      Un paquet de lettres du temps oû … ?
      Un lot d’ustancils du quotidien ?
      Un fouillis de vaisselle « du dimanche » ?
      Une myriade de pas grand chose ?

      Aprés quoi ?
      Un bon moment partagé ?
      Un sourire ?
      Un rire ?

  10. Beryl Dey Hemm dit :

    Une de ces journées d’été qui s’éternise, où l’ombre impuissante d’une pergola de toile ne parvient pas à désarmer un soleil d’apocalypse. Des transats alignés là, parallèles. Bastien y est venu affaler son ennui. Il a accepté cette réception chez les B., des bons copains à lui, qui l’ont persuadé de participer à « une petite réunion entre amis ». « On sera une vingtaine ! », sauf qu’ il n’en connaît pas le quart.
    Bastien n’est pas liant, soit ! Mais ces gens-là parlent entre eux de gens qu’il connaît encore moins, et ses hôtes sont tout entiers accaparés par l’intendance et les civilités.
    Alors le transat lui sert d’alibi. Pendant qu’il est couché et fait semblant de dormir, non seulement il se donne une contenance, mais personne n’ose le déranger avec des papotages sans intérêt.

    Il a fermé les yeux.
    Un peu plus loin quelques invités se sont regroupés autour d’une table pour jouer à un jeu de société. L’ambiance est chaude. Ça rigole, ça s’interpelle, ça parie, ça proteste aussi, en tapant sur la table, dans une colère feinte qui se termine en éclats de rire.
    A sa gauche, alitées à la romaine, et face à face, deux voix féminines échangent des adresses de coiffeurs et d’esthéticiennes, dans un match comparatif dont aucune ne sortira vainqueur.
    Derrière, trois couples ont entamé une discussion ardue autour de l’  « héritage », et les deux légistes de l’assemblée tachent de les éclairer sur la législation en cours.
    L’atmosphère sociétale est encore plus lourde que la météo pourtant oppressante. Bastien verrouille ses paupières au monde extérieur et va jusqu’à froncer les yeux. Il se veut loin, très loin, de ces contingences.

    Son héritage à lui ? Il comprend bien peu de choses, songe-t-il soudain.

    De son père il a gardé le rire, un rire qui éclatait sans crier gare, et avait l’art de désarçonner l’adversaire plus efficacement encore que l’humour d’un Cyrano. « A la fin de l’envoi, je touche ! », on aurait pu parler ainsi de ce rire sarcastique, crispant même, un peu le rire de la mouette à Gaston, Gaston Lagaffe s’entend. Lorsque son paternel perdait patience dans une discussion sans fin – il avait les palabres en horreur – il renvoyait son interlocuteur, quel que soit son statut, à l’inanité de ses propos et à son insignifiance par un éclat de rire tonitruant. Aussitôt après il tournait les talons et disparaissait dans un endroit tranquille pendant un bon quart d’heure. Puis revenait comme si de rien n’était. La famille ne s’affolait pas, elle était coutumière du fait, et le fâcheux s’était éclipsé entre-temps. Soudaine et imprévisible, cette arme était la plus destructrice que Bastien ait jamais connue. Elle faisait mouche à tous les coups, et la cible ne s’y risquait jamais une deuxième fois.
    Aah ! Comme ça le démange de moucher le pédant qui débite comme un livre ses connaissances en droit derrière lui ! Mais il n’a pas le talent paternel.

    L’héritage de sa mère ? Un ragoût ! Un ragoût comme elle seule, excellente cuisinière par ailleurs, savait les mijoter : un ragoût de ragots !
    Elle cueillait avec soin, lors de ses longues après midi en compagnie d’une nébuleuse de copines, les ingrédients rassemblés par chacune auprès de ses propres connaissances ou des commerçants du quartier. Elle n’oubliait ni racines ni floraison terminale de la plante, dont elle tirait parti pour prouver l’origine de ses dires et en développer pleinement le bouquet et l’arôme. Elle débitait sa matière en menus morceaux ou la hachait menu pour mieux l’intégrer, y mêlait un assaisonnement de son crû pour pimenter l’affaire. Elle inventait des liants improbables mais d’autant plus efficaces qu’ils étaient plus surprenants. Elle passait ça au mixeur ou l’écrasait à la fourchette selon son humeur. La fourchette avait l’avantage de moins homogénéiser la mixture, et donc de laisser la place à des questions qui alimentaient les papotages. Aussi avait-elle sa préférence. Sa recette achevée, elle vous servait ça dans une porcelaine fine et blanche, et vous auriez sans hésitation donné à son plat le bon dieu sans confession.
    Sa modestie quand on manifestait son intérêt pour sa cuisine lui assurait une clientèle toujours renouvelée.
    Une virtuose, dans son genre ! Ce qu’elle ne savait pas, elle l’inventait ; les preuves qui lui manquaient, elle les construisait ; les rapports entre les faits, elle les orchestrait. Un mixage d’une virtuosité que le meilleur des DJ lui aurait envié !
    Bastien se tenait toujours le plus loin possible des relents de ce genre de cuisine. Mais quelques histoires savoureuses, même s’ il n’y accordait aucun crédit, lui restaient en mémoire malgré tout.

