LIVRE EN NOUS critique littéraire d’un club de lecture (7)

« Charlotte  » de David Foenkinos

« L’histoire de Charlotte Salomon, une artiste-peintre juive allemande, déportée à Auschwitz à 26 ans. Avant sa mort, la jeune femme parvient à confier ses toiles, principalement autobiographiques, aujourd’hui conservées au musée juif d’Amsterdam. »

–  un véritable choc, une émotion intense ressentie à la découverte de l’histoire de cette famille marquée par une succession de suicides, de cette jeune fille juive conduite inexorablement à Auschwitz

– tous ces questionnements : quelle est la part du réel découvert par l‘auteur et l’imaginaire créé par lui, du vécu vrai de l’histoire entre Charlotte et Alfred et des propres fantasmes de la jeune fille ?

– pour certains la confirmation d’un auteur de talent découvert grâce à ses livres précédents (« La délicatesse » « Souvenirs ») ; pour d’autres, peu enthousiasmés au contraire à la lecture de ces mêmes ouvrages, la découverte d’un auteur qui méritait amplement une seconde chance

–  une forme d’écriture originale, de la poésie en prose – dont certains ont craint d’être rebutés et qui ont été finalement séduits. Cette forme d’écriture tend à alléger une histoire poignante, à libérer le lecteur d’une oppression en rendant plus respirable cette insoutenable tragédie et maintient malgré tout l’émotion dense et intacte

– La publication de cet ouvrage ainsi que les deux prix attribués (Renaudot et Goncourt des lycéens) ont sorti de l’anonymat une artiste d’un immense talent injustement méconnue du grand public. Les membres du club espèrent que la notoriété née de la publication du livre de Foenkinos suscitera de la part de galeristes ou de directeurs musées l’idée de mettre en place des expositions sur ses œuvres

– l’aspect « documentaire » «recherche biographique » intervenu au milieu du livre a été jugé dérangeant. Il aurait mieux trouvé sa place dans un prologue

Vous pouvez consulter sur YouTube plusieurs interventions de David Foenkinos sur son ouvrage notamment :

https://www.youtube.com/watch?v=-AIcXMLoKTQ

https://www.youtube.com/watch?v=clIbzmIMCyU

« Maus » d’Art  Spiegelman

« Spiegelman nous raconte l’histoire de son père, rescapé des camps de concentration. L’histoire alterne les rencontres entre l’auteur et son père et les souvenirs du dernier. Heureusement, les vignettes « contemporaines » injectent une dose d’humour grâce aux dialogues entre le père et le fils, car le reste est proprement effroyable. Ce destin particulier est peut-être plus touchant que l’histoire globale de l’holocauste.

On s’attache à cette famille parce que l’on apprend à la connaître, elle prend pour nous une réalité qui fait ressortir l’horreur. »
–  il s’agit d’une BD de grande qualité – peu facile d’accès – et de littérature au vrai sens du terme. Beaucoup de réalisme tant dans le texte que les dessins malgré le fait que ce soit une BD

  • bien que l’histoire de la Shoah ait fait l’objet de multiples fictions, celle-ci parvient à nous surprendre et à nous interroger encore et encore
  • le parti pris de la BD, d’abord plus facile, a pu ou peut inciter les jeunes générations, a priori peu intéressées par l’Holocauste, à la découvrir par ce genre littéraire et, de plus, alléger l’oppression ressentie à la lecture
  • le choix du noir et blanc est justifié en raison du fait que ce soit la guerre et qui plus est d’un épisode particulièrement horrible de celle-ci

–   la caricature du Juif avare et prêt de ses sous a été jugée gênante

  • le fait qu’une telle tragédie soit représentée par des animaux et de plus dans une BD genre jugé un peu léger en a incommodé certains
  • les clichés sur le choix des animaux censés représenter les humains par nationalité ou religion : les souris (les Juifs) chassées par les chats (les Nazis), les cochons (les Polonais), les chiens (les Américains), la grenouille (la Française) et les porcs-épics (les Israéliens qui ne figurent pas dans la BD mais il s’agissait d’une intention de l’auteur)
  • cette histoire familiale et personnelle est traitée de manière très détachée, peut-être en raison de la distance instaurée entre le père et le fils, du fait que ce soit une BD, de la narration d’Auschwitz faite à des moments indus et dans des endroits peu appropriés (sans qu’aucune intimité entre père et fils ne soit préservée)
  • beaucoup de difficultés à entrer dans cette BD en raison du graphisme noir voire sombre.



