Le prix Nobel 2022 vu par Beigbeder en 2017
Annie Ernaux, l’écrivain officiel
Il semble que la célébration de Mme Ernaux soit devenue obligatoire en France.
Son dernier livre, Mémoire de fille, est unanimement salué par une critique béate.
Le public suit. Les éditions Gallimard ont rassemblé son œuvre en un gros volume sous le titre : Écrire la vie. La Pléiade est pour bientôt, le Nobel imminent, l’Académie s’impatiente, et ma fille l’étudie au lycée.
Une suggestion à François Hollande : ouvrir le Panthéon aux vivants, spécialement pour Mme Ernaux. Seul Maxime Gorki a connu une gloire comparable, dans l’URSS des années 30. Il est permis de se méfier d’une telle sanctification collective.
Récapitulons : en un demi-siècle, Annie Ernaux a successivement écrit sur son père, sa mère, son amant, son avortement, la maladie de sa mère, son deuil, son hypermarché. Cette fois, c’est sur son dépucelage raté durant l’été 1958, en colonie de vacances, quand elle s’appelait Annie Duchesne.
L’événement est raconté à cinquante ans de distance avec un sérieux inouï. Ce qui est étonnant avec Mme Ernaux, c’est à quel point ses livres, qui ne cessent de revenir sur ses origines modestes, ne le sont pas. C’est l’histoire d’un écrivain qui s’est installé au sommet de la société en passant sa vie à ressasser son injustice sociale. Ce dolorisme des origines révèle en réalité une misère de l’embourgeoisement. C’est comme si elle refusait d’admettre qu’elle s’en est très bien sortie ; 2016 n’effacera jamais 1958.
Mme Ernaux invente la plainte qui frime, la lamentation sûre d’elle. C’est regrettable, car il y a des bribes à sauver dans ce galimatias autosatisfait : « C’était un été sans particularité météorologique » sonne très modianesque ; et cet autoportrait « au total une jolie fille mal coiffée » évoque Sagan. Mais Sagan n’aurait jamais ajouté : «Je la sais dans la solitude intrépide de son intelligence. »
À chaque fois que Mme Ernaux trouve quelque chose de beau, elle le gâte par une explication de texte laborieuse.
Autre exemple : « Elle attend de vivre une histoire d’amour » est une phrase charmante, qui contient tout, y compris la déception à venir. Pourquoi ajouter : « il faut continuer, définir le terrain – social, familial et sexuel » comme si l’on devait se farcir un commentaire composé du bac français ? À force d’être statufiée, Annie Ernaux prend son lecteur pour un abruti. Elle annihile son talent en le noyant sous sa propre exégèse fascinée. On regrette l’écrivain qu’elle a failli être, le livre qu’elle a failli écrire, la légèreté qu’elle se refuse depuis cet été 1958. »
Mémoire de fille, d’Annie Ernaux, Gallimard, 151 p., 15 €.
Depuis 1901, le plus prestigieux des prix littéraire est remis à ceux ayant rendu service à l’humanité par leurs écrits, et, selon les mots d’Alfred Nobel lui-même, « fait preuve d’un puissant idéal ».
Avis très »genré »

Ce texte provocateur de Beigbeder m’est parvenu par le biais de Facebook.
Je me suis dit qu’il tombait à pic au moment où les médias encensent unanimement une œuvre consistant à écrire sur la vie quotidienne d’une femme écrivaine agrégée de lettres modernes. Ses écrits ont-ils vraiment une dimension universelle ? J’en doute fort.
Je sais que je vais contrarier plus d’une personne, mais j’assume.
Avis genré d’un vieux macho qui aurait préféré voir couronné António Lobo Antunes, par exemple.