390e proposition d’écriture créative imaginée par Pascal Perrat

Le buvard arriva trop tard.
La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc,
étalait déjà ses tentacules. 
La page résista de toutes ses fibres, mais…

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31 réponses

  1. Mamireille dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étalait déjà ses tentacules. La page résista de toutes ses fibres, mais… elle ne put que céder et s’offrir de tous ses grains à ce suceur invétéré, assoiffé de noirceur. Mais finalement, c’est lui qui se laissa pénétrer. Les tentacules indécentes de la pieuvre couraient entre ses marges et s’étalaient grossièrement sur sa peau devenue molle et moite. Il s’enivrait, n’en pouvait plus et dut se rendre à l’évidence : il ne pouvait plus rien pour elle. Elle venait de perdre sa virginité ; il en portait dans ses pores la preuve plus flagrante que le nez au milieu de la figure !
    Tous deux se faisaient un sang d’encre quand un certain Hermann eut l’idée de les juxtaposer en miroir et d’imaginer les mille et une formes qu’ils évoquaient pour lui… c’est ainsi que naquirent les fameux tests de Rorschach.
    Mamireille

  2. Claude DUCORNETZ dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tâche, telle une pieuvre sur cet océan blanc,
    étalait déjà ses tentacules.
    La page résista de toutes ses fibres, mais…
    Inexorablement, la tâche dévora l’espace disponible, petit à petit, s’arrêtant parfois, comme pour réfléchir au chemin à prendre, puis repartant droit devant, ou bifurquant à droite ou à gauche selon son humeur de l’instant. Elle ne semblait pas avoir d’objectif précis, sinon celui de tout recouvrir de son manteau d’encre bleue…
    Une tâche, pensa-t-il, une tâche littéraire, en somme, fait à l’encre de sa peine, une tâche rétive, indomptable, indélébile, dévoreuse d’espace et de temps. Comme une tâche ménagère, ce ménage qu’il faut faire et refaire sans cesse, cette poussière de vie qui se redépose dès que l’on a cessé de l’aspirer…l’aspirateur pour l’une le buvard pour l’autre, la même volonté d’effacer la réalité, la même vanité. Pour effacer le temps qui passe peut-être ?
    La page blanche noircit de ses pensées matutinales bleuissait sous ses yeux lentement, comme un tsunami effaçant sur le sable des nuits les traces de tous les pas des hommes, et il se sentait impuissant devant la catastrophe…
    Jamais, non jamais, il ne pourra retrouver les mots couchés ce matin-là sur le papier. Le buvard n’est pas une mémoire, il n’aura recueilli que la pensée liquéfiée, indéchiffrable.
    L’encre, il le savait depuis son enfance, ce n’est que des mots en devenir, des lettres à écrire, des histoires à raconter…Combien y a-t-il de phrases en gestation dans une bouteille d’encre ?
    Il se souvint de cette encre qu’il fallait mettre dans les encriers le matin, avant que les autres élèves n’arrivent, sous le contrôle bienveillant du maître. Une tâche, encore une, faite à tour de rôle, mais qu’il aurait volontiers accompli chaque jour tant ce rituel lui paraissait essentiel pour exister. Etre quelqu’un d’utile, d’indispensable, celui qui met l’encre dans les encriers. Sans lui, rien n’est possible, le travail scolaire ne peut pas se faire…C’est pourquoi il s’acquittait de cette obligation avec un grand sérieux prenant garde de ne pas remplir trop le réceptacle, ce qui n’arriva jamais, bien qu’il fût pour le moins assez maladroit…
    Il se revit penché sur son pupitre copiant sur son cahier quadrillé à grands carreaux la morale du jour écrite sur le tableau noir. Il trempait avec précaution sa plume dans l’encrier pour dessiner le mieux possible les lettres sur la feuille. Il ne fallait pas en mettre trop sinon on risquait de faire un « pâté », et une tâche, encore une. Le buvard, revoilà le sacré buvard, toujours à portée de main…
    Sur son bureau le petit pot d’encre dans lequel il trempait encore sa plume, tel un vieil écolier nostalgique, s’était vidé, et le liquide bleu avait cessé son invasion silencieuse…le buvard avait joué son rôle, un peu tardivement – il est toujours trop tard le temps du buvard !!
    « Bon dieu », se dit-il, en prenant sur son bureau le stylo feutre que son amie lui avait offert la veille, comme si elle avait eu la prémonition de la catastrophe, comme ces oiseaux qui sentent venir la tempête, « c’est décidé, demain je deviens vieux, j’écrirai avec un feutre !! ».
    Les buvards désormais inutiles iront dormir dans un tiroir….où ils n’arriveront plus jamais en retard !

  3. Clémence dit :

    Le buvard arriva trop tard. La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc,étalait déjà ses tentacules. La page résista de toutes ses fibres, mais…

    Il balaya la pièce du regard. Il fixa un point. Ce serait sa place aujourd’hui.
    Lentement, il s’empara d’un pinceau et d’une feuille en fibres de mûrier. Avec une délicatesse infinie, il choisit la couleur de l’encre : bleu de Prusse.

    Il ferma les yeux, longuement.
    Il se laissa envahir par le moment présent.
    Il plongea dans son âme.
    Il se laissa submerger par les ondes.