Lire sur ordonnance

croix-verte 7000 personnes meurent chaque année aux Etats-Unis, faute d’avoir réussi à déchiffrer les    prescriptions délivrées par leur médecin.
Des millions de patients sont obligés de demander la traduction de leur ordonnance à un   pharmacien qui a souvent beaucoup de mal à les éclairer.

 Ceci est valable pour certains livres que nous achetons « sous ordonnance » délivrés par les critiques littéraires.

Bien sûr, dépenser 20 €, voire plus, pour un livre indigeste ne met pas notre vie en danger, mais cela peut provoquer une allergie chez les enfants entrant dans un livre pour la première fois.

Si vous souhaitez lire un livre qui aura de bons effets sur votre santé. L’ouvrage qui, au fil des pages, réduira votre stress et augmentera votre taux d’endorphine, l’hormone du plaisir et du bonheur, ne vous fiez pas aux publicités travesties en avis et critiques par la plupart des médias.

Demandez plutôt à vos amis qui aiment lire, quel livre les a passionnés ces derniers temps.
C’est, neuf fois sur dix, grâce aux bouche-à-oreille que l’on découvre les meilleurs livres.

Comme je le signalais déjà ici même en 2013, ne vous illusionnez pas.
La critique, la vraie, celle qui demande une bonne culture est en voie de disparition.
Exceptés quelques critiques vertueux, tout n’est qu’une promotion de produits « culturels ».

J’en profite pour vous parler du dernier livre que je n’ai pas lâché, une fois ouvert :

 » L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage  » Haruki Murakami, Editions Belfond

L’auteur réussit un tour de force, parvenir à nous captiver pendant 267 pages sans l’once d’une intrigue.
Du grand art.

Un mot sur Soumission de Michel Houellebecq, un livre dont beaucoup donne leur avis avant de l’avoir lu…
Une fable, sans doute prémonitoire, qui énerve les optimistes et renforce le pessimisme des autres.
Un intello désabusé et fataliste, suivez mon regard… s’adapte au changement.
Pas toujours bien écrit. Du Houellebecq qui ne force pas son talent. Car il en a, le bougre !




Qu’est-ce qu’un livre bien écrit ?

livre-bien-ecritDernièrement, Janine Gerson Père, auteure de Bella, édité chez Edilivre,
animait un cercle de lecture réunissant une vingtaine de personnes
pour discuter d’un livre « Jacob, Jacob » de Valérie Zenatti.

Très vite, il fut question du style très particulier. Des longues phrases, haletantes, violentes.
Quelqu’un lança :  » Moi je trouve que c’est mal écrit « 
Une autre répondit :  » Non, au contraire c’est très bien écrit « 
Quand une troisième demanda :  » Mais qu’est-ce qu’un livre bien écrit ? « 
Janine Gerson Père me retourna la question par courriel.

Qu’est-ce qu’un livre bien écrit, d’après moi. (je me risque…)

C’est un livre qui a du tempo, une musique à laquelle on s’associe sans même en prendre conscience.
Ce sont des phrases qui « balancent », qui chantent sans souci de virtuosité.
Une syntaxe qui ne se haussent pas du col avec des mots rares.

Quelques lignes et c’est parti, on entre dans la dynamique du récit, l’histoire se déroule sans temps mort. Sans emphase.
Le style de l’auteur s’impose et nous ouvre un monde, le sien.
Notre vitesse de lecture s’y adapte, s’y attache, se l’approprie.
Après quelles pages on vit dans un autre univers, hors de nous-même.

Un livre bien écrit nous surprend par ses comparaisons, ses rapprochements, ses mots déclencheurs d’images.
Une fois fini, ce livre donne envie lire le même.

VOTRE AVIS.  Selon vous, qu’est-ce qu’un livre bien écrit ?




