393e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat
Parce qu’elle était une rose,
qu’elle était dans un vase,
et qu’elle embaumait
elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on
se moquait beaucoup de sa tige.
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Parce qu’elle était une rose,
qu’elle était dans un vase,
et qu’elle embaumait
elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on
se moquait beaucoup de sa tige.
Non je n’étais pas n’importe quelle rose ! J’étais« la rose du magasin ». Mon nom, je le devais à Claire qui avait voulu que le souvenir de sa grand-mère soit mis en souvenir et plus encore, que ce souvenir soit partagé par sa clientèle. Son magasin portait le nom de « La rose du magasin » et cette rose, « Moi », je trônais sur le plateau de présentation où tous les bouquets, les plantes et autres compositions se créaient.
Sa chère Mamy lui avait laissé cet instant parfumé d’une beauté rare, son dernier cadeau, « Moi ». Elle m’avait offerte à elle il y avait cinq ans après m’avoir admirée et sentie avec une telle extase qu’il m’avait semblé être vidée de toute mon essence florale puis, quand elle m’eut cueillie avec délicatesse dans ce choix pointu elle m’avait tendue à Claire dans un regard d’amour et de passation. Une façon à elle de lui offrir les clés de sa passion pour les fleurs, les roses en particulier.
Il y a toujours dans la vie, des moments magiques que l’on n’oublie jamais, qui vous transportent dans d’autres galaxies, celui-ci en fut un. Claire, n’oubliera jamais qu’elle souriait à sa grand-mère pour la dernière fois parce qu’à cet instant, cette dernière fit une petite grimace à peine perceptible et tomba pour ne jamais se réveiller. Non, Claire ne pourra jamais oublier cet ultime geste d’amour. Mamy n’était plus et moi dans cette passation délicate je devenais l’importante, la divine, celle qui aurait droit à toutes les attentions. Malgré ma tige de travers qui en séchant était devenue il est vrai un tantinet déficiente, Claire avait su me conserver dans toute ma splendeur, mon cœur de pétales séchés dévoilait ma beauté passée l’extrême élégance présente que je dégageais maintenant malgré le temps qui n’avait que peu d’emprise sur moi puisque j’étais devenue pièce de musée, je n’en étais que plus extraordinaire. Ma couleur dans cette transformation s’était démultipliée en des nuances qui se défiaient entre elles, plus foncées d’un côté, plus pâles de l’autre, plus intense en cet endroit-là, plus irisée ici.
Décidément, cet héritage particulier que lui avait laissé Mamy « Moi », était connu de tous les clients. Claire m’avait installée pour l’éternité dans ce soliflore d’étain et avait recouvert le tout d’une splendide cloche de cristal, au moins ainsi je ne risquais rien si ce n’est la grâce des regards et, il est vrai, que je me prenais un peu pour le centre du monde. Il y avait bien mes consoeurs, les autres fleurs et en particuliers les roses, hum ! Elles se pavanaient de leur jeunesse et moi je riais lorsque Claire écorchait leur tige en leur enlevant les épines, les miennes je les avais encore. Elles ne faisaient que passer de mains en bouquet et de bouquet en maison puis à trépas. Moi, j’étais éternité et tout à la fois, une captation de regard, un nom, un souvenir, un amour de grand-mère, de petite fille ou mieux un amour de grand-mère à petite-fille. Parfois mélancolie, je le ressentais lorsque Claire me regardait surtout, les jours anniversaire mais j’étais et resterais un souvenir ineffaçable, moi, « la rose du magasin »
Parce qu’elle était une rose, qu’elle était dans un vase et qu’elle embaumait, elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on se moquait beaucoup de sa tige.
Eléonore ferma doucement la porte de sa maison et s’en alla vers sa boutique. Les rues étaient paisibles, illuminées par les premiers rayons du soleil estival.
Il lui sembla cependant que les bruits de la cité s’étaient modifiés imperceptiblement. Un souffle de vie, un souffle d’aventures venus d’ailleurs….
Eléonore glissa la clé de fer dans la porte massive et entra dans son univers.
Une salle au plafond bas, des colombages apparents et deux fenêtres autour desquelles dansaient des bandeaux de toile de lin écrue.
Eléonore ne s’attarda pas dans sa boutique, elle se dirigea vers le fond de la salle et poussa une petite porte. Comme chaque matin, ce fut le même émerveillement à la vue de son jardin. Elle ferma les yeux et se laissa envoûter par les senteurs mêlées.
Les cloches de la petite église voisine tintèrent joyeusement. Eléonore regagna la salle principale. Elle s’installa à sa table de travail et consulta son grand livre où elle notait les commandes de ses fidèles. Aujourd’hui encore, le thym, la lavande, la rue, la mélisse, l’hysope, l’absinthe et la sauge seraient montés en savants dosages pour des infusions, des décoctions, des tisanes…
Une ombre passagère obscurcit la salle. Eléonore se leva. Elle ne vit rien et la journée se déroula sans le moindre événement.
Le lendemain ressembla à la veille.
A la même heure, une ombre passa. Eléonore se leva prestement mais la silhouette avait disparu, seul un coin de cape dansait encore….Puis la journée se déroula sans le moindre événement nouveau.
Le lendemain ressembla aux jours précédents.
Le regard d’Eléonore s’égara souvent vers la porte demeurée ouverte. Son cœur battait la chamade. Des pas retentirent…
La jeune femme se leva tellement vite que sa chaise tomba. Cette fois, elle eut le temps d’apercevoir, de dos, une silhouette imposante à la longue chevelure blonde et ondulée….
Le reste de la journée se déroula pareillement aux autres.
Le jour suivant….
La journée s’éteignit lentement, sans le moindre événement.
A l’heure de fermer sa boutique, Eléonore trouva une rose sur le seuil de la porte. Elle en huma le parfum suave et l’emporta chez elle.