    Et puis il y avait son grand-père , qui, un beau jour des années 60, au siècle dernier, était rentré à la maison en brandissant un jeton de téléphone métallique, un de ceux qu’on utilisait à cette époque dans les cabines publiques.
    Il avait expliqué qu’il était temps pour lui de penser aux choses sérieuses, qu’il était vieux, et que dorénavant, il garderait toujours dans sa poche ce jeton. Ainsi, quand il serait mort, il promettait de passer un coup de fil à la famille, depuis l’Au-delà, pour donner de ses nouvelles et raconter une bonne fois ce qui se passe réellement là bas. « Comme ça le curé arrêtera de nous gonfler avec ça ! » avait-il ajouté.
    Les parents eurent beau lui faire valoir qu’il n’avait que cinquante ans, qu’il avait bien le temps, Grand-père insistait – son père à lui était mort à cet age – et il répétait que «  Deux précautions valent mieux qu’une ! »
    Bastien, qui n’avait pas dix ans, s’était mis à pleurer. Mais Grand-père l’avait cajolé, lui avait promis que c’est à lui qu’il téléphonerait d’abord et que ça ferait un chouette truc à raconter à ses copains à l’école.
    Ce jeton ne quittait plus sa poche à lui, Bastien.
    Car depuis, Grand-père avait atteint 90 ans, mais avait passé ses dix dernières années dans un monde parallèle où le téléphone n’existe pas, ni aucun moyen de communication d’ailleurs. Et le jour de son décès, le jeton, qui avait été fourré dans un tiroir de sa commode par le personnel de service, demeurait introuvable. Il avait fallu se résigner à l’enterrer sans son talisman, retrouvé beaucoup plus tard.

    Bastien plongea la main dans sa poche. Le jeton lui offrit sa surface ronde et bosselée de monnaie de pacotille. Il le sortit et le brandit triomphalement.
    « MON héritage ! », lança-t-il avec un sourire à la cantonade.
    L’exposé verbeux des légistes se mit en suspend, deux secondes, à peine.
    Mais dans le cœur de Bastien, son père lançait son rire sardonique.

  11. Catherine M.S dit :

    Choix de vie

    L’héritage comprenait peu de choses
    L’amour des planches de son père
    Le goût des mots de sa mère
    Et un vrai talent de peintre de son grand-père.
    Gaspard devait composer avec tout ça
    Sans passer par le notaire
    Pas besoin de son bla bla !

    Il s’inscrivit donc au fameux cours Florent
    Sans perdre de temps
    Où on lui demanda, sans préliminaires,
    De réciter, sur-le-champ,
    Une tirade de Molière
    Ce fut la cata…
    Bégaiements et atermoiements
    Eurent raison de sa carrière.
    Alors il se tourna vers la peinture
    Et mit tous ses espoirs dans cette nouvelle aventure
    Mais là encore, fiasco
    Il ne vendit pas un seul tableau.

    Après des mois d’anxiété
    Gaspard repensa à sa mère et à sa passion des mots,
    Des écrits
    De la poésie…
    Il s’assit un matin derrière son bureau
    Saisit un crayon qu’elle y avait laissé
    Et coucha, comme ça
    Des dizaines de vers sur du vieux papier
    Une amie lui composa de tendres mélodies
    Pour en faire des chansons
    Et ils partirent tous les deux
    Libres vagabonds
    Offrir leur poésie de région en région
    Une nouvelle vie s’offrait à eux.