Bientôt, une loi interdisant les lecteurs MP3

Mange disqueL’état français n’a pas peur du ridicule. Chaque fois qu’il n’a pas d’idées pour contrecarrer les novateurs, il pond une loi ou un amendement en espérant que notre pays endormi continuera à dormir tranquille sous ses lauriers fanés.  Aujourd’hui, il s’en prend à  Amazon, demain ce sera peut-être une loi pour interdire les lecteurs MP3 et revenir au mange-disque des années 50.

Mais dans le monde réel, celui où l’on s’active et innove, des entreprises comme Apple, Google ou Amazon, pour ne citer qu’elles, ne connaissent qu’une loi, celle du business. Et que font-elles pour y parvenir ? C’est simple, trop simple pour être compris par nos élus, elles proposent à leurs clients, ce qu’ils attendent ou cherchent. Là est leur secret.

Voulez-vous un exemple ?   

Dernièrement, mon onduleur a rendu l’âme. Comme j’habite dans une région où les orages sont fréquents, il fallait que je le remplace sans tarder. Je me suis logiquement rendu dans le magasin le plus proche,  chez Leclerc informatique à Langon : « Les onduleurs ?  On ne fait pas, voyez plutôt sur Internet… »   Aller-Retour = 24 km pour rien + le temps de perdu.

Pas découragé, je demande à mon épouse, devant se rendre à Bordeaux, d’aller voir à la Fnac et à l’Apple store, si… Elle y passa dans l’après-midi, se rendit dans plusieurs autres magasins « spécialisés » et ne trouva pas.    

Pourtant, nous ne demandions pas quelque chose d’extraordinaire, juste un onduleur pour protéger un ordinateur des sautes de courant.

Pour finir, je l’ai trouvé chez Amazon, payé avec Paypal et reçu trois jours après. Sans me déplacer et sans frais de port.

Internet a définitivement  bousculé la façon de commercer. Fini les délais à rallonge, les files d’attente à la caisse, le chèque refusé, le vigile qui vérifie votre sac, les « on est en rupture de stock », « on ne l’a pas au catalogue », « Allez voir au rayon…, etc.

Trois clics depuis votre téléphone, tablette ou ordinateur et votre commande file à la vitesse de la lumière.

Une fois livrée, si elle ne vous convient pas, aucun problème, il suffit de la renvoyer sans frais.

Qui fera mieux ? Qui trouvera le moyen d’empêcher les librairies de  rejoindre le cimetière des disquaires, des photographes, des agences matrimoniales, etc. ?  La loi ? Sûrement pas.

La seule façon de lutter contre Amazon et les autres c’est de faire comme eux, innover.

C’était mon petit ronchonnement d’été, le temps est orageux…

Au fait ! Voilà que que le robot-journaliste sévissant aux Etats-Unis pointe le nez en France.
Tandis que de son côté, Short Edition planche sur une application capable d’évaluer la qualité d’un texte, tel un comité de lecture.

Bientôt, on n’aura plus besoin de savoir lire, un livre ne sera qu’une accumulation de clichés à écouter, un peu comme le journal télé…

PS : toute récrimination est bienvenue 




Par monts et par mots via les villages aux livres


Bonnes vacances livresques

Ambierle

Ambierle (42)

A 18 km de Roanne

Bécherel (35)

A 36 km de Rennes

 

Cuisery A 37 km de Mâcon

Fontenoy la Joute (57)

Village aux livres depuis 2007

 

Esquelbecq

Esquelbecq (59)

À 59 km de Lille

La Charité-sur-Loire (58)

A 25 km de Nevers
Nuit du livre en août.

 

Montolieu village

Montolieu (11)

A 17 km de Carcassonne .

Village du livre depuis 1990

Montmorillon (86)

A 50 km de Poitiers

 




Même mon mari adore ma liseuse !

Une abonnée raconte son expérience avec une liseuse :

 » Avant, je ne savais pas lire autrement que dans un livre. Mais ça, c’était avant.

Je pars sans cesse à la recherche de nouvelles, de contes, d’histoires pour les enfants…du texte court. Seulement je ne sais pas lire assise à mon bureau devant mon ordinateur (qui n’est pas portable). Jusqu’alors j’imprimais donc tous les textes, mais cela revient assez cher, surtout que plus de la moitié des textes est sans intérêt pour moi. Il en est de même avec les livres de théâtre : il faut lire des dizaines de pièces pour n’en retenir qu’une qui convienne aux exigence de la troupe.

