Prenez le temps de lire ce passage extrait de Belle du seigneur
Prenez quelques secondes pour lire ce passage extrait de Belle du seigneur. Albert Cohen, p 533,
Éditions Gallimard :
« Adrien Deume contemplait passivement la fuite verdâtre des prairies, la folle débandade des blés s’engouffrant dans la tornade où s’abattaient les arbres et les poteaux télégraphiques aux lignes soudain redressées puis d’un seul coup descendues.
Il abaissa la vitre et brusquement des odeurs vertes mouillées entrèrent puis des bornes filèrent et une forêt s’enfuit avec ses secrets et une rivière miroita aussitôt disparue, puis une locomotive passa en sens inverse, le chauffa au passage, folle furieuse avec des souffles désireux, suivie par les lumières saccadées ses wagons et, piqué au vif, le train s’emballa, quatre rails luisants se précipitant vers la droite.
Sûrement du cent vingt à l’heure, pensa Adrien. Sur quoi, décidant de noter une impression sur le vif pour son roman en préparation, il sortit son carnet à feuillets mobiles et son porte-mine en or.
Après avoir considéré le paysage sans cesse enfui, il écrivit que le train filait à une vitesse vertigineuse et referma son beau carnet. »
Si Adrien avait été plus sensitif, plus réceptif aux impressions qu’il ressentait lors de son voyage, il n’aurait pas noté une telle banalité sur son carnet.
Les études menées sur la perception montrent que notre cerveau peut capter simultanément, entre cinq et neuf informations.
Lors d’une promenade, par exemple, nous sommes capables de prendre conscience : du contact d’un vêtement sur notre corps, du gazouillis des oiseaux dans les arbres, d’un graffiti écrit sur un mur, du poids du sac que nous portons, d’une sirène hurlant quelque part, de bribes de conversation, d’une voiture démarrant brutalement, de la couleur du ciel et d’une odeur s’échappant d’une boutique.
Notre capacité de perception est donc prodigieuse. Mais, la plupart du temps, nous nous comportons comme un satellite d’observation météo qui n’aurait pas déployé toutes ses antennes.
Nous ne captons distraitement que deux ou trois informations au maximum.
Ce qui est insuffisant si l’on veut rendre compte d’un environnement.
Quand vous souhaitez vraiment observer quelque chose, que ce soit un lieu, un fait, un événement ou une situation, pensez à sortir toutes vos antennes.
Soyez le plus attentif possible, de façon à faire « le plein des sens » et recueillir le maximum d’informations sensorielles.
Alors vos notes seront beaucoup plus riches et originales.