Le jour d’après…
Une rose ornait le heurtoir de la porte de chêne.
Avec des gestes tendres, elle s’en empara. Sans tarder, elle la mit dans un vase et aussitôt, les effluves emplirent tout l’espace. Les plantes, les simples et les composées, se mirent à froufrouter, à gronder. Eléonore ne parvenait plus à se concentrer. Elle confondait les senteurs et leurs propriétés et elle s’en agaçait.
La révolte grondait….
Les simples se moquaient à grands cris de la tige de la rose, les composées raillaient ses épines. La rose résista stoïquement jusqu’à ce qu’Eléonore ferme sa boutique et l’emporte chez elle.
Le lendemain, une nouvelle rose ornait le heurtoir.
Eléonore la laissa, craignant cette fois, l’explosion de la révolte. Elle s’assit à sa table, rédigea un mot et l’enroula autour de la tige.
« De grâce, ne m’offrez plus de roses…. »
La rose resta un jour, deux jours, trois jours sur le heurtoir puis, elle disparut. Du beau chevalier à la cape dansante et à la longue chevelure blonde, on n’entendit plus parler.
La légende raconte que ce dernier, de retour chez lui, à Chartres, il s’enferma dans son cabinet et dessina, nuit et jour.
La rose d’Eléonore vivrait éternellement dans une fleur de pierre, au-dessus du portail royal…
© Clémence.
Pourquoi elle ? Ses voisines les roses étaient piquées au vif : Alessandro, le jardinier, choisissait chaque jour la plus belle fleur du jardin, destinée à orner la table des maîtres dans le soliflore de cristal. Et aujourd’hui, il avait jeté son dévolu sur cette jaunâtre à pompon, alors que, c’était bien connu, les orangées deux-tons étaient à la mode cette année. Tout le petit monde floral était en émoi devant cette évidente faute de goût. Et les commentaires fusaient ! Seules les compagnes ayant poussé sur le même pied que l’élue prenaient sa défense.
– Non mais, regardez-moi cette coquette ! s’écria une violette.
– Pour qui se prend-elle ? demanda la cardabelle.
– Et cette coiffure en pompon ? ridicule ! insinua la renoncule.
– Vous n’êtes que des jaloux. Combien donneriez-vous pour être à sa place ?
– Ma beauté évincerait celle du soliflore ! émit la passiflore.
– Je suis de toutes la plus flamboyante ! dit l’agapanthe.
– A moi seule, j’en vaux dix ! affirma l’amaryllis.
– Mais enfin, son port de tête, son parfum…
– Son parfum, je m’en bats l’œil, déclara le glaïeul. Ma tige au moins, est une hampe, élégante et racée, portant plusieurs boutons, fleurissant tout l’été !
– Une seule branche issue de mon pied assure le décorum, renchérit le géranium.
Pendant ce temps, notre rose, auréolée de sa fragrance, trônait sur la table de la salle-à-manger. Par la fenêtre ouverte lui parvenaient les rumeurs du petit monde du parterre, ses ex-congénères. Cela lui était bien égal ! La vie d’une rose est de courte durée, elle le savait. Alors, autant finir en beauté !
Parce qu’elle était une rose, qu’elle était dans un vase, et qu’elle embaumait elle se prenait pour un bouquet. Dans le monde floral on se moquait beaucoup de sa tige
soudain une de ses pétales remarqua la pluie
qui frappait sur les carreaux de la fenêtre
et se rappela la citation »Une rose ne fait pas le printemps »
Aussi qu’elle aurait aimé être la vedette du film « la rose pourpre du Caire »
A côté d’elle sur le guéridon il y avait le livre
»au nom de la rose »
la lectrice avait pris une de ses pétales
pour marquer la dernière page lue
en se faisant elle s’était piquée avec une épine de sa tige
une gouttelette de sang de la même couleur que ses pétales
avait perlé de son doigt
Soudain une main ennemie coupa sa tige
elle ne donna pas cher de son avenir
Elle eut juste le temps , pendant qu’elle tombait dans une corbeille, de se rappeler deux vers de Pierre de Ronsard :
« mignonne allons voir si la rose qui ce matin avait déclose »
« Puis qu’une telle fleur ne dure que du matin jusques au soir «
J’adore votre texte, efficace et subtil!
Parce qu’elle est une rose, qu’elle est dans un vase, et qu’elle embaume, elle se prend pour un bouquet. Dans le monde floral, on se moque beaucoup de sa tige. Elle reçoit souvent des piques. Mais elle s’en fiche des piques, elle en a suffisamment.
Il faut bien le dire,on ne tolère sa notoriété qu’avec beaucoup de parcimonie. On consent juste des petites miettes d’approbation du bout des lèvres. » Oui, on ne va pas s’éterniser la-dessus. C’est du déjà-vu, du réchauffé, il n’y a pas qu’elle sur terre. Elle se prend pour une star. » Voilà tout ce qu’on dit d’elle dans ce milieu. Cela fait partie du langage courant. Mais ce n’est pas de la jalousie, c’est de la critique positive, c’est tout ! Elle ne peut pas avoir que des compliments, ni que des qualités, elle peut toujours s’améliorer, n’est-ce-pas !
Les murmures des maigrichonnes qui la dévorent d’envie, ce n’est pas nouveau non plus. Si dans les parterres on sent une rivalité tellement palpable que les pétales en tombent, c’est qu’elles se bousculent pour l’approcher. Elles n’osent pas se l’avouer, mais les chuchotements deviennent admiratifs : « Rose ! Rose ! Par ici, une photo ! »
Si certaines spéculent sur la revente des autographes au marché qui n’est pas noir d’ailleurs, puisqu’il a des couleurs, ce n’est pas de l’hystérie, c’est de la reconnaissance. Si sa célébrité attise la fièvre des jeunes pousses aux boutons pleins de promesses, c’est que la mode est intemporelle, elle revient chaque année.