    Je les ai croisés un jour et je l’affirme ici
    Ils vécurent très heureux et eurent …

  12. Ophélie E. dit :

    L’héritage comprenait peu de choses. Le violon de son père, quelques livres de sa mère, et une marine de son grand-père. Après quoi elle devait s’arranger avec ça car sa fratrie avait, en un tournemain, fait main basse sur tout le mobilier et autres vieilleries.

    Elle était arrivée dans la demeure familiale juste pour assister au crêpage de chignon entre ses deux sœurs qui se disputaient les petites cuillères et le linge de maison. Deux camions, loués pour l’occasion, étaient bourrés jusqu’à la gueule de tout un bric-à-brac et de mobilier que les harpies pensaient être du Louis XIV pour le moins.

    Une fois ses petits legs rangés dans le coffre de sa voiture, elle les laissa à leurs certitudes et, dubitative sur ces deux mégères, rentra chez elle.
    Elle suspendit la marine au-dessus de la cheminée et le violon trouva naturellement sa place sur un pan de mur de son bureau. Puis elle ouvrit le carton de livres et y dénicha des ouvrages très anciens. Curieuse, elle fit des recherches et comprit qu’elle détenait là un petit trésor. Enthousiasmée, elle inspecta le violon et y découvrit la marque Stradivarius tandis que la marine s’avéra être celle d’un artiste peintre côté.

    Ses sœurs, plus que déçues du maigre pécule qu’elles avaient obtenu de la vente de leur héritage, ne surent jamais ce qui leur était passé sous le nez.

  13. Jean-Pierre LACOMBE dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le cancer du poumon de son père, quelques cigarettes de sa mère, et un cendrier de son grand père.
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour continuer à fumer.
    S’arrêter, c’était salir la mémoire de ses ascendants, trahir leur addiction au tabac et rompre la tradition familiale.

    Le cancer n’avait rien de remarquable il n’aurait aucun mal à obtenir le même, il suffisait de fumer, un peu plus sans doute. Les conseils d’un ami tabacologue seraient toutefois précieux.
    Les cigarettes maternelles, il les mettraient de coté, les laisserait en héritage à ses propres enfants. Il y en avait dix, des blondes, dans leur paquet doré. C’est tout ce qu’elle avait laissé avant de s’immoler.
    Il sourit, elle disait toujours « je vais en griller une » avant de sortir fumer dans le jardin, prés de l’érable japonais. Elle avait posé là une boite de fer blanc, maintenant rouillée, qui lui servait de cendrier. Il revoyait les mégots entassés, le jus marron sale que la pluie fabriquait avec les restes de tabac froid.
    Le cendrier grand paternel était remarquable, une poterie raku yaki : un bol noir pour le thé de type kuroraku d’une grande valeur.
    Il était à l’image de l’aïeul, un dur à cuire, qui avait cassé sa pipe en percutant un haut fourneau au volant de sa déesse rouge qui s’enflamma instantanément.

    Bien sur, c’était un curieux héritage, mais le seul qu’il possédait. Il regarda songeur la cigarette électronique flambant neuve que sa fille venait de lui offrir.
    Il hésita un instant, le geste suspendu au dessus de la poubelle puis ouvrit la main et le paquet neuf de clopes avec sa photo d’un trou dans la gorge disparut.
    Il appuya sur l’interrupteur de la vapoteuse qui émit un léger bruit, il aspira et regarda le nuage blanc disparaître rapidement.
    Allons, songea-t-il, avec un peu de chance, je partirai tout de même en fumée moi aussi, une fumée électronique, une e-fumée. Il faut savoir mourir avec son temps…

    Jean-Pierre

  14. brigitte dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le tracteur de son père, quelques poules de sa mère, et un grand pré de son grand père.
    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour essayer d’en vivre.
    Au moins cela lui permettait dans un premier temps de quitter les trottoirs de Toulouse.
    Elle sortit de l’étude du notaire encore surprise par sa nouvelle fortune.
    Elle sourit, en tant qu’ex poule si souvent réprimandée par les poulets, elle devrait pouvoir copiner avec les gallinacées. Elle en avait hérité de 20. Ce serait plus compliqué pour le tracteur, elle n’avait pas le permis de conduire. Quant au pré, elle savait qu’il était en contrebas du village de Camboulas, qu’il longeait le Viaur, et que s’y dressait une ancienne grange.
    Elle n’était jamais retournée au Pays depuis que ses parents l’avaient chassée adolescente mise en cloque par… elle n’avait jamais pu leur dire … par … son propre grand-père … propre… non pas vraiment, il n’avait jamais avoué, ni essayé de l’aider.
    Aujourd’hui elle espérait que cet héritage lui permettrait d’adoucir sa fin de vie.