    Le temps n’existait plus.
    L’espace ne faisait plus qu’un avec lui.
    Les images se succédaient, ondulantes, envahissantes, dévorantes.

    Il ouvrit les yeux, leva la main.
    D’un geste lent, le pinceau plongea dans l’encre.
    La main revint vers la feuille.

    Une goutte s’écrasa.
    S’évada.

    Le buvard arriva trop tard. Mais, avait-il réellement besoin d’un buvard ?
    Il préféra la poésie de quelques grains de sable.

    Une deuxième goutte s’écrasa.
    S’évada elle aussi, à la recherche de ses sœurs.

    Il regarda intensément.
    Ce n’était pas une tache.
    Ce n’était pas une pieuvre.
    C’était une vague. Immense.

    Il pencha sa tête, doucement.
    Les flots se déchaînent.
    Le bleu et le blanc s’enlacent.
    En équilibre subtil.

    Les fractales se répondent.
    Les griffes marines se resserrent.
    Au creux de la vague,
    Silencieux et impérial,
    Un cône parfait.

    Il signa dans un cartouche
    Et dans l’autre, il ajouta :
    La Grande Vague de Kanagawa .

    © Clémence.

  4. Michel-Denis ROBERT dit :

    Le buvard arriva trop tard. La tache telle une pieuvre sur cet océan blanc, étala déjà ses tentacules. La page résista de toutes ses fibres. Elle constitue pourtant le premier vestige de cet événement historique.

    – La cinquième, la sixième et le septième lignes furent engluées, Centurion.

    – Engluées ? La route est réputée sèche et déserte à cet endroit. Comment ont-elles pu s’engluer ? A part la Grande Muraille, je ne vois pas ce qui peut les empêcher de progresser.

    – C’est tombé du ciel, une pluie noire. Impossible de continuer.

    – Dans la légion rien n’est impossible. Je dois vous mettre aux arrêts !

    – Ca venait de Chine. Une sorte de liquide qui ressemblait à une marée noire.

    – Il n’y a pas de place pour les tire au flanc dans la légion. A partir de maintenant, je vous considère aux arrêts !

    – Justement, Centurion, une centaine de légionnaires a disparu.

    – Disparu ?

    – Oui Centurion, disparu.

    – Vous étiez sur une terre vierge. Donnez-moi une explication plausible, la désertion est punie de la peine de mort.

    – Ils n’ont pas déserté. Ils sont tombés dans un piège. De mon poste d’observation, j’ai constaté un énorme paquet noir tombé du ciel, sur la tête de nos braves soldats alors qu’ils écrivaient une page de l’histoire de nos conquêtes. Ils ont été confondus par capillarité pris dans une nasse, ils se sont débattus mais rien n’y fit. Plus ils se débattaient et plus ils s’enlisaient, digérés par une araignée tentaculaire. Je n’ai pas pu les secourir, la capillarité m’aurait mangé aussi. D’autres phénomènes sont apparus autour, plus petits mais tout aussi menaçants. Le mauvais sort s’est abattu sur nous telle une pluie dévorante.

    Le pauvre homme s’essoufflait à donner ses explications. Il revivait une scène assassine. L’horreur exorbitait ses yeux. Il ne trouvait plus ses phrases. Mais sur le territoire de ses exploits, il ne perdait jamais son inspiration. Il se doutait que Centurion ne le croirait pas, aussi s’était-il muni d’un échantillon.

    ___________________________________________________________

    Centurion n’y comprend rien. Cet homme du rang a l’air sincère. Il se tourne vers son second :

    – Attachez-le, dit-il, je veux un interrogatoire complet.

    Puis ils entrent tous les deux sous la tente pour tenir conseil de guerre en urgence. Qu’est-ce que cette histoire de pâté inopiné ? Il n’y a aucun précédent. Le second émet son avis :

    – Il n’y a aucun témoin, à part cet homme. S’il a comploté avec l’ennemi, il se serait mis en marge. Et puis quel ennemi pourrait nous menacer dans ce désert blanc ?

    – C’est à vous de trouver la réponse, dit Centurion qui n’aime pas qu’on lui tienne tête.

    – Pour en avoir le coeur net, il faudrait qu’il nous emmène. Nous ne pouvons pas rester sur le doute, répondit le second.

    Centurion réfléchit puis il lança :

    – Détachez-le ! Je veux pouvoir authentifier mes propres impressions sous ma plume. Puis il se dirige vers l’estafette, la regarde droit dans les yeux.

    – Vous savez écrire ? demanda Centurion.

    – Non, répondit le prisonnier.

    – Vous allez nous mener à cet endroit. Je vous poserai des questions. Et vous allez m’indiquer votre version, je veux des détails précis.