Si les ronchons tournant la tête, préfèrent rester dans leur parfum, ce n’est pas de l’égocentrisme, c’est qu’elles ont peur d’être enivrées par le sien. A son passage, elles font comme les soleils, ce n’est pas de l’imitation, c’est parce qu’elles se disent attirées par la lumière. Elles ont juste la grosse tête, parfois un peu lourde. La rose, c’est très commun, disent-elles, on connaît la chanson. Mais discrètement, elles jettent un oeil inquisiteur : » Comment fait-elle ? d’admiration. »
Les grosses pensent l’écraser. On peut lire dans leurs pensées. Elles se trouvent complexées, ne dévoilant pas leurs avantages, se sentant vaincues d’avance, ne prennent-elles pas la beauté pour un combat ? Se tromperaient-elles de voie ? Leurs attraits cachés ne demandent-ils pas à être révélés ?
» Coupée de ses racines, sa présence diffuse un parfum musical qui rend légère la conversation. Son charme agit, transforme un jour de pluie en un rayon de soleil. Un poème en prose ! Il se surprit à parler tout haut dans ce magasin. »
– La beauté est une science, dit-il.
– Exact ! répond derrière lui, le jardinier qui arrange un fuchsia. Je peux vous aider !
La petite puce d’ajouter :
– La beauté est ! Tout simplement. Mais personne ne l’entendit. Toute l’attention est fixée toujours sur la même. C’est un peu routine.
Le soleil caresse tout ce petit monde. Un brouillard de mélancolie s’arc-en-cielise et se mêle à celui qui les rafraîchit. La journée s’annonce fructueuse.
Mais quelque chose d’étrange qui la rend unique excite la curiosité. Il voudrait percer son secret. Il ne sait plus ce qu’il vient chercher ici. « Ah, oui ! J’ouvre les rideaux dit-il, sur un horizon multicolore. Mes bras s’écartent de joie. La beauté se cueille du matin jusqu’au soir? « Oh ! Pardon ! »
– Madame Duchemin ! Que faites-vous ici, Madame Duchemin ? J’ai failli vous prendre dans mes bras.
Madame Duchemin, pas gênée du tout, au contraire, son teint rosit, elle dit :
– Comme vous Monsieur Couperose. Je découvre les roses et j’emmène ma fille. Que me vaut l’honneur ?
La petite fille a griffonné une rose sur son cahier d’écolier qu’elle tend à Monsieur Couperose. Elle précise :
– Ce n’est pas une fleur artificielle, c’est une vraie fleur. Une croccinelle s’apprête à la croquer. Mais c’est le lover d’Oz, le prince charmant des roses qui viendra sauver sa maison parfumée.
La plus belle parmi toutes.
Ses épines pareilles à des griffes de chat, n’empêchait pas son effluve de se propager au passage des êtres qui la frôlait.
Au combien admirée jamais égalée, son parfum unique nous égaie et nous exaspére quand elle s’epanouit.
Si envoûtante et si enivrante, elle se protège comme elle peut.
Elle est une rose, douce, soyeuse et piquante à la fois.
Elle en vaut la peine.
Parce qu’elle était une rose, qu’elle était dans un vase, et qu’elle embaumait elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on se moquait beaucoup de sa tige.
Mais elle préférait ne pas tenir compte de la jalousie de ses sœurs, puisqu’elle se savait unique par son parfum, assez rare de nos jours où l’on recherchait plus l’apparence et la capacité à durer.
Et les remarques sur sa tige, courte et sinueuse, lui semblaient d’autant plus mesquines qu’elle ne se sentait vraiment pas infirme à côté des orgueilleuses qui se dressaient méprisantes à ses côtés.
Parce qu’elle ne payait pas de mine, elle fut soldée par la fleuriste, mise de côté dans un grand vase avec ses semblables, hors de la vue des riches clients qui se pressaient.
Alors entra dans la boutique un petit bonhomme de six ans, avec juste une petite pièce serrée dans son poing. Personne ne fit attention à lui, et il entreprit de faire le tour des rayons, mais sans un regard pour les orchidées arrogantes et les roses somptueuses : il les savait hors de prix, et puis, elles ne sentaient rien.
A sa hauteur, il y avait les petits bouquets sans prétention, des fleurs pour tous les jours et pour les tout petits budgets.
Il les soupesa d’un regard, guère convaincu : il leur manquait quelque chose, mais quoi ? C’est alors qu’il perçut le parfum délicat de la rose à la tige tordue qui lui faisait signe « c’est moi qui suis unique ».
Il osa alors aller jusqu’à une vendeuse qui semblait moins imbue d’elle-même que les autres, attendit patiemment qu’elle soit libre, et la prit par la main « viens voir… » Il lui montra la rose, puis la pièce dans sa main, et lui demanda « est-ce que j’ai assez d’argent ? C’est pour la fête de maman, je sais que cette fleur lui fera plaisir : elle aime les fleurs qui sentent bon ».
La pièce était trop modeste, alors elle hésita, et regarda l’enfant : il y avait un tel espoir dans ses yeux qu’elle n’eut pas le cœur de le décevoir, et lui répondit que ça irait.
Elle l’emballa avec soin, ajouta une belle étiquette « Bonne fête Maman » et embrassa le petit avec émotion.
Aujourd’hui, je suis une vieille dame, mais je vois encore le regard de mon petit bonhomme qui m’offrit sa rose, elle dura longtemps dans mon plus beau vase, et chacun s’exclamait « Mon Dieu, où l’as-tu trouvée ! Elle sent si bon ! »
Parce qu’elle était une rose,
qu’elle était dans un vase,
et qu’elle embaumait
elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on
se moquait beaucoup de sa tige.