    La grange était spacieuse et le toit de lauze intacte, elle pourrait déjà y passer l’été.
    Elle demanda l’aide du facteur pour aller chercher les volatiles qui étaient encore dans la ferme que louaient ses parents jusqu’à leur mort tragique : Vol plané de leur voiture après rencontre fortuite et violente avec des sangliers. Les porcs sauvages l’avaient définitivement libérée de ses gros porcs… car ils avaient dû comprendre…ils auraient dû comprendre et pourtant en 30 ans, ils n’avaient jamais fait un pas vers elle.

    Les volatiles caquetaient furieusement dans la camionnette jaune, n’appréciant pas d’être enfermés dans des cartons colissimo usagés. Le facteur se retourna vers elle, « c’est la première fois que je suis un porte-plume » dit-il en plissant les yeux de malice. Elle lui jeta un regard en biais, connaissait-il son passé ?

    Les poules se plurent tout de suite dans leur nouvel environnement et lui offraient de beaux œufs qu’elle vendait. Elle loua de temps en temps le tracteur aux nouveaux bobos qui tentaient un retour à la terre, ces quelques euros supplémentaires étant bienvenus.
    Elle échangea quelques conseils en sexologie contre des cours de permaculture, et s’entraina à la conduite sur la camionnette du facteur, une nouvelle vie commençait…

  15. Odile Zeller dit :

    L’héritage comprenait peu de choses : le bon sens de mon père quelques chansons de sa mère et un vieux grimoire de son grand père. Après quoi il fallut s’arranger avec le notaire. Un clerc plus consciencieux que son supérieur découvrit qu’une maison lui revenait. Il s’agissait d’une indivision dont il était finalement le seul héritier. Ce fut long, une procédure compliquée entre un cadastre laissé à vau l’eau et des frais exorbitants. Après une visite en province le clerc estima le bien à sa juste valeur et baissa les frais. Il sortit également une photo lorsque le document fut signé. Il se souvenait de la bâtisse où il avait joué enfant avec des cousins. Le départ pour l’étranger interdit de nouvelles visites et le cousinage ne s’intéressa pas au bâtiment qui resta inhabité. C’était une longère normande à colombages, ni moderne ni luxueuse mais elle lui revenait et le petit jardin tout autour lui parut agréable. Il fit la connaissance sur place de Martine à qui il confia les travaux de restauration. Ils échangèrent des propositions. Elle apprécia son bon sens qui selon elle n’était pas parisien. Il fut étonné qu’elle fredonne les mêmes rengaines que sa mère et se risqua même à l’accompagner à voix basse. Il lui montra le vieux grimoire dont elle admira la couverture cloutée et ce fut le premier objet qu’il rangea dans une commode trouvée dans l‘appentis. Il découvrit les pages jaunies et dans la couverture toute l’histoire familiale. Leur famille venait de l’Est. Martine souligna que c’était une bible et qu’elle avait suivi la famille au cours des siècles. Elle l’aida dans les tris, proposa de mettre en brocante les objets et petits meubles qu’il n’aimait pas. Il venait le week-end et peu à peu Martine trouva sa place dans ses visites. Quand il trouva un emploi dans la ville la plus proche ils trouvèrent plus simple de se marier. Elle inscrivit leur nom dans la dernière page du vieux livre après ses parents et ses grands parents. Ils firent restaurer les quelques meubles trouvés sous la poussière du poulailler. Une horloge sonnait maintenant toutes les heures. Le jardin reprit forme. Elle tailla les rosiers, débroussailla les pivoines, les buis et le parterre de la petite terrasse.
    Quand leur premier enfant fit ses premiers pas, il sentit une émotion intense le gagner. Un nouveau nom entra dans le grimoire et d’autres suivirent. Aujourd’hui il ne sait pas ce qu’il adviendra de sa maison mais peu importe … elle aura eu sa part dans plusieurs vies et son charme indéniable aura contribué à sa sérénité.