Je pensais donc acquérir une tablette numérique, en empruntais une à mon fils pour tester, mais la lumière me fatiguait.
J’ai alors découvert l’existence de la liseuse, qui est une tablette rétro-éclairée, qui ne fatigue pas les yeux. Depuis que je l’ai achetée, je ne la quitte plus.

Liseuse Kindle

J’y ai chargé de centaines de textes que je dévore les uns après les autres. Petite et légère dans le sac à main, je la sors dans le train, dans les salles d’attente, chez le coiffeur… On règle l’éclairage à sa convenance, on choisit sa police d’écriture, la taille, ce qui rend la lecture très accessible aux malvoyants.
Il y a un marque-page, un dictionnaire, on peut annoter un passage, etc.
Cet été je me ferai le plaisir de relire Hugo et Zola, de découvrir Conan Doyle et Gaboriau, de lire et relire Alphonse Allais…
D’habitude il faut que je pèse ma valise avant de prendre l’avion, car elle contient 10 kilos de vêtements et …10 kilos de livres. La semaine prochaine, je pars avec 300 livres dans mon sac à main ! Evidement j’y ai passé deux heures à tout charger, mais je suis tranquille pour tout l’été.

Et tous les livres que j’ai chargés sont gratuits ! Il existe des milliers de ebooks libres de droit et gratuits sur le net.
Tandis que si vous voulez un livre papier de Molière ou du Marquis de Sade, il faudra le payer.
Les livres contemporains ne sont pas gratuits, heureusement pour leurs auteurs, mais beaucoup moins chers en ebook.
Le prix moyen d’une liseuse étant de 100 euros, moi qui lis 200 à 300 livres par an, je vais faire des économies !

Une seule chose m’a un peu déplue à la mise en service de ma liseuse : j’ai acheté une Kindle, et pour l’utiliser il faut ouvrir un compte Amazon.
Mais finalement, il y a chez Amazon des centaines de livres (gratuits ou pas chers) qui arrivent sur votre tablette en un seul clic. De plus elle accepte beaucoup de formats d’enregistrement. A n’importe quel moment de la journée j’envoie un mail à ma tablette avec mon livre en pièce jointe. La prochaine fois que je l’allumerai, je n’aurai plus qu’à le lire ! Donc si je casse ou je perds ma tablette : pas de panique, mes livres sont dans le cloud.



Un des arguments du vendeur est une autonomie de batterie de 1 mois. Mais je dois la mettre en charge toutes les semaines. Peut-être consommerait-elle moins si j’éteignais le wifi. Mais ne n’aurais plus le dictionnaire en ligne. Je n’ai pas testé.
On charge la liseuse en branchant le cordon USB sur l’ordinateur. Sinon, il faut acheter un adaptateur qui m’a coûté 20 euros.

Le petit conseil du chef : renseignez-vous bien avant de choisir votre liseuse : j’ai fais 4 magasins, les vendeurs n’y connaissent rien. Je suis tombée sur un vendeur d’une grande enseigne qui ne savait même pas ce qu’était une liseuse alors qu’il en avait en rayon !

Qu’en est-il du toucher du livre, de son odeur dont je me croyais amoureuse ? Ca me rappelle un enfant qui hésitait à prendre un livre jauni et taché. Je lui ai répondu que peu importe la qualité du livre, ça ne change pas les mots que l’auteur a écrits. Cet argument devient valable pour moi : je me rends compte que c’est le texte que j’aime, peu importe sur quoi il est écrit !

Même mon mari adore ma liseuse : je n’allume plus la lumière pour lire la nuit. 🙂 « 

L’expérience de Sabine Huchon avec sa liseuse., juin 2014

NOUVEAU ! Vous pouvez publier un article sur Entre2lettres si votre sujet concerne l’écriture, un livre, la défense de la langue française, la créativité ou la dyslexie. Une seule condition : vous abonner à ce blog.




L’inspiration ne vient pas comme ça !

« Je n’ai pas d’inspiration »,
« Ça ne m’inspire pas »,
« Je manque d’inspiration »

Combien de fois ai-je entendu exprimer ces phrases par des personnes attendant vainement qu’un SAMU céleste vienne à leur secours quand leurs idées tournaient soudainement de l’oeil.