La rose Maria Callas ! Il suffisait qu’une seule phéromone s’invite à votre table pour que chaque parcelle de votre être s’adonne à élaborer les plus fastidieux stratagèmes pour conquérir la belle !
Les prétendantes, rose de Galice, rose de Boétie, rose de Damas, multiples cultivars et hybrides s’échinaient à lui ravir le haut du podium, en pure perte. Qui put prétendre remplacer La Callas ?
Imaginez un rose carmin, explosif. Une simple perle de rosée ourlant le bord de ses lèvres. Une invitation au désir, à l’érotisme décapant, au viol …
Le marquis de Sade en personne dut s’incliner sur son passage, St Exupéry en publia une nouvelle bible, le soldat inconnu se damna à sa gloire, tout homme qu’il fut prince ou manant fut prêt au suicide pour lui ravir, ne serait-ce qu’une œillade fugace …. Personne, je vous dis bien personne n’ose, n’osera ou n’oserait répudier la suprématie d’une telle beauté.
Nul éclat, nul projet, nul révolution ne put en ravir l’hégémonie, elle gouvernait le monde ! Face à tant de grâce, de pureté, on tenta d’ériger des mythes, de créer le doute, d’opposer de fumeuses théories, ainsi naquirent les Dieux … une invention pour palier à la frustration des hommes. De n’atteindre la beauté, ils se fourvoyèrent dans de nouvelles utopies, imposant aux autres un succédané de ce qu’ils ne pouvaient atteindre …
Et puis peu importez qu’elles soient cent ou même mille à se tenir au coude à coude dans un calice en or, rien n’égalait sa puissance. Il suffisait d’un seul regard, d’un soldat qui ose, d’une main qui se lève, pour changer le cours des choses alors vous pensez bien, face à cette créature céleste, on s’inclinait naturellement !
Le nombre fait la force dit-on mais qu’on lui oppose cette simple corolle et vous tremblez déjà !
Elle était toutes les fragrances dans un seul corps !
D’autres se moquaient de sa tige, d’amples crocs pour tenir à distance, pour repousser les brutes et les tyrans. Mais qu’il vous soit permis d’approcher et vous la remercier qu’elle vous autorise une écorchure. Peu importe la plaie, que le cœur fut atteint, ce bain de sang serait votre plus bel histoire ! Vous ne mourriez pas comme un con …
Alors qu’il soit floral ou humain, la beauté faisait figure de graal !
N’en déplaise aux bonnes âmes …
Parce qu’elle était une rose,
qu’elle était dans un vase,
et qu’elle embaumait
elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on
se moquait beaucoup de sa tige.
Elle ne pensait guère, quand la main gantée l’avait saisie, qu’elle finirait ici, sur ce coin de cheminée si loin de ses camarades restées au jardin.
Ils s’étaient tant moqué d’elle à cause de tout ce qu’elle avait, en excès : ses épines, ses pétales, ou d’après eux, ce dont elle manquait ; une fragrance unique, une tige effilée. Les autres s’étaient beaucoup moqué oui, s’étaient beaucoup employés à la faire douter d’elle-même.
La concurrence était rude au jardin ! Chacune voulait briller, dominer, exceller, envoûter !
Elle, au pied du cep de vigne, s’accrochait vaillamment et les années avait fait d’elle une rose particulière. Elle s’était enracinée bien profondément et cela n’avait pas toujours été facile de résister aux intempéries, aux colonisateurs voraces et autres dangers qui ne manquaient pas de se manifester. A force de s’ancrer fermement, sa tige s’était épaissie ,elle avait gagné en force au détriment d’une certaine élégance.
Non sa tige n’était pas élancée, svelte et frêle mais plus petite que les autres, robuste et fournie d’épines épaisses et acérées.
Elle avait essuyé tant d’humiliations à l’ombre des autres pimbêches que oui, elle fut fière et flattée d’être cueillie en ce printemps fleuri.
Elle fut émerveillée de trôner là,dans un soliflore à la vue de tous les invités qui ne voyaient qu’elle !
On la complimentait, on lui effleurait les pétales, on approchait au plus près pour s’imprégner d’elle.
Et personne ne faisait de commentaire sur sa tige immergée autrefois tant décriée dans ce vase lisse et frais sur lequel se posaient les doigts délicats des curieux.
Elle reprit confiance en elle et n’eut plus de complexe à rivaliser avec les nombreuses compositions florales qu’elle vit passer non loin sur la table.
Personne n’en revenait et maintes fois elle entendit :
« La beauté de cette seule rose vaut bien tous les bouquets »!
Star du 7ème art
Parce qu’elle était une rose
Tout juste éclose
Parce qu’elle était unique dans son vase
Et qu’elle embaumait tout le quartier
Mademoiselle se prenait pour La Bouquet
Et jouait à la Miss
Comme la célèbre actrice !
– Appelez-moi Carole, s’il vous plaît
Et otez-vous de mon champ
Vous me faites perdre mon temps
J’en ai très peu et il est si précieux.
Mais dans le monde floral
On n’avait que faire de la miss et ses caprices
On lui trouvait même un petit air bancal
Qui pourrait bien un jour
La faire tomber de son piédestal…
– Arrête ton cinéma !
Lui disaient ses copines
Tes épines ? Même pas mal
Ton parfum ? Très inégal
Ta réputation ? Un vrai scandale
Sur la grande Toile de la vie
Tu ne tiens qu’un second rôle, ma jolie
Le premier, et pour l’éternité,
Est attribué à la petite fleur des champs
Qui, à chaque retour du printemps,
Ne cessera jamais de crever l’écran.
Génial !
Merci bien !