  5. Fleuriet Mireille dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc,
    étalait déjà ses tentacules.
    La page résista de toutes ses fibres, mais…
    Le buvard arriva enfin, mais la tache avait déjà fait son oeuvre.
    L’écrivain était désolé, ce matin, il s’était levé avec la crainte de la page blanche, il n’avait pas d’idée et contrairement au dicton : « la nuit porte conseille », puis soudain, comme par enchantement, les idées lui venaient, elles couraient sur le papier et il se mit à écrire avec frénésie.
    Par la faute de cette tache, tout son travail était réduit à néant. Il haussa les épaules, désolé. Lorsque soudain, son regard fut attiré par la feuille noircie, un seul mot avait échappé au massacre. C’était le mot
    AMOUR !
    Ce mot AMOUR l’interpella, ses pensées s’envolèrent et un film à son insu se déroulait dans sa tête.
    Il se souvenait de son premier amour d’enfant avec Lisette la petite voisine, ils avaient 7 ans. Puis de ses amours d’adolescent là, cela devenait plus sérieux, puis, vinrent ses amours d’adulte, il y eut, Evelyne il avait voulu y croire, Annie ses yeux rieurs et cela n’avait pas non plus était sérieux et puis, il s’était résolu à ne plus rien chercher, ni tenter. La Providence veillait au grain. Il y eut enfin Marie, sa Marie, celle qu’il avait épousée, la mère de ses enfants…
    Ah Marie c’était la joie de vivre, toujours gaie, de bonne humeur, ils échangeaient souvent, ils n’étaient pas toujours d’accord, la vie avec ses joies et ses peines les avaient encore plus rapprochés. On peut dire qu’ils étaient heureux. Elle était sa première lectrice et toujours de bons conseils.
    Il sursauta, un doux baiser sur sa nuque, l’arrêta dans ses pensées. C’était justement Marie, toujours câline.
    – Oh ! S’écria-t-elle quelle vilaine tache qu’est-il arrivé ?
    Il lui expliqua, un mauvais geste est l’encrier a glissé.
    – Mon pauvre chéri, voilà ton travail réduit à néant, °Non ma douce, un seul mot a pu être sauvé, regarde,
    c’est me mot Amour, notre Amour ! Tu vois ma chérie
    cela me donne une idée, je vais écrire l’histoire de
    notre Amour.
    °Je t’aime !
    -Moi aussi mon Amour.

  6. Ophélie E. dit :

    Certes le soleil brille, mais ce chapeau qui se balade sur cette page me gêne au point d’être obligée de revenir sur ma lecture pour voir s’il est intentionnel.

    Dans son ouvrage « La mémoire n’en fait qu’à sa tête », Bernard Pivot consacre un chapitre fort amusant à ce petit accent qui permet de distinguer des homophones.

    Au plaisir de vous lire. Cordialement. Ophélie

  7. Christine Esnault dit :

    Le buvard arriva trop tard. La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étalait déjà ses tentacules. La page résista de toutes ses fibres, mais la noirceur gagnait déjà jusqu’à son âme. Défigurée, métamorphosée, elle se savait perdue. Son destin désormais scellé, elle devait faire le deuil de toutes ses espérances. De noir vêtue à jamais, elle ne pouvait plus rêver être de celles qui accueillent fièrement les signes porteurs de sens que les humains savent tracer sur elles. La corbeille à papier serait son seul avenir.

    Elle en était là de ses sombres pensées quand elle se sentit soulevée. Des mains expertes la manipulaient. On la plia en deux, de sorte que l’infâme et déshonorante flaque d’encre noire, qui la salissait sur une seule moitié de sa surface, fut dupliquée quasi à l’identique sur l’autre partie d’elle-même, restée vierge jusqu’alors. «Et maintenant, se dit-elle, c’en est bien fini de moi!»

    L’enfant examina la feuille attentivement, en plissant le front, puis sourit, l’air satisfait.
    – Regarde, maman! J’ai fait un beau dessin!
    – Magnifique! Est-ce que c’est un papillon?
    – Non! C’est un nez féroce!
    – Rhinocéros, chéri! Ah? Oui, tu as raison. Je le vois aussi!
    – Elle est belle ma page, hein?
    – Oui, mon cœur. On va le garder ton dessin. Il est vraiment joli!
    – On l’accroche au mur, dis, maman?
    – Oui. On va le mettre ici, bien en vue. Comme ça, tout le monde le verra et pourra deviner ce que c’est. D’accord?
    – Merci, maman! Ma page, elle est bien contente, maintenant!

    L’encre sur le papier, calligraphie fruit de l’esprit ou forme fantastique née du hasard, a cette étrange faculté de stimuler l’imagination de ceux qui veulent bien se prêter au jeu. Alors! On joue?