  16. Souris verte dit :

    MDR…. !
    Ce fut un jour plutôt bon que celui où ses parents partirent d’un commun accord ad patres.
    – N’importe chez qui ils sont maintenant, je ne les aurai plus sur le dos à me faire des reproches.
    Le curé ébahi pensant le trouver effondré (connaissant son infortune) réfléchit que si l’héritage était moins que mince ce n’était pas le cas en ce qui concernait la personnalité de l’individu qu’il avait devant lui. Il avait en effet hérité de toutes leurs caractéristiques… Tout y était et rien qu’en le regardant on aurait pu remonter son arbre généalogique.
    Comme son père il avait le regard rusé du renard, le nez de fouine de sa mère et réunissant le trait commun masculin : la démarche plantigrade. Le fait d’avoir les pieds plats l’avait ainsi qu’à ses aïeux exempté du service militaire. Décision qui avait bien fait son affaire.
    Mais l’héritage ne s’arrêtait pas là.
    Le grand-père aimait les simples (tout en ne l’étant pas tant que ça !): Il entamait sa journée par un bol de chicorée et continuait à l’apéro avec un sucre sur son verre d’absinthe. La fée verte le faisait voyager sur les rayons du soleil et bien loin de sa fichue garce de Berthe.
    Le père pris la suite des simples en ouvrant une herboristerie. Mais il ne vendait pas de pastilles Vichy, non, il avait axé ses recherches sur le développement des énergies basses et hautes des individus. Les basses surtout ! Il avait concocté une sorte de boisson des Caraïbes et d’un bois bandé dont tous les vieux raffolaient. Ils disaient en plaisantant  » ça mon gars, ça te redonne la santé.
    L’ apothicaire avait fait fortune. Jusqu’à ce que le fiston -en digne héritier de son père- se mette à fouiner dans les grimoires et élabore un joli bonbon à la fée verte et une certaine fleur genre coquelicot. D’abord au goût il était bon et puis on décollait très vite et direct dans une sorte de boyau de la rigolade. Il eût tout de suite beaucoup de succès auprès des jeunes désœuvrés qui voyaient là un moyen d’échapper à l’ennui, puis les vieux s’y mirent aussi.
    Il fallut choisir car les effets de celui-ci coupaient ceux du tonique…
    Le père, fâché de cette déconvenue l’avait prévenu : tu vas nous mettre sur la paille ! Un comble pour un herboriste convenez en.
    Bientôt les plus âgés n’eurent plus le courage de grimper au rideau. Le pharmacien ruiné ferma boutique.
    Les naissances baissaient. Plus de gaudriole, il faut dire que les évènements politiques n’incitaient pas à faire des enfants: il n’y avait plus d’argent pour les nourrir et les habiller.
    Alors, pour se distraire, ils se jetèrent sur les bonbons magiques rouges et verts. Allèrent jusqu’à tripler les doses…
    Ce qui devait arriver arriva : la chronique des naissances fit place à la rubrique nécrologique…
    Hé oui, en s’étranglant ils mouraient joyeusement de rire.
    Cette tranche de vie marqua l’histoire. Ce pays qui est mort d’avoir essayé de rire de ses malheurs.

  17. LURON'OURS dit :

    OVNI
    L’héritage ne méritait pas de passer chez le notaire. L’étude de Maître Hé! En voyait passer bien d’autres, plus riches, plus compliqués. Pourtant, on avait fait appel à un généalogiste pour me retrouver. Eh oui, je suis de la génération GPA gestation pour autrui. Je suis arrivé dans ma famille comme un OVNI objets volontairement né intrusivement. De mes Bio-géniteurs personne ne sait rien. C’est une équation à plusieurs inconnus dont je ne retrouve la trace que de l’intérieur. Je les sens pousser en moi, ils me fabriquent du bout du nez jusqu’à la couleur de mes yeux.
    Mes pulsions viennent elles de leurs combinaisons génétiques aussi anciennes que celles de l’humanité ?
    De mon père je me plais à croire que j’ai un peu de sa séduction, de ma mère un peu de sa patience et de sa résignation et de mon grand-père un grand désir de vivre…
    J’aime à l’imaginer chanter cette chanson : tu veux ou tu veux pas ? Si tu veux pas, tant pis, j’en ferai pas une maladie.
    Grâce à ça, je n’ai pas de maladie je suis sain de corps…
    Quant à l’esprit, il veille sur moi et ma descendance peut-être.
    Le généalogiste est reparti offrir ces héritages à d’autres.