L’inspiration, ce souffle créateur, ne vient pas comme ça, d’un simple claquement de doigts. On peut juste s’ouvrir à cette force mystérieuse en étant disponible, réceptif et patient. C’est tout.
Il n’existe pas un interrupteur sur lequel appuyer pour que la lumière jaillisse. Dommage.

L’enthousiasme, en revanche, suscite l’inspiration. Une personne prompte à s’enthousiasmer accède généralement plus facilement que les autres à la source de son inspiration.
Ce n’est pas sans raison qu’enthousiasme a pour origine le mot grec enthousiasmos : «  « Le Dieu en vous » »

S’émerveiller conduit aussi à l’inspiration.
L’enthousiasme et l’émerveillement sont d’ailleurs les deux facultés qui vieillissent le plus vite chez la plupart d’entre nous.

On confond souvent l’intuition et l’inspiration.
Il semblerait que l’intuition vienne du bas, de la terre et l’inspiration d’en haut, du très loin.
Vaste débat…

B Daheron

Pour Blandine Dahéron, l’inspiration vient du très haut, de l’image du Christ.
Son dernier ouvrage, sur lequel j’ai eu le plaisir de travailler l’an dernier, vient de paraître aux Editions Salvador.

Un jour, une affiche du Christ aux multiples visages s’est incarné dans la vie de Blandine, elle lui a ouvert le coeur sur les êtres qui l’entourent et inspiré ce livre.

Ils m’ont révélé ton visage, Blandine Dahéron. Editions Salvator




LIVRES EN NOUS critique littéraire d’un club de lecture (6)

Avis sur LEURS écrits« Pour en  finir avec Eddy Bellegueule » d’Edouard Louis

Il est bon de rappeler la mention « Roman » écrite sur la jaquette du livre et qui nous conduits à nous interroger, tout au long de la lecture, sur ce qui est réel et ce est imaginé ou même fantasmé.

♥ le lecteur ne peut ressentir que de l’empathie envers ce jeune garçon mais aussi de l’effroi tant la description est réaliste et le style alerte et direct : la souffrance, les sévices imposés par les uns, l’indifférence des autres, la différence qui dérange, l’ignorance crasse et ses propres consentements.

Et de l’indignation envers l’indifférence des adultes (famille, voisinage, enseignants). Une question lancinante à laquelle le livre n’apporte pas de vraie réponse : que savaient les adultes ?

Un terrible constat : la somme de ce que peut supporter un enfant comme souffrances et humiliations  pour être accepté » par le groupe de conclusion est immense

Mais outre les aspects purement psychologiques (le harcèlement homophobe,  les insultes et humiliations subies, le manque de tendresse, la victimisation pourtant consentante)   la description quasiment sociologique à la Pierre Bourdieu – de cette classe sociale oubliée, ce sous-prolétariat «Les Invisibles » a  subjugué les lecteurs

Le style, mélange de narration de l’auteur (niveau plutôt soutenu)  et du « parlé » de l’entourage (niveau familier voire même grossier)

L’expérience d’E. Bellegueule n’est hélas pas un cas unique. L’auteur reçoit un nombre phénoménal de lettres portant le même témoignage et son ouvrage pourrait être le porte-voix – et libérer ainsi la parole  – d’une catégorie de personnes silencieuses et en souffrance

♠  Ce livre est un cri déchirant. Mais il met mal à l’aise, car jugé par certains comme indiscret et impudique. Cette démarche devrait être, selon certains, entreprise dans le cabinet d’un psy.

De la méchanceté, voire du mépris de la part de l’auteur envers sa famille ont été nettement ressentis et considérés parfois comme gênants. Un sentiment de supériorité probablement et aucune empathie ni aucun pardon  envers une classe méprisée et exploitée – qui l’a vu naître  et qu’il caricature pourtant – qui n’a jamais la parole  et qui mérite probablement une certaine compassion

Pourquoi le succès de ce livre ? Probablement parce qu’il s’apparente à la télé-réalité qui, rappelons-le fait le quotidien de la famille Bellegueule.  Pour faire un parallèle hasardeux : l’ouvrage d’Edouard Louis ne mériterait-il pas le nom de « roman réalité » ?