  8. patrick labrosse dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tâche, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étalait déjà ses tentacules. La page résista de toutes ses fibres, mais
    C’était sans compter sur l’effet de la lune, l’attraction du corps céleste était telle qu’aucune molécule, fusse t’elle dotée d’une encre divine ne pouvait lui résister !
    La tâche profitait du cœur de la nuit pour s’immiscer insidieusement dans les moindres confins du labyrinthe de ses pensées. Elle proliférait, gagnait en conquête, dès que la lumière se faisait discrète. Elle épaississait, gonflait tel un cumulonimbus annonciateur d’orage. Rien ne pouvait lui échapper, le moindre écueil de faiblesse et elle avançait l’heure de son rendez-vous !
    Forcément vous étiez préparé à cette sournoise, vous profitiez du jour tel un frêle papillon, il vous fallait vous abreuver avec avidité du nectar du moindre rayon de lumière.
    Car lorsque le crépuscule approchait, la tâche s’emparait du moindre espace de lumière. A cette dictature vous opposiez de flamboyantes corolles de fleur, de la couleur pour dresser des digues contre cet envahisseur.
    Hormis les fleurs, il se pouvait qu’une jolie nymphe vous permette le temps d’une nuit de contenir la tache aux portes de votre inconscience. A moins que ce ne fût un enfant dont les souffles réguliers efface l’invasion du noctambule. Il vous suffisez de vous accrocher à ce souffle lumineux pour chasser l’avancée de cette pieuvre.
    Le combat était permanent, car la tâche n’aimait point le vide, il lui suffisait qu’apparaisse une ombre pour qu’elle se précipite tel un félin pour envahir l’espace laissé vacant. Fort heureusement la planète fut inclinée et la valse des saisons parvenait à repousser de sa candeur printanière l’oppresseur.
    Alors dès que la lumière prédominait, il fallait danser, se gaver de photons. Le prochain raz de marée pouvait arriver sans prévenir !
    Et puis il arrivait qu’une saison maussade s’empare du paysage, des nuages noirs à vous noyer le cœur. Alors, attablé au chevet d’un coin de table, vous vous empariez du premier stylet pour crayonner des pages et des pages, seul l’encre de votre imaginaire, pouvez lutter à arme égale contre cette maudite tâche.
    Il y eut également des nuits d’insomnies, où la tâche avide de turpitude attendez le moment opportun pour envahir la pureté du vélin. Seul, les coups de boutoir du stylet au contact de la page, l’obligeait à se tenir en retrait. Mais, Il suffisait d’une soudaine panne d’attention, d’une petite somnolence, pour que la tâche s’empare des lignes à l’abandon. Alors vous en appeliez à la rescousse. Fort heureusement, de fieffés buvards et soiffards de passage vous apportez quelques mélodies alcooliques pour repousser l’étranger aux frontières de l’aube.

  9. iris79 dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc,
    étalait déjà ses tentacules. 
    La page résista de toutes ses fibres, mais…

    finit par lâcher prise.
    Elle ne se souvenait pas en effet pourquoi il fallait résister à cet événement.

    Après tout, c’étaient ses fibres à elle qui la saisissaient et la faisaient grandir.
    Certes, d’habitude les tracés étaient maîtrisés,
    les quantités d’encre calibrées par les mines chatouilleuses et précises.
    Mais pourquoi toujours fonctionner ainsi ?
    Que diable, un peu de fantaisie !
    Elle aimait ce dessin inédit qui prenait forme dans ses replis.
    C’était enivrant d’absorber un tel fleuve bleu nuit.
    Le buvard parvint à contenir les débordements et préserver quelques zones blanches mais pour le reste, quelle surprise ! Quel océan de nuances bleues ! Quel camaïeu aux formes étranges ! La page n’interdisait pas l’écrit, bien au contraire ! Muni d’une encre noire, rouge, verte, qu’importe, les mots ou les dessins pourraient quand même courir sur la page,
    donner vie à d’autres mirages.
    Les mots alignés tels une armée de petits soldats bien rangés
    sur les dizaines de pages précédentes allaient se régaler de cette pause tranquille.

    Oui c’était décidément une pause salutaire
    qu’il faudrait peut-être renouveler avec un jet d’encre volontaire
    après quelques pages suivantes.
    Après tout , pourquoi ces pages
    ne rythmeraient -elles pas les chapitres de ce roman sur le voyage ?
    Comme des haltes bienvenues, des respirations avant de reprendre la mer.

  10. françoise dit :

    Le buvard arriva trop tard.
La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étalait déjà ses tentacules. La page résista de toutes ses fibres, mais de blanche elle devint bleue, d’un beau bleu Klein. C’était du plus bel effet. Elle ne rêvait plus que d’être affichée au mur comme toute œuvre digne de ce nom…. Helàs le sort en décida autrement. Un courant d’air la fit s’envoler par la fenêtre ouverte. Que dirait le petit Yves quand il rentrerait de son match de tennis ou de judo, elle ne savait plus trop. Il adorait ce peintre depuis qu’il était allé voir une exposition de ses œuvres au centre Pompidou. Elle aussi elle l’aimait bien cet enfant. Avant qu’elle soit peinte d’un beau bleu Klein, il s’amusait à dessiner au crayon sur elle, parfois son ours qui lui servait de modèle, le gommait et c’est une voiture de course qui le remplaçait, etc, etc…. jusqu’à cette maudite tache.
    Perdue dans ses pensées, elle finit par tomber sur la table d’un restaurant dont les baies étaient ouvertes. Une serveuse la trouvant jolie la scotcha sur une vitre.
    Ce fut pour elle une nouvelle vie fort distrayante qui commença : elle regardait passer les passants et quelquefois certains s’arrêtaient pour l’admirer se plut elle à penser. Peut-être qu’un jour Yves passerait par là et la récupérerait….

