Lire à la carte

Désacraliser (un tant soi peu) la lecture

Ce n’est pas parce qu’on ne peut plus, actuellement, tout lire qu’il ne faut plus lire ou lire n’importe quoi, n’importe comment.

N’importe où demeure néanmoins possible, même si je préfère le confort d’un fauteuil et d’un bon éclairage.

Ma mère est une fantaisiste, à sa manière. Elle a cru pendant longtemps avoir le temps de tout lire.
À 87 ans, elle se voit peu à peu rattrapée par l’ouverture sur le monde et la quantité de livres actuellement proposés.

Elle ne se souvient plus d’avoir aimé un poète, elle croit connaître l’essentiel des œuvres théâtrales, son monde se rétrécit,
à l’ombre d’un panthéon de plus en plus riquiqui.

Pourtant, mieux que l’école, elle a su me proposer un panorama littéraire non négligeable et je l’en remercie.

Si la pauvre école a pu grâce au « programme » me faire rêver autour de Molière, Baudelaire… et quelques autres trop rares « appelés », c’est grâce à certains professeurs ouverts et partageurs que j’ai pu croiser Gide, Camus, Shakespeare, Homère,T Mann, Simenon, R Bradbury…etc.

C’est ensuite ma curiosité, mes rencontres qui m’ont permis de découvrir de nombreux écrivains.

Il m’arrive, d’être surpris voire (sans aucun mépris) agacé par le manque de « curiosité » des lecteurs que je croise.
L’esprit routinier semble largement dominer.

Untel n’a lu que des Goncourt, untel n’en lit jamais, tel autre ne lit que du Françoise Bourdin, tel autre, que des polars, un dernier, que des biographies historiques. (Je n’ai encore rencontré personne ayant lu l’œuvre complète de Guy des Cars).

Le choix de lectures est actuellement si vaste que j’ai du mal à comprendre ceux qui se cantonnent à un auteur, à un style, une époque.

Je pense, au contraire, m’être toujours nourri de cette diversité, je la revendique, comme moteur d’appétits littéraires, vinaigrette de salades d’écriture, cour de récréation, école de folies buissonnières, chapardage dans le cerisier des mots.

Aux gens qui me demandent quoi lire, je suis souvent bien embarrassé.
La lecture est une rencontre possible ou pas selon l’âge, la culture, l’envie, le but recherché.
La lecture est une disposition à entendre un « autre », « un autre soi » dont l’alchimie de la rencontre est soumise à trop de hasards
pour que l’on puisse en extraire une quelconque règle.

À défaut donc de conseiller, de « restreindre » donc de tuer la curiosité de ces gens, je leur propose
3 catégories de lectures dans le schéma suivant, construit à partir de mes expériences et de mes observations.

1. Les livres dont on a parlé.

2. Les livres dont on parle.

3. Les livres dont ne parle pas ou peu.

1. Les livres dont on a parlé : Tous ceux que l’on nomme « classiques ». La liste est longue, elle peut paraître pesante. Certains siècles littéraires passent difficilement les années. Néanmoins allez vous y promener. Vous y trouverez des mines d’or.
Si certains auteurs ont une gloire d’époque très surfaite, d’autres ont laissé tant de traces dans tant d’esprits actuels, que l’on ne peut s’y tromper. Il existe des écrivains au-dessus de la mêlée. Mais vous n’êtes pas obligés de les aimer, comme tout le monde.
Il n’est pas nécessaire non plus de lire systématiquement toute l’œuvre d’un écrivain (qui actuellement lira encore tout Balzac…ou tout Zola ?).

Plutôt que de lire tout Tolstoï, allez découvrir Twain ou Cervantès ou  Steinbeck.

 2. Les livres dont on parle : Pour moi c’est bien la catégorie la plus dangereuse. Il n’est rien de plus désolant que ces gens qui ne lisent que tout Nothomb, tout Levy, tout MH Clarck….que ces gens qui ne lisent que les livres primés, télévisualisés, largement critiqués. Attention je ne dis pas que toutes les émissions littéraires et que les critiques soient systématiquement mauvaises, loin de là. Néanmoins, le diktat de certains hits parade de grandes succursales culturelles, magasins ou revues, boutiques ou papiers du « tous semblables » me fatigue.

Ne vous limitez pas à ne lire que les 10% des productions présentées avantageusement sous votre nez,
les têtes de gondole d’un Venise culturel de carnaval.
Restez éveillés, soyez fidèles à vos instincts d’exploration.