  18. Tissier mireille dit :

    Un vieux chapeau posé négligemment sur un porte-manteau, accessoire d’un lointain passé sur les sites archéologiques sur île éléphantine à effectuer des recherches au temple de khnoum sous les brûlures du sable et du soleil.

    A ses côtés, deux voiles qui avaient protégé le visage de ma mère, concentrée à déchiffrés des hiéroglyphes sur une poterie extraite un peu plus tôt de une salle royale au cœur de la pyramide de Khéops.

    Un peu plus, un vieux parchemin appartenant à mon grand-père,
    trônait fièrement sur un guéridon, laissant deviner des lieux de trésors cachés et autres mystères dont il raffolait.

    A ces événements d’un autre temps, si l’héritage ne comprenait que peu de choses, l’héritage du savoir et de la connaissance, ces seuls mots peux en faire comprendre tout son sens.

  19. Christine Macé dit :

    L’héritage comprenait peu de choses : le mauvais caractère de son père, quelques grains de beauté de sa mère et un air de famille de son grand-père. Certes, il aurait pu refuser la succession, mais il préféra éviter les complications et signa le document, saluant le notaire avant de quitter l’étude.
    Rentré chez lui, il rangea le petit paquet dans l’armoire et passa à autre chose.
    Ce n’est que quelques jours plus tard qu’il se décida à l’ouvrir.
    Le sale caractère lui parut bien usé. C’est que le père ne s’en était pas privé, jusqu’à l’abus parfois. Toujours à discutailler, rouspéter, rabrouer. En colère pour un oui ou pour un non. Jamais content. Il jugea que ce qu’il en restait désormais ne suffirait pas à en faire un trait de caractère et reposa l’objet dans le paquet avant de s’intéresser aux grains de beauté.
    Des graines d’élégances que sa mère arborait fièrement comme de vraies perles posées au hasard sur sa peau rosée. Qu’elle tentait parfois de compter sans jamais y parvenir, ce qui la faisait rire, délicieusement. Il les fit délicatement rouler sous ses doigts et les remit en place, un brin nostalgique.
    Mais le plus curieux de la donation résidait sans doute dans cet air de famille – légué par le grand-père – qu’il découvrait tout en ayant la curieuse sensation de le connaître. Une de ces ressemblances qu’on remarque immédiatement sur les photos et qui vous inscrivent irrémédiablement dans une lignée. Mystérieusement, elles traversent le temps et les âges, d’une progéniture à l’autre. Irréfutables signes d’appartenance, patrimoine, transmission.
    L’héritage.

    Bon week-end,Christine

  20. iris79 dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le lot de casquettes de son père, quelques foulards de sa mère, et un paquet de vieux biscuits oublié au fond d’un placard de son grand père.

    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça pour se souvenir en fermant les yeux, de quelques bribes de vie et de dimanches passés à se dire du haut de ses cinq ans que décidément ces casquettes à carreaux faisaient vraiment vieux, que ses foulards parfumés à la lavande et surmontés de broches désuètes qui entouraient le cou de sa mère lors de ses si rares sorties n’étaient portables que par elle et que ces biscuits roses sortis et tendus avec cérémonie à la petite fille qu’elle était, semblait être un précieux trésor bien étrange qui se mangeait.

    Les années ont passé, le temps s’est écoulé, de façon folle pour elle, de façon immuable et tranquille pour son trésor.

    Aujourd’hui il lui tarde que les premiers frimas arrivent pour porter fièrement
    la casquette à carreaux marron qui a trouvé sa place sur sa tête de maman.

    Les foulards jamais abîmés se baladent moins sagement
    et ornent cou, taille ou cheveux selon le temps.

    Et pas un dimanche de charlotte au chocolat sans les répliques de ces fameux biscuits friables et poudrés
    dont la recette par miracle semble être conservée.

    Cet héritage sans valeur s’est enrichi tout seul,
    Ce petit héritage dont elle n’aurait rien présagé
    lorsque l’insouciance des jeunes années
    n’étaient pas obscurcies par un linceul.