  11. Catherine M.S dit :

    Étrange noyade

    Le buvard arriva trop tard
    La tache, telle une pieuvre, étalait ses tentacules
    Sans l’ombre d’un radar !
    La page tenta bien, elle, de résister de toutes ses lignes
    S’efforçant de rester digne
    Mais le mal était fait
    La tache avait eu le dernier mot,
    C’est le cas de le dire,
    Elle avait tout manigancé
    Pour tout envahir
    Et tout engloutir
    Les consonnes, les voyelles
    Les virgules, les guillemets
    Les points d’interrogation, d’exclamation
    Aucun mot ne lui a échappé
    Ni aucun signe de ponctuation…
    Juste après avoir révélé quelques secrets
    La page s’est retrouvée vierge
    Comme si quelqu’un voulait se venger
    En renversant, fort à-propos, le petit encrier
    Pour ne laisser traîner sur le papier
    Aucun indice meurtrier.

    La tache avait gagné,
    Le buvard pouvait aller se rhabiller.

  12. Blackrain dit :

    …la pieuvre continuait de jeter son encre à travers les piqûres de ses minuscules ventouses. L’encre corollait en pétales bleu, de plus en plus pâle. La honte sans doute de s’étaler sur cette blancheur qui n’était plus à la page. Le buvard, qui s’était mis à la tache un peu trop tard, se replia, imbibé de l’orgueil de son sang bleu. On disait qu’il buvait depuis qu’une bande d’effaceurs était aux trousses de sa clientèle scolaire. Il n’avait pas assez la fibre éducative pour éponger les critiques de la jeunesse : désuet, encombrant, inefficace.
    Il s’en alla retrouver Lamy Waterman qui avait jeté l’ancre à « la plume d’or » pour boire un godet. Ensemble, ils se plaignirent de n’être plus qu’à la marge. L’un trouvait les effaceurs imbuvables tandis que l’autre se montrait quand même épaté par la finesse des pointes BIC. Il savait qu’il n’était plus à la pointe de l’écriture. Il se faisait de la bile mais trouvait les biles très habiles.
    Ils burent jusqu’à plus soif sur l’évolution de l’écriture et leur avenir plus qu’incertain.

  13. Jean-Pierre dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étalait déjà ses tentacules.
    La page résista de toutes ses fibres, mais l’encre était trop rapide et trop futée. Elle avait réussi à se loger dans les moindres interstices du papier recyclé car elle n’avait aucune appétence pour les gros pores d’un buvard bien trop grossier pour une encre aussi belle.
    Le buvard en était pour ses frais. L’encre avait réussi à lui échapper, préférant la diversité et l’exotisme des fibres du papier recyclé.

    Le buvard immaculé fut déchiré rageusement en quatre-vingt douze morceaux par l’auteur qui avait été trahi par un stylo fatigué d’avoir transpiré en bleu sur presque toute une page, mais qui avait perdu le contrôle et fondu en larmes à la suite d’un geste brusque de son propriétaire au moment de la signature.
    Ses larmes étaient d’un bleu profond et indélébile, tandis que le propriétaire était vert.
    Celui-ci a réussi à se dominer et à déposer avec précaution la lettre dans la corbeille pour éviter de se tacher les mains.
    Le stylo n’en menait pas large. Il savait qu’il était foutu. Jeté violemment dans la corbeille, mais désireux de finir en beauté, il a fait jaillir une belle gerbe d’encre bleue qui s’est répandue artistiquement sur la moquette beige du bureau et la chemise du patron.

    Depuis ce jour, Monsieur Dupont traite toutes ses affaires par téléphone.

  14. Maryse Durand dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étalait déjà ses tentacules…

    Ce léger incident tira Josselin de l’ennui qu’il ressentait, cet exercice de chimie étant pour lui sans le moindre intérêt, lui qui n’aimait que la poésie et les rédactions que Mme Thévenot proposait chaque semaine, en cours de français.
    Il reposa donc le buvard et regarda cette tache avec grand intérêt. Sous son regard amusé elle s’élargissait, grignotant allègrement l’espace blanc, et Josselin, tournant la page entre ses doigts, reconnut le visage rieur qui orna it son cerf-volant cet été, sur la plage de Villeneuve. Reprenant son stylo, il y ajouta la longue ficelle ornée de petits fanions au bout de laquelle il se retrouva suspendu, en quelques coups de crayon. Mais un seul cerf-volant lui sembla réducteur, et il se prit à en imaginer d’autres et à les représenter, si légers dans l’air, avec chacun un enfant rieur qui court librement sur le sable, au bout de la ficelle.
    Et l’après-midi studieux devient récréatif, les cerfs-volants ont envahi la page, grignotant petit-à-petit les formules chimiques péniblement alignées quelques heures plus tôt. Et Josselin rit : est-ce que Mme Thévenot pourrait en faire un sujet de rédaction ? « Une tache, telle une pieuvre sur un océan blanc, étale ses tentacules. Racontez… » Ah oui ! Il pourra it raconter… Mais la porte s’ouvre. Maman entre. –« Alors, cet exercice de chimie, tu l’as terminé ? Je peux le voir ? »

  15. Jarrier dit :

    Le buvard arriva trop tard. La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étalait déjà ses tentacules. La page résista de toutes ses fibres, mais…
    elle sentait que la submersion était proche
    Elle n’allait pas se laisser imbiber par un gros rouge qui tache. Il fallait réagir.
    Elle se déforma, se contracta, se rétracta avec ivresse. Des plis, des replis, des reliefs, des creux, pour détourner cette éclaboussure en touches de couleur.
    Légèrement détrempée, elle était ravie par cette rencontre accidentelle.
    Enfin une création informelle …