Foutue bande de plantes vertes qui ne cessaient de rabâcher que, pour elle, le temps était compté ! « L’espace d’un matin ! » pérorait la fougère de Boston, arrivée tout droit de chez Truffaut (la jardinerie, pas le cinéaste !), en secouant ses feuilles jaunies depuis qu’on l’avait reléguée dans un coin sombre du salon. Maudit Malherbe (bien nommé celui-là !) qui avait prédit que toutes celles de sa race devaient fatalement calencher avant la première messe ! Ah, il l’avait bien plantée dans toutes les caboches, et pour l’éternité, sa petite phrase assassine.
N’empêche ! y’avait une paie qu’elles étaient « number one » au hit parade floral, les rosae, et ça, ça lui donnait la niaque ! Messagères de l’amour : pas moins ! Elles pouvaient se vanter d’en avoir fait tourner des têtes et mis de la couleur aux joues des demoiselles : c’est pas demain la veille qu’elles arrêteraient de leur en faire voir de toutes les couleurs aux donzelles. Ni de parfumer l’air, fusse dans les chiottes !
– Mais oui, ma chère : quoi que vous en jacassiez, nous tenons le haut du pavé, épines comprises !
Se disant, l’aristo du soliflore bomba la tige, prête à défier les premiers rayons du soleil.
– C’est le bouquet ! ergota la Nephrolepis exaltata.
Bon dimanche,Christine
Parce qu’elle était une rose,qu’elle était dans un vase et qu’elle embaumait
elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on se moquait beaucoup de sa tige.
Dans son soliflore en Baccarat elle ne bougeait pas de peur de tordre sa tige. Les bégonias jaloux parlaient de lumbago. Les cactus soupiraient sentencieux : « parmi les fleurs la rose est la plus belle. » espérant l’amadouer.
Et en plus elle n’avait pas d’épine, ce qui fit dire au philodendron « sans épine l’amour n’a pas de roses. Les lys applaudirent. L’asparagus, un vrai mêle-tout, intervint : « si vous donnez une rose, son parfum s’attarde sur vos mains. » il resta incompris et le petit monde d’un fleuriste se tut. La rose semblait fatiguée, elle penchait la tête. Le fleuriste crut la sauver en coupant court la tige et en changeant l’eau. Il avait déjà supprimé trois pétales abîmés. Elle mourut dans la nuit. « Rose, elle avait vécu, ce que vivent les roses, l’espace d’un instant » commenta, ironique, le lierre qui s’en croyait immortel.
1h27′ Aie ! J’essaie de bouger un petit peu ma tige dans ce luxueux soliflore en cristal de chez Lalique, mais c’est trop douloureux,
Une bonne fois pour toutes: les roses ne naissent pas pour souffrir ! Compris ?
Le Barbare à carrément zappé l’aiguisage de son sécateur-spécial-rosiers avant de passer à l’acte
Sans parler de l’arrachage impitoyable de 7 de mes sublimes épines à grands coups de lame
d’Opinel tout rouillé
Ultime supplice ? Non
La souffrance étant fort nauséabonde
et l’eau prenant son odeur, je baigne dans la puanteur
Demain pour sur, j’aurais droit à la fameuse coupe d’un cm d’extrémité de tige, histoire de prolonger mon calvaire
Il y a des gens comme ça qui vous massacrent en toute impunité
Malgré ma situation désastreuse
JE CONTINUE d’EMBAUMER la chambre de Barbarix
Et oui, les roses sont magiques
Plus elles souffrent, plus elles embaument
Histoire de cacher leur souffrance
Ultime élégance florale
Fierté
Pur ego végétal
?
Allez savoir, les roses savent garder leurs secrets
MAIS, hors de question de continuer à bouder toute-seule-comme-ça-dans-mon-Lalique – même en cristal
Ce soir, j’agis !
22h30′ : plan 7.0 ( rapport aux 7 épines)
– Extirpation soliflore
– atterrissage oreiller Babaro qui ronfle comme un porc
Non
Comme un salaud
( please excuse My French ) – comme disent les Anglais
Et là, avec tout mon pouvoir de Reine des Fleurs, j’exhale et souffle direct dans ses narines et sa bouche à demi-ouverte mon parfum le plus puissant
Tellement-je-sens-bon-qu’il-inspire
Qu’il inspire
Qu’il inspire
Encore et encore
Si bien que grise, camé, défoncé, complètement stoned, il en oublie carrément d’expirer
Comme passage vers l’au-delà, reconnaissez qu’il y a pire
Machiavélique non, je sais pertinemment que mon parfum lui sera fatal, mais j’ai tout de même une royale réputation à honorer
Et puis, j’m’en fout
C’est bien fait
Il n’avait – Ka – réfléchir aux conséquences de ses actes
Juste avant son ultime expiration
Je murmure alors à son oreille:
– Bienvenue en Éternité !
Hé oui, parceque voyez-vous, lorsque l’on se promène dans un jardin où poussent les roses, que l’on s’arrête
AVEC UN CŒUR D’ENFANT
près de la rose qui a touché votre regard, et que là, penché au dessus de ses pétales d’une extrême douceur, on inspire délicatement son parfum , , , alors
le temps s’arrête
Et non seulement le temps s’arrête, mais on plonge dans l’Eternité
Direct !
Direct ! Je vous dis !
Sacré bonus …
Moralité : il ne faut pas sous estimer la force incroyable de la nature
…., » sa robe de pourpre, au soleil »
Blanche
Parce qu’elle était une rose, qu’elle était dans un vase et qu’elle embaumait, elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on se moquait beaucoup de sa tige.
Le fleuriste, dans la décoration de sa boutique avait fait toute une mise en scène autour de cette belle rose rouge raide dans sa tige. Elle était dans un soliflore, sur une petite estrade couleur vert tendre, un rang en dessous, d’autres roses aux différents coloris cohabitaient, elle tenait le haut de la scène telle une diva, mais son coeur était triste.