Les  lecteurs du club ont  terminé ce roman avec le sentiment d’une histoire inachevée  ou d’un livre inabouti. Beaucoup de zones d’ombres. En effet, de nombreux éléments de la vie d’Edouard Louis ne sont pas évoqués (comment a-t-il quitté sa famille ?  Pourquoi accepte-t-il ces sévices ? Quelles ont été les rencontres déterminantes ? Quel a été  son cursus scolaire et universitaire ? S’est-il réellement reconstruit ? Etc…).

Ce n’est pas de la vraie littérature et, pour certains, le fait que ce soit « une histoire vraie » n’apporte pas grand-chose en plus

Les membres du club  sont certains, qu’en raison du jeune âge de l’auteur, cet ouvrage n’est pas le dernier dans lequel il évoquera ses souvenirs.
Nous attendons donc la suite avec peut-être :

–        « Pour en revenir sur Eddy Bellegueule »

–        « Eddy Bellegueule est de retour »

–        « Eddy Bellegueule n’a pas tout dit »

–        « Les dernières révélations d’Eddy Bellegueule »

–        « Eddy Bellegueule se souvient de deux ou trois choses »

–        « Pour en finir définitivement avec Eddy Bellegueule »

« Lambeaux » de Charles Julliet. Auteur méconnu car peu médiatique et qui mériterait d’être découvert

♥ Livre autrement plus construit et abouti (psychologiquement parlant) que le livre d’Edouard Louis. Probablement en raison de la différence d’âge et donc de maturité entre les deux auteurs et du temps consacré à la rédaction. L’auteur ici fait la démarche de découvrir et comprendre : sa mère biologique qu’il n’a pas connue pour  arriver à accepter l’abandon.

Il s‘agit d’une reconstruction et le livre se termine avec la certitude de voir son auteur apaisé

Beaucoup de tendresse de la part de l’auteur envers ses familles biologique et adoptante toutes deux pourtant incultes et modestes.

Une analyse  psychologique très fine : de beaux portraits sans archétypes ni caricatures et des sentiments simples mais puissants : la mère dont les ailes ont été coupées et à  qui furent interdits les études et l’éloignement salutaire ; la sensation de culpabilité de l’auteur s’imaginant être la cause de l’enfermement et de la mort de la mère ; le père adoptif « grand taiseux » mais infiniment  tendre et pudique ; l’âpreté et l’austérité de la vie à la campagne.

Une terrible révélation : les malades mentaux ou ceux souffrant de troubles psychologiques, enfermés dans des asiles psychiatriques – et que leur famille cachait comme une honte et finissait par oublier –  où ils sont, durant la Guerre, morts affamés

♠  Phénomène rarement observé dans l’histoire de notre club : ce libre a fait d’une unanimité positive et n’a fait l’objet d’aucune critique réellement négative. Sauf peut-être au fait que, contrairement à ce que laissait supposer au 4e de couverture (ou au synopsis du livre) la mère d’adoption est un peu sacrifié car évoquée. Dommage car cette femme est certainement partie prenante dans la construction psychologique de l’auteur

–        Les deux livres ne sont pas des traités sur l’éducation. les écoles militaires, suggérées dans « Lambeaux » sont par définition vexatoires, il faut y mater l’individualisation  et former les gens à l’obéissance aveugle. L’auteur (Charles Juliet) a eu la force de s’extraire de ce schéma. C’est admirable !

Dans la livre «Pour en finir avec  Eddy Bellegueule » l’institution n’est pas vexatoire et E.Louis montre le harcèlement que peuvent subir dans les cours d’école  ceux qui sont différents ou perçus comme tels.

But du club de lecture « Livre entre nous »
– échanger sur des livres que l’on aime
– discuter d’ouvrages qui n’ont pas été appréciés
– faire découvrir et découvrir des auteurs inconnus.

Le club peut également organiser des réunions traitant de films adaptés de romans

Contact : 06 99 70 60 94




Tenir son stylo d’une main et celle d’un enfant dans l’autre

conte-haricot-1Les enfants aiment les histoires et s’en souviennent une fois devenus adultes. C’est peut-être ce qui explique, en partie, l’envie prégnante chez de nombreuses personnes, d’écrire des textes destinés aux petits.