  16. Souris verte dit :

    🐀 LE BUVARD BAVARD ARRIVA TROP TARD.
    Sur le bureau en noyer ancien, un buvard bavard commentait avec l’encrier la danse du stylo à plume sur le papier.
    L’écrivain la maniait avec l’élégance du fleuret.
    Chaque lettre avait ses ronds de jambes, leurs pleins et déliés en accentuaient la beauté.
    Le début d’une phrase était salué par une majuscule, une sorte de coup de chapeau…
    C’était vraiment très beau.
    – Chaque fois qu’il trempe sa plume pour faire ses majuscules, il pompe trop, ne parlons pas des virgules : ces pattes de mouches qui courent partout! se rebellait l’encrier.
    Le buvard considérait aussi ces ornements comme d’inutiles provocations syndicales.
    La plume, énervée par ces injustes critiques, en remontant finement le délié du
    L majuscule eut le bec qui accrocha le papier…
    Et toc, voilà le pâté ! rigola le buvard !!!
    L’écrivain désolé essaya d’assécher. Hélas ! Le buvard, comme à l’ordinaire, papotait…
    Quand enfin il comprit le drame, et qu’on avait besoin de lui, c’était trop tard… La tache était sèche.
    Le jeune poète, qui avait fait tant d’efforts pour que tout soit parfait, catastrophé devant l’ampleur du désastre eut une larme qui mouilla la tache. Elle s’étala, pris ses aises et bleue comme la mer ne tarda pas à couvrir le papier.
    Un bleu indigo qui s’irisait comme les vagues.
    Le vague à l’âme de l’écrivain s’envola telle la mouette.
    Le poète attrapa la corde de l’inspiration, se hissa jusqu’en haut du mât, la main en visière il voyait les bateaux sur la mer, presque il entendait le vent qui sifflait dans le hauban.
    Lorsque la mouette repassa en riant joyeusement, dans un cri d’enfant elle lui laissa prendre une plume…
    Et… Vogue la galère, les mots d’emblée s’alignèrent puis dessinèrent et les nuages et la mer…
    Plus de tache, mais le buvard, toute honte bue, reste aux aguets… Plus jamais il ne faillirait… Non ! Plus jamais. 🐀

  17. Cétonie dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étalait déjà ses tentacules.
    La page résista de toutes ses fibres, mais était totalement impuissante face à l’invasion. Elle céda, au grand désespoir de l’apprenti poète qui l’avait préparée avec tant d’amour pour recueillir son inspiration …
    Aussi, quelle idée avait-il eue de se munir de cet antique stylo-plume, alors que ses concitoyens n’utilisaient plus que le clavier de leur ordinateur ou de leur iPad dont l’écran protégeait efficacement tous les écrits qu’on voulait bien leur confier ?
    Déconcerté, il jeta le stylo baveur, et resta songeur devant la tache qui le narguait avec insolence, le défiait avec nonchalance ; bien décidée à ne pas lui céder un millimètre de papier, elle-même semblait le provoquer « toi qui te prétends artiste, montre nous ce que tu sais faire avec ce que tu as ».
    Toujours attentif à ce qu’il ressentait, il laissa son regard errer sur la feuille –un beau papier, fabriqué à la main, pas vraiment blanc, dont il découvrait toutes les nuances de couleur et de texture – ; il fut surpris d’y discerner des fibres comme dans un tissu précieux et le considéra avec respect, lui demandant pardon pour cette vilaine goutte d’encre maintenant bien installée.
    Tout à sa contemplation, il ne fut même pas étonné d’entendre le papier lui répondre
    – N’as-tu jamais, étant enfant, rêvé des heures en regardant les nuages, taches mouvantes dans le bleu du ciel ? N’as-tu jamais construit des épopées pour faire vivre tous les personnages et tous les monstres que tu y découvrais, mais que toi seul voyais ? N’est-ce pas œuvre de poète que de mettre des mots sur ce qu’il ressent ?
    Lentement, il leva la main, saisit doucement son iPhone, caressa doucement l’écran, et se mit à parler, instinctivement, à partir de ce qu’il voyait. Une longue rêverie sans début ni fin, que son ordinateur se chargea de retranscrire en texte pour l’envoyer directement à son éditeur, sans qu’il ressente le besoin de le relire, de vérifier.
    Et il fut stupéfait, quelques mois plus tard, d’être désigné pour le prix Goncourt de la Poésie. On lui posa de multiples questions sur son inspiration si originale, il ne sut que répondre « une feuille, une tache d’encre, ensuite,… je ne sais plus ! »

  18. Stéphanie dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc,
    étalait déjà ses tentacules.
    La page résista de toutes ses fibres, mais…
    elle ne put s’empêcher de boire cette encre aussi goulûment qu’un enfant assoiffé un bel après-midi d’été.
    La marée bleu nuit se répandit alors comme l’eau qui se faufile, une fois la digue vaincue, dans le château de sable du bambin. Progressant d’abord très vite, le raz-de-marée d’une plume trop pleine sembla pourtant ralentir dans une seconde vague…
    Pauvre buvard !  Il se sentit tellement inutile qu’il aurait pu se noyer de chagrin. Mais c’est de jalousie qu’il mourut, lorsque l’effaceur cet étrange mais redoutable adversaire, vint à bout de notre grande baleine bleue en moins de quelques secondes. Rendant alors à notre écrivain naufragé une page blanche plus angoissante que jamais…

  19. FRANCINE MANGATAYE dit :

    La tâche était quand même en position de force et se laissa aller de part et d’autre de la page de droite.