3. Les livres dont on ne parle pas ou peu : Il s’agit là, évidemment de la catégorie la moins explorée, la moins exploitée, celle des miséreux de l’édition pour certains, celle des perles oubliées, pour le plus souvent un petit cercle d’amoureux.
Honnêtement, que risquez-vous à vous procurer pour une somme plus que modique, sur une brocante, chez un soldeur un livre dont la couverture, la première page, la 99ème, la quatrième de couverture vous aura tenté ?

Évidemment, vous aurez des déceptions, mais pas plus que dans les deux autres catégories.
Vous aurez d’aimables surprises et d’autant plus attachantes que c’est votre regard, votre personnalité qui aura su détecter dans cet ouvrage
le lien qui vous aura construit au travers d’un échange beaucoup moins attendu.

La lecture, c’est comme aller au restaurant. Il existe quelques très grands chefs, des 3 étoiles surestimés, des sans étoiles sous-estimés, des cabarets joyeux, des brasseries accueillantes mais au menu trop lourd, beaucoup trop de restoroutes, quelques auberges bien secrètes.
Au menu ou à la carte, laissez vous tenter.

Pour terminer, je vous confie très crûment les pourcentages que j’ai personnellement arrêtés, avec toujours quelques dérivations possibles.
50% pour la première catégorie,
25% pour la deuxième
et 25% pour la dernière.

Ce billet vous a été proposé à l’invitation de Pascal Perrat.
Si vous y avez trouvé quelque intérêt, merci de m’en faire part.
Si vous l’avez trouvé négligeable, pauvre, prétentieux, redondant, nul, merci de me le signifier
avec toute la délicatesse possible car je suis un grand sensible !

Jean de Marque.

(Lecteur…entre autres!)




J’ai rarement lu une analyse aussi fine de l’humour juif

Il sort régulièrement des ouvrages fort divers qui rassemblent des histoires juives ou prétendues telles.

Car il faut se méfier des blagues antisémites.


chez Michel Lafon éditeurs.

ces blagues qui circulaient en URSS, elles-mêmes souvent adaptées de blagues racontées
dans l’Allemagne nazie.

quand un personnage, à la cantine de la STASI, commence à raconter une blague sur Walter Ulbricht
et que soudain se retourne un officier…
Pris de panique, il ne peut plus finir sa blague car l’officier le menace, puis l’incite à finir.
Le moment d’effroi passé, l’officier éclate de rire car il connaît mieux que quiconque cette histoire.

Contribution de Gérard Cénec

 




Mêler le vrai et le faux dans un texte

En ce début d’année, c’est une avalanche de manuscrits à lire !
Apparemment, les aspirants écrivains ne connaissent pas la crise d’écriture, au contraire.

Ce qui saute aux yeux dans de nombreux textes,
c’est la différence entre ce qui est raconté à partir du réel, la propre vie de l’auteur, par exemple, et ce qui est inventé.
Il y a une trop grande différence de style entre ce qui a trait à la réalité et ce qui relève de l’invention.
Particulièrement dans les dialogues où les personnages ne discutent pas, ils tiennent des discours.
Bien sûr, chaque auteur puise dans sa vie et ses souvenirs lorsqu’il écrit un roman,
mais cela devrait être indécelable par les lecteurs. Même pas en filigrane.

Dans un roman on ne doit pas pouvoir démêler le vrai du faux,
les deux doivent se fondre imperceptiblement dans l’histoire que l’on raconte.
Laissez votre imagination se glisser dans les conversations de vos personnages,
paradoxalement vos dialogues seront plus vraisemblables.

Une chose, encore. Veillez, comme pour un montage au cinéma,
à ce que la cohérence entre le réel et l’inventé soit raccord, en ce qui
concerne le style et le ton

C’est tout l’art d’écrire…




L’accent circonflexe est l’hirondelle de l’écriture

« L’accent circonflexe est l’hirondelle de l’écriture » Un billet de Gérard Cénec

Si j’en crois le dernier billet de Pascal Perrat, nous avons eu chaud !
L’accent circonflexe a donc sauvé sa tête. Une étude du Rohmer devait paraître sans accents circonflexes…
Je croyais que les simplificateurs de la langue française s’étaient calmés depuis 1991.
Il faut croire que non.
La guillotine qui voudrait couper tout ce qui dépasse de nos lettres est toujours en place !
François de Closets raconte en détail la tentative avortée de simplification dans son livre « Zéro Faute ».

