Conseils des anciens aux jeunes écrivains
Laurence N, m’a sympathiquement envoyé un lien concernant un article du NouvelObs sur la rentrée littéraire : « 6 conseils aux jeunes écrivains » Le magazine a demandé à des écrivains de la rentrée d’y ajouter les leurs.
L’occasion, pour moi, dans ce billet, de réagir aux conseils prodigués.
3 conseils de Jean Hatzfeld
« Si la première page vous inhibe et si l’entrée dans l’univers de votre roman vous impressionne, plutôt que la dramatiser, la sacraliser, la triturer dans tous les sens jusqu’à parfois renoncer d’épuisement ou de découragement, débutez par la deuxième. Personne ne vous reprochera de la remplacer par un brouillon ou un résumé provisoire, puisqu’on n’en saura rien. Il viendra toujours en cours de route un soir heureux où les mots glisseront naturellement à la pointe du stylo. »
UN BON CONSEIL : vous pouvez même, si nécessaire, mettre votre impuissance passagère au service de votre écriture.
Par exemple : vous vous trouvez sans idée face à la feuille blanche, et bien, décrivez cette impuissance avec le maximum de détails et d’émotions.
En écrivant votre infécondité vous mettrez votre esprit en action et ce qui était un handicap deviendra un remède.
Votre difficulté à écrire les premières lignes disparaîtra sans que vous vous en rendiez compte.
« Ne manipulez pas vos personnages. Ne les utilisez pas pour exprimer vos idées. Par exemple, ne pas construire un dialogue entre deux personnes pour développer vos réflexions sur un sujet de l’histoire qui vous tient à cœur. »
FAUX ! N’hésitez pas à faire dialoguer vos personnages quand ils vous permettent d’exprimer une idée en quelques échanges ; alors qu’il vous faudrait peut-être un paragraphe pour la développer.
« Enfin, c’est essentiel, ne tentez pas de séduire ou d’emballer des lecteurs. Oubliez-les. Un universitaire, un journaliste, un poète souvent, écrivent pour leurs lecteurs, mais pas un romancier. S’il pense à ses lecteurs un seul instant, à ce qui pourrait leur plaire ou les intéresser, le romancier sacrifie ses personnages et leur histoire pour une aléatoire réussite. »
AU CONTRAIRE : séduisez et emballez vos lecteurs avec une intrigue attractive, des comparaisons et des formules originales. Pensez à vos lecteurs, soyez bon conteur. Pas question que votre livre leur tombe des mains !
1 conseil de Marie Darrieussecq
« Si l’écriture n’est pas votre vie, laissez tomber »
SANS AUCUN DOUTE : je suis tout à fait de cet avis.
1 conseil de Dominique Noguez
« Le style : sobre, voire sec. Pas d’adjectifs, pas d’adverbes, pas de métaphores, pas d’hyperboles, pas de périphrases, pas de points-virgules, pas de points d’exclamation. »
PAS D’ACCORD ! : un style fluide, d’accord, mais avec du tempo. Pas sec, sauf si c’est un rapport de police. Des adjectifs, bien sûr, quand ils servent véritablement votre pensée, des adverbes aussi quand ils vous font économiser des mots ou des lourdeurs de phrases. Un point d’exclamation pour accompagner une interjection : « Oh la la ! », si l’intonation ironique de la phrase l’emporte sur l’interrogation, on termine avec un point d’exclamation : « T’as vu ce mec comme il se la joue ! »
Un point-virgule, évidemment, quand dans une phrase, les parties dont une au moins est déjà subdivisée par la virgule, ou pour séparer des propositions de même nature qui ont une certaine étendue. Pas d’hyperboles, pas de périphrases, oui, mais une métaphore créative et bien filée, si besoin. Et des comparaisons qui enchantent l’esprit.
Chantal Thomas
« Croire qu’écrire et parler relèvent d’une même langue. Confondre écrire avec discourir. »
OUI, BIEN SUR, c’est une erreur que je signale souvent.
1 conseil de Pierre Jourde
« Tu désires confier à des inconnus le soin de valider ce qui t’est le plus intime ? Tu réalises le malentendu… Et tout cela uniquement par le choix de mots et de tournures de phrases : tu dois savoir que tout le monde, au fond, s’en fout. »
TRÈS JUSTE : on ne peut dire mieux. Si vous souhaitez raconter votre vie il faut qu’elle soit extraordinaire, ou arrangez-pour pour qu’elle le soit…
1 conseil de Jean Rolin
« Au bout du chemin, le jeune écrivain devra prendre sur la droite afin de longer la mer : il est bien rare qu’à force de contempler celle-ci il ne vous vienne pas au moins une idée. Si c’est une idée stupide, ou inconvenante, le jeune écrivain l’écartera d’une main ferme. De l’autre, il se saisira d’un galet – ou de n’importe quel objet disponible sur la plage : coquillage, bout d’aussière ou canette de bière – et lui accordera pendant un certain temps toute son attention. »
NE JAMAIS S’EN PRIVER : Laissez courir vos pensées, à la plage comme ailleurs. Rêvez, contemplez, méditez. Laissez votre enfant créateur jouer dans son bac à sable. Ne l’en privez jamais.
MON DERNIER CONSEIL POUR AUJOURD’HUI : Quand vous écrivez à votre table de travail, ne vous dites jamais : « Je suis en train d’écrire un livre », dites-vous plutôt :« Je suis en train d’écrire un brouillon ».
Sinon, vous « en ferez beaucoup trop ». Vous voudrez que ce soit parfait et ce sera mauvais…