    En arrivant telle un fracas sur la tâche, le buvard fit sursauter tous ceux qui étaient paisiblement installés sur la page de gauche. Ce qui avait le don d’énerver la page.
    Combien de fois t’ai je dis qu’il faut surprendre l’encre. Y allait en catimini comme lui, sournoisement.

    Tu vas dans le sens contraire de son avancé.
    En y allant franco et brutalement l’encre se fait un malin plaisir de se laisser porter par la vitesse a laquelle tu arrive monsieur le buvard.

    Plus de subtilité tout d’abord en l’accompagnant et ensuite en resserrant les bords, l’encre n’en sera que plus étonné.

    As-tu bien saisi ta tâche pour les prochaines fois, et surtout pas de débordement .
    Tu te fais déjà assez remarquer comme ça.

  20. Grumpy dit :

    Il a accepté la mission, il prend patience.

    Le cortège est enfin en vue.

    Ça y est, c’est le moment.

    Il incline légèrement le canon, ajuste la lunette.

    La cible en position parfaite dans le viseur,

    il presse la gâchette.

    Un seul coup suffit, si silencieux …

    Une étoile éclot dans le creux de la nuque.

    La tache rouge, telle une pieuvre étale déjà ses tentacules sur le col blanc.

    Le rose buvard d’un tailleur Chanel, impuissant, ne boira rien.

    Le crâne fracassé résiste de toutes ses cellules.

    Il est trop tard.

    Le tueur se perd dans la foule.

    Parole tenue : il vient de secouer le monde.

  21. Un buvard ! – il faudrait un buvard géant! – Mais tout arrivera trop tard. Trop tard.
    C’est fait.Les pompes sont à l’œuvre certes, on les a immédiatement déchaînées, dès qu’on a détecté la catastrophe, mais il ne se fait guère d’illusion : la tâche, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étale déjà ses tentacules. Les vagues se croisent,s’organisent pour tenter de résister, de balayer cette expansion visqueuse qui épand sa noirceur. Sans succès . Le temps s’égrène et chaque seconde joue en défaveur des hommes et de leur bonne volonté impuissante.
    Consterné par la soudaineté du désastre, le commandant ne peut que constater la progression de l’immense tâche.
    Oh ! Bien sûr ! Il n’est pas très jeune, ce rafiot ! Mais on a contrôlé avant le départ le respect de la sécurité minimale exigée. Tout est en règle, et une société américaine a délivré un certificat d’aptitude à la navigation. Évidemment il n’est peut-être pas tout à fait conforme aux dernières règles de sécurité internationales, qui changent tout le temps, mais il sera difficile de prouver une défaillance précise et encore plus de trouver un responsable.
    Il hausse les épaules. Le responsable est tout trouvé. Ou plutôt le lampiste . C’est lui, sans aucun doute, le commandant, qui se retrouvera devant les tribunaux.
    On l’accusera d’une mauvaise manœuvre, ou d’avoir tardé à réagir. Mais allez donc donner des ordres à un équipage qui parle neuf langues différentes !! Ce pétrolier, c’est l’arche de Noé des nationalités !! Et pour les commanditaires, c’est encore pire !: Fabriqué au Japon, le navire appartient à une société libérienne dont les actionnaires sont des armateurs grecs formés en société anonyme!! Il navigue sous pavillon des Bahamas !!! Quand à sa cargaison de pétrole, elle est d’origine russe, chargée à bord en Lettonie, en direction de Singapour. L’affréteur, lui, est une société immatriculée en Suisse, filiale d’un groupe russe, dont le bureau se trouve à Londres.(cf. Le pétrolier « Prestige »,source Wikipédia, NDLR)
    Le commandant rit. Jaune.
    Pour l’instant, il attend les secours. Et l’attente s’éternise.
    L’équipage va être évacué dès que possible, dans la journée sans doute. Car le risque est grand d’un naufrage.
    Devant lui, l’océan est devenu noir.
    Il faudra des mois, des années, pour évacuer tout ça.
    Il tourne le dos et va donner les derniers ordres.