J’ai sous les yeux « L’accent du souvenir »*, le livre qu’a consacré Bernard Cerquiglini,
ancien délégué à la Langue française à ce brave accent circonflexe.
Savez-vous que c’est en 1740 seulement que l’Académie française introduisit l’accent circonflexe dans l’orthographe du français,
à l’occasion de la publication de la troisième édition de son dictionnaire ?

En 161 pages, l’auteur retrace le difficile itinéraire de ce signe typographique remis encore aujourd’hui en question.
On ne peut trouver plaidoyer plus complet pour sa défense. « Signe visuel, idéographe labile, le circonflexe résume et illustre pour les conservateurs modernes la part la plus noble de l’orthographe française, celle qui, au-delà de la notation des sons, dépose sur le papier, admirable et provocante, toujours quelque figure… ».

Méfions-nous des simplificateurs de l’orthographe.
À force de vouloir simplifier, on va tout compliquer.

Comment  ne pas citer ce mot de Jules Renard, relevé par l’auteur :

«  Hirondelles. Sourcils épars dans l’air.

L’accent circonflexe est l’hirondelle de l’écriture ».  8 mai 1901.

En plus, cette citation n’est-elle pas de saison ?

Gérard Cénec

* L’accent du souvenir, Bernard Cerquiglini, Les Éditions de Minuit, 1995.




Emballez votre esprit en lisant ce message

Emballez votre esprit en lisant le message ci-dessous, envoyé par l’un de nos abonnés :

C3 M355463 53RT 4 PR0VV3R QV3 N0TR3 35PR1T P3VT F41R3 D’1MPR35510N4N735 CH0535 ! 4V D3BVT C’3T41T D1FF1C1L3 M415 M41NT3N4NT, 4 P4RT1R D3 C3TT3 L16N3, V0TR3 35PR1T 3ST 3N TR41N D3 L1R3 C3C1 4VT0M4T1QV3M3NT 54N5 M3M3 Y P3N5ER. 50Y3Z F13R5 ! S3VL5 C3RT41N3S P3RS0NN3S P3VV3NT L1R3 C3C1. R3P05TEZ-L3 51 V0V5 P0VV3Z C0MPR3NDR3 C3 M355463, M41S N3 D1T3S 4 P3R50NN3 C3 QV’1L S16N1F13 !




Apple révolutionne l’auto-édition !

Depuis hier, je découvre iBooks Author, la nouvelle application d’Apple.
Ce logiciel de création d’ebooks va plaire, sa simplicité d’utilisation séduira tout le monde de l’écrit.

Apple met l’auto-édition à la portée de tous. C’est une révolution !
Hier encore, concevoir un ebook nécessitait de bonnes compétences en langages web ou de savoir utiliser la PAO.
Avec cette nouvelle application ce n’est plus nécessaire.
On écrit son livre puis on le publie en direction de millions de lecteurs potentiels.
Une traduction en anglais sera souhaitable…

iBooks Author s’adresse d’abord aux enseignants et à leurs élèves. Mais sa simplicité va vite conquérir  le grand public,
à commencer par les créatifs qui devraient bientôt créer des contenus originaux.

Une nouvelle menace pour les éditeurs traditionnels.




26 ans et 2 millions de dollars de droits d’auteur par an

 Amanda Hocking blogueuse de 26 ans perçoit deux millions de dollars par an en vendant ses nouvelles sur le « Kindle,
la nouvelle liseuse d’Amazon.

Aucun éditeur traditionnel ne voulait l’éditer…

Ce n’est pas un cas unique. Les oeuvres vendues sous forme  d’ebooks gagnent du terrain sur les livres papier.

Cette progression devrait se confirmer en 2012. Les liseuses et les tablettes comme l’Ipad d’Apple gagnent sans cesse des parts de marché.

Jeff Bezos, le fondateur milliardaire et PDG d’Amazon.com. a déclaré qu’il vend actuellement huit ebooks quand il vend un livre en papier !
Est-ce déjà la mort de nos chers livres en papier ? La disparition des libraires et des éditeurs ?

Pas encore, il faudra encore quelques années.
Comme il a fallu du temps pour que les appareils photos numériques entrent dans chaque maison
et que périclitent la photo argentique, son développement et son tirage papier dans les laboratoires des photographes de quartier.

