1 avis sur écrit est souhaité par Henriette Delascazes
Ce texte fait parti d’un chapitre d’un livre en cours d’écriture.
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Il s’esquiva en douce
Blanc, bleu, bleu, blanc, presque gris, le ciel est couvert de cumulus poussés par le vent.
Rose est le sable maquillé par la ligne bleue de la mer. Au loin, très loin se devine la vie des immeubles grouillants et des bruits de rires et de vie. Kevin et Marjorie ont amené Léonce, leur grand-père à Banyuls.
Léonce n’est pas habitué à voir cette mer mouvante. Il est si peu sorti de son village.
Seul sur la plage, il suit à petits pas le long serpent dessiné par un enfant sur la grève. Il longe chaque méandre et chacun le ramène à sa vie d’avant.
Au temps, quels temps ? Celui où il était jeune, celui où Marthe était encore là pour l’aider à parcourir ce chemin difficile. Celui où les enfants étaient encore des enfants, celui où il était jeune amoureux, jeune père !
Il est bien loin ce temps, désormais ses jours sont peuplés de solitude et de désarroi.
Encore un virage, il est à l’école. Il préfère parcourir le chemin à l’envers de sa mémoire : chaque pâté de sable le ramène à un souvenir, une tartine de miel, un jeu dans la cour de récré, puis un coquillage mauve lui évoque un pâté sur la page du cahier d’écolier. Encre violette, patins à roulettes, boules de noël pliées dans du papier de soie. La camionnette du laitier, les parties de pêche avec son père, la cueillette de champignons ou de châtaignes à l’automne.
Léonce murmure seul chacun des moments de sa vie. Il remonte le temps, puis revient à son grand souci.
« Ils veulent se débarrasser de moi ! Les petits ils sont bien gentils, mais je ne resterai pas avec les vieux de leur maison de retraite… d’ailleurs des vieux il n’y en a pas beaucoup, il n’y a que des vieilles et elles sont très vieilles ces vieilles. Je veux retourner chez moi… après tout je suis libre. Oui ! c’est ça, je vais partir sans le leur dire. Je vais prendre le car de Toulouse, et puis celui de Limoux, et puis celui de… C’est loin tout ça. Moi la mer je ne l’aime pas. La mer c’est toujours pareil. il n’y a pas de jolis arbres ici. Je veux revoir ma rivière, mon saule, et aussi le vieil ormeau au fond du jardin. »
Léonce à la nuit tombée, une petite valise à la main s’esquiva en douce, se cachant dans la file d’attente du car pour Toulouse.
© Henriette Delascazes