On ne sait plus s’ennuyer

Quand un vin mis en fût repose pour vieillir en cave, « quand il s’ennuie » comme disent joliment les vignerons, la part de l’ange s’envole.
Une partie de son alcool s’évapore au fil du temps. On dit que le vin rêve. De devenir un grand cru peut-être ?

Nous, contrairement au vin « on ne sait plus s’ennuyer ».
Dernièrement, tandis que j’attendais mon tour dans la salle d’attente d’un docteur, j’observais les patients.
Six personnes étaient là, avant moi.
L’une somnolait en feuilletant Gala, les cinq autres jouaient avec leur téléphone portable.
Elles tuaient le temps avec une béquille électronique.

On ne sait plus laisser notre esprit se perdre dans nos pensées.
Il faut trouver de quoi remplir son « vide mental », sinon on risque de s’ennuyer.
Pas question de « faire cerveau-libre », défense de « rêver à sa faim » il faut s’occuper.
Comme on occupe les enfants, le mercredi ou pendant les vacances, avec des occupations sportives ou culturelles.
Il ne faut surtout pas qu’ils s’ennuient ces petits !

L’être humain a la fabuleuse capacité de rêver. Même éveillé. D’atteindre les étoiles sans bouger de sa chaise. Même dans une salle d’attente…
Méfions-nous de cette société où l’Homme tue le temps avec des hochets de peur de s’ennuyer.

Pour ne jamais s’ennuyer c’est facile. Il suffit de mettre son cerveau en état d’alerte permanente, de façon à ne jamais laisser passer
la moindre petite idée exploitable par écrit.
Et de noter tout ça sur un carnet ou sur son smartphone…