  21. Laurence Noyer dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.

    Le petit bouquet de Myosotis que son père avait fait sécher entre deux feuilles de buvard, juste avant de succomber, empoisonné par les traitements toxiques qu’il employait depuis toujours pour traiter ses plates-bandes.

    Le collier de perles que sa mère avait « emprunté » à une amie. Celle-ci, pour se venger, avait décidé de l’étrangler.

    La chevalière de son grand-père, qu’il avait fallu extraire du doigt gangréné de l’aïeul, tant celui-ci tenait à ce bijou ancien mais saturé d’arsenic.

    Après quoi, elle avait dû s’arranger pour paraître heureuse dans sa robe de mariée toute neuve, mais grâce à ses ascendants, elle avait réuni les 4 symboles d’un mariage réussi : le bleu, l’emprunté, l’ancien, le neuf.

  22. durand dit :

    L’héritage comprenait peu de choses. Le dentier de son père, quelques torchons de sa mère, et un marteau de son grand père.

    Après quoi, il fallait s’arranger pour contenter chacun des membres restants de la famille.

    « Heureusement, pensa t’il, nous ne sommes plus que trois.
    Le dentier, ça tombe bien, mon balcon dentaire présente de sacrées fissures. Yaura pas de billets à espérer pour restaurer la vitrine du commerce de la vie. Cette vie, pas de quoi en faire étalage. En déplaçant certaines dents, en inversant canines et incisives, ça devrait coller, pour ce qu’il reste à mâchonner.

    Les torchons, je les verrai bien pour la petite cousine, la reine des conserves, la stérilisatrice de tous les jours de la semaine, des dimanches et des jours fériés, celle qui mettrait même son mari en bocal. Elle qui a pioché toute la terre de son jardin, qui a semé, qui a planté, qui a taillé, qui a cueilli, ramassé, trié, lavé, épluché, cuit, enfermé sous verre, échangé, offert, distribué à tous les courants d’air des amitiés les ingrédients de la survie. Et qui… plantée sur son terrain tente seule de dénouer les nœuds dans ses épaules et dans ses poignets.

    Quant au marteau, d’office pour la frangine, la frappée du couvercle, la fondue des circuits électriques, la débranchée du réel. Pour elle qui n’a jamais daigné planter un clou, ça va lui faire un choc, un éclair peut être. Elle va entamer le nouveau chantier de sa vie, restaurer le minimum d’hygiène de son égout, juste permettre aux inondations d’y circuler. A moins qu’elle n’attende, encore et toujours, désespérément, d’être considérée comme ruine d’un incertain patrimoine intellectuel et pris en charge par l’Etat. Pauvre frangine ne sachant pas que l’inventaire du pays, après avoir soldé les pissotières et les casernes va brader les bibliothèques et les musées.

    Moi, je ne léguerai rien, tout aura été découpé, haché menu, désintégré minuscule pour faciliter le recyclage. On ne reconnaîtra rien de clair, un amas de petits bouts déboutés, de petits goûts dégoûtés, de toutes petites pastilles dont il ne restera pas grand chose à sucer.

    Et enfin, lassé de paraître, pressé de disparaître,je dormirai trop longtemps… »

  23. Liliane dit :

    L’héritage comprenait peu de choses.
    Le chapeau rabalet de son père.
    Quelques cotillons de sa mère.
    Le vieux fusil de son grand-père.

    Victimes d’un assassinat.
    Sang glacial.
    Horreur et douleur.

    Pour quelques sous ?
    Pas des pièces en argent !
    Encore moins des pièces d’or !

    Pour les sculptures du vieux ?
    Façonnées avec les bois flottés.
    Trésors de l’océan.

    Après quoi, il fallait s’arranger avec ça.
    Vivre avec sa peine.
    Venger les siens.

    Coiffé du chapeau, le fusil dans une main, le balluchon de nippes dans l’autre, Mino passa chez Augustine, la ravaudeuse. Avec ses doigts agiles, elle saurait transformer ces vêtements en habits de lumière.

    Après quoi, il fallait partir.
    Mino s’enfonça dans la forêt.
    Vivre avec les ombres.

    Personne ne revit Mino.
    Que des questions.
    Pas de réponse.

    L’héritage comprenait de belles choses.
    Le courage de son père.
    Les rires de sa mère.
    La sagesse de son grand-père.

    Aujourd’hui encore,
    Un bouquet de fleurs des champs
    Illumine leur sépulture.

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