Les enfants sont beaucoup plus exigeants et moins patients que les adultes. Ils ont horreur de s’ennuyer à lire des histoires qui ne correspondent pas à leur univers imaginaire. Cet univers à l’envers, dont les adultes ont égaré les clés depuis des années…

« Vous animez des éveils poétiques pour les enfants, c’est le plus difficile, vous devriez intervenir dans les entreprises, ce sera beaucoup plus facile ! »
Il avait raison.

Intéresser les enfants et les séduire, tout en les instruisant est difficile. Plus on s’éloigne de la pédagogie traditionnelle, plus ils sont heureux.*
Il faut toujours les mettre en attente du plaisir de découvrir, faire en sorte qu’ils aient envie de vous suivre parce que vous les entrainez sur des terrains de jeux inhabituels et bienveillants.

Cet article m’amène à vous signaler Audine ou la véritable histoire du haricot de Castelnaudary le nouveau livre d’Andrée Avogadri, abonnée à l’Entre2lettres.

Ce conte mettant en scène les produits du Languedoc

Roussillon, oscille entre imagination et histoire. Joliment illustré par Claire Degans

Conte-enfant




LIVRES EN NOUS (5) critique littéraire d’un club de lecture

Dernière réunion de notre club de lecture « Livres entre nous », nous avons débattu des ouvrages suivants :

La nature des choses », d'Antonio Antunes
un mineur à moitié fou, sa tante qui se meurt doucement et quelques autres laissés pour compte. Chacun joue sa partie, fait entendre sa voix, affirme sa vérité ; le résultat est une étrange polyphonie où entre satire et onirisme passent tous les rêves de grandeur du Portugal et ses errements dans des guerres coloniales et des luttes fratricides.»

Une très belle écriture, très inventive et innovante

♠ – Enormément de difficultés de tous les membres du club, déstabilisés justement par cette écriture novatrice  – jugée par certains comme un pur exercice de style – ; totalement égarés dans ces monologues entremêlés, cette mosaïque de personnages très difficiles à identifier, cette confusion passé-présent, cette absence d’histoire
– ce livre a même été purement et simplement détesté par certains
– la traduction a été également remise en cause.

– Seul un membre du club a eu la force, le courage et l’intérêt d’en terminer la lecture et suggère de lire cet ouvrage en se laissant aller par le fil du récit, sans se poser des questions et sans attendre quelque chose de cohérent et de cartésien

Impressionné par les entretiens de l’auteur – qui s’exprime au demeurant dans un excellent français –, ce lecteur pense que cet auteur très important mérite d’être découvert peut-être travers  d’autre ouvrages : « Le cul de Judas » « Connaissance de l’enfer »  « Le manuel des inquisiteurs » « Mémoire d’éléphant » pour n’en citer que quelques-uns

Il est regrettable  que le membre du club ayant proposé ce livre, mais absent le jour de la réunion, n’ait pas pu défendre cet ouvrage

 Ecouter l’interview d‘Antonio Lobo Antunes sur le site Babélio 

***

« Le liseur » de Bernhard Schlink

« A l’âge de quinze ans, Michaël – le narrateur – découvre l’amour dans les bras d’Hanna, une voisine de vingt ans son aînée ; pendant six mois, il la rejoint tous les jours et partage avec elle plaisirs de la chair et moments de lecture. Mais sa maîtresse, personnage secret, disparaît un jour mystérieusement. Sept ans plus tard, Michaël la retrouve par hasard, alors qu’il assiste à un procès pour crime de guerre, où elle figure au banc des accusés ; il découvre à cette occasion un fait qui pourrait atténuer sa condamnation, mais choisit de n’en rien dire, par respect pour celle qui a marqué si profondément sa vie. Il renouera leur relation au cours des dix-huit années d’incarcération de celle qu’il comprend enfin un peu mieux. »

   Contrairement au livre précédemment évoqué, la lecture est très aisée, très agréable et les membres du groupe n’ont eu aucune difficulté à entrer dans le récit grâce à une écriture simple, sans effet de style

–        le personnage d’Hannah complexe et complexé, est jugé, malgré l’horreur de son acte, attachant

–        le courage de l’auteur, allemand, d’évoquer un tel sujet rarement abordé dans son pays