Alentour, s’épanouissaient les autres fleurs, des lys, des pivoines (c’était la saison) certaines odorantes, d’autres pas, des marguerites géantes, des tulipes, des gerberas, des orchidées et moult autres fleurs et plantes dont je ne connais pas les noms.
Et ça chuchotait, et ça papotait, ça médisait beaucoup au sujet de la belle rose rouge et surtout de sa belle tige toute droite sans défaut et sans épines.
On entendait dire, de ci, delà :
– Pour qui se prend t-elle, ce n’est pas parce qu’elle
est juchée sur son estrade, qu’elle peut nous
narguer disait tout ce beau monde floral.
Le lys qui n’avait rien à envier à la rose question arôme, s’adressa à voix basse, à toutes et tous qui l’entourait :
– Croyez vous qu’elle soit heureuse toute seule dans
son coin, isolée de nous tous. Certes, elle est mise
en valeur, mais, elle s’ennuie toute seule.
S’adressant alors à la rose, et prenant la parole au nom de tous, il s’excusa de la peine qu’on lui avait infligée, les unes par jalousie, les autres pour le plaisir de parler.
La rose émue, les larmes aux yeux leur dit :
– Oh merci !Si vous saviez comme je m’ennuie seule dans mon vase.
Je n’ai rien demandé moi ?
je ne peux même pas parler avec mes consoeurs, elles
me jalousent, même pas avec vous tous, vous m’aviez
de suite mise à l’index. Merci de m’accueillir à nouveau
parmi vous.
A ce moment, la sonnette de la boutique retentit. Un élégant jeune entra et se dirigea directement vers la rose. Le fleuriste s’avança vers lui, pour lui demander s’il avait besoin d’aide.
– Oui, je souhaiterais vous acheter cette belle rose
rouge (rose rouge amour ardent à ce que l’on dit).
Ce soir, je fais ma demande de mariage à ma chérie
et je voudrais attacher la bague de fiançailles à sa
tige. (on s’était tellement moqué de sa tige).
Le fleuriste, mis encore plus la fleur en valeur avec des flots rouge et or, qu’elle ressemblait presque à une mariée.
Le jeune paya et s’en alla heureux, laissant dans son sillage une magnifique effluve de parfum de rose…
L’histoire de la rose ne s’arrête pas là, une autre histoire allait commencer, mettant la rose encore plus en valeur…
Chut ! Cela ne nous regarde pas, mais, nous intéresse beaucoup. Nous allons rester sur notre faim…
Parce qu’elle était une rose,
qu’elle était dans un vase,
et qu’elle embaumait
elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on
se moquait beaucoup de sa tige
Parce qu’elle était décapode
Qu’elle fouissait la vase
Et qu’elle était transparente
L’aselle se prenait pour un bouquet !
Dans le monde fluvial on
La disait bête comme ses dix pieds.
Que vous soyez aselle ou rose
Dans un vase ou dans la la vase
Odorante ou transparente
Fuyez le chiquet et
Soyez vous-même :
Tous les autres sont déjà pris…
Ah Rose ! Les garçons ne disaient pas d’elle qu’elle était un beau brin de fille mais quelle belle plante, un beau bouton de rose.
Un fier port de tête qu’elle tenait bien droite, les hanches cambrées sur la tige de ses très hauts talons, la démarche souple : une allure folle…
Fut-elle née plutôt, Redouté eut pu la peindre tant elle approchait la perfection.
Elle avait bien quelques épines au caractère, personne n’y voyait inconvénient, elle n’en était que plus piquante et cela plaisait beaucoup.
Tôt mariée, jeune veuve, un fils unique, elle le vit si peu, technocrate, carriériste, toujours entre deux avions, jamais une minute à perdre pour les affaires, encore moins pour sa mère.
Elle était de la catégorie des roses anciennes françaises, les plus délicates, les plus discrètes, les plus parfumées mais aussi les plus fragiles. Et voilà qu’elle avait fané, fripé menu mais joliment. Née avec grâce elle saurait mourir d’oubli plus que de maladie.
Ainsi elle se retrouva, sans même s’en apercevoir, pensionnaire d’un vaste manoir, résidence chic pour personnes âgées. Un joli parc, une superbe roseraie où, solitaire, elle pouvait venir à petits pas parler à ses semblables beautés lui rappelant sa fraîcheur passée.
Comment était-elle arrivée là ? Elle ne se posa même pas la question, elle savait. Jonglant moderne Ipad, Iphone, portable, en quelques clics voyageurs, le fils eut tôt fait le meilleur choix rapport qualité-prix. Le transport VTC fut rapide et parfait, conduite par un jeune homme impeccable plaçant galamment sa valise dans le coffre.
Toute sa petite vie dans le coffre et elle, brève passagère, comme elle l’avait été sur terre.
D’un vase clos elle était passée à un autre, jusqu’à celui du cercueil (le mieux verni, haut de gamme, le cher fils là non plus n’avait pas lésiné.)
Elle avait bien pris soin d’exhaler un dernier souffle parfumé, elle sentirait toujours bon, elle était embaumée.
Au réveil elle accuse bien ses cinquante ans. Aussi, après d’interminables stations dans sa salle de bains et dans son dressing, elle en ressort rajeunie de vingt ans.
Chaque matin, elle se fait un devoir de se rendre à son bureau selon les exigences de son patron. En effet, ce dernier avait stipulé dans son offre d’emploi : « tenue vestimentaire correcte exigée ». Elle s’était donc rendue à l’entretien d’embauche discrètement maquillée, les cheveux relevés en chignon et vêtue d’un sobre et élégant tailleur.