  22. Le buvard arriva trop tard. La tâche, telle une pieuvre sur cet océan blanc,
    étalait déjà ses tentacules. La page résista de toutes ses fibres, mais l’encre de seiche la mouilla jusqu’à faire d’elle une éponge marine au noir grotesque.
    Le buvard, imprégné de regret, considéra cette chose répugnante et s’en voulu. C’est lui qui aurait dû être à sa place, difforme, boursoufflé, à baigner dans sa marée noire. Il avait failli à sa tâche, n’avait pas assumé son rôle de protection, quel marin d’eau douce ! Comment rattraper cela ?
    Alors il but jusqu’à plus soif l’encre de seiche qui à présent gonflait la feuille comme un poisson-globe. Et à mesure que la feuille se vidait de son sang bleu, le buvard s’en alourdissait.
    Ce n’était ni plus ni moins qu’une transfusion de sang marin.
    Elle sauva la vie de la page, tandis que le buvard se mourrait.
    La page, saignée à blanc, connut bien d’autres stylos, eut bien d’autres écrits.
    Mais jusqu’à sa mort qui survint sous l’impulsion rageuse d’un gamin de quatre ans, flotta en son esprit l’image jaune pâle de ce jeune buvard qui avait donné sa vie pour elle.

  23. Ophélie E. dit :

    Ce matin, je m’escrime à faire des pleins et des déliés avec la plume Sergent-Major que je trempe consciencieusement dans l’encrier en porcelaine. La tête penchée, le nez au ras du cahier, je m’applique depuis un bon moment quand le buvard arrive trop tard… catastrophe ! La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc, étale ses tentacules. La page résiste de toutes ses fibres, je pose vite mon buvard sur cette ignoble bavure, j’appuie dessus de toutes mes forces mais, lorsque je le soulève, un gros pâté s’égare au beau milieu de la feuille et recouvre mon fastidieux labeur. Je suis désemparée, catastrophée. Que faire ? Je tente de cacher mon cahier avec mon bras, mais la maîtresse petite, boulotte, vieille et qui voit tout, s’approche et… d’un geste vif déchire ma belle page d’écriture. Je fonds en larmes. Je dois tout recommencer et surtout bien m’appliquer car sinon, me dit-elle, « je t’enferme à double tour dans le placard à fournitures ». Plusieurs camarades y ont déjà fait un aller et… ouf ! un retour. Ça doit être affreux là-dedans ! Un monstre doit s’y cacher.

    Lorsque Papa me demande ce que j’ai fait aujourd’hui, je réponds en lui montrant mes doigts :

    – j’ai fait de l’encre !

  24. Laurence Noyer dit :

    Pseudo dit nymie

    Trop tard dit Le buvard
    T’es un zéro dit Le numéro
    J’prends en sténo dit Le stylo
    Encrons dit Le tampon
    C’est une erreur dit L’effaceur
    Marc Page dit Marque-page
    Je pardonne dit La gomme
    Trop fluo dit Stabilo
    Réessaye dit La corbeille
    Je suis mauvaise dit La punaise
    On s’arrache dit l’agrafe
    On se bouche dit Cartouche
    Allez housse dit La trousse
    Mon acolyte dit Post it
    On s’cramponne dit Le trombone
    En trois morceaux dit Le ciseau
    Trop possessif dit L’adhésif
    A angle droit dit Le compas
    Ça s’découpe dit La loupe
    Souris dit La souris

  25. Odile Zeller dit :

    Le buvard arriva trop tard.
    La tache, telle une pieuvre sur cet océan blanc,
    étalait déjà ses tentacules.
    La page résista de toutes ses fibres, mais rien à faire, le noir gagnait toute la page. Le buvard savait qu‘éponger le désastre ne servirait à rien. La page sanglotait, tremblait, convulsait. Même ses larmes étaient obscures, teintées de l‘encre. La couleur opaque n‘était pas uniforme et le buvard remarqua que les bords commençaient à sécher. Il conseilla à son amie la page de se détendre, ainsi elle resterait plane. L‘assurant de son soutien et de son aide il la quitta un moment et revint accompagné de crayons et de pastels. La page se révolta. Il n’était pas question qu‘elle soit encore plus défigurée. Si personne ne connaissait le moyen de lui redonner sa blancheur virginale alors qu‘on la jette au feu, elle se sacrifierait sans un soupir. Le vermillon prit la parole. „Ta robe ne te plaît pas mais elle a une certaine esthétique, un graphisme. Avec ta résistance farouche tu as donné des vibrations à cette texture un peu terne. Laisse nous faire et tu deviendras unique, originale.“
    La page ronchonna, versa quelques larmes et se résigna.
    Les pastels débutèrent en douceur à grands traits à dessiner des fleurs, des feuilles et même quelques petits papillons. La feuille se sentit mieux, moins triste. Les crayons prirent le relais forçant certains détails, ombrant les creux et dégageant des contrastes. Le buvard restait en retrait pour juger de l’effet. Soudain jugeant que le travail était réussi il stoppa le ballet des crayons.
    On proposa à la page cette réalisation. Elle pouvait bien sûr demander quelques corrections. Elle prit son temps, se contempla dans le miroir et regretta toute cette poussière qui la faisait tousser.
    Les pastels éclatèrent de rire. Bien sûr il faudrait secouer la page et fixer les pigments. L’odeur était désagréable mais disparaissait à l‘air libre en quelques heures.
    L‘encre quant à elle ne se tenait pas d’aise. „ Des cris, des pleurs et finalement ce n’est pas si grave … grâce à moi, à une maladresse vous voilà belle, différente et un vrai chef d’œuvre … un merci …“ on la pria de se taire elle s’en alla mécontente et prête à recommencer.
    Le chef d’œuvre finit même encadré, sur un mur bien blanc avec une date et une signature illustre.

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