–        les parties concernant le procès et l’entretien de Michael avec son père, philosophe, sur 

–        toutes les questions suggérées auxquelles aucune réponse n’est apportée

  • Fallait-il juger ces femmes ? Quel est leur degré de responsabilité ?
  • L’emprisonnement et même la mort sont-ils préférables à la honte d’être illettrée?
  • Pourquoi l’analphabétisme d’Hannah et les complexes qui lui sont liés sont-ils plus importants pour elle que la honte d’avoir commis un acte si ignoble ? Cette attitude est-elle crédible ?
  • Michael, en comprenant lors du procès le problème d’Hannah, s’est révélé moins perspicace  que le lecteur qui l’avait deviné bien plus tôt, a-t-il eu raison de ne pas dévoiler son secret la condamnant à la prison ?
  • Pourquoi Hannah se suicide-t-elle ?
  • Quel est le poids  de la responsabilité des parents impliqués dans la déportation des Juifs pour les jeunes générations ?
  • Quelle importance revêt la lecture que fait Michael à Hannah dans leur relation et dans le roman?
  • L’illettrisme d’Hannah explique-t-il sa psychologie et son engagement ?

Ces  questions ont suscité  un débat au sein du groupe, les différences d’interprétation ont enrichi la discussion

 – de la frustration en raison de l’absence d‘explication sur l’origine de l’analphabétisme d’Hannah.

– celui-ci  a été considéré par certains comme un artifice et jugé tendancieux car il pourrait éventuellement  justifier l’engagement d’Hannah comme gardienne dans les camps et même la barbarie de son acte

– cette histoire très forte qui évoque pourtant des sujets graves  – l’analphabétisme, la déportation des Juifs – est desservie par une écriture sans relief,  des dialogues d’une platitude consternante et une narration trop simple ont généré un certain ennui chez certains

***

 « L’odeur du gingembre » d’Oswald Wynd

« 1903, Mary Mackenzie, jeune Ecossaise de 20 ans, s’embarque sur un bateau, dûment chaperonnée par Mrs Carswell, pour aller à Pékin épouser l’attaché militaire britannique auquel elle a été promise. Dans ses lettres quotidiennes à sa mère, Mary décrit la vie à Pékin, l’insurrection des Boxers et les relations des Européens avec les Chinois »

Ce livre, hormis quelques réserves, a suscité un enthousiasme quasiment unanime

  – le portrait d’une femme à la psychologie complexe : courageuse, déterminée, de grandes facultés d’adaptation, cartésienne, dans un certain sens aventureuse mais totalement dénueé de sentimentalisme et inapte à montrer ses émotions. Sur ce point, un avis diverge : Mary n’est pas en cause, il s’agirait plutôt de la difficulté pour l’auteur à décrire certaines scènes et certaines émotions

–        son  parcours : ses échecs, les trahisons subies, son bannissement, le retrait de ses enfants et sa capacité à surmonter toutes ces déceptions pour atteindre une forme de libération et  un épanouissement final

–        le genre littéraire du livre : mi- journal intime, mi- roman épistolaire

–        malgré la dureté de cette histoire et tous les malheurs qui dégringolent sur l’héroïne le ton n’est jamais larmoyant

–        la scène finale où elle fait la connaissance de son fils est magnifique

♠   –   des évènements pourtant importants sont escamotés : la nuit de noce, le retour du mari trompé, les  relations avec le comte japonais etc.

–        contrairement aux personnages féminins qui sont fort, originaux et très foisonnants, les protagonistes  masculins sont desservis, peu d’épaisseur psychologique et guère sympathiques : le mari radin, coincé, le genre « la lumière éteinte » ; le consul français rêveur et amateur jardinage et de voitures  à qui son épouse a, par ambition, imposé la voie diplomatique ; le banquier américain malhonnête ; l’amant japonais empêtré dans les traditions et les codes sociaux

–        l’absence de regards extérieurs sur l’héroïne (ex : aucune lettre reçue n’est présentée)

–        la traduction été jugée médiocre : des erreurs de sens dans les mots en japonais ont été commises

–        beaucoup d’antipathie envers tous les Japonais  présentés dans le roman bien que l’auteur ait vécu longtemps au Japon

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