Depuis lors, sa période d’essai terminée, sous les yeux ébahis de ses collègues et des nombreux clients qu’elle reçoit, elle arbore une tenue des plus extravagantes : longs cheveux blond platine, petite frange de midinette, yeux charbonnés pire qu’un panda, teeshirt au décolleté plongeant laissant voir un bidon bedonnant piercé au nombril, jupe moulante en pénurie de tissu, bas résille sur des jambes n’ayant pas fait trembler Hollywood, bottines à talons aiguilles vertigineux, rose tatouée sur un bras, sourcils dessinés au crayon brun-rouge, doigts couverts de bagues plus énormes les unes que les autres, griffes aux multiple couleurs, sautoirs en veux-tu en voilà couvrant son opulente poitrine, collier de chien orné d’un camé enserrant son double menton. Bref, une véritable bimbeloterie ambulante laissant dans son sillage un parfum qui soulève les cœurs même les plus endurcis.
Elle ne sait pas que son patron se creuse sérieusement les méninges pour trouver un motif pour licencier cette femme qui se prend pour une midinette.
Elle se nommait Rose, et vivait en vase clos, à l’écart des contacts extérieurs ; en dehors de ceux de l’école, parce qu’il le fallait bien. Mais même là elle comptait peu de copines, encore moins d’amies.
Petite, ses parents l’adoraient, la sur-protégeaient et surveillait étroitement les enfants autorisés à jouer avec elle. Alors en grandissant, elle avait pris l’habitude de se tenir à l’écart des jeunes de son âge, qu’elle regardait de loin, toujours seule.
Petite et toute potelée, elle avait de bonnes joues roses et des cheveux bouclés ; sa mère l’habillait de robes froufroutantes comme une poupée, en l’appelant « sa petite fleur ». Mais l’age du doute était venu : Déguingandée, Rose avait poussé d’un coup, comme une plante montée en graine, avec de longs bras maladroits et des jambes aux genoux cagneux surmontés de cuisses de grenouille, un dos qu’elle avait de mal à garder droit et un cou à la Modigliani. Pour couronner le tout, ses cheveux s’étaient raidis et pendaient dorénavant en mèches rebelles sur ses épaules. A présent maman ne l’appelait plus que « sa chérie ».
Petite, elle sautait sur les genoux de papa et jouait « à dada » au milieu de grands éclats de rire réciproques. A présent elle avait une tête de plus que lui, chaque discussion tournait à la dispute et son père faché la surnommait « Olive », à cause de Popeye le marin.
Plongée dans son monde intérieur et imaginatif, Rose s’accomodait de la solitude. Mais il y avait les autres.
Un jour, en feuillettant un livre d’art, elle tomba en extase devant le tableau « Le printemps » de Botticelli. Des jeunes femmes drapées de voiles diaphanes dansaient au milieu des fleurs et des fruits pour fêter la générosité de la nature. L’une d’elles portait une robe parsemée de fleurs colorées, son cou s’ornait d’une couronne de fleurs, et un diadème de fleurs ornait ses cheveux dorés. Elle fixait Rose de ses yeux clairs qui semblaient dire: « Pourquoi pas toi ? » . Rose se surprit à inspirer très fort en fermant les yeux, pour sentir le tableau.
Le printemps venait de commencer et désormais Rose faisait de longues escapades dans la campagne, se roulait avec bonheur dans les champs et revenait les bras chargés de gros bouquets de fleurs, dont elle ornait sa chambre et aussi toute la maison. Les plus belles, elle s’en faisait des colliers ou les piquait dans ses cheveux qu’elle relevait en chignon.
Et un jour, elle arriva en classe avec deux magnifiques lys sauvages odorants de chaque côté de sa tête, juste au-dessus des oreilles. Les oeillades sournoises et complices ne tardèrent pas, mais les quolibets attendirent la fin des cours et la sortie générale. Dans un consensus effrayant les lycéens se mirent d’accord pour organiser une course poursuite qui la mena, essoufflée sous une pluie battante, à distance de chez elle, en nage et essoufflée. Quand elle parvint enfin à échapper à ses poursuivants, elle tomba assise sur une pierre qui se trouvait là et éclata en sanglots.
Sur le ciel gris une silhouette sombre venait de tourner le coin. Il fit encore trois pas, une halte brève puis s’avança doucement vers elle. Elle ne voyait que son manteau sombre qui l’enveloppait entièrement et posé dessus, un chapeau de feutre tout ramolli par la pluie. Il releva la tête, son chapeau dégoulinait et des mèches noires coulaient sur sa face. Deux yeux noirs la fixaient intensément.
« Une jolie fleur ne devrait pas pleurer » dit-il simplement.
Une main sortit de sa cape. Elle tenait un des deux lys, délavé et dégoulinant lui aussi. Il le caressa doucement et le lui tendit.
Et puis il s’assit à côté d’elle et une conversation s’engagea.
Jacinthe de quelques mois, maman rose savait déjà que sa fille serait unique. Il lui avait fallut de la patience pour que cette fille soit la raiponce à la passion qui enflammait monsieur rose. « Pistil oublier le pollen que lui porte monsieur Mauve pour ne voir que le pôle amour que je lui voue », se disait-elle. « Ton sépale et ta mine vont bientôt se réjouir, tu verras ! Ne renoncule jamais ! » l’encourageait-elle. Elle avait raison.