Rien n’est figé pour l’éternité, tout est impermanence, pour le bonheur des uns et le malheur des autres…
Ceux et celles qui portent un livre en eux n’auront bientôt plus à se battre pour être édités et trouver un public.
Cela ne peut que réjouir toutes celles et ceux qui écrivent.

Elles et ils sont des millions.




Je viens de lire un livre qui m’a beaucoup agacé

Je viens de lire un livre* qui m’a beaucoup agacé
Non par son contenu mais par ses nombreuses notes en bas de page.

Vous savez, ces informations écrites en très petits caractères…
Ces rajouts qui stoppent notre lecture parce qu’on ne peut pas s’empêcher d’y aller voir.
Sais-ton jamais ! Dès fois qu’on manquerait quelque chose d’important.
Ce qui est rarement le cas.

Chaque fois que j’ai quitté le fil de la narration pour jeter un œil sur les notes, c’était pour rien, ou presque.
Évitez ce genre de notes énervantes pour le lecteur.
Ces notes en bas de page font perdre le fil et cassent le rythme de la lecture.
Quand on a quelque chose de plus à dire, autant incorporer cela dans le corps du texte.
C’est une question de bon sens.

* Livre dont je ne donnerai pas le titre pour ne pas être désagréable.




Un livre qui a du chien…

Ce livre est une petite merveille. Si vous avez un animal de compagnie dépêchez-vous de le lire. Comme moi, vous serez ravi et touché par cette histoire qui se déroule il y a un demi siècle, mais qui nous parle au présent. Joie et tristesse alternent. L’auteur avait un don d’observation rare, sans anthropomorphisme. Parfois Kafka n’est pas loin…

Editions Circé poche




« Le goût de la lecture », une contribution de G Cénec

Le goût de la lecture

Qui vous a donné le goût de la lecture ? Le Mercure de France vient d’éditer un petit bouquin savoureux sur le sujet. Mais avant de vous livrer le texte de la quatrième de couverture (je sais, c’est un truc de journaliste un peu fainéant sur les bords, mais le texte est très bon), j’aimerais aussi vous faire partager l’émotion que j’ai ressentie lors de la projection du film « La Tête en friche ». Nous sommes tant habitués aux livres que nous ne pensons jamais à ces personnes qui n’osent pas entrer dans une librairie, de peur d’avoir l’air bête devant le libraire. La directrice de la Bibliothèque départementale de prêt du Haut-Rhin me disait que lors du passage des bibliobus (qu’elle gère), les gens entrent plus facilement dans cette bibliothèque sur roues. Le bus est sur la place du village, on entre « pour voir »  après avoir fait son marché…

Si vous avez vu le film, vous souvenez-vous de la façon dont Gérard Depardieu s’éveille à la lecture ? Vous souvenez-vous de l’extrême délicatesse de Gisèle Casadesus, en face d’un quasi-analphabète ? J’ai vu le film avant de lire le livre de Marie-Sabine Roger, adapté au cinéma par Jean Becker. D’habitude on fait le contraire… Mais l’émotion était intacte. Voici enfin la quatrième de couverture :

« Le goût de la lecture  est une histoire intime que les lecteurs aiment partager, un plaisir solitaire qui très vite devient un festin de papier. C’est une vieille histoire  entre soi et les livres. Le goût de la lecture est souvent un bonheur d’enfance  qui vous éclaire toute une vie. Il est parfois le fruit d’une éducation ou de voisinage familier d’une bibliothèque. Mais il en est de la passion des livres comme de toutes les passions : les coups de foudre et les coups du hasard très souvent s’en mêlent… Parmi tous ces lecteurs fous de livres, il y a bien sûr les écrivains. Consommateurs boulimiques de papier imprimé, ils évoquent volontiers la naissance de cette passion de lire qui est la source de leur écriture. Promenade en compagnie de Jean-Jacques Rousseau, Elias Canetti, Montaigne, J.M. Le Clézio, Henri Miller, John Ruskin, Alberto Manguel, Jorge Semprun, Daniel Pennac, Marcel Proust, Michèle Lesbre, Nathalie Sarraute, Pascal Quignard, Georges Perec et bien d’autres ». Textes choisis et présentés par Michèle Gazier. 106 pages, format 10 x 16, comme la taille d’un carte d’invitation… à la lecture !

P.-S. : Je ne serai jamais assez reconnaissant envers Jean Pastureau, mon prof de français de classe de première qui a déclenché en moi une soif inextinguible de lecture .   Gérard Cénec