Un jour l’enfant est enfin là. Elle est né, nue, phare de leur avenir amoureux, bouton d’or fragile qui pleure dans les pétales maternelles. Au début, c’est l’aube épine d’une croissance souffreteuse. Elle pisse en lit et parle à cloche mots avec du muguet dans la bouche. Cela s’agave lorsqu’elle lys à haute voix. Seule la tige pousse, s’épanouit, tandis que la nana voit sa corole partir en guimauve. Les autres fleurs la rejettent. Adolescente, elle se drogue. Pavot, pas pris, rétorque-t-elle à sa mère. Malgré son calice qui caprice, elle se voudrait mannequin à cause de sa grande tige et du parfum exceptionnel qu’elle exhale. Les parfumeurs en sont fous. Ils encensent son essence. Elle Narcisse devant la glace, toute seule dans un vase, posant nue pour les photographes, toute épine dehors. De l’or coule bientôt dans ses mains. Elle se la joue « Vie parisienne ». Du haut de sa haute tige elle jette un regarde revanche sur tous ces bouquets garnis de pétales soyeuses qui cuisinent leur jalousie derrière la vitrine de fleuristes provinciaux. Pour maman rose c’est le bouquet final, l’apothéose de sa vie. Papa rose, lui est déçu. Il a honte. Entre eux bientôt l’amour s’en vat. Désormais, c’est la guerre des roses.
Parce qu’elle était une rose,parce qu’elle était dans un vase et qu’elle embaumait,elle se prenait pour un bouquet.
Dans le monde floral on se moquait beaucoup de sa tige.
Elle avait bien raison,elle était,à elle seule,un bouquet de charme,de beauté d’une luxuriante fragrance.
Quand la marquise cueillait l’une des fleurs de son rosier préféré: – le comte de Chambord -elle disait toujours:
« Je ne gâche point,une seule d’entre vous à la fois suffit mes belles.
Ce colorie rose ancien,la profusion des pétales de vos fleurs doubles,le suave parfum que vous dégagez.Quelle perfection ,quelle merveille! »
Elle choisissait soigneusement un vase différent,adaptée à ce qu’elle appellait la personnalité de l’élue.La dernière cueillie finirait sa vie en slendeur sur le dessus d’une cheminée de marbre noir dans un soliflore en cristal de Bohême tout simple, avec juste un délicat motif gravé à la base,entre une Diane de bronze et un pot à riz chinois du treizième siècle.
Notre rose pouvait ainsi s’admirer dans le grand miroir biseauté qui éclairait la pièce,le boudoir de Madame.
Alors,sachant cela,vous comprendrez qu’elle faisait fi des moqueries du monde floral qui vendait en vrac et à tout va,des roses inodoresquasiment dépourvues d’épines, dressant sur des tiges interminables leur tête certes de belle allure,mais sans originalité aucune.Un défilé de mode.
On les mettait avec tout et pour tout:
séduire une dame, un anniversaire,en composition pour les mariages,en couronnes pour un enterrement.Les pauvrettes passaient directement par brassées,du champ à la boutique.
On les bradait,les sous estimait,les vendait dans les super marché ente la presse et les produits d’entretien.
Alors que pouvait lui faire,à la rose comte de Chambord,les rires et les jalousies.Elle prisait sa tige épineuse, arrangeait un peu ses pétales ébouriffés par un petit courant d’air venu l’aider à répandre la suavité de son parfum dans le boudoir,où Madame pourrait dire en entrant:
» Ciel! que j’aime cette odeur somptueuse de la vraie rose ancienne épineuse ».
🐀 LE ROSIER RENFROGNÉ
Sous l’arceau de la pergola,
Un généreux rosier mâle d’un rouge profond poussait ses hautes tiges.
Il avait nom : Amour Toujours.
Envoûté
Par une journée belle
Élise, d’un claquement sec les coupa.
Sur un guéridon Majorelle et un napperon à la main brodé,
Les disposa dans un vase Gallé
En profita
Cette décoration onirique embaumait l’endroit,
Ces hautes fleurs magnifiques de leur rouge profond
Enrichissaient le salon.
Mais dans le vase, s’étranglaient se sentant à l’étroit.
Étouffées
Avec un soin jaloux mais de bonnes intentions,
Ces fleurs aux hautes queues du rouge si profond de la passion,
Chaque fois, Lise en coupait un peu.
Réduction
De se voir rogné le rosier renfrogné lutta contre l’amputation de son mâle attribut.
Abruti de douleur et d’incompréhension, tacha le napperon de ses pétales de sang.
Pleurs
Hélas, il en va de la vie comme des fleurs,
À trop les étouffer et les couper : elles meurent.
Amour Toujours ne résista pas. 🐀
Une rose vit un vase
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’avait tige enflée que d’emphase,
Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,
Pour égaler le bocal en grosseur,
Disant : « Regardez bien, ma sœur.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout noir veut devenir Soulages
Tout éléphant regagner son cimetière
Tout Holmes raisonne élémentaire
Tout bleu se prend pour planète
Tout blé veut devenir galette
Toute goutte revendique l’océan
Toute lettre déclare être roman
Tout sable veut évoluer en verre
Tout flocon représenter l’hiver
Tout acteur se prénomme César
Toute araignée tisse Jacquard
Toute rose se prend pour bouquet
Toute grenouille aspire à boeuffer
Parce qu’elle était une rose, qu’elle était dans un vase, et qu’elle embaumait, elle se prenait pour un bouquet. Dans le monde floral on se moquait beaucoup de sa tige.
Faut dire que cela faisait deux semaines qu’elle traînait dans le vase. Quelqu’un l’avait déposé là, en signe de peut-être sentiment, éventuellement à partager. Mais seule, elle dépérissait dans cette chambre aux volets fermés. La maison était bouclée,les valises aussi.
Personne ne viendrait plus avant longtemps. L’aire des vacances s’était replié sur elle-même, la glycine avait escaladé le balcon, étouffé les rêveries. Les pivoines épongeaient le sang des passions évasives, ces appétits douteux d’un instant.
La rose demeurait lasse. C’était si facile de passer du parfumé au momifié. On ne fleurtait jamais bien longtemps.
Parce que ce serait le comble qu’un bouquet résiste au temps.
Parce qu’elle n’était qu’une rose, dans un vase de nuit.
le vase de nuit, c’est pour les Asters et l’Anis étoilé 🙂